CHAP 52


Elle fit avec lui le tour du propriétaire et s'extasia devant chaque nouveauté. Il n'y avait pas à dire, chez les Laroche, tout était magnifique, et pouvoir en profiter, avec le plus beau et le plus attentionné des hommes était pour elle, une fois de plus, complètement surréaliste.

Ils s'avancèrent de quelques pas dans la chambre, qui elle aussi était d'une splendeur à couper le souffle. Dans des tons blancs et parme, avec par endroit quelques touches de noire, un lit surdimensionné recouvert d'une parure de draps gris clairs, et dont la couette avait l'air si moelleuse qu'elle donnait envie de sauter dessus. Jenna ne réfléchit pas plus et s'autorisa un grain de folie. Elle jeta son sac sur le sol, prit un bref élan et sauta bras en croix sur le lit. Elle s'écrasa comme un sac à patates, un sourire béat aux lèvres. Elle était retournée en enfance pendant un bref instant et cela lui fit un bien fou. Jimmy éclata de rire. Il se débarrassa de son sac qu'il posa près de celui de Jenna et la rejoignit, sans toutefois sauter. Il ne faisait pas le même poids qu'elle, il craignit que le lit ne supporte pas aussi bien sa folie passagère.

S'allongeant près d'elle, il calla sa tête sur ses mains et regarda le plafond l'air pensif. Il se demandait comment il pourrait bien lui redonner le sourire, la rendre heureuse comme elle l'avait été si brièvement en sautant sur le lit, mais de façon plus définitive. Elle était différente de ce qu'il avait connu d'elle au Secret's Club et dans la suite. Il avait bien écouté Victoria lorsqu'elle racontait des passages de leur vie d'avant. Il avait remarqué qu'elle esquivait les moments difficiles pour ne parler que de ceux qui les avaient fait rire. Elle les remisait volontairement au placard et ne comptait pas les ressortir. Jenna agissait pareil et il savait par Gros Pat que Tennessie aussi ne parlait que des bons moments. Il se trouvait dans une impasse, ne sachant plus quoi faire pour l'aider à avancer et cela le minait profondément. Et si elle ne s'en sortait pas ? Si un jour elle n'arrivait plus à relever la tête et qu'elle décidait de lâcher prise, que se passerait-il alors ? Mon dieu, il ne supporterait pas de la perdre...

— À quoi tu penses ?

Jenna se pelotonna contre lui. Il l'entoura de son bras.

— À toi, lui répondit-il honnêtement.

Elle se serra encore plus contre lui parce qu'elle ne savait pas quoi lui répondre et qu'elle était très touchée par sa sincérité.

— Je ne sais pas quoi faire pour t'aider, lui avoua-t-il. J'ai l'impression d'être complètement inutile face à ton mal, d'être inefficace. Je me suis rarement retrouvé dans cette position qui est de ne pas avoir de solution à un problème.

Il la poussa doucement afin de pouvoir se tourner vers elle. Prenant appui sur son bras, il posa la tête dans le creux de sa main. Ainsi installé, la dominant de peu, il posa ses yeux sur elle, la regardant avec une expression très sérieuse.

— Dis moi quoi faire Jenna. Dis moi comment t'aider, parce que là, je suis perdu...

Que pouvait-elle bien lui répondre alors qu'elle ne savait pas elle-même comment combattre ses démons. Elle passa le bout de ses doigts sur la joue de Jimmy, doucement, la frôlant à peine. Des larmes humidifièrent ses yeux. Elle souffrait tellement de ne pas pouvoir lui offrir plus.

— Tu as déjà tant fait. Juste, restes près de moi, je n'ai besoin de rien d'autre...

Il se pencha au-dessus d'elle et l'embrassa tendrement sur le front.

— Si tu as besoin de quoique ce soit, dis le moi.

Elle ferma les yeux pour acquiescer, faisant couler les larmes dans le même temps qui glissèrent le long de ses joues. De son pouce, Jimmy en essuya une.

— Promets le moi.

— Promis.

Il se pencha et posa ses lèvres sur les siennes. Elle répondit à son baiser, elle avait trop besoin de lui. De sa main, il prit son cou pour la sentir plus proche de lui tout en continuant à l'embrasser. Emportés par leur élan, la tension monta d'un cran. Jimmy devint de plus en plus entreprenant. Il espérait qu'elle n'émette pas de refus, mais il n'en était pas certain. Alors pour éviter tout malentendu, il prit les devants :

— Arrête-moi si tu ne supportes pas, ok ? Je n'irai pas là où tu ne veux pas aller, lui dit-il pour la rassurer.

— Je le sais, je m'en souviens, dit-elle en faisant référence à leur première fois dans la chambre secrète.

Il la sentit se détendre. Elle fermait les yeux. Il reprit ses baisers, en descendant le long de son cou que sa main quitta pour devenir une caresse se promenant le long de son corps. Jenna aussi aventura maladroitement ses mains sur le dos de Jimmy, elle essayait de se concentrer sur lui, sur les sensations qu'elle éprouvait, mais un claquement de fouet raisonna subitement dans sa tête, suivit d'un rire particulièrement sadique. Alors elle sursauta quand Jimmy releva légèrement son pull pour y glisser la main. Elle ferma encore plus fort ses yeux afin de chasser les fantômes qui la hantaient toujours et essaya de se focaliser sur lui. Il avait relevé un peu plus son pull et embrassait maintenant son ventre. Elle ouvrit les yeux pour le regarder faire, mais elle ne le vit pas. À la place, elle vit Lewis jetant le fouet derrière lui pour la frapper avec toute la puissance dont il était pourvu, encore et encore. Jenna se redressa brutalement et se débattit en hurlant. Choqué par sa réaction, Jimmy la lâcha et s'éloigna d'elle.

— Jenna, qu'est-ce t'as ?

— Il... il était là, juste devant moi, balbutia-t-elle en pointant son index devant elle où bien sûr, il n'y avait personne. Je l'ai vu. Il m'a frappé, plusieurs fois, et si fort...

Elle recula jusqu'à la tête de lit et se recroquevilla complètement sur elle. Elle pleurait, sanglotait, tenant ses jambes entre ses bras, le regard effrayé qui fixait un point imaginaire.

Jimmy se leva et contourna le lit pour s'asseoir prés d'elle. Il n'osa pas la toucher alors qu'il mourrait d'envie de la prendre dans ses bras tout comme il n'osa pas parler.

— Je deviens folle. ILS me rendent folle. Ils me font voir et entendre des choses qui n'existent pas... plus...

— À quelle fréquence cela t'arrive ?

Jenna parut réfléchir.

— Je sais pas, finit-elle par lâcher.

— La dernière fois que ça t'est arrivé, c'était quand ?

Elle dut faire un effort de concentration pour réfléchir.

— Dans la douche, avec toi. Je les ai vu, ils étaient là, autours de nous, ils riaient méchamment. Et parfois, ils viennent quand je dors aussi. Ils me parlent, me touchent. Ils se moquent de moi, ils me bousculent...

— Pourquoi tu ne m'as rien dit ?

— Je te l'ai dit quand on était dans la douche. Je t'ai dit qu'ils étaient dans ma tête.

— C'est vrai.

Jimmy s'en souvenait parfaitement. Cela lui avait fait un mal de chien que de l'entendre. Même loin d'elle, ils arrivaient encore à l'atteindre, c'était insupportable.

— Jenna, il faut que tu consultes la psy que le docteur Cruz t'a conseillé. Elle seule peut t'aider...

— NON ! hurla-t-elle alors que ses pleurs reprirent de plus belle.

— Pourquoi tu ne veux pas ? Explique-moi, je ne comprends pas.

— Mais parce qu'il faudra que je lui raconte ce qu'ils m'ont fait, et je ne peux pas le raconter, tu comprends ? C'est au-dessus de mes forces. Je préfère mourir que de le raconter, Jimmy. Je ne veux pas en parler, jamais...

— D'accord. On laisse tomber la psy pour l'instant.

Il lui tendit ses bras, et elle s'y réfugia comme si sa vie en dépendait. Il la consola pendant une bonne heure, la berçant, la rassurant, la caressant. Jenna finit par s'endormir profondément. Il la débarrassa de ses chaussures, de son pantalon et de son pull, il la coucha et la recouvrit de la couette. Il soupira quand ce fut terminé.

Il ne savait pas trop quoi penser du comportement qu'elle avait eut. Il n'arrivait pas à évaluer la gravité de son état. Il ne savait pas non plus vers qui se tourner pour en parler, hormis la psy. Il la regarda une dernière fois et soupira d'impuissance avant de la laisser.

Jimmy n'avait pas faim, mais il prépara quand même le repas pour Jenna, au cas où elle se réveillerait et aurait un petit creux. Pendant que cela cuisait, il prit son téléphone et chercha un nom dans ses contacts. Quand il trouva, il appuya sur le téléphone vert de son écran tactile pour lancer l'appel. Après plusieurs tonalités, une voix se fit entendre :

— Bonjour Gilles, comment allez-vous ?

— Oh bonjour monsieur Laroche. Alors vous êtes bien arrivés ?

— Oui, merci. Je voulais vous remercier pour avoir préparé le chalet et pour avoir fait les courses aussi.

— C'est notre travail, monsieur Laroche. Vos amis ont aussi trouvé leurs chalets à leur convenance j'espère ?

— Je vous le dirai demain, je ne les ai pas revus pour l'instant. Mais ils ne sont pas difficiles, je pense que tout leur convient, ne vous en faites pas Gilles.

— Parfait alors. Il ne me reste plus qu'à vous souhaitez un bon séjour, et surtout, s'il vous faut quoique ce soit, n'hésitez surtout pas à nous le demander. Bonne soirée monsieur Laroche.

— Bonne soirée à vous aussi et à votre femme. Je passerai vous voir avant mon départ pour vous rembourser les frais que notre venue vous a occasionné.

— Ce sera avec plaisir que nous vous reverrons, monsieur Laroche. Je vous dis donc à bientôt.

— À bientôt Gilles.

Gilles et son épouse Jeannette, étaient des gens adorables. Un couple comme il en connaissait peu. Ils avaient en charge l'entretien du chalet des Laroche à l'année. Ils étaient bien sûr rémunérés en conséquence et s'acquittaient de cette tâche avec efficacité. Leur honnêteté et leur dévouement ne cessaient d'étonner Jimmy. Qu'il existe sur terre de telles personnes était rare, tellement rare, que les Laroche, afin de ne pas les perdre, les remerciaient très généreusement. Chacun y trouvait son compte, et cela faisait des années que leur entente fonctionnait ainsi.

Il n'avait pas encore posé le téléphone sur la table que l'écran de celui-ci s'alluma.

— Oui Christo, soupira Jimmy.

— On s'est tous concertés, et on a décidés de sortir ce soir, est-ce que ça vous tente aussi ?

Jimmy aurait bien volontiers accepté, ne serait-ce que pour se changer les idées, mais il ne pouvait résolument pas laisser Jenna seule. Pas dans l'état où elle était. Ce fut avec regret qu'il refusa :

— Jenna dort, je suis fatigué aussi, on passe notre tour, désolé.

— Déconnes pas mec, on va bien s'amuser, faut que vous veniez. On rentrera pas tard.

— Merci Christo, on sortira demain soir.

— Ok man, j'insiste pas. Mais demain aucune excuse ne sera tolérée, c'est bien clair ?

— Ça marche, profitez bien et à demain alors.

Il raccrocha, restant le regard dans le vague quelques instants. S'aérer la tête lui aurait fait le plus grand bien. Il essaya de se convaincre que rester au calme n'était finalement pas inutile, au moins il pourra se reposer. Il opta donc pour une soirée télévision. Il eut juste le temps de l'allumer qu'il entendit toquer à la porte d'entrée. Il fut surpris en ouvrant cette dernière de se trouver face à Victoria, convaincu comme il était que c'était Christopher qui revenait à la charge.

— Salut, je te dérange pas ?

— Non, pas du tout. Tu ne sors pas avec les autres ?

— En fait je viens te proposer un échange de place, la mienne contre la tienne. Est-ce que ça te tente ?

— Jenna dort, je préfère rester avec elle. Mais merci pour ta proposition.

— Tu ne vas pas me sortir à moi l'excuse de la fatigue. Parce que pour avoir fait une partie de la route à bavarder avec elle, je sais qu'elle n'était pas fatiguée au point de dormir déjà. Alors dis-moi, qu'est-ce qu'il s'est passé ?

— Elle fait un blocage. Particulièrement quand on... enfin tu vois.

— Oui, lui sourit-elle compatissante. Je vois très bien, pas besoin de faire un dessin.

— Bref, elle panique parce qu'elle croit voir ce fils de pute de Lewis ! cracha-t-il avec véhémence.

— Je vois.

— La seule personne qui pourrait l'aider, c'est un psy, mais elle rejette seulement l'idée...

— C'est normal. Pour nous, un psy c'est synonyme de mort.

— Qu'est-ce que tu veux dire ?

— Qu'on nous a apprit à ne pas parler. Jamais. Tu comprends ?

— Oui, on vous a tellement bien apprit à vous taire qu'elle préfère ruiner sa santé mentale que de se faire soigner.

— C'est ça. On est conditionnées comme ça, c'est un automatisme. On ne peut pas raisonner comme vous. Et puis comme moi, elle a subit Lewis. Sauf qu'avec moi, il a pas eu le temps de finir alors qu'avec elle, il a était au bout de sa folie. Parce que faut être complètement taré pour la mettre inconsciente dans un sac de sport et le trimbaler jusqu'à notre porte, pour finir par le laisser comme on dépose un colis. Heureusement qu'elle n'a rien vu de tout ça...

— De quoi tu parles là ? l'interrompit subitement Jimmy.

Victoria se décomposa en réalisant qu'elle avait trop parlé. Elle qui venait de lui faire tout un speech sur le pourquoi du comment Jenna ne parlait pas ! Mais quelle imbécile elle faisait.

— Tu savais pas ? hasarda-t-elle d'une toute petite voix.

Jimmy était choqué. Personne ne s'était donné la peine de lui préciser ce détail pourtant si important. Ils l'avaient transportée dans un sac de sport !

— PUTAIN ! éructa-t-il.

— Je suis désolée, essaya de se rattraper Victoria. J'ignorais qu'on ne t'avait rien dit.

— Tu sais quoi, finalement ta proposition m'intéresse si elle tient toujours, bien sûr.

— Elle tient toujours. Je vais rester avec Jenna.

— Ok.

Jimmy retourna à l'intérieur chercher sa veste puis sortit sans un mot. Passant devant Victoria, il ne ralentit pas la cadence. Ce ne fut que lorsqu'il arriva en bas des marches qu'il se tourna vers elle et lui lança :

— Appelle-moi si ça va pas, ok ?

— Oui, oui, t'inquiètes pas, le rassura-t-elle. Et toi, ne fais pas de bêtise, promis ?

— Promis acquiesça-t-il. J'ai juste envie de boire un coup.

Elle le regarda s'éloigner et rejoindre Christopher qui l'attendait sur le balcon de son chalet. Elle entra à l'intérieur, s'assura que Jenna n'avait pas été réveillée par l'accès de fureur de Jimmy, puis s'installa devant la télévision toujours en marche.

Elle sortit son portable de la poche de sa veste et prévint Gros Pat par sms de sa maladresse.

"Ok, je vais gérer" lui répondit-il.

Rassurée, elle put se détendre devant un épisode d'une série qu'elle suivait depuis quelques temps maintenant.

...

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