CHAP 45
La journée se passa tranquillement pour Jimmy et Jenna. Personne ne vint les déranger de tout l'après-midi. Pas de visite, ni d'appel téléphonique, rien, le calme plat. Pour la première fois, depuis son arrivée, ils se retrouvaient vraiment seuls en journée, et cette situation paraissait irréelle à Jenna. Combien de fois avait-elle rêvé un moment tel que celui-ci ? Lui, elle et rien ni personne d'autre... Comme dans la suite de l'hôtel, la frayeur de se faire prendre en moins. Cette tranquillité, elle ne s'y faisait pas. Elle ne réalisait pas encore que plus rien ni personne de néfaste, ne viendrait perturber le cours de ses journées.
Elle venait de découvrir une activité passionnante qui l'occupait presque à temps plein. Observer Jimmy vaquer à ses occupations, aller et venir dans l'appartement. Elle le suivait des yeux lorsqu'il marchait ; détaillait son corps lorsqu'il se mouvait près d'elle ; observait ses mimiques lorsqu'il réfléchissait. Elle ne s'en rendait pas compte, mais elle le dévorait inlassablement du regard. Il était terriblement beau et attirant...
— Qu'est ce qu'il y a ? lui demanda ce dernier alors qu'il venait de prendre conscience du regard insistant de Jenna posé sur lui.
— Rien, je plane, lui répondit-elle malicieusement.
— C'est tes médocs qui te font planer ? Parce que je peux voir avec le médecin pour baisser les doses si tu veux ?
— C'est pas les médocs qui me rendent comme ça, lui répondit-elle l'air toujours aussi malicieux.
— Ah ? Et c'est quoi alors ? s'enquit-il en fronçant les sourcils, signe qu'il ne voyait vraiment pas ce qui pouvait bien la rendre comme ça.
Elle se sentit subitement bête. Elle ne pouvait pas lui dire qu'il était la cause de son état, elle n'allait pas faire ça, si ? Non, il ne fallait pas qu'elle dévoile cette partie d'elle, elle n'était pas prête à lui révéler qu'il était la seule chose capable de lui faire oublier, ne serait-ce qu'un seul instant, ce par quoi elle était passée et cela, juste par sa présence...
— D'être ici et plus là-bas. Je ne le réalise pas...
Jimmy arrêta net la tâche qui l'occupait et vint s'asseoir près d'elle sur la banquette.
— J'aimerai que tu me dises où tu en es avec tout ça. T'en sens-tu capable ?
Jenna comprit qu'ils allaient droit vers une discussion très sérieuse, et elle n'était pas certaine de réussir à expliquer ce qu'elle ressentait. Mais elle le savait inquiet de son état et elle voulait le tranquilliser.
— Je vais bien Jimmy, lui dit-elle sur un ton qu'elle voulut rassurant.
— Je voudrais en être sûr...
D'un geste spontané, elle posa la main sur sa joue et la caressa doucement.
— Arrête de t'en faire. Pour rien au monde je ne voudrais être ailleurs qu'ici, d'accord ?
Il appuya doucement la tête sur la main de Jenna et abdiqua. Ce n'était pas encore le moment pour en savoir plus. Elle n'était pas encore prête, il le sentait.
— D'accord, lui répondit-il un brin déçu. Faire du shopping, ça te dit ?
— Quoi, t'es pas sérieux, paniqua-t-elle subitement. Je ne me sens pas du tout capable de sortir maintenant !
Il lui fit un sourire moqueur.
— Tu ne vas même pas avoir à bouger.
Il se leva et quitta la pièce. Elle se rappela alors leur conversation du matin sur les achats en ligne et elle se trouva soudain très bête.
— Internet, évidemment, souffla-t-elle blasée.
Jimmy revint sur ses pas et fit une rapide apparition, juste le temps de lui dire :
— Finalement, installe-toi au bar, on sera mieux.
Et il disparu à nouveau. Avec beaucoup de difficultés, Jenna se leva de la banquette et se traîna en direction du bar en grimaçant à chaque pas qu'elle fit. Quand Jimmy revint chargé de son ordinateur portable, il fut surpris de voir la presque progression de la jeune femme.
— Ben, t'en es que là ? se moqua-t-il gentiment. C'est quand même pas déjà la vieillesse qui te prend ? Remarque, on peut envisager de te commander un déambulateur si tu veux, entre un pantalon et un ensemble de sous-vêtements c'est possible.
Jimmy émit un petit rire, il était fier de sa blague. Jenna, elle, ne bougeait plus. La bouche ouverte, les yeux ronds comme des billes d'étonnement, elle était sans voix.
— Je me pose une question ? ajouta-t-il.
— Laquelle, dit Jenna tout en restant sur ses gardes au vu de son air taquin.
— Admettons qu'on organise une course entre toi et Georges, qui la gagnerait ? Je suis très hésitant...
— Oh mon dieu, Jimmy, t'es pas sérieux quand même ?
Il prit le temps de poser l'ordinateur portable sur le bar, de l'ouvrir puis de l'allumer. Seulement à ce moment là, il se retourna et planta son regard rieur dans celui ahurit de Jenna.
— Bien sûr que non, je plaisantai. Mais honnêtement, ta tête vaut le coup d'œil. Allez, viens par là.
Avec douceur, il la souleva puis l'installa sur un des grands tabourets qui longaient le bar. Après avoir déposé un rapide baiser sur ses lèvres, il lui servit un verre de jus d'abricot.
— Je suis pardonné ?
— Je suis très, très, très rancunière, lui lança-t-elle sans rire.
Il lui fit les yeux doux et elle ne put garder son sérieux plus longtemps.
— Ne croit pas t'en sortir à si bon compte, je trouverai bien un moyen de te rendre la monnaie de ta pièce, tu peux me croire !!!
— Je te crois. Bon passons aux choses sérieuses. Voyons ce qui pourrait convenir à mademoiselle.
Il plaça l'ordinateur en face de Jenna, attrapa un tabouret qu'il positionna juste à côté d'elle et ils commencèrent à surfer sur les sites de vêtements en ligne. Jenna était éblouie par la quantité de vêtements proposés.
— Leur objectif est d'habiller tous les gens de toute la terre entière ? demanda-t-elle après avoir regardé plusieurs pages et constaté qu'il en restait encore beaucoup.
— Certainement, mais pour l'instant ce qui m'intéresse c'est toi. Alors est-ce que quelque chose te plaît ?
— Je sais pas, j'ai oublié ce qu'on a vu avant...
Les sourcils froncés, il la regarda septique.
— Voilà ce que tu vas faire. Dès que tu vois une fringue qui te plait, tu sélectionnes ta taille et tu la mets dans le panier, sinon, on va jamais s'en sortir.
Jenna se tourna vers lui et le regarda interdite.
— Dans le panier ?
— Oui, dans le panier.
Elle regarda sur le sol à sa droite, puis à sa gauche, dans le petit espace qu'il y avait entre eux deux.
— Il est où ton panier ?
Ce fut au tour de Jimmy de la regarder complètement interdit.
Elle soutint son regard un instant avant d'éclater de rire, fière de l'avoir eu à son tour.
— Plus facile et plus rapide que ce que je ne pensais !!! apprécia-t-elle ravie.
Jimmy comprit qu'il s'était fait avoir mais parce que c'était elle, il resta beau joueur.
— Ok, j'avoue, c'était bien vu. Mais profites de ta victoire, elle risque d'être de courte durée, la prévint-il quand même.
— Je savoure, je savoure, répondit-elle fière d'elle.
— Bon, tu veux bien continuer ? la gronda-t-il gentiment.
— Absolument ! dit-elle en se replongeant très sérieusement dans le choix laborieux des vêtements.
Il ne lui fallut pas moins d'une heure pour compléter son panier virtuel. Jimmy entreprit de vérifier qu'elle ne s'était pas trompée dans les tailles ou encore qu'elle n'avait rien oublié d'important, quand tout lui parut en ordre, il s'acquitta de la somme à régler, puis il éteignit l'ordinateur. Satisfait, il se tourna vers Jenna pour la descendre du tabouret mais fut surpris par son visage fermé.
— Qu'est-ce qui ne va pas ?
— Rien, pourquoi ?
— Je sais pas, y'a deux minutes tu souriais, alors que maintenant tu donnes l'impression de faire la tête !?
— C'est rien, ça va passer. Faut juste que je digère.
— Digérer quoi, franchement je ne te suis pas du tout ?
— Le montant de la facture.
Jimmy leva les yeux au ciel.
— C'est pas possible que t'en sois encore là, souffla-t-il blasé. Fais moi plaisir Jenna, oublie le montant, d'accord ?
— Ça y est, j'y pense plus, affirma-t-elle en fermant fort ses yeux et en secouant énergiquement la tête de gauche à droite, comme pour chasser la pensée incriminée.
— Bien, on progresse.
Elle lui tendit les bras, lui signifiant ainsi qu'elle était prête à être descendue du grand tabouret. Jimmy la souleva et l'emmena jusqu'à hauteur de la banquette devant laquelle il la déposa. Mais contre toute attente, elle laissa ses bras autour de son cou.
— Euh, Jenna, tu es arrivée...
— En fait, non. Je préfèrerai que tu me déposes dans ta chambre, lui dit-elle sur un ton langoureux.
— T'es fatiguée ?
— Un peu, j'ai surtout envie d'un big câlin...
Le sourire qu'elle lui adressa le mit en garde instinctivement.
— Tu sais qu'on peut pas ? s'empressa-t-il de lui rappeler.
Mais elle le rassura rapidement :
— Je sais, je veux juste tes bras.
— Ouais, mais là c'est carrément jouer avec le feu, tu sais. Tu viens de me faire participer au choix de tes futurs sous vêtements, et tant bien que mal, j'ai réussi à ne pas atteindre le seuil critique, mais un câlin... Tu veux me faire damner ou quoi ?
— Big câlin, le reprit-elle malicieusement.
Jimmy réfléchit un instant avant de céder, mais sans oublier d'y poser une condition.
— Ok, mais chambre du bas dans ce cas, c'est moins loin et ça m'évitera les marches à grimper.
— Va pour la chambre du bas.
— C'est gentil de me ménager, apprécia-t-il, mais il déchanta vite.
— C'est pas la raison qui m'est venue en premier à l'esprit.
— Ah ? Et quelle est la raison alors ?
— On y sera plus vite rendu !
— Ok, j'abandonne...
Blottis l'un contre l'autre, Jenna respirait le parfum à l'odeur si réconfortante de Jimmy. Puis sans crier gare, sans qu'elle ne puisse rien contrôler, elle lâcha prise subitement. Saisie de sanglots incontrôlables, elle craqua enfin, libérant ainsi le trop plein d'émotions, telles que la peur, la honte, la haine qu'elle avait emmagasinée depuis cette horrible soirée avec Lewis.
— Jenna, oh, Jenna ! Qu'est-ce qu'il y a ? l'interrogea Jimmy paniqué par la brutalité de cette réaction.
Aucun son ne sortit de sa bouche si ce n'était des sortes de râles provenant tout droit du fin fond de son âme meurtrie. Jimmy comprit qu'il ne servirait à rien d'essayer de la faire parler, il se contenta donc de la rassurer en la tenant fermement dans ses bras.
— C'est bien, souffla-t-il en l'encourageant avec toute la gentillesse dont il était capable. Laisse-toi aller, ça ira mieux après... Lâche tout, je suis là, je reste avec toi.
Alors qu'il la soutenait, il maudit du plus profond de son être les ordures qui l'avaient tant abîmée. Aussi bien physiquement que mentalement. Il était complètement révolté à l'idée de les savoir continuer leur vie comme si de rien n'était. Après un temps de réflexion, il la maintint fermement par les épaules et la força à le regarder.
— Jenna, lui dit-il lorsqu'elle posa ses yeux humides et rougis sur lui. Je te promets qu'ils ne s'en sortiront pas comme ça, ils vont payer pour ce qu'ils t'ont fait à toi, mais aussi à Victoria et Nessy, tu m'entends ?
Elle acquiesça d'un tout petit signe de tête, sans pouvoir arrêter les râles incessants qui sortaient de sa gorge.
— Si la justice ne les condamne pas, c'est moi qui leur ferais la peau.
Jenna, qui avait baissé la tête pour la poser contre la poitrine de Jimmy ne put lui répondre à cause des sanglots qui ne diminuaient pas en intensité. De son index, il dirigea son menton vers lui pour attirer à nouveau son attention.
— Écoute-moi s'il te plaît.
Ce fut avec un regard emplit d'une grande douleur ainsi que d'une grande tristesse qu'elle le regarda. Elle posa son doigt sur ses lèvres pour l'inciter à se taire. Alors qu'elle arrivait à grand peine à refreiner ses sanglots, elle réussit cependant à parler :
— Non, Jimmy, tu ne feras rien. C'est la seule promesse que je veux de toi. La seule chose que j'ai besoin d'entendre de ta bouche...
Elle le sentit se raidir et vit son visage se fermer.
— J'ai besoin de toi, reprit-elle avec difficulté. Mais de toi vivant, et non mort. Parce qu'ils n'hésiteront pas à te tuer si tu t'en prends à eux, tu comprends ?
— Mais il n'est absolument pas envisageable que je les laisse...
— NON !!! le coupa-t-elle en élevant la voix et en s'agrippant à son t-shirt. Je veux juste oublier... Je m'en sens capable, avec toi à mes côtés ! Je peux trouver la force de me battre, mais seulement si tu es là...
Il était tellement affecté de la voir dans cet état qu'à regret, il capitula.
— Tu me demandes beaucoup, mais ok, je te promets de ne pas les étriper de mes mains. Mais si tu ne remontes pas la pente, Jenna, rien ne pourra plus me retenir !
— Je remonterai la pente, parce que tout en haut, tu seras là à m'attendre. J'y arriverai Jimmy, je te le promets.
Sans réellement s'en rendre compte, ils venaient de trouver dans l'autre, la raison à laquelle s'accrocher. Ils seraient l'un pour l'autre, le pilier sur lequel s'appuyer. Jimmy la cala tout contre lui et l'embrassa sur le sommet de sa tête.
— Tu veux que je te laisse te reposer ? lui proposa-t-il avec douceur.
— Non, restes avec moi.
— D'accord.
Ils s'allongèrent tous les deux sur le lit qu'ils n'avaient pas défait et s'installèrent confortablement l'un contre l'autre.
...
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