CHAP 27

CHAPITRE LONG !

BONNE LECTURE :D

Assise sur une chaise dans sa loge, Jenna, fin prête pour le spectacle du samedi soir, attendait patiemment que Tennessie finisse de se battre avec une perruque qu'elle n'arrivait pas à fixer correctement.

— Mais pourquoi elle penche ??? C'est fou ça, regarde la tête que ça me fait ! s'énerva-t-elle en se tournant vers son amie.

Bien trop occupée à relire l'échange des messages entre elle et Christopher, celle-ci ne l'entendit même pas. Elle ne vit pas non plus les grands signes qu'elle lui faisait de sa main pour attirer son attention. Sans prendre de précaution, Tennessie vint se placer derrière et hurla à son oreille. Jenna sursauta en criant à son tour et elle lâcha son portable qui vint s'écraser sur le sol, l'écran face contre terre...

— Mais t'es pas bien, s'écria Jenna encore sous le choc.

— Tu m'écoutais pas, se justifia son amie en faisant une petite moue triste.

Tennessie ramassa le portable et horrifiée, vit qu'il était fissuré sur un côté.

— Aïe, dit-elle en grimaçant. Il a pas bien vécu la chute...

Jenna lui arracha le téléphone des mains en lui lançant un regard noir et constata à son tour les dégâts.

— Tu fais chier Nessy !!! gronda-t-elle. Je te préviens, tu as intérêt à gagner ce soir. C'est ta seule chance de te faire à moitié pardonner.

— Faut que je fasse quoi pour l'autre moitié ? voulu-t-elle savoir en se triturant les mains de nervosité. Parce que... enfin, il est probable que... gagner va être difficile, alors j'aimerai savoir si j'ai une chance de réussir l'autre moitié...

Jenna se leva, rangea son téléphone dans son sac et se dirigea vers la porte.

— Je me contenterai que tu te tiennes tranquille jusqu'au jour J, ce sera déjà pas mal... Et change-moi cette perruque, tu ressembles à rien comme ça !

Tennessie opina du chef et se débarrassa de la perruque pour en prendre une autre qu'elle fixa du premier coup.

— T'aurais pas pu commencer par celle-là ? souffla Jenna dépitée.

— Si je te dis que j'ai hésité, tu vas me maudire, donc je te réponds même pas ! Tu ne devrais pas garder les messages, ajouta-t-elle innocemment tout en replaçant quelques mèches de cheveux. Tu ferais mieux de les effacer, on ne sait jamais...

— Parce que tu les as regardé ???

— C'est la tête que tu faisais que j'ai regardé, et ce que j'ai vu ne trompe pas. Tu es raide dingue de ce mec !

— Ferme-là Nessy, et fini de te préparer, il faut y aller ! rétorqua Jenna subitement embarrassée, tout en se dirigeant vers son sac.

Elle sortit son téléphone et trifouilla dedans.

— Voilà, ils sont effacés, satisfaite ? lui demanda-t-elle en remettant le portable à sa place. On peut y aller maintenant ?

Enfin prête, Tennessie rejoignit son amie à la porte de la loge que celle-ci ouvrit. Plus rapide que son ombre, elle évita Jenna et se faufila jusque dans le couloir.

— Je sens ta main légèrement agacée, expliqua-t-elle en lui souriant exagérément.

— Tu sens bien Nessy. Et rappelle-t-en le plus longtemps que ta mémoire le voudra bien !

Tennessie lui tira la langue, mais elle fut stoppée dans son élan par la porte de la loge voisine qui s'ouvrit sur Mandy et la nouvelle recrue. Cette dernière, qui répondait au nom de Lola et qui était plus jeune que Tennessie, la suivait comme un petit chien et Mandy en faisait ce qu'elle voulait. Elle se l'était accaparée afin d'avoir enfin quelqu'un de son côté. En échange de sa docilité, elle lui apportait protection contre les autres filles car certaines, jalouses du statut très privilégié de Mandy, lui menaient la vie dure. Leur entente, basée sur du chantage, était malsaine et purement intéressée, comme tout ce qui concernait Mandy...

Jenna sentit la tension monter d'un cran. Elle attrapa le bras de Tennessie et la força à avancer avec elle.

— Laisse tomber, lui murmura-t-elle sur un ton ferme.

Aussi surprenant que cela puisse l'être, Tennessie la suivit sans rien dire. Mais quand elle entendit Mandy lui balancer une insulte, elle s'arracha de l'emprise de Jenna et fit demi-tour, droit sur elle.

— NON, NON, NON !!!

Ce fut les seuls mots que Jenna eut le temps de dire avant que les deux ennemies jurées n'en viennent aux mains. Entre les coups qu'elles se portèrent, les cris et les insultes, Jenna tenta de les séparer mais elle n'y arriva pas tellement elles étaient entremêlées.

— Aide-moi bordel !!! ordonna-t-elle affolée à Lola.

Cette dernière était comme hypnotisée par la soudaine bagarre, elle ne bougea pas d'un iota. Quand les deux furies tombèrent sur le sol, cela ne les arrêta absolument pas. S'en étaient-elles seulement rendues compte ? Elles poursuivirent leur échange de coups, comme de parfaites chiffonnières. Des bruits de pas pressés firent relever la tête de Jenna, Terry et Gros Pat accouraient dans leur direction. Elle eut tout juste le temps de se pousser avant qu'ils ne fondent sur elle et les deux se battant toujours au sol. Terry attrapa Mandy et Gros Pat releva Tennessie. Bien que enfin séparées, les insultes fusaient encore. De colère, Terry gifla fortement Mandy.

— TU FERMES TA GUEULE MAINTENANT !!! lui hurla-t-il en la plaquant violemment contre le mur.

Puis se tournant vers le reste du groupe, il demanda d'un ton sec :

— C'était quoi ce bordel ???

— C'est elle qui a commencé, répondit complètement essoufflée Tennessie, elle m'a insulté et sans raison en plus !!! Elle est mauvaise comme la peste, une vraie sorcière !

— Réponds simplement à la question qu'on te pause, dit fermement Gros Pat. N'en rajoute pas !

— Toutes les deux, dit Terry en désignant Mandy et Tennessie, vous retournez chacune dans votre loge remettre de l'ordre à vos tenues. Dans deux minutes je vous veux sur scène c'est pigé ? On règlera ça après. Pat, tu restes avec elles et tu les surveilles. Et vous deux, dit-il en s'adressant à Jenna et Lola, vous me suivez !

Alors que Terry s'éloignait, les deux incriminées, dans un même mouvement, se dirigèrent fièrement dans leur loge respective. Mais en passant le seuil de la porte, Tennessie lança un regard noir à Mandy.

— PÂTE À CUL !!! l'insulta-t-elle une dernière fois.

Tout en se retenant de rire, Gros Pat la poussa énergiquement dans la loge et ferma la porte derrière elle.

Les yeux ronds comme des soucoupes, la bouche ouverte de stupéfaction, Mandy ne réagit même pas.

— Deux minutes les filles, pas une de plus ! dit-il en poussant aussi Mandy dans la loge.

— Ça veut dire quoi pâte à cul ? lui demanda-t-elle bêtement.

— Rien de très intéressant, lui répondit-il sur un ton qui n'amenait pas de discussion.

Il ferma la porte et souffla un grand coup tout en regardant celle de la loge de Tennessie. Elle est impossible, se dit-il en lui-même. Est-ce qu'elle cassera la gueule à tout le monde une fois qu'elle sera lâchée dehors ? Son esprit se retrouva alors en contradiction car bien qu'il avait hâte d'en finir avec toute cette pression, il n'était pas spécialement pressé d'avoir la réponse à cette question.

De son côté, Jenna tentait de minimiser la bagarre auprès de Terry en lui expliquant que c'était bien Mandy qui avait cherché, que cela faisait très longtemps que ça couvait et que maintenant qu'elles s'étaient enfin "exprimées", il n'y aurait plus de tension entre elles deux.

— Tu comptes en parler à Gwendal ? lui demanda-t-elle en craignant une réponse positive.

— Gwendal n'est pas là, c'est moi qui vous gère, alors ça dépendra de leur comportement durant le reste de la soirée, compris ?

— Compris !

— Allez vous mettre en place, ordonna-t-il à Jenna et à Lola. Puis apercevant Jeff au travers du rideau qui était accoudé au bar et qui discutait avec la serveuse, il ajouta d'un air mauvais. Je sais comment leur passer l'envie de "s'exprimer", et ça pour un long moment !

Jenna avala sa salive. Elle s'inquiéta des conséquences de la bagarre pour son amie. Certes, Gwendal n'était pas là, d'ailleurs elle se demandait où il pouvait bien être car il n'était pas habituel de le voir reléguer les soirées de spectacles à quiconque, mais l'esprit tordu de Terry pouvait être tout aussi cruel que celui de son patron...

Tennessie et Mandy arrivèrent à leur tour. S'ignorant royalement, elles prirent place à leur barre respective. Derrière le rideau, elles entendirent Jeff prendre la parole. De son air enjoué habituel, il annonça le show. Mais, il émit un "mais", inhabituel celui-ci :

— ... Mais ce soir mes amis, il y a une petite nouveauté ! Deux de nos adorables créatures vont se montrer trèèès généreuses. Messieurs, pour vous, et rien que pour vous, Skyler et Nessy vont vous montrer leurs atouts avant, et je dis bien avant, la salle secrète. Elles vont venir vous charmer de leurs courbes si parfaites, juste pour votre bon plaisir, mes amis !!! J'espère que ce petit présent vous ravi autant que moi, non ?

Les acclamations du public allèrent bien évidemment dans le sens de Jeff. Les habitués ne pouvaient qu'apprécier le geste du club surtout quand celui-ci était gratuit. Mais de l'autre côté du rideau, Tennessie vira du rouge colère au blanc lorsqu'elle comprit ce que leur avait réservé Terry. Le regard assassin qu'elle lança à Mandy était sans équivoque, dans d'autres circonstances, dans un autre endroit, elle n'aurait pas fait de vieux os...

Terry les rejoignit derrière le rideau.

— Jenna et Lola, vous quittez la scène pour l'instant, vous reviendrez après.

Les filles obtempérèrent sans discuter et s'éloignèrent, retrouvant Gros Pat sur le côté de la scène. Il se tourna alors vers les deux qui restaient accrochées à leur barre.

— Bien, puisque visiblement vos corps ne demandent qu'à s'exprimer, je vous en donne l'occasion dès ce soir. Vous allez leur faire le streap du siècle, intégral ça va de soit ! Mais ce n'est pas tout...

S'approchant de Mandy, il la tira par le bras pour la mettre face à Tennessie. Lui prenant la main, il la posa délicatement sur la joue de celle-ci et la dirigea le long de son cou, puis sur l'épaule, puis sur son sein.

— Je t'en prie Terry, ne fait pas ça, dit Tennessie en retenant un sanglot. Ok pour le streap, mais ne me force pas à faire ça...

— Tu n'es pas en position de décider, Nessy.

Mandy retira prestement sa main du corps de Tennessie.

— Je ne le ferais pas ! argua-t-elle en retrouvant ses airs de princesse, Gwendal ne l'autoriserait pas. Jenna ou Lola peuvent très bien le faire. Je ne me rabaisserai pas à faire du porno, juste parce que tu l'exiges. Je suis une danseuse moi, c'est tout !

Jerry l'attrapa violemment par les cheveux et lui tira la tête en arrière.

— Tu es une pute, et tu feras ce que je te dis de faire, lui dit-il très menaçant. Ta langue va s'enrouler autour de celle de Nessy, sur la scène, devant tous ces hommes qui sont dans le public, vous allez leur offrir un spectacle qu'ils n'oublieront pas de sitôt. Vous les faites bander comme des taureaux pour qu'ils lâchent un max de pognon, c'est bien compris ???

Mandy couina de douleur mais capitula. Ses airs de princesse avaient complètement disparu.

— Donc voilà le programme, reprit-il, sur la scène, streap complet en premier puis pelotage de nichons etc. Ensuite, dans la salle vous assurerez encore le show ensembles, mais là, vous monterez le niveau. Besoin d'un dessin ?

— C'est du délire, Terry, on a jamais fais ça... euh, de cette façon, entre nous...

Tennessie ne savait pas quoi ajouter pour lui faire changer d'avis tant le visage de celui-ci était clos à toutes discussions.

— Comme à vous deux, vous totalisez quatre clients, vous ferez donc quatre prestations dans la salle secrète. Allez, en piste et rappelez-vous que je ne serais jamais bien loin de vous, donc pas question de se défiler !

Après avoir lancé un regard résigné à Jenna et à Gros Pat, Tennessie attrapa sa barre et se prépara à partir pour l'enfer.

...

Jimmy regarda l'heure sur son portable. Vingt-deux heures trente, approximativement l'heure où Jenna devait monter sur scène... Quelle misère, pensa-t-il en soufflant. Il ne supportait définitivement plus de la savoir là-bas. Il remit son portable dans la poche de son jean et rejoignit le reste de la famille après avoir déposé dans la cuisine, le plateau rempli de tasses vides.

Il reprit place près de sa sœur sur le canapé, mais il n'essaya même pas de suivre la conversation, trop préoccupé qu'il était à penser à Jenna.

— On a foiré ta soirée, lui demanda Callie innocemment.

— Quoi ? Non, bien sûr que non. Pourquoi tu dis ça ?

— Tu as regardé plusieurs fois l'heure sur ton portable, et aussi une fois sur la montre de papa quand il a passé son bras juste devant toi pendant le dîner...

— Pas du tout, je regardais c'était quelle marque, sa montre. C'est tout.

— Et c'est quelle marque ? s'enquit-elle en se penchant sur la table basse du salon pour prendre un macaron. Maman, goûte celui-là, il est très bon !

Isabelle ne se fit pas prier et tendit la main afin de le récupérer.

— Alors, la marque de la montre ?

— Pas eu le temps de voir, grinça Jimmy.

— Pourtant, tu l'as BIEN regardé ! insista-t-elle. Il a un nom ton rencard ?

— MYRTILLE !!! lança Isabelle en maintenant bizarrement le macaron en l'air.

Jimmy sursauta et ouvrit grand les yeux d'étonnement sur sa mère. Il ne put s'empêcher de dévier son regard vers Georges qui haussa les épaules en signe d'incompréhension puis vers Alfred qui ne comprenait pas plus que son père.

Arthur éclata de rire, ce qui angoissa subitement Jimmy. Ses parents connaissaient-ils la situation entre lui et Jenna ?

— C'est bien maman, tu es très forte. Il est bien à la myrtille, bravo ! la félicita Callie.

— Il est vraiment très bon. Pour l'instant, c'est mon préféré dans les différents parfums que j'ai goûté.

— Le praliné n'est pas mauvais, teste le, suggéra la fille à sa mère. Pourquoi tu as éclaté de rire papa ?

— Oui, forcément, tu ne peux pas comprendre, mais il se trouve que j'ai engagé une accompagnante pour ton grand-père, Rosa ayant besoin de repos comme tu le sais, et qu'elle se prénomme Myrtille, voilà toute l'histoire !

— Myrtille ? Quel drôle de nom, s'étonna Callie.

Jimmy n'était pas à l'aise du tout. Il commençait à manquer d'air, il avait chaud. Aucune position sur le canapé n'arrivait à le soulager.

— Elle fait aussi le ménage chez ton frère, ajouta Isabelle. Le praliné, c'est le marron clair ?

— Tout à fait, lui répondit sa fille.

Puis, se tournant vers Jimmy, cette dernière ajouta d'un air suspicieux :

— Myrtille, c'est ça ?

Jimmy se frotta nerveusement les mains sur son jean.

— Oui.

— Est-elle gentille avec toi, grand-père, voulu-t-elle savoir.

Arthur ne laissa pas le temps à Georges d'ouvrir la bouche qu'il prit la parole :

— Si tu permets papa, je vais répondre à ta place.

Il lui fit alors le résumé de l'embauche improbable de Myrtille, mais détailla exagérément les miracles qu'elle avait accomplis auprès de Georges.

— Elle a quand même réussit à faire disparaître le fauteuil roulant et à mettre ton grand-père sur un tapis de course ! Rien que pour ça, elle a toute mon estime, conclu-t-il satisfait.

— En effet, elle gagne à être connue. Et toi p'tit frère, a-t-elle aussi comblé toutes tes attentes ?

Jimmy n'en pouvait plus de cet air soupçonneux dont elle prenait un malin plaisir à user.

— Tu arrêtes avec tes insinuations plus que douteuses, s'écria-t-il agacé. Je ne l'ai jamais rencontré, demande aux parents, ils te le diront !!!

Isabelle confirma.

— C'est ton grand-père qui est tombé sous son charme, pas ton frère, précisa-t-elle en adressant un sourire attendrit à son beau-père.

La conversation déviant sur Georges, Jimmy se leva et sortit sur la terrasse pour respirer l'air frais de cette soirée d'automne. Il fut saisi par le froid du dehors. Il pesta contre lui-même de n'avoir pas prit sa veste. Avant d'aller la chercher, il ne put s'empêcher de regarder une fois de plus l'heure sur son portable. Le temps n'avançait décidemment pas bien vite. La baie vitrée s'ouvrit alors qu'il avait toujours les yeux rivés sur l'écran du téléphone.

Sans un mot, Callie lui tendit sa veste qu'elle avait eut la présence d'esprit d'amener avec elle. Jimmy, reconnaissant, l'enfila en la remerciant. Elle mit les mains dans les poches de son manteau et resta silencieuse quelques instants avant de parler :

— Fut un temps où tu venais me parler de tes peines de cœur, où tu me posais des questions sur la gente féminine... Ce temps là me manque un peu, dit-elle nostalgique.

Jimmy jeta un dernier coup d'œil à son portable qu'il avait toujours dans la main, avant de le ranger dans la poche de sa veste.

— J'ai grandi Callie. La gente féminine n'a plus autant de secrets pour moi qu'avant.

— C'est juste légèrement prétentieux de ta part que d'affirmer cela, dit-elle en riant.

— Peut-être aussi que je n'ai personne dans ma vie actuellement, ce qui pourrait expliquer que je n'ai rien à dire sur le sujet...

— Bien tenté, Jim', mais je ne le crois pas !

— Et pourquoi ça ?

— Parce qu'il n'y a qu'une seule chose qui peut te rendre à la fois triste, nerveux, impatient, et incapable de te concentrer plus de trente secondes sur une conversation... Tu es physiquement là, mais ton esprit est ailleurs.

Ailleurs qu'ici, songea Jimmy.

— C'est pas avocat que t'aurais du être, mais flic ! répliqua-t-il sarcastique.

— Donc j'ai raison ! Je le savais. Je te connais par cœur p'tit frère, tu peux pas me tromper là-dessus.

— Oui, et c'est très chiant !

— Alors, son p'tit nom, c'est quoi ?

Jimmy savait que sa sœur connaissait parfaitement le dossier monté par son père et son oncle, dans lequel Jenna était citée. En lui révélant le nom, il exposait sa relation avec Jenna à son jugement. Mais faute de pouvoir être avec elle, il éprouvait le besoin de parler d'elle. Cela lui donnerait au moins l'impression qu'elle était présente, près de lui, même si ce n'était pas le cas.

— Jenna, lâcha-t-il finalement.

Il lança un regard craintif à sa sœur qui n'affichait aucune réaction sauf le front qu'elle plissait, signe qu'elle réfléchissait.

— C'est la Jenna du dossier ? Celle citée par la prostituée que Éric a fait évader ?

— C'est bien elle.

— Nom de dieu !!!

— Comme tu dis...

— Et ben, je ne m'attendais pas à ça.

— Tu t'attendais à quoi ?

— À ce qu'elle s'appelle Myrtille, au vu de ta réaction très bizarre de tout à l'heure.

— Tu aurais vraiment dû faire flic, souffla-t-il blasé.

— Pourquoi ?

— Parce que Myrtille et Jenna sont une seule et même personne...

— D'accord, tout est subitement plus clair, dit-elle en souriant. Mais tu sais qu'il y a des façons de commencer une histoire d'amour beaucoup, beaucoup, mais vraiment beaucoup plus simples ???

— Heureusement que tu t'es pas lancée dans le comique, tu n'aurais pas été la fierté de la famille, lui dit-il sur un ton qu'il voulu moqueur, mais qui fut loin d'être convainquant.

— On peut pas être bon partout, lui rétorqua-t-elle en lui tirant la langue. Il se fait tard, je vais aller dormir.

— Ok.

Elle se mit sur la pointe des pieds pour embrasser son frère sur la joue. Quand elle ouvrit la baie vitrée, elle se retourna.

— Ah, et merci.

— Pourquoi ? lui demanda Jimmy en fronçant les sourcils.

— Pour l'invitation à dîner de demain soir !

— Quelle invitation ?

— Celle dont tu viens de parler, idiot !

— Mais je t'ai pas inv...

Puis il comprit soudain où sa sœur voulait en venir.

— Tu t'emmerdes pas toi quand même, lâcha-t-il dépité par le culot dont elle faisait preuve.

— Tu ne crois peut-être pas que je vais me contenter de petites bribes de ton histoire ? Je veux tout savoir, absolument tout ! Vers quelle heure demain ?

— Est-ce que dix-neuf heures conviendrait à madame Callie l'incrust' ?

— Parfait ! acquiesça-t-elle tout sourire. Tu reviens quand même demain midi pour le déjeuner ?

— Oui, je serais là. Euh, par contre les parents ne savent rien...

— Ça aussi je l'avais compris, lui répondit-elle en riant.

Jimmy leva les yeux au ciel.

— Évidemment, dit-il dans un sourire complice.

— À demain alors, bonne nuit p'tit frère.

— bonne nuit.

Jimmy s'était fait avoir une fois de plus, mais il était content qu'elle ne le juge pas. Avoir son soutient le jour où il avouerait à ses parents l'inavouable ne serait pas de trop. Fatigué lui aussi, il rentra à l'intérieur et prit congé de sa famille.

...

Assise sur leur matelas, le dos appuyé contre le mur au du coin lit, Jenna consolait une Tennessie en pleurs. Traumatisée par la soirée qu'elle venait de subir, cette dernière était recroquevillée, la tête posée sur les cuisses de son amie, ses larmes ne tarissant pas. Aucune des paroles de Jenna n'eurent l'effet escompté, la calmer s'était avéré impossible. Elle désespérait de la voir refaire surface quand on toqua à la porte. Elle eut du mal à se décrocher de son amie tellement le corps de Tennessie était raide. Quand elle ouvrit la porte, elle vit Gros Pat sur le palier.

— Comment va-t-elle ? s'empressa-t-il de lui demander visiblement très inquiet.

— Pas bien du tout. Entre.

Ce fut une vision d'horreur qu'il découvrit. Un corps secoué de spasmes continus qui s'agrippait à la couette comme si elle était une bouée de sauvetage.

— Mais qu'est-ce qu'ils lui ont fait putain ??? dit-il en fonçant sur Tennessie. Eh, Nessy ? C'est moi ma belle, c'est Pat.

Jenna crut voir une lueur dans les yeux gonflés de son amie. Nessy ouvrit la bouche pour parler, mais ce fut un râle qui en sortit.

— Bordel de merde !!! jura-t-il entre ses dents. Allez, viens là, calme toi Nessy.

Gros Pat s'agenouilla près d'elle, l'attrapa et la remonta contre lui.

— Je l'emmène chez moi, je ne la laisse pas une seconde de plus ici !

— Non, c'est trop risqué. Reste là avec elle, je vais aller dormir ailleurs.

— Tu es sûre ?

— Oui. Si Gwendal apprend ce qu'il s'est passé, va savoir s'il ne va pas débarquer en pleine nuit pour nous questionner. S'il vient, tu n'auras qu'à lui dire que je t'ai demandé de la veiller pendant que je m'occupe de Louise. Il paraît que je suis son infirmière attitrée en ce moment. Pour une fois, ça aura l'avantage d'être vrai...

— T'auras pas à la chercher, elle est pas très loin. Merci Jenna.

— De rien. Prends bien soin d'elle Pat, dit-elle en quittant le logement.

Jenna se retrouva à la porte de chez elle. Elle s'appuya dos au mur du couloir moisi, taché de sang, de crachas et pire encore. Elle poussa un long soupir de découragement. Comment tout cela allait-il finir ? Si vraiment ça finissait un jour...

L'envie de démolir Mandy lui traversa l'esprit mais elle chassa aussitôt cette pensée. Il ne fallait pas aggraver la situation plus qu'elle ne l'était déjà. À contre cœur, elle descendit les marches pour se rendre au rez-de-chaussée. Elle enjamba un corps, toujours le même à cette heure-ci de la nuit, allongé dans l'escalier. Elle se pencha dessus et le souleva avec beaucoup de difficulté.

— Allez Louise, aide-moi un peu. Je ne vais pas arriver à te porter jusqu'à ton lit.

Louise grincha mais n'émit aucune résistance quand Jenna la bougea. Tant bien que mal, celle-ci réussit à la prendre par les aisselles et lui fit descendre l'escalier au rythme des pieds qui tapaient chaque marche rencontrée. Jenna la tira le long du couloir du rez-de-chaussée jusqu'à sa porte.

— Putain que t'es lourde Louise. Pourtant t'es sec comme un cure dent, c'est pas logique...

Elle la posa délicatement le temps d'ouvrir la poignée puis la reprit pour la rentrer chez elle. L'odeur à l'intérieur était infecte. Elle appuya sur l'interrupteur pour y voir plus clair et fut sidérée de la porcherie qu'était devenu le studio de Louise.

— Mon dieu, soupira-t-elle. Mais comment peut-elle vivre là-dedans ?

Elle l'installa sur le matelas crasseux qui n'avait même plus de drap housse, et elle l'a couvrit de ce qu'elle supposait être une couverture. Elle ouvrit la seule fenêtre du logement et laissa entrer l'air afin de chasser la puanteur des lieux. De son pied, elle vira les détritus qui jonchaient sur le sol et s'assit contre le mur, aussi sale sinon plus, que celui du couloir.

Elle pensa, encore et encore, pendant des heures, à ce qu'était sa vie ou plus exactement son semblant de vie. Plus les jours avançaient et plus elle en avait marre de tout ça. Son entrée, si rapide fût elle, dans le monde des Laroche lui avait fait réaliser à quel point sa vie était moche et ratée, à quel point elle ne connaissait rien à rien. Parce que Gwendal lui avait prouvé en faisant d'elle ce qu'il voulait, qu'elle n'était rien. Elle l'avait cru, jusqu'à ce qu'elle rencontre les Laroche et Christopher. Jamais ils ne l'avaient considéré comme une moins que rien. Les Laroche lui avaient offert l'opportunité de faire ses preuves et elle avait relevé le défi. Ils lui avaient permis de découvrir qu'elle était tout simplement capable de faire beaucoup de choses. Quant à Christopher, il lui avait rendu sa dignité perdue depuis tant d'années. En lui montrant qu'un homme n'était pas forcément cruel, sadique, ou même juste intéressé. Elle s'était découverte à travers son regard, à travers lui. Il avait déclenché chez elle des sentiments inconnus jusqu'alors, mais d'une telle puissance qu'elle en était devenue totalement dépendante. Penser à lui, lui fit un mal de chien. Pour ne pas avoir plus mal, elle refusa de penser à ce qu'avait subit Nessy, c'était bien au-dessus de ses forces. Elle repéra une bouteille d'alcool pas encore ouverte posée sur le sol et elle s'en empara. Elle éteignit la lumière et ouvrit la bouteille qu'elle bu, jusqu'à sombrer dans le néant.

...

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