CHAP 32
Et voilà la surprise, un deuxième chapitre :D
Bonne lecture et rendez-vous en 2017 ;)
Ce fut pendant le repas que Jimmy reçu un texto de Jenna qui l'avertissait qu'il pouvait (enfin) l'appeler. Discrètement, il quitta la table et se dirigea vers la bibliothèque pour s'isoler. Elle décrocha dès la première tonalité.
— Salut !
Elle avait l'air enjoué, ce qui le rassura.
— Comment vas-tu ?
— Bien, merci et toi ?
— Bien aussi.
Il y eut un blanc, bien que heureux d'entendre le son de sa voix, il ne savait pas trop quoi dire et apparemment, il n'était pas le seul.
— Je te dois des excuses, se lança-t-il.
— Si tu m'en dois, alors je t'en dois aussi. C'est moi qui ai commencé ce petit jeu, lui rappela-t-elle très justement.
— Oui, mais j'aurais dû te le dire plus tôt. C'est juste que je ne savais pas comment amener le sujet sur le tapis.
— Je ne peux rien te reprocher Jimmy, je me suis servie de ta famille à des fins personnelles. Ce que j'ai fait est bien plus malhonnête que ce que toi tu as fait.
— On est quitte alors ?
Il l'entendit souffler.
— Vu ce qui se prépare, je crois qu'on ne le sera jamais. Je vous serai toujours redevable à toi et à ta famille...
— N'en parlons pas pour l'instant, la coupa-t-il gentiment, on aura tout le temps pour ça après.
— Je n'arrive pas à le visualiser ce "après", dit-elle avec une pointe de tristesse dans la voix. J'ai beau essayer, mais les images sont tout de suite remplacées par ce qui m'entoure, et c'est très moche...
— Je sais.
— Jimmy ?
— Oui ?
— Tu te rappelles quand nous étions dans le jacuzzi ?
Comment ne pas s'en rappeler, pensa-t-il nostalgique.
— Si je te dis non, je vais te vexer, blagua-t-il, alors oui, je m'en souviens très bien.
Jenna éclata de rire, ce qui allégea l'atmosphère d'un coup, puis le son de sa voix redevint sérieux.
— Je t'ai demandé pourquoi vous nous aidiez et ta réponse m'a... enfin, je veux dire... est-ce que tu pourrais la préciser ?
— Préciser la réponse ?
— C'est ça, s'il te plaît.
— Je pense avoir été assez précis. Qu'est-ce que tu n'as pas compris ?
Il sentit son hésitation et il se demandait ce qui pouvait bien la perturber à ce point.
— Motivation d'ordre sentimental, c'est ça que je voudrais que tu précises.
Jimmy sourit. Dans le domaine des sentiments, Jenna s'avérait être d'une innocence touchante et pas que dans ce domaine, en fait, sortie du club, elle était innocente voir même naïve sur presque tout.
— Ça veut dire se lever le matin en ayant l'impression de ne pas avoir dormi de la nuit. Se coucher le soir et mettre un temps fou avant de réussir à trouver le sommeil. Et entre ces deux moments, subir la journée en agissant comme un automate parce que le cerveau et partit loin, très loin... Voilà ce que ça veut dire Jenna.
Elle mit un certain temps avant de reprendre la conversation.
— Pour moi ça veut dire attendre que ce connard de mardi daigne enfin se pointer pour que je puisse vivre et aimer, comme n'importe qui dans cette putain de vie !!!
— C'est pour bientôt Jenna...
— Je sais, mais j'ai tellement peur que ça foire, tellement peur de finir comme Gaby, ou même de ne pas pouvoir échapper à ce gros porc de Lewis... Il y a tellement de choses qui peuvent se passer entre maintenant et mardi...
C'était des sanglots qu'il entendait au travers du téléphone et ça lui déchira le cœur. Il voulut lui demander qui était cette Gaby, mais le nom de Lewis le mit sur ses gardes instinctivement.
— Lewis t'a menacé ?
Jenna se raidit. Elle avait trop parlé. Elle s'était pourtant promise de ne pas évoquer Lewis tant qu'elle serait encore sous la coupe de Gwendal. En temps normal, elle savait très bien tenir sa langue mais bizarrement, avec Jimmy, elle se laissait trop aller. Était-ce cela accorder sa confiance à quelqu'un ? Être si bien auprès d'une personne au point de pouvoir tout lui dire ?
— Je suis la prochaine sur sa liste.
— De quelle liste tu parles ?
— Laisse tomber Jimmy, de toutes façons on ne peut rien changer avant mardi. Ça ne sert à rien d'en parler... Je veux juste entendre de belles histoires, c'est de ça dont j'ai besoin. Fais-moi rêver, s'il te plaît...
Jimmy dut prendre sûr lui pour ne plus la questionner, il se contenta de serrer son poing et lui répondit :
— Je m'y emploi depuis quelques temps déjà, je vais être à court d'idées à force...
Il entendit un petit rire sortir de son téléphone, ce qui le fit sourire.
— Quand tu seras sortie de là, reprit-il, tu apprendras la vie. Y'a du bon et du mauvais, tu ne seras pas à l'abri de tout, mais tu vivras sans peur du lendemain, sans craindre les gens que tu côtoieras, parce que même si tu croises des gens mauvais, ils ne le seront pas autant que ceux qui t'entourent en ce moment.
— Tu me l'apprendras la vie ?
— Je ne sais pas si je serais un bon prof, mais je ferais de mon mieux, promis.
— Je ne serai peut-être pas non plus une bonne élève, mais je ferai de mon mieux aussi, promis !
— Pour que l'apprentissage soit efficace, il va falloir nous voir souvent. Il faudra peut-être envisager que tu poses tes valises chez moi...
— T'es sérieux ???
— Très sérieux ! Je compte en parler à mon oncle tout à l'heure.
— Tu vois Alfred tout à l'heure ? Mais il est déjà tard !
— En fait, il n'est pas très loin. On est chez mes parents pour le dîner.
— Tu pourras les saluer de ma part ?
— Évidemment, je leur passerai le message.
Il ne précisa pas que tous, n'étaient pas au courant en ce qui la concernait, mais il informerait son grand-père et son oncle sans faute.
— Si je viens chez toi, où est-ce que Nessy ira ?
— Je suppose avec Victoria, mon oncle l'a installée dans un appartement dans le sud de la ville.
— C'est bien. Si elles sont toutes les deux, ça ira. Victoria va bien ?
— D'après ce que je sais, oui.
— J'ai hâte de la revoir, elle me manque. Tu pourras dire à Alfred qu'il lui dise je ne l'oublie pas ?
— Bien sûr.
— Merci.
— Je t'en prie.
Il y eut un court silence que Jenna rompit :
— Jimmy ?
— Oui ?
— Et si ça ne marchait pas dans ton appart, qu'est-ce qu'il se passera ?
— Tu ne te retrouveras pas à la rue, si c'est ce qui t'inquiète, plaisanta-t-il. Tu t'installeras juste avec Victoria et Nessy.
— D'accord. Je peux te poser une dernière question ?
— Vas-y.
— Est-ce que tu connais un moyen pour encaisser un chèque sans avoir à passer par une banque ?
— Non, répondit-il après réflexion. Pourquoi ?
— Ton père m'a payée en chèque, mais je ne peux pas l'encaisser.
— Ne t'en fais pas pour ça, il te le remplacera par du liquide.
— Ok. Bon, je vais te laisser. Nessy fait le gué dans le couloir, ça m'ennuierait qu'elle prenne racine, dit-elle avec un brin de tristesse dans la voix.
— On se rappelle demain si tu veux ?
— Oh oui je veux !
Le silence s'installa à nouveau, pesant, embarrassant, car ni l'un ni l'autre n'avait envie d'arrêter la conversation.
— Jenna ?
— Oui ?
— Tu me manques...
— Toi aussi tu me manques, lui dit-elle avec un accroc dans la voix.
Jimmy resta sur le canapé encore un moment, regardant la lumière de son téléphone diminuée, puis l'écran devenu noir. Il soupira et se leva pour rejoindre les autres. Quand il ouvrit la porte, il se trouva nez à nez avec sa mère.
— Maman, qu'est-ce que tu fais là ?
— J'écoutais derrière la porte ! lui dit-elle en croisant les bras sur sa poitrine. T'as pas quelque chose à me dire ?
Jimmy, choqué par l'aplomb de sa mère, s'offusqua de son indiscrétion.
— Tu aurais pu t'abstenir d'écouter ma conversation, lui reprocha-t-il pince sans rire.
— Et attendre encore avant d'avoir enfin la certitude que tu as quelqu'un dans ta vie ? Certainement pas !
Arthur ne trouva pas de meilleure occasion pour faire son apparition.
— Ah ! Vous êtes là. Je vous cherchais. Le dessert est sur la table, si ça vous dit.
— Ton fils nous fait des cachotteries, dit fermement Isabelle. Il a quelqu'un dans sa vie, et il ne prend même pas la peine de nous le dire !
Jimmy eut l'impression d'avoir une corde qui se resserrait autour de son cou doucement mais sûrement. Il manquait d'air.
— Tiens donc, et qui est l'heureuse élue ?
— Bon déjà, elle ne s'appelle pas Lydie, affirma Isabelle. Donc c'est pas la peine de prendre ton air mielleux !
— Mais tu arrêtes de faire une obsession sur cette gamine ? T'en deviens vraiment pénible à la fin !
— Elle s'appelle Jenna ! lança-t-elle sans prendre la peine de relever la remarque de son mari.
Jimmy jeta un regard en coin angoissé à son père et vit qu'il se liquéfiait sur place.
— Tu peux répéter ? lui demanda-t-il alors que la couleur de son visage avait viré au blanc.
— Jenna !
— Papa, intervint Jimmy, je comptais t'en parler très prochainement...
— Très prochainement ? parvint à dire son père avec difficultés.
— Oui, maman m'a juste pris de court...
Isabelle eut l'impression que quelque chose lui échappait. Son mari avait l'air de savoir, mais pas elle, ce qui était bien une première vu qu'il ne faisait jamais attention à rien...
— Vous pouvez m'expliquer ? exigea-t-elle fermement.
— Ton fils se tape une prostituée ! Voilà ce qu'il se passe !!!
— Qu... Quoi ? lâcha-t-elle sidérée.
— Papa, j'apprécierai que tu n'emploies pas ce terme là en parlant d'elle, s'il te plaît ! gronda Jimmy sur la défensive.
— Et comment veux-tu l'appeler autrement ? lui répondit son père sur un ton de défi.
— Jimmy, c'est une grosse, grosse plaisanterie, n'est-ce pas ? s'enquit sa mère subitement inquiète.
— Non, ça n'en n'est pas une, je suis désolé...
— Oh seigneur ! dit Isabelle en mettant une main sur sa bouche de stupeur.
— Et bien bravo, Isa ! Tu vois ce que ça donne quand tu le laisses faire ? Et maintenant oses me dire que Lydie n'était pas une meilleure solution !!!
Il avait pointé son index vers sa poitrine, mais entendre le prénom de celle que son mari voulait à toute fin marier à son fils, la fit sortir de sa torpeur.
— Je persiste et je signe ! cracha-t-elle virulente. Moi vivante, elle ne portera jamais le même nom que moi !!!
— Ben voyons ! Elle persiste et elle signe... On aura tout vu...
— Ça suffit papa ! s'emporta Jimmy. Tu changeras peut-être d'avis quand tu me laisseras en placer une.
— Je t'écoute, dit son père.
— Il se trouve que tu la connais aussi...
La rapidité avec laquelle le visage d'Isabelle fit un quart de tour en direction de son mari fut à la limite du surnaturel. Jimmy comprit l'erreur qu'il venait de faire mais il n'eut plus le temps de se rattraper, elle avait déjà sortie griffes et crocs pour dévorer son père. Ce dernier, devant sa femme en furie, recula en mettant ses mains devant lui comme pour se protéger.
— Non mais Isa, tu ne vas pas croire que je fréquente des putes quand même ??? Hein, tu me connais...
— STOP !!! hurla Jimmy qui commençait à sentir un mal de tête s'installer confortablement. Maman, tu la connais aussi.
Deux paires de yeux ronds comme des soucoupes le dévisagèrent. Ses parents ne comprenaient plus rien.
— Je suis larguée, dit Isabelle.
— Vous la connaissez sous le nom de Myrtille...
Pour une fois, Arthur fut plus prompte que sa femme à réagir.
— Je le savais !!! La barre, ça aurait dû me mettre sur la piste... Mais quel con ! MAIS QUEL CON !!!
— De quoi il parle ? demanda Isabelle qui n'arrivait vraiment plus à suivre. Enfin en ce qui concerne le début, parce que pour la fin j'ai très bien compris et j'approuve !
— "Et quelle danse faites vous ?". "De la pôle dance" qu'elle m'a dit... Pfft, je t'en collerais de la pôle dance moi !
Il avait parlé en faisant des mimiques pour imiter Jenna ce qui fit sortir Jimmy de ses gonds.
— Bon maintenant ça suffit !!! Si vous n'êtes pas capables de parler posément, comme des adultes sont censés savoir le faire, je m'en vais ! Mais si je pars, vous n'êtes pas prêts de me revoir !
— Qu'est-ce qui passe ici ? s'enquit Callie qui venait tout juste d'arriver.
Elle avait jeté un regard soutenu à son frère pour essayer d'avoir la réponse à sa question. Ce dernier leva les bras en l'air en signe d'impuissance, puis passa ses mains dans ses cheveux tellement il était tendu.
— Ton frère a encore fait des siennes ! dit Arthur en prenant un air outragé.
— Jimmy ? Impossible ! répondit-elle sur le ton de la plaisanterie.
— Ça va Callie, c'est pas le moment d'en rajouter. Crois-moi, quand tu sauras ce qu'il a fait, tu ne seras plus si fière de ton petit frère...
— Oh mais je penses savoir. C'est ta petite amie qui le contrarie à ce point ? demanda-t-elle à Jimmy.
Il acquiesça, touché par la façon dont elle parla de Jenna.
— Parce que tu es au courant ??? s'écria Arthur sidéré.
— Évidemment ! dit-elle comme s'il ne pouvait en être autrement.
Puis en s'approchant de Jimmy, elle lui dit dans l'oreille.
— Je prends papa, tu prends maman.
— Ok, fit-il reconnaissant.
Alors qu'elle entraîna son père en direction de la cuisine, Jimmy se tourna vers sa mère, étonnamment calme.
— Tu veux écouter ma version de l'histoire, maman ?
Elle hocha de la tête, et il l'invita à entrer dans la bibliothèque.
...
Le jeudi soir, le vendredi soir et le samedi soir, Jenna ne vit pas Lewis au club. Avec soulagement, ce fut presque heureuse qu'elle s'occupa de son dernier client. Quand elle retrouva Tennessie dans leur loge, elles ne purent s'empêcher d'extérioriser leur joie en hurlant. Gros Pat qui avait un œil sur elles et qui n'était jamais bien loin, dut intervenir. Il ouvrit brutalement la porte de la loge et les réprimanda fermement. Les filles se calmèrent rapidement, bien que leurs yeux brillaient toujours de bonheur. Elles faisaient vraiment plaisir à voir.
— Dépêche-toi de te débarrasser de tout ça Jenna et rentrez chez vous, compris ?
— Ok, grand chef, lui répondit Tennessie. Juste une question, t'aurais pas une cigarette qui fait rire, histoire de finir la soirée en beauté ?
— Pas sur moi, désolé.
— Tu pourras nous en apporter dès que tu auras cinq minutes ?
— Tu fais chier Nessy, j'ai plus le temps de passer comme avant, tu le sais ?
— S'il te plaît, insista-t-elle en lui faisant les yeux doux si bien qu'il fini par craquer.
— Ok, je vous apporte ça tout à l'heure, mais dépêchez-vous de vous tirer de là, ok ?
— C'est comme si c'était fait ! Euh, tu peux rester et regarder si tu veux, pour toi c'est gratos, lui dit-elle sur un ton aguicheur en lui faisant un clin d'œil. Je suis peut-être pas en tenue adéquate, mais je peux te faire un show, là, tout de suite, maintenant, tellement je suis heureuse !
— Pas le temps, mais je retiens ta proposition pour plus tard, dit-il en lui retournant son clin d'œil.
— Je suis limite vexée, dit-elle en fermant la porte derrière lui.
Mais elle se remit vite, elle sauta sur Jenna en l'entourant de ses bras. Elle ouvrit la bouche, comme si elle criait, mais aucun son ne sortit. Elle criait sa joie en silence.
— C'était notre dernière fois, dit-elle tout bas à son amie. Tu réalises un peu ? Notre dernière fois !!! Putain, c'est jouissif quand même, non ?
— Oh oui, reconnu Jenna. Et j'ai échappé à Lewis, souffla-t-elle soulagée comme jamais elle ne l'avait été auparavant.
— C'est vrai, mais alors pour le coup, c'est carrément orgasmique ma poule, renchérit Tennessie.
— C'est rien de le dire. Laisse-moi me changer qu'on se tire de là. Je peux plus le voir cet endroit !
— Yes !
Assises autour de la table basse, les deux amies étaient prises d'un fou rire phénoménal. Regardant la fin du joint qu'elle tenait entre ses doigts, Tennessie constata :
— Il s'est pas foutu de nous Gros Pat, il l'a sacrément bien dosé.
— Et y'en a encore deux qui nous attendent.
— On va être dans un sale état, dit Tennessie avant de repartir dans un éclat de rire.
— On est déjà dans un sale état, s'esclaffa Jenna qui partit à rire aussi.
Elle avait fini ses prestations plus tard que d'habitude, mais elle n'en n'avait cure, l'important pour elle étant d'en avoir définitivement terminé avec les clients. Il ne lui restait plus que deux entraînements et toutes les deux, elles tourneraient la page une fois pour toutes. Perdue dans son délire, Jenna ne pensa pas à vérifier son téléphone, caché derrière la plainte et elle ne vit pas que Jimmy avait tenté de la joindre à plusieurs reprises. Celui-ci, fou d'inquiétude appela son oncle malgré l'heure tardive. Il fut soulagé quand il répondit et il lui expliqua le problème.
— Est-ce que tu peux joindre le gars qui travaille pour toi pour qu'il vérifie qu'elle va bien ?
— Oui, je peux, mais je te préviens que tu n'auras pas une réponse dans la minute. Je le contacte sur un téléphone que je lui ai fourni, et il ne l'emmène jamais avec lui par précaution. Il va donc falloir attendre qu'il rentre chez lui pour qu'il trouve mon message et je ne sais pas combien de temps ça va prendre... Tu vas tenir le coup ?
— Il va bien falloir. Je voulais aussi te demander un service. Je comptais t'en parler demain midi chez les parents...
— Plus exactement, tout à l'heure chez tes parents, vu l'heure qu'il est, le coupa gentiment Alfred.
— Oui, c'est vrai, tu as raison. Je voudrais rencontrer Victoria, est-ce que ce serait possible demain soir ?
— Oui bien sûr. Je viendrais te chercher et je t'emmènerai, ça te va ?
— Oui, impec. Merci pour tout Alfred.
— De rien. Je te rappelle dès que j'ai du nouveau pour Jenna, à tout à l'heure Jimmy.
— À tout à l'heure.
Il posa son téléphone sur le bar et se fit couler un café. Le reste de la nuit risquait d'être long, il espérait que la caféine l'aiderait à rester éveillé. Par précaution, il mit la sonnerie de son portable au maximum, juste pour le cas où il piquerait du nez.
Il ne put s'empêcher de repenser à la façon dont ses parents avaient appris pour Jenna. On n'était pas loin d'avoir frôlé le mélodrame. Il pouvait remercier sa sœur pour lui avoir sauver la mise avec son père. Sa mère, en revanche, l'avait écouté avec attention, sans l'interrompre une seule fois, ce qui lui avait grandement facilité la tâche. Il avait pu lui expliquer l'importance que Jenna avait prise dans sa vie, combien il s'était battu contre lui-même pour ne pas retourner au club une deuxième fois, ce qu'il avait lamentablement échoué... Elle ne l'avait pas jugé, elle ne le pouvait décemment pas, vu d'où elle-même venait. Mais elle l'avait mis en garde, elle avait tenu son rôle de mère.
— Je n'ai rien contre le fait que tu poursuives cette relation, mais dans ce genre d'histoire, ton ennemi, c'est toi-même. Tes sentiments t'empêchent de voir, mais moi, je verrais, et je te le dirais si toutefois, elle n'était pas honnête envers toi. T'en feras ce que tu voudras, mais je te le dirai, ok ?
Il avait acquiescé, en sachant pertinemment que sa mère ne trouverait rien contre Jenna. Lui-même l'avait déjà testé, sans le vouloir réellement, mais il savait qu'elle n'était pas malhonnête. Alfred n'avait pas émit d'opposition à ce que Jenna s'installe chez lui, mais il était quand même resté sur la réserve et s'en était expliqué.
— Tu seras absent toute la journée et elle va se retrouver seule, dans un endroit que certes, elle connaît déjà pour y avoir passé quelques heures par semaines, mais pas pour y avoir vécu. Elle va être complètement paumée, je le sais pour l'avoir vu avec Victoria. Il faut vraiment que tu réalises qu'elles ont été tenues à l'écart d'une vie normale pendant plusieurs années. Elles ont beaucoup à réapprendre et ça ne se fait pas en un jour. Alors je veux bien qu'elle vienne chez toi, mais pour un essai. Si ça ne va pas, elle ira avec les filles, pour son bien être.
Jimmy avait bien compris les explications avisées de son oncle. Il ne l'avait simplement pas envisagé sous cet angle là. Il n'avait pas pris en compte le vécu de Jenna et les difficultés qu'elle pourrait avoir à se reconnecter avec une vie normale. Il tenait cependant à essayer, et rien qu'à l'idée de pouvoir se réveiller près d'elle tous les matins, il se sentait revivre.
Il sursauta quand son portable sonna. Il s'empressa de baisser le volume avant de répondre à son oncle.
— Bon, tu t'inquiètes pas, elle dort comme un bébé. Quand Patrick a vu mon message il est allé voir. Il les a retrouvé, une endormie sur la table basse et l'autre sur le sol. Jenna était sur le sol, cru-t-il utile de préciser. Patrick m'a expliqué qu'elles ont fêté la fin des spectacles. Enfin si on peut appeler ça fêter...
— Fêter ? Comment ça fêter, elles ont bu ?
— Euh, non. Pas exactement, mais le résultat est le même. Il les a couché, elles iront mieux quand elles se réveilleront.
— Qu'est-ce qu'elles ont fait si elles n'ont pas bu ?
— Ça va peut-être te surprendre un peu, mais elles ont fumé, disons plus que de raison...
— Seigneur...
— Mais elles vont bien, d'accord.
— Oui, oui, d'accord, elles vont bien. Merci Alfred.
— Va dormir maintenant, il est grand temps.
— Ok, à plus tard alors et merci.
Jimmy raccrocha et se frotta les yeux. Vivement la fin de ce calvaire, pensa-t-il en se levant. Il monta à sa chambre et se laissa mollement tombé sur le lit, son téléphone toujours à la main. Il s'endormit quasi instantanément tant il était épuisé par tout ça.
...
Jenna fut réveillée par un bruit de vaisselle suivit d'un juron de Tennessie.
— Merde, merde, merde !!! C'était ma tasse préférée... Putain fait chier, je voulais l'emmener avec moi !
— Tu sais que t'es pas toute seule ??? ragea Jenna tout en se couvrant la tête de son oreiller pour ne plus entendre son amie râler.
— Désolée, mais il est deux heures de l'après midi, tu pourrais peut-être envisager émerger ?
— Je vois vraiment pas pourquoi, on est dimanche et y'a rien d'autre à faire, dit-elle d'une voix pâteuse.
— Peut-être regarder ton portable, il parait que quelqu'un à essayer de te joindre une bonne partie de la nuit. J'aimerai bien savoir qui ça peut-être ?
En un bond, Jenna fut devant la plainte qu'elle fit sauter d'un mouvement. Elle sortit le portable de la cachette et l'alluma. Elle fut stupéfaite de voir le nombre d'appels en absence, tous du même numéro, elle aussi se mit à jurer :
— Putain de bordel de merde ! Mais où j'avais la tête moi cette nuit ???
— Je peux pas te dire, vu que je ne sais même pas où était passée la mienne...
Elle appuya sur la touche "appel" et attendit.
— Réponds, réponds s'il te plaît...
— C'est sûrement ce qu'il a dû se dire aussi cette nuit. Réponds Jenna, réponds !!! dit-elle en se moquant gentiment.
Quand elle entendit la voix de Jimmy, elle se sentit subitement soulagée.
— Je suis là ! lâcha-t-elle avec empressement. Je vais bien. Je suis désolée, j'ai loupé tes appels parce que...
Elle s'arrêta brutalement, réalisant qu'elle ne pouvait absolument pas lui donner la raison de son oubli. Tennessie n'en ratait pas une miette, elle voulait voir comment son amie allait se sortir de la panade dans laquelle elle s'était mise avec tellement de facilité. Son manque de discernement était déconcertant.
— Parce que...
— Parce que, demanda Jimmy très intéressé par sa réponse qui se faisait attendre.
— Parce que... En fait, on a fêtées notre dernier spectacle. Je voulais t'appeler après, mais j'ai pas pu parce que...
Elle ne pouvait décemment pas lui dire qu'elle était défoncée au point qu'elle n'aurait même pas pu se servir de son téléphone, si toutefois elle y avait pensé.
— Parce que t'étais pas en état ?
— C'est à peu près ça... Tu m'en veux pas ?
— Si, parce que je me suis inquiété pratiquement toute la nuit. Et par quel moyen tu t'es mis la tête à l'envers ?
Il voulait voir si finalement, elle lui avouerait.
— C'est pas important.
— Si c'est important, alors dis le moi !
— Non, ça n'a aucune importance...
Elle n'eut pas le temps de finir sa phrase. La tonalité venait de mettre fin à leur discussion.
— Oh le con, il a raccroché ! s'écria-t-elle sidérée.
— Rappelle-le et dis lui la vérité. C'est ce qu'il attend de toi.
— Qu'est-ce que t'en sais ?
— Il est au courant Jenna.
— Comment peut-il l'être ?
— Il était tellement inquiet qu'il a appelé son oncle, qui a appelé Gros Pat, qui est venu voir pourquoi tu ne répondais pas au téléphone. Il nous a retrouvé, moi dormant sur la table et toi par terre. Il sait tout.
Jenna se décomposa.
— Et merde. J'ai foiré sur ce coup là...
— Brillamment même. Rappelle-le et dis lui. Avec la nuit que tu lui as fait passé, tu lui dois bien ça.
— T'as raison.
Prenant son courage à deux mains, elle le rappela. Il décrocha au bout de la quatrième sonnerie, ce qui lui laissa largement de longues secondes pour angoisser. Elle ne lui laissa pas le temps de parler qu'elle lui dit la vérité.
— Si je ne t'ai pas répondu hier c'est parce que j'étais trop défoncée pour le faire. Voilà la raison que je ne voulais pas te dire parce que je n'en suis pas fière du tout et que je m'en veux beaucoup.
— Jenna, il va vraiment falloir que tu arrives à me parler, à me dire les choses. Je pensais que tu avais compris que je n'étais pas contre toi.
— Je sais. Excuses-moi.
— Ne refais plus jamais ça. J'ai cru devenir fou.
— Promis.
L'affaire était close, mais elle en avait le cœur lourd d'avoir autant contrarié Jimmy. Elle aurait donné cher pour être face à lui et pouvoir se faire pardonner autrement que par des mots. Elle réalisa qu'il lui manquait, cela lui faisait mal physiquement, terriblement mal. Son seul remède était de l'autre côté de la ville, à l'opposé d'où elle se trouvait et lui parler n'était pas suffisant, mais c'était mieux que rien.
— Tu me manques, lui dit-elle tristement.
— Toi aussi...
Bien qu'ils poursuivirent leur discussion, le cœur n'y était plus. La séparation devenait de plus en plus difficile à supporter.
— Plus que deux jours Jenna. C'est rien du tout dans une vie.
— Dans la mienne c'est une éternité... Tu fais quoi c'est après-midi ?
— Je suis chez mes parents, je vais y rester encore un peu, après je rentrerai chez moi. D'ailleurs, tout le monde te passe le bonjour.
— C'est gentil, repasse le leur de ma part.
— Ce sera fait. Et toi, qu'est-ce que tu vas faire ?
— Dormir, si Nessy arrête de tout casser. Je ne suis de toutes façons pas vraiment en état de faire quoique ce soit d'autre. Et ce sera la même ce soir et demain soir.
— Alors je vais être très clair, si tu as dans l'idée de te retrouver dans le même état que cette nuit, t'oublies tout de suite.
— C'était pourtant bien l'idée. C'est ça où je pète un câble, ça m'aide à tenir le coup.
La savoir si mal au point d'user de substances illicites ou d'alcool pour ne plus souffrir lui était insupportable.
— Ok, mais ne m'oublie pas ce soir, sinon c'est moi qui vais péter un câble.
— Non, je ne vais pas t'oublier. Hier soir, c'était notre dernière représentation, c'est la première fois que ça nous arrive. On était folles hier, mais ça nous a fait du bien, tu comprends ?
— Je comprends. Au fait, demain je vais voir Victoria, si tu as un message à lui faire passer, c'est le moment.
Jenna exulta de joie et prévint aussitôt Tennessie qui ne répondit pas. Elle se leva du matelas et vit qu'elle n'était plus là. Elle la retrouva dans le couloir faisant le guet. Elle lui expliqua la nouvelle et lui demanda ce qu'elle avait envie de lui dire. Tennessie fronça les sourcils, signe de réflexion intense chez elle, et lorsque son visage s'éclaira, elle répondit un sourire en coin :
— Dis lui que mes baskets sont toujours d'actualité !
— Sérieusement Nessy, t'as pas autre chose à lui dire que ça ?
— Non, tu verras ça va la faire rire.
Jenna leva les yeux au ciel.
— N'importe quoi !
Elle transmit à Jimmy le message de Tennessie. Celui-ci, sceptique, demanda :
— Euh c'est un code ou quelque chose dans le genre ?
— C'est à peu près ça, c'est censé la faire rire, tu me diras si le but est atteint. Et moi, dis lui que je l'aime et que je suis pressée de la revoir.
— Ça marche. Je vais te laisser, on se rappelle ce soir, sans faute, dit-il en insistant sur la fin de la phrase.
— D'accord, à ce soir, sans faute, lui répondit-elle en comprenant bien le sous-entendu.
Elle fit signe à Tennessie de rentrer, puis elle rangea le portable dans la cachette.
— Surtout, rappelle-moi de l'appeler avant de ne plus en être capable.
— Je vais essayer, mais je ne te donne aucune garantie.
— Super, lâcha Jenna, loin d'être rassurée. Je vais me recoucher.
— Et moi, je vais aller mater la télé en bas et boire un café aussi. À plus !
— C'est ça, à plus, dit Jenna en se laissant tomber sur le matelas.
...
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