CHAP 56
Retourner chez les Laroche après tout ce temps, tous ces évènements, ne fut pas si simple pour Jenna. Elle s'en rendit compte lorsqu'elle passa le portillon avec Jimmy. Son cœur se mit à battre plus fort et plus vite, ses mains devinrent moites, quant à sa bouche, elle devint sèche. Il était tôt, il faisait encore nuit. Jenna avait convenu avec Georges qu'elle commencerait à huit heures, ce qui permettait à Jimmy de la déposer avant que lui-même ne parte travailler.
Elle n'était jamais venue chez les Laroche à une heure si matinale et la sensation de pénétrer dans leur intimité la dérangea. Cela lui fit une drôle d'impression. À contrario, Jimmy n'était pour le moins du monde perturbé par la présence de Jenna. Il lui tenait la main d'une part, parce qu'il l'avait sentie sur la réserve, et d'autre part, parce qu'il pouvait enfin revendiquer le fait qu'il était en couple et que c'était avec une des plus belles créatures que la terre portait en son sein, en tout cas de son point de vue.
Jenna constata qu'il ne se dirigeait pas vers la porte de service, comme elle et Rosa, mais vers la double porte qui était l'entrée principale. Elle le suivit, se gardant bien d'en faire la remarque. Il entra, sans les signaler, mais était-ce si surprenant d'entrer chez ses parents de la sorte ? Jenna, pour n'avoir jamais été confrontée à cette situation, n'en savait rien. Elle se contenta de suivre le mouvement. Il la débarrassa de sa veste qu'il suspendit au portemanteau dans l'entrée, là où il avait déjà mis la sienne puis il l'emmena vers la cuisine.
— On va se prendre un café, ça va nous réchauffer, décida-t-il sans la concerter, ce qui la fit sourire.
Elle regardait Jimmy vaquer à la préparation du café. Il ouvrit un placard pour sortir deux tasses qu'il posa à l'emplacement prévu de la machine à expresso, ensuite un tiroir duquel il sortit deux petites cuillères à café, il prit la boite à sucre qui était sur le plan de travail... Amusée, elle pensait que ce n'était pas si différent de l'appartement finalement. Il était aussi ici chez lui.
— Alors, s'adressa-t-il à elle pendant que le café coulait dans les tasses, t'es d'attaque pour ta première journée de travail ?
— Oui, je pense.
— Ça va bien se passer, tu connais déjà les lieux.
Il prit les deux tasses qui étaient fin prêtes à la dégustation, les posa sur la table de la cuisine et vint s'asseoir à ses côtés.
— J'ai quand même peur que ce soit différent d'avant, lui confia Jenna.
— Dans quel sens ?
— Avant d'être découverte, j'étais bien aimée ici, maintenant, je ne sais pas...
— En ce qui concerne Georges, tu n'as aucun souci à te faire. Pareil pour Rosa. Je ne pense pas que ma mère ait changé d'avis sur toi, quant à mon père... Peut-être qu'avec lui ce sera différent. Oui, sûrement même.
Jenna pâlit d'un coup.
— Tu... tu crois qu'il me déteste ? hasarda-t-elle inquiète.
— C'est probable. Il faut bien un grand méchant loup quelque part. Chez nous, c'est mon père.
Elle le regarda approcher la tasse de ses lèvres, puis alors que celle-ci cachait en partie ces dernières, Jenna surprit un sourire en coin de Jimmy.
— C'est pas vrai, tu te fous de moi ! comprit-t-elle subitement.
Jimmy ne put s'empêcher d'éclater de rire, tant elle avait bu ses paroles avec facilité. Une fois la tasse reposée sur la table, il s'empressa de la prendre dans ses bras pour la rassurer.
— Je plaisante. Tout le monde est content que tu reprennes du service, surtout un en particulier. Pas besoin de te dire qui, ajouta-t-il en lui déposant un baiser sur le front.
— Je suis contente aussi. Georges m'a manqué.
— Et c'est réciproque. Crois-moi, tu lui as énormément manqué aussi.
Elle sourit à ses paroles car elles lui firent un bien fou. Tous ses doutes, ses appréhensions s'envolèrent d'un coup. Elle allait revoir Georges et sûrement d'autres membres de la famille Laroche, et tout se passerait bien. Elle n'en doutait plus, maintenant. Rassurée par les paroles de Jimmy, elle sentit la pression se relâcher.
— Il faut vraiment que j'y aille, dit celui-ci en regardant l'heure sur l'écran de son portable. Je peux te laisser ?
Jenna acquiesça énergiquement d'un signe de la tête. Jimmy avala d'une traite ce qu'il restait dans sa tasse, se leva pour la poser dans l'évier et se dirigea ensuite vers Jenna afin de la serrer une dernière fois dans ses bras.
— Viens par là, dit-il en lui tendant les bras.
Elle se leva et se précipita vers lui.
— Tu viens me chercher à quelle heure ?
Elle lui avait posé la question comme s'il ne pouvait en être autrement, comme si la possibilité que son père ou sa mère puissent eux même la ramener, n'était absolument pas envisageable. Cela l'aurait pourtant bien arrangé, mais il ne pouvait tout simplement rien lui refuser.
— Entre midi et midi trente. Ça va pas te faire trop long ?
— Si, mais je vais faire avec.
— Attention, tu ne travailles pas jusqu'à midi ! Ton temps de travail est de trois heures. À onze heures, tu arrêtes, ok ?
— Oui patron !
Ils s'embrassèrent jusqu'à ce que Jenna stoppe net. Elle recula légèrement son visage de celui de Jimmy en fronçant les sourcils.
— Je peux te demander un service avant que tu ne partes ?
— Évidemment !
— Tu peux juste prévenir Georges de mon arrivée, s'il te plaît. Je ne me vois pas trop le surprendre dans son sommeil...
— Il est matinal, je ne pense pas que tu le surprennes dans son sommeil, pour reprendre tes mots, lui dit-il d'un ton moqueur en lui pinçant la peau au-dessus des hanches à travers son pull.
Jenna poussa un petit cri de surprise tout en faisant un saut sur le côté.
— Moins fort ! Mon père, lui, n'est pas matinal.
— Me pince pas alors ! C'est super sensible à cet endroit, le reprit-elle en feignant d'être offusquée.
Elle n'avait pas fini sa phrase qu'il était déjà parti.
— P'tit con, pesta-t-elle en souriant presque.
Puis, elle s'attela à la vaisselle, histoire de s'occuper tout en laissant l'endroit comme il était avant. Elle était en train de s'essuyer les mains quand Jimmy revint. Il l'attrapa par le bras et la tira à sa suite.
— Jimmy, souffla Jenna, t'as pas besoin d'user de ta force pour que je te suive.
Mais pester encore contre lui ne servit pas à grand-chose. Il la traîna jusqu'à la salle de sport, devant laquelle il s'arrêta.
— Regarde, l'invita Jimmy. Tu ne le réveilleras pas, il se trouve que c'est déjà fait.
Intriguée par son attitude mais aussi par le bruit familier qu'elle entendait à l'intérieur de la salle, elle avança jusqu'à la porte entrouverte et pencha la tête discrètement. Elle découvrit Georges qui courageusement, avançait un pas après l'autre sur le tapis de course. Sa respiration était forte, irrégulière, mais vaille que vaille, il ne ralentissait pas la cadence pour autant.
— T'as pas peur que son cœur lâche ? Il ne ménage pas ses efforts, ça pourrait être dangereux, il n'est plus tout jeune...
— Il veut rien entendre, il ne nous écoute absolument pas. Mais il n'en fait pas tous les jours, seulement ceux quand il ne sort pas du tout. Comme aujourd'hui, il a décrété que ce serait une journée maison, et crois-moi qu'il va s'y tenir !
Jenna reporta son attention sur Georges qui commençait sérieusement à peiner.
— Il n'a jamais vraiment arrêté depuis le jour où il t'a renvoyé chez toi, tu te rappelles ? Tu avais aussi rencontré mon oncle cette fois-là.
Jenna acquiesça brièvement de la tête. Elle n'aimait pas se remémorer le moment où elle avait été découverte. Ce n'était pas tant le fait d'avoir était percée à jour qu'il l'avait dérangée, mais plutôt l'intérêt soudain pour sa personne par des inconnus, qu'elle n'avait pas compris et qu'elle n'avait pas su comment gérer. Pourquoi elle ? Bien sûr, maintenant elle savait. Jimmy était pour beaucoup dans l'implication de sa famille et pas que lui, le hasard avait une bonne part aussi... Puis tout à coup, elle pensa à quelque chose.
— Comment tu as su qui j'étais ? Tu ne me l'as jamais dit...
Le regard de Jimmy se fit subitement plus intense. Il l'attira à lui avant de lui répondre :
— Sans le savoir, Donovan m'a mis sur la voie. Il est tombé sur l'encart publicitaire du club, et il m'a dit que Myrtille ressemblait beaucoup à une des filles qui posaient. Et il a désigné Lou... Même si je trouvais ça complètement absurde, j'ai vérifié...
— Comment tu as vérifié ?
— Je savais que tu travaillais chez mes parents l'après-midi, je suis donc venu voir qui sortait de chez eux, et je t'ai vu à l'arrêt de bus. Voilà, tu sais tout.
Elle n'osait imaginer ce qu'il avait dû penser d'elle quand il avait découvert la vérité.
— Je t'ai sûrement sacrément déçu...
— Non, je n'étais pas déçu, mais clairement, je ne comprenais pas. Je ne voyais pas pourquoi tu te mettais autant en danger.
Elle posa la tête contre le torse de Jimmy.
— Maintenant je me rends compte que mon idée était tout sauf bonne. Je me suis mise en danger tellement de fois...
Il l'entoura de ses bras puissants et rassurants.
— Oui, tu as eu beaucoup de chance, c'est certain.
— La seule chance que j'ai eue, c'est celle de vous avoir rencontrés.
Elle le serra un peu plus contre elle, comme pour s'assurer que tout était bien réel, qu'il n'allait pas disparaître dans un nuage de fumée.
— Il faut que j'y aille, Jenna. Je dois aller au bureau.
— Je sais.
Elle finit par le lâcher, bien à contre cœur, et elle lui sourit tendrement.
— Vivement ce soir, lui dit-elle un sourire en coin un rien mystérieux.
Puis elle lui tourna le dos et entra dans la salle de sport. Il la suivit des yeux, et la regarda aller à la rencontre de son grand-père. Au sourire de celui-ci quand il vit Jenna s'approcher de lui, il ne put s'empêcher de penser que ces deux là faisaient bien la paire. Ils s'étaient bien trouvés.
C'est sur cette image que Jimmy les quitta. Il se rendit à son travail, l'âme en paix. Rien de mal ne pourrait lui arriver à la résidence. Elle était en sécurité, il n'avait pas à s'en faire. C'était tellement agréable que de pouvoir envisager la journée à venir sans avoir à s'inquiéter de quoi que ce soit. Sans s'imaginer que le pire allait forcément finir par arriver. Le pire, c'était derrière eux qu'il était. Et il y resterait, pour toujours. "Ailleurs qu'ici" n'existait tout simplement plus. Ici, là tout de suite maintenant, voilà ce qui comptait réellement. Rien d'autre n'était plus important que le temps présent.
...
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