CHAP 58
CHAPITRE LONG !
BONNE LECTURE :D
Bien malgré lui, Jimmy rentra plus tard qu'il ne l'avait pensé. Un client avait déboulé dans son bureau cinq minutes avant l'heure de fermeture, pour demander, enfin plus exactement pour exiger, un changement de date pour le commencement du chantier prévu chez lui deux jours plus tard. Il s'avérait qu'il devait assister à des obsèques à l'autre bout du pays et il ne pourrait donc pas être présent et cela l'ennuyait profondément. Jimmy avait bien compris que le client tenait absolument à être présent le temps des travaux, afin de s'assurer de leur bon déroulement. En cela, il n'y voyait aucune objection, comprenant parfaitement le besoin de contrôler afin de se rassurer, surtout lorsqu'il était question d'un si gros chantier. Le client transformait complètement son jardin d'un hectare. Mais décaler les travaux pour une raison aussi futile, contrariait au plus au point Jimmy. Le client ne se rendait pas compte à quel point cela allait perturber tout le planning des équipes de Jimmy. Un remaniement dont il se serait bien passer car rien n'était plus casse-tête que d'avoir à jongler entre les emplois du temps de chacun. N'ayant pas réussi à le convaincre de laisser les équipes intervenir comme initialement convenu, le client ne voulant pas laisser sa maison sans alarme le temps de son absence, ni confier la télécommande de l'alarme au bon soin du chef de chantier, Jimmy avait donc dû céder, à son grand désespoir, et avait passé plus d'une heure et demi, la tête plongée dans les plannings afin de réussir l'exploit de contrer ce foutu bouleversement sans qu'aucune des équipes ne se retrouvent une seule journée sans travail.
Cela avait été l'âme en peine qu'il avait prévenu Jenna du malencontreux contretemps imposé par ce client peu amène, mais qu'il ne pouvait absolument pas remettre à sa place, vu la somme complètement scandaleuse du montant de ce chantier.
Jenna lui était apparue bizarre au téléphone. Quelque chose dans sa voix n'était pas comme d'habitude mais il n'avait pas réussi à mettre le doigt dessus. Il ne s'en n'était pourtant pas formalisé, sachant très bien qu'il aurait la réponse à sa question en rentrant chez lui.
Arrivé chez lui, Jimmy posa sa serviette professionnelle sur le sol et jeta la carte de sa voiture ainsi que son pass' dans la soucoupe posée sur le meuble dans l'entrée, celle-là même dans laquelle Donovan avait trouvé l'encart publicitaire du Secret's Club qui avait servie à démasquer Jenna.
Jimmy secoua doucement la tête en se souvenant de la gêne qu'il avait ressentie devant Donovan. Il avait l'impression d'une époque lointaine alors que seulement quelques semaines s'étaient écoulées depuis.
Alors qu'il entrait dans le séjour, il réalisa que la pièce n'était pas éclairée normalement en même temps qu'il vit Jenna suspendue à la barre, le corps en arrière. Éclairée par le jeu de lumière, elle ondulait lentement au rythme d'une musique particulièrement sensuelle qui démarra tout en douceur.
S'appuyant contre le chambranle de la porte, Jimmy se laissa bercer et emporter par la grâce de Jenna, oubliant complètement ses déboires du travail. Il la regarda longtemps, détaillant chaque parcelle de son corps partiellement dénudée. Elle portait la tenue que Victoria lui avait dégottée pour la soirée dans la boite de striptease, la seule dans le genre qu'elle possédait d'ailleurs.
— Que me vaut cet accueil ? demanda Jimmy, un sourire en coin et le regard particulièrement intéressé.
Jenna descendit de la barre et se mouva jusqu'à lui avec grâce, mais aussi avec détermination.
— Il me semble que c'est le traitement que l'on réserve à nos gagnants du soir. Et ce soir, tu es LE gagnant, donc...
Elle lui prit la main et l'entraîna avec elle. Elle le fit asseoir sur la banquette et lui tendit un verre de whisky déjà préparé.
— Je m'appelle Lou, lui dit-elle tout sourire, et je suis là pour te faire passer une soirée inoubliable.
Elle rejoignit la barre sur laquelle elle grimpa, et tout en faisant une pirouette, elle ajouta la tête en bas.
— Donc profite du spectacle, cher généreux client.
Et elle se lança dans des acrobaties toutes plus sensuelles les unes que les autres, laissant un Jimmy complètement ébahit et sans voix.
Jenna mettait en pratique ce que lui avait conseillé Georges le matin même, qui était de reprendre sa vie avant cette maudite soirée ; avant que tout ce pourquoi elle avait œuvré ne soit pulvérisé par Lewis et ses sbires ; avant qu'elle-même ne soit brisée par eux... Et elle y mit tout son cœur, toute sa volonté car elle voulait vraiment réussir à les évincer de son esprit, de ses pensées. Elle se concentra sur les mouvements qu'elle effectuait toujours à la perfection malgré les quelques semaines pendant lesquelles elle ne s'était pas entraînée, contrainte qu'elle avait été, au repos forcé. La grande balafre qui lui traversait le dos ne la fit pas souffrir une seule fois, bien qu'elle fût encore un peu douloureuse de temps en temps. Elle se sentait bien, tout allait bien. Elle était confiante parce que dans l'instant, elle évoluait dans un domaine qu'elle maîtrisait toujours à la perfection.
Le plaisir qu'elle y prenait se propageait à Jimmy qui la dévorait littéralement du regard. Il revivait, mais en plus intense, ce qu'il avait déjà ressentit la première fois dans la salle secrète. À la différence près, qu'il n'était pas passé par la case départ. Pas de Secret's Club, pas de public spécifiquement masculin autour de lui, pas de mises scandaleuses sur les danseuses, pas de cris, ni de sifflements... Mais il avait le show rien que pour lui, lui tout seul, et de cela, il se délectait sans états d'âmes.
Elle était magnifique, mi-angélique, mi-démon. Elle proposait à Jimmy toute une panoplie de mouvements extrêmement suggestifs qui ne prêtaient pas à confusion. Elle n'était pas là pour plaisanter. Il le comprit quand elle planta son regard aguicheur dans le sien. Dans l'instant, il fut propulsé dans la chambre secrète, là où tout avait commencé pour eux. Ce n'était clairement pas Jenna qui se cambrait le long de la barre, non. La personne qui se produisait devant lui était une professionnelle de la nuit, agissant dans un but bien précis, celui de lui faire perdre toute notion de l'espace-temps, afin de lui faire cracher un maximum d'argent. En tout cas, elle faisait comme si...
Après un certain temps, Jenna lâcha la barre pour s'approcher gracieusement de Jimmy. Elle lui prit le verre qu'il tenait toujours dans ses mains et en bu une gorgée. Elle le posa ensuite sur la table basse.
— Es-tu à ton aise ? lui demanda-t-elle en passant son index sur ses lèvres.
— Très, répondit-il le regard brillant d'envie.
— Ah bon ? Tu donnes plutôt l'impression de ne pas être parfaitement détendu.
Elle lui fit un sourire charmeur qui le fit complètement fondre.
— On va arranger ça, ajouta-t-elle avec un brin de malice.
Elle s'agenouilla entre les jambes de Jimmy et de ses doigts délicats, elle défit son nœud de cravate. Elle ne se pressait pas, elle s'appliquait même. Elle retira la cravate qu'elle posa négligemment près d'eux avant de s'attaquer à la chemise. Jimmy, bien qu'il la laissait faire et qu'il appréciait la situation, s'interrogeait sur ce changement de comportement.
— Tu peux m'expliquer ce qui a bien pu se passer entre le moment où je t'ai laissé chez mes parents et maintenant ?
Tout en continuant à déboutonner la chemise, elle lui répondit d'un air étrangement calme :
— Il s'est rien passé entre ce midi et maintenant. Tes parents ont été adorables avec moi et ta mère m'a ramenée pas longtemps après que tu sois parti à ton travail.
Il la détailla du regard, essayant de la percer à jour. Mais il fit chou blanc car pas une seule fois elle ne leva les yeux vers lui, évitant ainsi de se trahir.
— Alors, pourquoi tout ça ? insista-t-il.
— Parce que quelqu'un m'a fait réaliser l'importance de pouvoir décider soi-même de la direction que doit prendre sa vie.
— C'est une personne aux conseils bien avisés. Je ne peux qu'approuver, attesta Jimmy un brin suspicieux quant à l'identité de la dite personne.
Jenna acquiesça d'un signe de tête. Ayant fini de déboutonner la chemise, elle en écarta les pans pour laisser apparaître le torse de Jimmy. Elle y posa doucement ses mains, avec hésitation même, sembla-t-il à Jimmy, et elle parcourut tout en douceur sa peau. Elle les regarda avec une attention particulière se promener, comme si elles erraient sans but précis.
— Il m'a aussi suggéré un chemin à prendre...
Tout en parlant, elle suivait des yeux les lignes imaginaires que traçaient ses doigts sur la poitrine nue de Jimmy.
— ... et j'ai très envie de le prendre.
— Qu'est-ce qui t'en empêche ?
Il ne comprenait pas vraiment où elle voulait en venir. Ou plus exactement, à chaque fois qu'il pensait la comprendre, elle dérivait ailleurs, le laissant dans le flou le plus total.
— Il m'a dit que je n'y arriverais pas seule...
Elle planta alors ses yeux résolus dans les siens, retira la main de son torse pour la poser sur sa joue.
— Est-ce que tu veux bien m'aider à le prendre ?
Elle avait perdu tout à coup de son assurance. Elle était comme suspendue aux lèvres de Jimmy, attendant avec une certaine appréhension sa réponse. Que deviendrait-elle s'il refusait de l'accompagner et de l'épauler dans son combat pour une liberté totale et entière de son corps et de son esprit ? Elle dépérirait, sans aucun doute. Elle n'aurait pas la force de vivre avec ces satanées pensées qui lui pourrissaient chaque seconde, chaque instant de son existence. Non, elle ne pourrait pas survivre à ça !
Il lui prit doucement le menton pour l'obliger à le regarder.
— Dis-moi comment, Lou ?
L'intensité qui se dégagea alors de son regard, lui fit chavirer le cœur. Elle était tellement bouleversante qu'il n'arrivait pas à réaliser que ce qu'il attendait depuis quelques semaines était sur le point de se produire.
— Dis-le ! insista-t-il comme si il y avait urgence, comme si sa vie en dépendait.
— Prends-moi... s'il te plaît.
Il lui fallut quelques secondes pour assimiler les mots sortis tout droit de la bouche de Jenna. Cette demande lui paraissait tellement improbable il y avait encore si peu de temps, qu'il avait du mal à y croire.
Il prit la main toujours posée sur sa joue, l'embrassa et ne la lâcha pas alors qu'il se levait. Jenna suivit le mouvement en se redressant, elle aussi. Elle ne l'avait pas quitté des yeux pendant tout ce temps qui lui paru durée une éternité. Mais la réponse tant attendue arriva finalement. Jimmy se pencha vers elle et s'approcha de son oreille.
— Demande-le moi encore ! lui murmura-t-il d'un ton ferme.
— Emmène-moi "ailleurs qu'ici", encore une fois.
Elle leva un regard craintif sur lui, appréhendant sa réaction. Pourquoi en cet instant avait-elle peur à ce point ? Tout simplement parce qu'elle se trouvait dans la position qu'elle fuyait depuis un certain temps. Elle était arrivée à ce cap fatidique, qui déterminerait à lui seul, la direction que prendrait le couple qu'ils formaient avec Jimmy. Si elle arrivait à le franchir, elle gagnerait son premier combat contre ceux qui l'avaient tant malmenée. Mais si elle flanchait, cela voudrait dire qu'ils auraient gagné sur toute la ligne, et que par conséquent, la seule solution qui lui resterait, serait de se séparer de Jimmy, dans le seul but qu'il puisse reprendre le cours de sa vie, sans elle et sans tous les problèmes qu'elle pouvait lui apporter. Alors oui, elle avait très peur. Mais elle avait aussi une totale confiance en lui et elle espérait que cela suffirait à sortir victorieuse des méandres néfastes de ses pensées.
Jimmy était hésitant quand à l'attitude à adopter. Devait-il être celui qu'il avait été au Secret's Club, ou plutôt celui qu'il était réellement ? Qu'attendait-elle précisément ? Puis tout à coup il sut, quand il se rappela les paroles qu'elle avait dites un peu plus tôt. Elle s'était présentée comme celle qui lui ferait passer une agréable soirée. Ils se trouvaient dans la chambre secrète. Elle était Lou, et lui, le gagnant du soir ! Elle le ramenait en arrière, au tout début de leur relation, quand elle n'était pas encore détruite par Lewis et sa clique, quand elle avait encore un peu de rêves en elle, et d'espoir... Elle suivait à la lettre les conseils que son grand-père (il n'avait aucun doute quant à l'identité de la mystérieuse personne qui avait guidé Jenna) lui avait prodigué plus tôt dans la journée.
Il la souleva pour la plaquer contre le mur, entre la télévision et la barre de pôle danse. Il s'appliqua à reproduire à l'exactitude leur première fois, dans la chambre secrète. Il se souvint qu'à ce moment là, elle était déjà nue. Alors il la posa et entreprit de la déshabiller mais avec délicatesse. Tout en lui embrassant le cou, l'épaule, il fit glisser la bretelle de son petit haut, puis recommença sur l'autre épaule. Il ne voulait pas la brusquer et il restait très attentif à ses réactions afin de tout stopper si cela s'avérait nécessaire.
Jenna se laissait faire, plus par appréhension que parce qu'elle n'appréciait pas. C'était même tout le contraire. Son corps s'éveillait doucement et suivait le rythme que Jimmy lui imposait. À ce moment là, elle était sereine, en accord avec elle-même et avec ce qu'elle ressentait. Bien que dans un coin de sa tête, le spectre "Lewis" trônait toujours, elle ne se laissait pas envahir par des émotions néfastes, comme à chaque fois qu'elle vivait cette situation. Le combat contre Lewis avait débuté dès lors qu'elle avait accueilli le gagnant du soir, (Jimmy rentrant de sa journée de travail), et qu'elle l'avait entraîné avec elle dans la chambre secrète pour lui faire le show privé qui lui était réservé (le salon avec la barre de pôle danse faisant parfaitement l'affaire). Le but était de l'évincer complètement de ses pensées. Georges préconisait de nouveaux souvenirs pour supplanter ceux horribles, qu'ils avaient laissés. Pour se faire, il suffisait d'en fabriquer car pour qu'un souvenir demeure, il fallait logiquement l'avoir vécu. Et c'était ce qu'elle s'apprêtait à réaliser. Se faire marquer au fer par Jimmy. Qu'il laisse une trace indélébile sur son corps complètement meurtri.
Alors qu'il la délestait de son haut, qu'il recouvrait chaque parcelle de sa peau de baisers, elle se laissa guider au plaisir par les caresses du seul homme ayant le pouvoir de l'emmener ailleurs que là où elle se trouvait physiquement.
— Ça va ? lui demanda Jimmy dans un murmure, sans pour autant arrêter ses baisers et ses caresses.
Elle ne répondit pas, mais ferma les yeux pour ne pas rompre la connexion qui s'était installée entre eux deux. Le soupir qui s'échappa de ses lèvres rassura Jimmy sur son état d'esprit. Pour l'instant, elle supportait.
Il s'agenouilla pour faire glisser le long des jambes de Jenna, le minishort, seul vêtement qui lui restait encore, mais comme dans la chambre secrète, il lui laissa les chaussures à talons. Ne pas dévier du schéma qu'elle lui avait imposé, surtout pas ! Ce serait risquer de tout foutre en l'air, il en avait pleinement conscience. Toujours comme dans la chambre secrète, une fois son pantalon en bas des jambes, il se positionna, prêt à agir, attendant un signe de la part de Jenna qui lui donnerait l'autorisation de poursuivre.
Elle ouvrit les yeux, le fixa intensément tellement le moment était crucial, aussi bien pour elle que pour lui. Son cœur accéléra subitement, tout comme sa respiration. La panique arrivait et bientôt les souvenirs horribles qui l'accompagnaient seraient là eux aussi.
"Calme-toi Jenna", pensa-t-elle en refermant fort les yeux. Elle mit toute son énergie à se concentrer afin de chasser de son esprit toutes les images, souvenirs, voix, rires mauvais qui à coup sûr, lui gâcheraient ce moment ô combien important pour la suite de sa vie.
Jimmy la sentit subitement se raidir. Elle s'accrochait à lui avec tellement de force, qu'il en fut dérouté un court instant. De sa main, il lui releva le menton et fermement lui dit :
— Reprends-toi, respire doucement !
Jenna l'écouta et ralentit sa respiration. Les larmes commençaient à couler le long de ses joues mais cela ne détourna pas Jimmy du but qu'il s'était fixé. Mettre fin au blocage de Jenna, une bonne fois pour toute !
— Détends-toi, je vais y aller doucement. Je ne vais pas te faire mal, c'est promis, d'accord ?
Elle opina de la tête, sans pour autant relâcher la pression de ses bras autour du cou de Jimmy.
D'un coup sec, il la remonta puis la plaqua contre le mur afin qu'elle cesse de s'accrocher à lui. Quand elle parut moins paniquée et sa respiration ralentie, il la pénétra, très doucement. Jenna eut l'impression d'hurler alors qu'elle n'avait que gémi. Bien qu'elle chassait avec détermination les images de Lewis, toujours elles revenaient, la malmenant avec acharnement. Elle fut soudain prise de cette peur panique qui l'envahissait comme à chaque fois, mais c'était trop tard, Jimmy était déjà en elle ! Il gommait lentement mais sûrement les dommages que Lewis et ses sbires avaient causés. Il tentait de la réparer, il fallait absolument qu'il y parvienne.
— Ils sont là, le prévint-elle avec empressement.
— Je sais. Regarde-moi, ne me lâche pas du regard, la somma-t-il fermement.
Elle obéit et s'accrocha à son regard comme elle l'aurait fait avec une bouée en pleine mer pour ne pas se noyer. Contrairement à la chambre secrète, elle ne dirigea pas. Elle en était absolument incapable car elle était perdue par ses émotions et elle avait bien trop à faire à surveiller les réactions de son propre corps. Elle se laissa guider par Jimmy, mais aussi bercer par le rythme de ses assauts. Puis, au bout d'un certain temps, elle se rendit compte que tout se passait bien. Elle n'était plus en panique, bien au contraire, elle se sentait détendue, à l'abri dans des bras forts et puissants, qui la portaient, la soutenaient et la protégeaient des mauvaises choses en la maintenant éloignée d'elles.
Si Lewis n'avait pas complètement disparu de son esprit, pour autant, elle ne le voyait plus. Elle n'entendait plus son rire sadique qui se propageait à répétition dans sa tête. Elle ne sentait plus ses grosses mains horribles salir son corps. Non, il n'était plus là, il ne restait que son nom. Alors, les yeux toujours humides, elle put enfin sourire à Jimmy. Puis, il se pencha sur elle, posa sa bouche dans le creux de son cou et il poussa un grognement libérateur de bonheur.
Ils restèrent un long moment dans la même position, ni l'un, ni l'autre n'osant bouger de peur de rompre cet instant solennel et victorieux. Ils avaient réussi. Ils avaient gagné !
À contre cœur, Jimmy reposa Jenna sur le sol.
— Si t'es partante pour un deuxième round, ça me va ! lui chuchota-t-il à l'oreille. Laisse-moi juste reprendre mon souffle deux minutes...
Il se dirigea vers la salle de bain du rez-de-chaussée et revint vêtu d'un peignoir qu'il n'avait pas pris la peine d'attacher. Il voulut tendre à Jenna celui qu'il lui avait apporté, mais il dut d'abord attendre qu'elle en finisse avec le verre de whisky qu'elle avait pris sur la table basse. L'attente ne fut pas longue, vu qu'elle le siffla.
— Ça va ? s'inquièta-t-il.
Surprise, elle se retourna un peu précipitamment et perdit légèrement l'équilibre.
— Oui, je fête ma victoire ! lui dit-elle radieuse.
— Si tu avais été moins pressée, je t'aurais accompagné, lui glissa-t-il sur un ton de reproche, sans toutefois lui en vouloir vraiment.
— Oh, mais j'y compte bien, parce qu'on a aussi NOTRE victoire à fêter.
Et elle lui tendit le verre afin qu'il le remplisse à nouveau, en échange, elle prit le peignoir qu'elle enfila, se sentant tout de suite plus à l'aise.
Ils trinquèrent à leur victoire. Dans un geste qu'ils voulurent solennel, ils croisèrent le bras qui tenait leurs verres et les vidèrent d'une traite.
— Encore ! lança Jenna enjouée et déterminée quand elle eut fini.
— Je crois pas, non !
— T'es sérieux ?
Il l'était. Il lui prit son verre des mains, et alla le poser dans l'évier.
— On va d'abord dîner, et après on verra.
— T'es pas drôle, soupira Jenna dépitée. En plus j'ai pas faim...
— Il faudra quand même que tu manges si tu veux boire un DERNIER coup.
Jenna capitula. Elle n'avait pas envie d'entrer dans un conflit alors qu'elle planait sur un petit nuage. Elle voulait savourer l'instant présent, près de lui, mais surtout très loin de ses mauvais souvenirs...
Elle se tourna et entama une série de pas de danse qui l'entraîna jusqu'à la banquette sur laquelle elle se jeta sans aucune grâce.
— Quand je pense que l'alcool n'a même pas encore agit, souffla Jimmy. Dans quel état tu vas être tout à l'heure ?
— Refaite, je serais refaite ! réagit-elle en éclatant de rire.
— Plutôt défaite que tu seras. Enfin on verra bien. Pizza, ça te dit ?
— Ouiii !!!
...
Jimmy était installé devant la télévision. Jenna, allongée près de lui, la tête posée sur ses cuisses dormait depuis une bonne demi-heure, le troisième verre ayant eut raison d'elle. Il lui caressait les cheveux, sans s'en rendre compte vraiment, son esprit était parti ailleurs. Il repensait à ce qui venait de se passer, à comment cela s'était passé... Il ne s'y était pas attendu. Il n'avait pas vu venir ce dénouement de soirée. Comment l'aurait-il pu, sans aucun signal pour lui mettre la puce à l'oreille ? Elle avait préparé son coup dans son dos, en une après-midi seulement. Il devait bien admettre que la surprise était parfaitement réussie. Jenna, quand elle grimpait sur la barre, elle rayonnait tellement de vie, de bonheur, qu'il ne pourrait jamais regretter d'en avoir fait installée une dans son salon. Il était particulièrement très fier de son idée, surtout qu'il serait le seul à profiter du spectacle qui n'était que pure merveille pour les yeux, à la regarder enchaîner les figures les unes après les autres. C'était un art qu'elle maîtrisait à la perfection. Plus aucun homme répugnant ne salivera devant tant de grâce et de beauté. Non, plus jamais elle ne serait la gâterie pour aucun d'eux. Elle lui appartenait à lui, il n'y avait rien à ajouter !
Lorsqu'il la souleva pour monter se coucher, elle se réveilla subitement et son visage se figea.
— Ce n'est que moi, la rassura-t-il en la posant doucement sur le sol.
— Je sais. C'était un réflexe.
— Maintenant que tu es debout, tu vas monter toute seule comme une grande. Je suis trop naze pour te porter.
Il s'étira tout en baillant de fatigue. Jenna le regarda amusée, puis elle envisagea le carton vide de pizza, les verres et les couverts restés sur la table basse.
— O.K. Patron ! Voulez-vous que je débarrasse la table avant ?
— S'il vous plaît. Et ne traînez pas, je ne paye pas les heures supplémentaires, sachez-le !
— Bien entendu, monsieur.
Bien qu'elle eut l'air docile, Jimmy surprit un éclair de malice dans son regard et avant qu'il ne puisse réagir, elle avait grimpé les marches quatre à quatre, le laissant planter devant la table basse.
— Et qu'il ne reste pas une miette ! Je ne vis pas dans une porcherie, compris ?! rétorqua-t-elle en lui tirant la langue.
— Ok, on verra ça demain ! L'arroseur arrosé. J'abandonne...
...
Jenna n'avait pas réussi à se rendormir. Elle repassait en boucle dans sa tête, son exploit du jour. Elle avait réussi à passer ce satané cap si infranchissable il y avait encore peu. Elle avait expliqué à Jimmy sa peur d'avoir mal lors de l'acte sexuel or, ce ne fut pas le cas. La panique l'avait pourtant gagnée quand les images de Lewis et son rire sadique avaient envahi son esprit, mais elle avait su les en chasser. Elle n'avait pas pris de plaisir, mais elle s'en fichait. L'important étant de ne pas avoir flanché. Et à bien y réfléchir, elle n'était pas restée insensible aux caresses et aux baisers de Jimmy. Elle se sentit emplie d'une nouvelle confiance, perdue depuis sa terrible agression. Elle retrouvait la saveur du bonheur qu'elle avait commencé à goûter auprès de Jimmy dans la suite de l'hôtel. Pourtant, elle n'était pas dupe. Elle avait pleinement conscience que son combat était loin d'être terminé. La route était encore longue avant d'avoir une vie normale, mais elle serait patiente car si longue qu'elle serait, cela en valait tellement la peine, qu'elle attendrait mille ans s'il le fallait. Heureuse, elle se blottit contre Jimmy et put enfin trouver le sommeil.
Le lendemain matin, Jenna fut réveillée par une main qui lui caressait son épaule dénudée. Elle soupira de plaisir tellement c'était appréciable. Elle ouvrit les yeux et vit Jimmy qui la regardait avec tendresse.
— Salut toi, lui dit-il en souriant.
— Salut.
— Bien dormi ?
Elle fit une moue qui obligea Jimmy à la questionner à nouveau.
— Y'a eu mieux ?
— Oui, mais c'est pas grave. Je m'en fou.
— Si tu le dis. Est-ce que tu veux parler d'hier soir ?
Jenna fit mine de réfléchir avant de lui répondre un "non" ferme. Même s'il parut déçu, elle resta sur sa position. Elle voulait simplement pouvoir y repenser seule et tranquillement. C'était tellement inespéré...
— Plus tard alors, ajouta-t-il compréhensif, sans se départir de son sourire.
Elle opina de la tête en lui souriant à son tour puis elle se redressa et l'emprisonna dans ses bras avec force.
Jimmy la réceptionna en poussant un petit cri de surprise mais fit rapidement de même. Il l'embrassa sur le crâne et ils restèrent ainsi sans bouger pendant quelques minutes, à profiter l'un de l'autre.
— T'es déjà habillé ? constata-t-elle.
— Faut que j'aille au bureau, même si ce matin spécialement, je serais bien resté avec toi. Et puis fallait bien quelqu'un pour nettoyer le bordel qu'on avait laissé en bas hier soir, non ?
— Oh ! Mais faut que je me lève. Moi aussi je dois travailler ce matin ! réagit-elle soudainement, sans relever son sarcasme.
— Tout à fait. Mais panique pas, prends le temps de manger, tu n'es pas encore en retard.
Soulagée, elle prit le plateau sur lequel était disposé le petit déjeuner. Jimmy s'installa près d'elle et ils commencèrent à se restaurer. Puis, tracassé depuis son réveil par quelque chose qui lui trottait en tête, il prit la parole.
— Tu sais, ce que tu as fait hier, tu n'es pas obligée de le refaire tous les soirs. Enfin je veux dire que ce n'est pas une obligation. La barre, elle est là pour toi, plus que pour moi.
— D'accord.
— Je voulais que ce soit clair entre nous.
— Ok, dit-elle en enfournant franchement un bon morceau de croissant.
— Mais j'ai apprécié, beaucoup. N'en doute pas.
Le sourire qui s'inscrivit sur son visage et ses yeux qui brillèrent de joie, le firent carrément craquer. Elle était tellement touchante dans sa spontanéité, que ça lui déclenchait des envies complètement folles afin de la gâter. Il n'y avait rien dans sa vie actuelle qui ne pouvait autant le satisfaire que de la voir enfin sourire.
— J'ai apprécié de le faire, toi aussi n'en doute pas !
— Ok !
Jimmy l'embrassa. Jenna y répondit avec tellement d'empressement que le plateau du petit déjeuner fut débarrassé du lit pour être posé sans ménagement sur le sol. Les intentions de Jenna ne prêtèrent pas à confusion, l'heure du deuxième round avait sonné et ce fut elle qui lança les hostilités, pour le plus grand bonheur de Jimmy.
Petit à petit, ils retrouvaient leurs marques, ils se réhabituaient intimement. C'était comme une redécouverte de l'autre, s'apprivoiser à nouveau. Ils avaient cette chance là d'avoir le droit à un nouveau départ, et ni l'un, ni l'autre, ne comptait passer son tour.
...
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