CHAP 4
— Mais on s'en fout que t'ai eu le job grâce au vieux ! s'emporta Victoria. Peu importe la façon, le principal c'est que tu sois prise. Les filles, ce soir on fête ça. Ce sera resto et c'est moi qui paye !!!
— Yeah ! hurla de joie Tennessie. On va s'en mettre plein la panse !!!
— T'es pas obligée Vicky. Ça se trouve ils vont me virer au bout d'une heure parce que je ferais pas l'affaire tellement je serais nulle...
— Écoute, le fait de faire partie du spectacle de fin de semaine nous donne droit à une certaine liberté. On n'en profite plus depuis que Gaby n'est plus là. Donc, je décide que ce soir on s'éclate et je n'accepte aucune objection. C'est compris ?
— À vos ordres chef, lança Tennessie en barricadant la bouche de Jenna à l'aide de ses mains.
Les trois amies passèrent un agréable moment qui oscilla entre fous rires, silences lorsqu'elles vidèrent leurs assiettes, et conversations sérieuses quant aux projets de Jenna.
— Alors c'est quoi la prochaine étape ? demanda Tennessie à cette dernière.
— Déjà, conserver le job.
— C'est évident que tu vas le garder ton job. Mais après qu'est-ce que tu comptes faire ?
— Mettre de l'argent de côté pour préparer notre fuite.
— Ah, carrément !
— On n'a pas le choix Nessy. Gwendal nous a pris nos papiers d'identités. Sans eux, on peut pas se construire une nouvelle vie...
— Et avec eux non plus, releva très justement Victoria. Il mettra ses hommes à nos trousses. Partout où on ira, il le saura...
— C'est ça le truc, poursuivit Jenna. Nos papiers, on va les lui laisser, on s'en fout, on n'en aura pas besoin.
— Dis donc toi, percuta Victoria. Sous quel nom tu l'as obtenu ton job ???
Jenna se mura dans le silence. Son nom, elle n'avait pas prévu le révéler car elle le savait sujet à moqueries. Les filles eurent beau la supplier, elle ne céda pas. Tennessie essaya alors de détourner la conversation afin de la prendre à revers.
— Comment tu l'as eu ton nouveau nom ?
— C'est bien tenté Nessy, mais ça non plus, je ne vous le dirais pas. Pas aujourd'hui en tout cas.
— Je vois vraiment pas pourquoi tu nous fais autant de mystères... Et pour Mily, on fera quoi si on s'en va ?
— On l'emmènera avec nous. On lui trouvera un centre adapté là où on atterrira. C'est pour ça que je te disais la dernière fois qu'il me faudra beaucoup de temps parce qu'il faudra beaucoup d'argent...
— Message reçu, grommela Nessy. Je laisse l'autre pétasse tranquille... Mais le jour où on s'en va, je me sers de son string comme d'un lance-pierre et je l'expédie sur la lune !!!
Ses deux amies éclatèrent de rire. Puis ses yeux se plissèrent quand son regard se dirigea vers le fond de la salle du restaurant.
— Non mais je rêve où c'est ton client là-bas, Jenna ? Tu sais, celui de samedi dernier ?
Dans un même mouvement, les têtes de ses amies s'orientèrent vers le fond du restaurant et elles le reconnurent aussitôt.
— Autant dans la pénombre y'avait pas vraiment de doute sur le fait qu'il était beau, mais là en pleine lumière, c'est confirmé. Il est juste à tomber, se pâma Victoria.
— Y'a même celui qui sait pas lire un numéro, ajouta Tennessie. Mais quelle rigolade quand le gros, il a traversé la salle en criant que c'était son numéro. La tête de l'autre pétasse quand j'y repense, ça valait le détour !
— Ça m'intéresserait quand même de savoir pourquoi elle est ressortie en pleurs de la salle après. Qu'est-ce qu'il a bien pu lui faire pour la mettre dans cette état ce gros pervers ?
— Il aurait simplement dû la tuer, ça m'aurait suffit ! argua Tennessie d'un air mauvais.
Jenna avait quitté la conversation dés lors qu'elle avait posé les yeux sur lui, elle fit un retour brutal dans la salle secrète. Un de plus... Il ne lui en fallait pas beaucoup pour revivre intensément leur échange, cela devenait véritablement perturbant. Perdue dans ses pensées, elle ne vit pas le clin d'œil que s'échangèrent ses deux amies.
— Alors tu as le choix, lui dit Victoria. Soit tu nous balances ton nouveau prénom, soit on va voir le beau brun ténébreux qui te retourne juste par sa présence, pour lui dire que tu es très, très intéressée par une petite discussion collée serrée !
Il ne fallut qu'une fraction de seconde pour que Jenna redescende de son nuage.
— Vous pouvez pas faire ça ! s'insurgea-t-elle.
Tennessie prit l'air le plus innocent possible et répondit en faisant mine d'inspecter ses ongles :
— Faire quoi, du chantage ? Mais si, on peut !
— Non vous pouvez pas ! insista Jenna. En plus on n'a pas le droit de parler avec des clients ailleurs que sur notre lieu de travail. Vous connaissez les règles aussi bien que moi, non ?
— Ce soir, on ne connaît plus rien du tout, ajouta Victoria. Mais tu peux réparer notre mémoire défaillante avec juste un mot. C'est fou, tu trouves pas ?
— Je ne marche pas au chantage ! C'est non, je dirai rien !
Tennessie remonta ses cheveux, prit l'élastique qui entourait son poignet et s'en servit pour les attacher grossièrement. De ses deux mains, elle réajusta sans délicatesse sa poitrine et dit en se mettant debout :
— Bon, à l'attaque !
Elle s'orienta vers le fond de la salle. Jenna comprit ce qu'elle envisageait de faire et la stoppa en lui attrapant le bras, ne lui laissant que le temps de faire un seul et unique pas.
— Reste-là Nessy, la supplia-t-elle. Ok, assieds-toi.
Puis les regardant chacune leur tour, elle ajouta :
— Je vais vous le dire.
Tennessie, victorieuse, s'assit, un sourire aux lèvres découvrant toutes ses dents.
— C'était trop facile. Même pas tu m'as laissé leur sortir le grand jeu. Pfft, c'est déprimant. TU ES DÉPRIMANTE !
— Vas-y accouche ! ordonna Victoria.
Jenna baissa la tête et murmura de façon presque inaudible :
— Myrtille.
Ses deux amies se regardèrent, les yeux écarquillés au max, mais ne dirent pas un mot pendant quelques secondes, lesquelles lui parurent interminables.
— J'ai pas bien compris, insista Tennessie. Tu peux répéter s't'plaît ? Mais un chouilla plus fort, lui dit-elle en clignant exagérément des yeux.
— Myrtille, répéta-t-elle en montant légèrement le volume.
Il y eut de nouveau un court silence, avant que Tennessie ne parte dans un fou rire à gorge déployée. Elle rit si fort que tout le restaurant en profita. Rejointe par Victoria, les deux amies se payèrent une partie de rigolade comme elles n'en avaient pas eu depuis longtemps. Seule Jenna, immobile, tête baissée entre ses mains, donnait l'impression de vouloir disparaître de la surface de la terre.
Quand les filles retrouvèrent un semblant de calme, elle tenta une diversion :
— Bon, on peut passer au dessert maintenant ?
Tennessie, les yeux rieurs, accepta d'un signe de tête.
— À une condition, lança-t-elle avec la voix coupée par des restes de rires.
— Laquelle ? répondit Jenna méfiante.
— Qu'il soit à la myrtille !!!
Les deux amies repartirent de plus belle dans leur fou rire si bien que même Jenna eut du mal à se contenir. Mais cela ne l'empêcha pas de remarquer qu'au fond de la salle, son client généreux était accoudé au bar avec une fille qui le tenait par la taille. Elle la détailla du regard et ni sa tenue vestimentaire, ni sa manière de se tenir, ni sa silhouette n'eurent grâce à ses yeux. Cette fille ne lui plaisait pas. Elle était à coup sûr une gosse de riche et tout ce qui se dégageait d'elle ne pouvait être que superficiel, faux, archi faux !
Victoria, malgré sa crise de rire, surprit la direction du regard de Jenna. Pour connaître assez bien son amie, elle crut déceler dans sa façon de détailler la fille, une pointe d'envie. Elle redevint sérieuse, enfin essaya, pour lui dire :
— Tu veux que j'aille lui expliquer à la pas belle comment il a occupé son samedi soir ?
Jenna ne répondit pas mais mis un coup de coude dans son bras afin qu'elle n'en dise pas plus, ce qu'elle ne fit pas :
— Ça lui calmerait ses ardeurs.
Puis, posant son visage tout contre le sien, elle la consola :
— T'inquiètes, tu le trouveras ton prince charmant. On le trouvera toutes les trois. Ce soir, dit-elle en indiquant d'un signe de tête le fond de la salle, un jour ou l'autre...
Elle fut interrompue par son portable qu'elle sortie de son sac à main. Un Texto de Gwendal leur suggérait de rentrer sans traîner.
— Bon ben déjà, ce sera pas ce soir, conclut-elle d'un air contrit.
Elle jeta un coup d'œil à l'entrée de la salle et vit Terry, le chien fou de Gwendal, qui les attendait.
— La fête est finie, ajouta Tennessie. C'est l'heure de rentrer dans notre sublime demeure...
Elles se levèrent et rejoignirent Terry qui le regard dur et sans un mot, il n'en avait pas besoin, s'effaça pour les laisser passer. Sauf Tennessie qui bifurqua vers le bar. Elle n'eut pas le temps d'aller très loin qu'elle fut stoppée dans son élan par Terry qui lui tira le bras sans ménagement pour la remettre dans la bonne direction. Le petit cri qu'elle poussa fit retourner la fille qui se collait au client de Jenna. Tennessie ne perdit pas un instant :
— SALE PETASSE !!! lui balança-t-elle sans ambages, avant d'être éjectée du restaurant par Terry.
...
Quand le jeudi soir arriva, Jenna se sentit sous pression. Le matin même, lors de l'entraînement de la chorégraphie, Gwendal leur avait passé un savon concernant leur petite escapade de la veille. Ce n'était pas tant leur sortie qu'il leur reprochait, mais plutôt de ne pas l'avoir averti de leur intention.
— Je veux TOUJOURS savoir où vous êtes ! C'est compris ?
Il ne fallait pas s'y méprendre, la revendication de Gwendal était clairement une menace. Les filles ne l'ignoraient pas le moins du monde. Elles avaient du promettre qu'elles ne recommenceraient pas. Mandy en avait profité pour se comporter de façon exécrable. Du coup, Tennessie avait eut beaucoup de mal à se contenir. Ajouter à cela l'angoisse de ne pas savoir si son généreux client allait revenir, la mettait très sérieusement en stress. Pourtant, ce n'était pas faute de le chasser de son esprit à chaque fois qu'il l'envahissait. Mais toujours, il revenait la hanter. Elle ne comprenait pas pourquoi elle était autant perturbée par lui. Il était beau, cela elle en avait eu la confirmation au restaurant. Elle était aussi troublée par sa gentillesse, l'intensité de son regard, ses mains sur elle... Jamais elle n'avait eu affaire à un client tel que lui. "Un extraterrestre, ça ne fait aucun doute", songea-t-elle.
Le généreux client ne vint pas ce soir là. Ni le soir suivant, ni celui encore d'après. Pour couronner le tout, Mandy gagna la première place, les trois soirs de suite.
— PUTAIN, mais qu'est-ce que je la déteste ! hurla Tennessie de colère quand elle entra dans la loge le dernier soir.
La porte se referma bruyamment derrière elle alors qu'elle arrachait la perruque dorée de sa tête, pour la jeter sans ménagement contre le mur. Jenna savait que Mandy n'était pas la seule responsable de son coup de colère. Le gros lard baveux, dégueulasse et sadique fut sa dernière prestation. Elle lui fut particulièrement éprouvante tant physiquement que psychologiquement...
— Je me sens si sale... T'imagines même pas comment ça me dégoûte de subir ce genre de pervers.
— Je sais Nessy, je sais, la consola son amie.
Prise d'un haut le cœur, Tennessie eut juste le temps d'attraper la poubelle pour y vomir toutes ses tripes. Jenna resta près d'elle et la soutint fermement. Après un temps de réflexion et d'analyse, elle acquit la certitude que Mandy gagnait bien trop souvent. La pensée germa dans son esprit que peut-être, les résultats étaient truqués. Etait-il possible qu'une chose pareille existe ? À bien y réfléchir dans la salle secrète, tout, absolument tout était possible. Est-ce Mandy qui en était elle-même l'instigatrice avec, supposait-elle, le soutien de Gwendal ?
Jenna était fatiguée de cette existence. Depuis qu'elle était entrée dans la résidence des Laroche, elle rêvait, la nuit, d'une belle maison avec un beau jardin, d'une famille, d'un beau gosse comme son client généreux, en qualité de petit ami, d'un "vrai" travail... Elle ne voulait plus subir la vie, elle voulait la vivre. Intensément la vivre. En être actrice, et non plus spectatrice. Seules les filles, ses compagnes de galères, arrivaient à mettre un peu de lumière dans cette noirceur qui était son quotidien, mais aussi et surtout la danse !
Quand elle était sur scène, elle imaginait faire partie d'une troupe de danseuses renommées d'un cabaret quelconque ; que les gens, hommes mais aussi femmes et enfants, applaudissaient parce qu'elle était une des meilleures danseuses qu'ils ne leur avaient été donné de voir. Quand elle s'entraînait, que ce soit dans la salle de sport, pour entretenir son corps qui devait coûte que coûte rester parfait, ou sur scène, lorsqu'elle répétait les chorégraphies qui, elles aussi devaient être parfaites, elle y donnait tout son cœur, toute son énergie, toute son âme. Dans ces moments seulement, elle se sentait vivante. Mais dès que le rideau tombait, dès que la lumière n'était plus, elle redevenait ce pourquoi elle était destinée, un tas de chair prêt à subir les pires infamies, infligées par des hommes le plus souvent cruels, répugnants et sans aucun état d'âmes du tout. Non, elle ne voulait plus de cette vie qui n'en n'était pas une. Son plan était en marche, il ne lui restait qu'à tenir le coup et à espérer qu'il fonctionne pour les sortir de cette merde toutes les trois...
— Encore un peu de patience Nessy. Promets-moi de ne pas craquer maintenant. J'ai besoin que tu sois forte encore quelque temps.
Pour toute réponse, Tennessie qui était à genoux sur le sol renvoya de plus belle. Quand elle se calma, elle leva son visage blême d'avoir été malade vers son amie, ses yeux gonflés et rougis par les assauts des renvois. Elle lui tendit la poubelle en lui proposant d'une toute petite voix :
— Ça te dit une pizza maison ?
Jenna, accroupit près de son amie, la regarda d'un air à la fois attendrit et dégoûté.
— Putain t'es grave toi, lui dit-elle en lui caressant les cheveux.
...
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