CHAP 42


 — La tête ne vous tourne pas ?

L'infirmière aidait Jenna à se mettre debout pour la première fois depuis qu'elle avait quitté l'hôpital, le matin même.

— Un peu, mais ç'est supportable.

— C'est très bien. Restez un peu comme ça, pour que votre corps s'habitue à nouveau à la position debout. Il faut y aller doucement.

Jimmy regardait avec attention les premiers pas de Jenna dans son appartement. Il l'avait installée dans la chambre du rez-de-chaussée, plus pratique qu'à l'étage, vu qu'elle souffrait encore de ses blessures. Quand elle eut mis le pied à terre, il avait esquissé un geste de soutien, repoussé par l'infirmière. Celle-ci avait froncé les sourcils en signe de désapprobation. Jimmy dû refouler son élan, et au passage, garder pour lui son envie de l'étouffer. Pour qui se prenait-elle pour l'obliger à rester inactif ? Il se contenta donc de l'encourager verbalement.

Pas à pas, Jenna avançait en grimaçant. Pas une seule fois, elle ne se plaignit. Le courage ne lui manquait pas, il était vraiment admiratif de la ténacité de ce petit bout de femme. Elle paraissait pourtant si fragile en cet instant...

L'infirmière l'accompagna jusqu'aux sanitaires, où elle lui laissa un peu d'intimité, puis à la salle de bain pour l'aider à prendre une douche.

Pendant ce temps, Jimmy téléphona à Christopher pour prendre de ses nouvelles. Il ne l'avait pas revu depuis cette horrible nuit, quand ils avaient participé à l'évasion des filles.

— Oui Jim ? dit ce dernier en décrochant.

— Comment tu vas ?

— C'est plutôt à toi de te le demander.

Jimmy soupira.

— Ça va, c'est pas évident, mais ça va.

— Et Jenna, elle ne souffre pas trop ?

— Je pense que si, mais elle ne se plaint pas...

— Tu sais d'où elle vient, elle est malheureusement habituée à ce genre de souffrance, peut-être pas aussi violentes que ce qu'elle vient de subir, mais que ce soit elle ou les autres, elles y ont été confronté plus d'une fois...

— Je sais.

— Prends l'exemple de Victoria, si tu ne connais pas son passé, tu ne peux pas deviner juste en la regardant, ce qu'elle a subi pendant toutes ces années.

— Elle non plus, elle n'en parle pas ?

— Oh non. Elle parle du présent et de l'avenir, jamais du passé. C'est comme si rien ne s'était passé, comme si elle avait fermé la porte derrière elle en quittant le club. Attends-toi à ce que Jenna réagisse de la même façon. Je pense que pour elles, c'est plus facile d'occulter cette partie de leur vie, que de l'affronter...

— Oui, tu as sûrement raison. Et les filles, comment vont-elles ?

— Tennessie passe la plupart de son temps avec Patrick, et Victoria, elle s'occupe comme elle peut. Elle cuisine beaucoup, et très bien entre parenthèses. Sinon, elle rit, elle parle beaucoup de tout et de rien, et putain qu'est-ce qu'elle est bonne !!! lâcha-t-il avec un empressement soudain. Une vrai déesse, c'est une torture de seulement la regarder tellement elle est belle !

— Euh, je t'ai perdu là Christo, non ?

— Pardon, fallait que je le dise...

Jimmy esquissa un sourire.

— Tu changeras jamais, argua-t-il désabusé. Rassures-moi, t'as quand même pas des vues sur elle ?

— Que j'en ai ou pas, qu'est-ce que ça peut faire ? J'ai interdiction de seulement l'envisager.

— Qui t'interdit ?

— Ce cher Alfred. Il m'a très clairement signifié qu'il n'était même pas envisageable un rapprochement entre elle et moi. D'ailleurs, je sais même pas pourquoi il a dit ça. J'ai pas tout suivi...

— Tu ne te vois pas quand tu es en face d'une fille qui te plait, c'est pour ça, avança Jimmy habitué aux agissements de son ami.

— Abuse pas Jim, s'il te plait. À t'entendre, je suis un pervers.

— C'est l'idée.

— Enfin bref, on peut dire qu'elles vont bien vu les circonstances, éluda Christopher préférant ne pas relever la remarque de son ami.

— Tant mieux. Elles méritent vraiment une vie meilleure.

— Elle ne peuvent qu'avoir une vie meilleure maintenant, c'était quand même le but de la manœuvre, non ?

— C'est sûr. Tu viendras à l'appart un de ses quatre, avec tout ça, on ne s'est pas beaucoup vus ses derniers temps, et j'ai quelqu'un à te présenter officiellement.

— Quand tu veux mon pote. Appelle-moi et je débarque, il me tarde d'y être !!!

— On fait comme ça alors. À plus tard Christo.

— Bye Jim.

Le portable toujours en main, Jimmy se perdit dans ses pensées. Il était content de lui, bientôt il présenterait Christopher à Jenna, comme promit à cette dernière. Une présentation dans les formes, en commençant par son meilleur ami. Petit à petit il élargirait le cercle en y incluant les membres de sa famille qu'elle ne connaissait pas encore et Donovan, puis, quand les choses se seront calmées, il y ajouterait les autres personnes proches de son entourage. Ils sortiraient tous les deux, mais aussi entre amis, dans des restaurants, des cinémas, faire les boutiques... Tout ce qu'il faisait habituellement seul, il allait bientôt pouvoir le faire avec elle, et il était pressé que ces moments de partage arrivent. Mais le chemin allait être encore long. Entre la guérison de Jenna et l'hypothétique procès, il faudra attendre longtemps avant qu'il ne puisse espérer avoir une vie normale. Il serait patient, il attendrait. Un pas avait été franchi et pas des moindres. Elle était là, chez lui, enfin, et elle ne craignait plus rien. C'était déjà tellement, tellement énorme !!!

— Je vais vous laisser Monsieur Laroche. Je reviens demain matin vers neuf heures pour les soins.

L'intervention de l'infirmière l'avait fait sursauter.

— Entendu, répondit-il en la raccompagnant. À demain alors, et merci de vous occuper d'elle.

— Je fais mon travail, monsieur Laroche. J'ai l'habitude d'être au contact de ces filles. Ce sont des patientes particulières auxquelles je voue un soin tout particulier. J'aimerai ne plus avoir à m'en occuper, mais je crois que je rêve les yeux ouverts... Que voulez-vous, nous vivons dans un monde de fous, cruel. Heureusement que des médecins comme le docteur Cruz existent ! Sans ça, elles retourneraient toutes d'où elles viennent les malheureuses...

Jimmy acquiesça, complètement d'accord avec elle. Il la salua lorsqu'elle passa le pas de la porte.

—Enfin seuls, soupira-t-il.

Toute la journée avait été un défilé. Le médecin, ses parents, Alfred, ... La pauvre Jenna n'avait pas réussi à se reposer entre toutes ses allées et venues, elle devait être épuisée. Il la rejoignit dans la chambre et s'assit délicatement sur le bord du lit.

— Comment tu te sens ?

— Avoir prit une douche m'a fait un bien fou. Je n'ai jamais autant apprécié me laver les cheveux. Quand j'ai vu leur état dans la glace, j'ai dis à l'infirmière de les décaper en premier. J'ai pas garder le bandage longtemps pourtant, mais ça a suffit pour les rendre super sales...

Puis d'un coup son visage se ferma.

— Mon dieu ! s'écria-t-elle tout d'un coup paniquée. J'ai enlevé le bandage en arrivant ici ce matin, et tes parents sont venus après !

— Oui, et alors, qu'est-ce qui te fait paniquer à ce point ?

— Mais ils m'ont vu avec des cheveux dégueulasses et qui ne ressemblent à rien !!!

Jimmy ne pût s'empêcher d'éclater de rire devant l'air horrifié de Jenna.

— Tu es en vie, c'est ça leur priorité, tes cheveux, ils s'en foutent pas mal, tenta-t-il de la rassurer.

Il lui caressa la joue alors qu'elle fit une mine boudeuse.

— Qu'est-ce que tu veux manger ce soir ?

— Qu'est-ce que tu proposes ?

— Tout dépend du degré de ta faim. S'il est important, je commande et s'il est moindre, je cuisine.

— J'ai la dalle !!!

Jenna avait retrouvé le sourire ce qui rassura Jimmy.

— Pizza ?

— Oh oui, pizza !

Après avoir promenée Shelby, Jimmy découvrit Jenna endormie devant la télévision encore allumée. Il la savait fatiguée, mais il avait espéré qu'elle serait encore éveillée lorsqu'il reviendrait auprès d'elle. Il la regarda longuement avant de la recouvrir, puis il la laissa le temps de se prendre une douche dans la salle de bain de l'étage. Il revint pour se coucher à ses côtés, doucement afin de ne pas la réveiller. Il avait tellement rêvé de cet instant qu'il ne réalisait pas qu'elle était vraiment là. Il la toucha, du bout du doigt, toujours dans la perspective qu'elle ne se réveille pas, mais elle ouvrit doucement les yeux qu'elle posa sur lui.

— Tu pars plus ? lui demanda-t-elle dans un demi sommeil.

— Non, je reste là. Rendors-toi.

Elle referma les yeux. Elle sortit la main de dessous la couette pour la glisser dans la sienne qu'il referma machinalement. Il ne la lâcha pas et s'endormit ainsi, sans même se couvrir, la télé en bruit de fond.

Dans le milieu de la nuit, Jenna se leva. Une envie pressante la força à quitter le lit. Elle dut redoubler d'efforts pour ne pas faire de bruit car à cause de ses blessures, ses gestes n'étaient pas très précis. Malgré la douleur, elle se retint de gémir, toujours dans un souci de discrétion, et s'extirpa de la chambre.

Quand elle sortit des WC, elle ne retourna pas dans la chambre. Elle avait une idée en tête, quelque chose qui la travaillait depuis qu'elle était revenue à elle à l'hôpital. Elle se dirigea vers l'escalier qu'elle monta, marche après marche, sous le regard intrigué de Shelby. Les efforts qu'elle fit pour atteindre l'étage, réveillèrent ses blessures. Elle continua cependant, les larmes aux yeux. Elle savait qu'elle n'aurait pas d'autres occasions, elle voulait profiter du peu de temps qu'elle avait pour atteindre son objectif. Elle fit une pause lorsque enfin, elle posa son pied sur la dernière marche. Elle continua son chemin, longeant le couloir en se tenant au mur, jusqu'à la chambre de Jimmy. Quand elle ouvrit la porte et qu'elle alluma la lumière, elle fut frappée par l'odeur qui l'avait si souvent perturbée. D'abord dans la chambre secrète, puis ici même, dans cette pièce, ensuite dans la voiture de Jimmy, lorsqu'il l'avait ramenée au club en pleine nuit, et enfin à la suite de l'hôtel. Elle avança jusqu'à la salle de bain, constatant que le laisser aller qui régnait dans la chambre égalait celui de la salle de bain. Jenna pensa qu'elle remettrait de l'ordre dès qu'elle irait mieux. Elle alluma la lumière, et se dirigea jusqu'au grand miroir sur pied qui trônait au milieu de la pièce. Elle se positionna devant et examina son visage. Il était toujours tuméfié. Gonflé par endroit, bleuit à d'autres. Elle se reconnaissait à peine...

Devant l'infirmière, elle ne s'était pas attardée à regarder son reflet. Par pudeur, mais aussi parce qu'elle ne voulait pas voir dans ses yeux de la pitié, elle ne l'aurait pas supporté... Elle avait quand même eut le temps de voir l'étendu des dégâts.

Elle ôta avec difficulté son haut de pyjama, puis le pantalon qu'elle laissa tomber sur le sol. Sans un regard vers le miroir, elle fit un pas de côté pour se débarrasser du pantalon et les yeux toujours en direction du sol, elle se replaça devant la glace. Elle prit une profonde inspiration et courageusement, elle releva la tête. Le choc fut violent. Son corps était entièrement couvert par les marques profondes que le fouet avait laissées. Certaines traces étaient encore purulentes, d'autres, plus propres étaient rouges. À certains endroits, des ecchymoses noires achevaient le terrible tableau que sa vue lui offrait. Elle resta là, sans réaction, complètement anéantie par l'image qui se reflétait dans le miroir.

— Ce n'est pas moi, murmura-t-elle dans un souffle. Ce n'est plus moi...

Subitement, elle manqua d'air, ses jambes ne la portèrent plus et elle s'écroula sur le carrelage froid. Prise de sanglots, elle craqua comme jamais auparavant elle n'avait craqué. Ses pleurs se transformèrent vite en des râles de douleur. Jenna venait de prendre conscience qu'elle ne serait plus jamais la même. Une réalité qu'elle reçu aussi violemment qu'un coup de pelle en pleine tête, et ça faisait très mal...

Jimmy ne sut ce qui le réveilla, le froid, ou peut-être un bruit. Mais ce qui était sûr, c'était que Jenna n'était plus là. Quand il entendit un son indescriptible qui lui glaça le sang, il se redressa pour l'analyser et quand il reconnu la voix de Jenna, il se précipita en dehors de la chambre tout en tendant l'oreille pour se diriger. Il monta l'escalier quatre à quatre, paniqué par ses cris. Il vit la lumière qui filtrait de la porte de sa chambre. Il couru jusqu'à celle-ci et ne mit pas longtemps à trouver Jenna, complètement effondrée sur le sol de la salle de bain. Il était horrifié de la voir ainsi et pendant un bref instant, il resta indécis quant à ce qu'il devait faire. Il s'agenouilla près d'elle en lui parlant doucement.

— Jenna, je suis là, calme-toi, dit-il en lui caressant les cheveux.

La seule réponse qu'elle fut capable d'émettre fut un râle qui dura longtemps. Devant la graviter de la situation, Jimmy passa un bras sous les cuisses de Jenna, et se servit de l'autre pour lui maintenir le dos. Il s'assit à même le sol, s'appuyant contre le mur et la garda serrée contre lui. Il lui parla calmement pendant de longues minutes afin d'atténuer ses sanglots devenus incontrôlables. Il n'eut de cesse de lui caresser les cheveux, seule partie de son corps qu'il pouvait toucher sans crainte de lui faire mal. Quand enfin les sanglots diminuèrent, il lui releva le visage de son index et lui demanda sur un ton réconfortant.

— Ça va mieux ?

— Ils m'ont détruite, répondit-elle, les yeux perdus dans le vague.

— Ne dit pas ça. Tu vas te remettre...

— Je ressemble plus à rien...

— Soit patiente, dans quelques semaines tu seras complètement remise. Il faut laisser le temps au temps, d'accord ?

Il l'embrassa sur le sommet du crâne et resserra son emprise sur elle quand il sentit les sanglots reprendre.

Ils restèrent un bon moment dans cette position. Jimmy la consolait du mieux qu'il pouvait, cherchant les bons mots pour la calmer.

— Je te ramène dans la chambre, décréta-t-il lorsqu'elle se mit à trembler de froid.

Sans réaction de sa part, il se leva, la tenant toujours dans ses bras et la porta jusqu'à son lit où il la déposa en douceur. Il la recouvrit de la couette et s'assit près d'elle.

— Je vais éteindre la télé dans la chambre du bas et je reviens.

Elle opina légèrement de la tête, le regard toujours perdu dans le vide. Il la laissa, mais se dépêcha de revenir.

Il posa sur la table de chevet un verre d'eau, puis se dirigea vers son dressing. Il fouilla dans plusieurs étagères jusqu'à ce qu'il trouve ce qu'il cherchait.

— Tu vas enfiler ça, lui dit-il en lui montrant un de ses t-shirts.

— Je vais le salir, murmura-t-elle en faisant références aux blessures qui étaient encore purulentes.

— L'important, c'est que tu n'aies pas froid.

Il l'aida à l'enfiler puis lui tendit le verre d'eau dans lequel elle ne but qu'une gorgée. Il l'aida à se rallonger. Après avoir éteint la lumière de la salle de bain ainsi que le plafonnier de la chambre, il vint s'installer près d'elle. Instinctivement, Jenna se colla à lui.

— Tu as froid ? s'inquièta-t il.

— Non, j'ai peur.

— Peur de quoi ?

— De demain.

Il ne lui demanda pas d'expliquer ce à quoi elle pensait, il se contenta de la prendre dans ses bras, en prenant gare de ne pas lui faire mal. Bien qu'elle gémisse à son contact, elle posa son bras sur la poitrine de Jimmy et emmêla ses jambes aux siennes.

— Ne pense pas à demain, essaies plutôt de dormir.

Elle obtempéra et ferma les yeux, bercée par la chaleur corporelle de Jimmy. Très vite, elle se rendormit.

...

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