CHAP 23


Quand Jenna arriva à l'appartement de son deuxième patron, elle fut heureuse en voyant une enveloppe à côté du bloc note. Elle l'ouvrit sans ménagement et comme dans celle remise par Monsieur Laroche père, elle y trouva un bulletin de salaire, mais pas de chèque. À la place, se trouvait deux cent euros en liquide. Elle pressa les billets contre sa poitrine en souriant. Ajoutés aux quatre cent euros qu'elle avait reçu la veille, elle avait six cent euros dans les mains.

— Encore faut-il que je trouve un moyen de l'encaisser ce putain de chèque ! maugréa-t-elle.

Tennessie devait se renseigner de son côté, avec un peu de chance, peut-être que certaines filles connaîtraient une combine qui la sauverait...

Puis quelque chose l'interpella. Son salaire horaire, convenu avec Laroche père, était de quinze euros, indifféremment de ses deux boulots. À l'aide de son portable, elle se servit de la calculatrice pour vérifier le montant de chacun. Comme ni l'un ni l'autre ne correspondait avec son calcul d'heures, elle compara avec les bulletins de salaires. Les heures correspondaient, mais pas les montants, sur les bulletins, ils étaient moins importants que ce qu'elle avait en main. Etait-il possible que le père et le fils se fussent trompés tous les deux en lui donnant plus que prévu ? Dans le doute, elle téléphona à Rosa. Après explication, celle-ci la rassura.

— J'ai croisé Arthur hier soir, il m'a dit qu'il t'avait donné ta paye et il a ajouté qu'il l'avait légèrement arrondie.

— Ça veut dire quoi ?

— Qu'il a fait un compte rond au nombre supérieur. En clair, il ne s'est pas trompé !

— Tu en es bien sûre ?

— Absolument certaine !

— Mais pour l'appartement, il y a cent dix euros en trop, ça fait beaucoup...

— Myrtille, s'ils le font, c'est parce qu'ils sont satisfaits de ton travail, prends ça comme un pourboire, tu comprends ?

— C'est pareil avec toi ?

— Oh oui, et pour mon mari aussi, alors tu vois que tu n'as pas à t'en faire. Crois-moi, on en prend vite l'habitude, lui affirma-t-elle en gloussant.

Jenna bien que sceptique la remercia et après avoir pris de ses nouvelles, la salua.

Elle rangea les deux enveloppes dans son sac à main et se pencha sur ce qu'il y avait d'écrit sur le bloc note et elle constata que rien ne différait de la semaine passée, si ce n'était le bureau de monsieur Laroche à dépoussiérer en plus. Avant de se mettre au travail, elle prit deux minutes pour câliner Shelby qui était, pour ne pas changer, affalée sur la banquette et tout autant de temps pour les perroquets, mais n'ayant pas encore une confiance absolue en eux, elle ne fit que leur parler. Ensuite seulement, elle commença.

Elle fit dans le même ordre que les fois précédentes, d'abord le rez-de-chaussée, la pause café, toujours assise sur les marches pour profiter de la vue, puis l'étage.

Elle passa l'aspirateur, puis lava le sol. Enfin, il ne restait plus que la chambre de Monsieur Laroche et sa magnifique, gigantesque et luxueuse salle de bain.

Elle ouvrit la porte de la chambre pour y déposer tout son matériel et comme à chaque fois, elle fut saisie par cette odeur qui une fois de plus l'enveloppa. Elle se garda bien d'ouvrir la fenêtre, elle avait encore du temps devant elle pour profiter de ce parfum qui là encore lui rappelait quelque chose. Mais qu'était-ce dont, un lieu, un de ses clients, ou bien celui de Christopher ? Elle n'arrivait pas à mettre le doigt dessus...

Elle se dirigea dans la salle de bain et s'attaqua à la douche dont l'originalité l'étonnait toujours. De son œil averti, elle ne jugea pas utile de faire la baignoire encastrée dans le sol qui était propre, se contentant de ramasser le peu de poussières qui étaient posées sur les rebords. Prise dans son élan, elle passa le chiffon dans tous les coins et recoins où cela était nécessaire. Sur une étagère, elle vit un flacon de parfum qu'elle ouvrit et qu'elle respira. Elle mit une goutte sur son doigt et l'étala sur l'intérieur de son poignet qu'elle approcha de son nez.

— Je suis définitivement accro à ce parfum ! décréta-t-elle en souriant béatement.

Elle poursuivit son travail, puis quand elle en eut fini avec la salle de bain, elle s'attaqua à la chambre : poussière, aspirateur, puis avec regret elle ouvrit la fenêtre et lava le sol. Elle rangea l'aspirateur spécial étage dans le placard du couloir et descendit au rez-de-chaussée avec le seau et le balai espagnol. Sur le bloc note, elle cocha chaque tâche ménagère que monsieur Laroche avait notée qu'elle avait faites. Il ne lui restait plus que le bureau ainsi que la ballade de Shelby.

La pièce où monsieur Laroche travaillait était parfaitement rangée. Les étagères qui servaient aussi de bibliothèque, son bureau, mais aussi une sorte de table à dessin inclinée où se trouvait une pile de très grandes feuilles blanches, chaque chose paraissaient à sa place. Jenna reporta son attention sur la table à dessin. Sur la feuille du dessus était dessiné un plan de maison, un peu dans l'esprit de celle des parents Laroche, bien que différente.

— Et bien, y'en a qui s'embête pas, dit-elle en rêvant devant ce chef d'œuvre qui semblait sortit tout droit d'un rêve.

Délaissant le plan, elle passa le chiffon sur les étagères, déplaçant les rares objets de décoration qui les agrémentaient, puis sur le bureau : Ordinateur, clavier, imprimante, mais aussi différents papiers disposés en tas. En déplaçant ces derniers, un carnet de chèque s'échappa et tomba sur le sol. Jenna se baissa et le ramassa. En le prenant, elle écarta involontairement les feuilles, laissant entrevoir un chèque vierge. Elle réalisa qu'elle tenait dans ses mains le même genre de moyen de paiement dont Laroche père s'était servit pour lui donner son salaire. La curiosité la piqua.

— Voyons voir à quoi ressemblent les dépenses d'un riche !

Elle écarta franchement le chéquier et parcouru rapidement les montants sur les talons du chéquier, mais elle fut déçue, il n'y avait franchement rien de passionnant. Tout n'était que facture d'eau, électricité etc. Mais sur le dernier talon, elle lu son nom, enfin celui dont elle se servait chez les Laroche. Fait étrange, le montant indiqué ne correspondait ni à son bulletin de salaire, ni à celui des billets. Monsieur Laroche avait écrit un montant de cent euros, puis l'avait barré et marqué en rouge le mot : Annulé.

Jenna glissa le chéquier dans le tas de papier, reprit son chiffon et tout en continuant le travail, réfléchissait. Pourquoi avoir fait un chèque à son intention, pour l'annuler et le remplacer par du liquide ? Et pourquoi augmenter le montant final ?

Jenna était perdue, elle ne comprenait pas le raisonnement de son patron. D'après Rosa, ce n'était pas une erreur, mais elle en doutait. Qui donnerait cent euros en plus pour des heures de ménages ? Peut-être testait-il son honnêteté ? Après tout il ne la connaissait pas...

Quand elle eut fini le bureau, elle le cocha sur le bloc note. Avant de sortir Shelby, elle sortit de l'enveloppe cent euros en billets et marqua un mot en dessous des tâches à faire.

Monsieur Laroche, il y a beaucoup trop, je pense que c'est une erreur.

Myrtille.

Elle posa les billets sur le mot.

— Comme ça, votre test sera concluant, Monsieur Jimmy Laroche. On me la fait pas à moi !

Certaine d'avoir bien fait, elle appela la chienne et toutes les deux partirent en ballade.

                                                                                                  ...

Quand Jimmy rentra chez lui, ce fut à moitié surpris qu'il découvrit sur le bar, le bloc note avec de l'argent dessus. Après avoir lu le mot, il eut un sourire en coin.

— Ok Jenna. Tu veux jouer, on va jouer et crois moi que cet argent, tu finiras par le prendre, et je sais comment !

Il ramassa les billets qu'il rangea dans son portefeuille. Il mangea rapidement puis tout aussi rapidement, il fila sous la douche.

Alors que l'eau chaude coulait sur lui et le détendait, des images tels des flashs vinrent troubler ce moment de plénitude. Il vit Jenna dans la salle de bain, nettoyer le miroir au dessus du lavabo. La vision fut remplacée par Jenna qui passait l'aspirateur, ensuite il la vit astiquer la douche. Puis d'un coup, il sentit ses mains se balader sur sa peau nue, son corps se frotter langoureusement contre le sien... Dans un élan de panique, il coupa l'eau et sortit de la douche rapidement. Il attrapa sa serviette pour s'essuyer et l'entoura autour de ses hanches. Se regardant devant le miroir, il soupira. Elle lui manquait. Il lui devenait difficile de se battre contre ça. Combien de temps cette mascarade allait-elle durer ? Son seul espoir se plaçait dans Alfred, cet oncle qu'il ne connaissait pas mais qui, il l'espérait, serait à la hauteur de ses attentes.

Il enfila un bas de survêtement ainsi qu'un t-shirt et descendit au rez-de-chaussée. Il relu le mot de Jenna qui lui laissa un goût amer dans la bouche. Elle était têtue, lui faire accepter une aide extérieure allait être difficile...

La sonnerie mélodieuse de l'interphone retentit dans l'appartement. Jimmy alla répondre.

— Bonsoir Jimmy, c'est Alfred !

Jimmy le salua et lui indiqua le chemin à suivre jusqu'à sa porte.

— Voilà, on y est ! dit-il en raccrochant l'interphone.

Tout dépendrait du feeling entre lui et son oncle. Il n'y avait pas le choix, il fallait qu'il soit bon !

Quand il entendit frapper à la porte, Jimmy l'ouvrit et fit entrer son oncle. Celui-ci lui tendit la main :

— Jimmy, je suis ravi de te connaître ! lui dit-il chaleureusement.

— Pareil, répondit ce dernier en lui serrant la main. Vous ressemblez à mon père, constata-t-il surprit.

— TU, s'il te plaît, le reprit-il gentiment. Et oui, nous tenons tous les deux du paternel plus que de nos mères.

Jimmy ne sût comment le prendre, mais il sourit et l'invita à entrer dans le salon.

— C'est un chouette appartement que tu as là, apprécia Alfred en détaillant ce dernier. Vraiment très sympa.

— Merci. Euh, je t'offre à boire ?

— Whisky si tu as !

— J'ai ça.

Alfred s'installa sur la banquette près de Shelby qui émit un grognement. Jimmy interrompit ce qu'il faisait pour la remettre dans sa caisse en râlant.

— Bon chien de garde, jugea Alfred en souriant.

— Pour la banquette oui ! Pour le reste, joker...

L'oncle de Jimmy ouvrit la sacoche qu'il avait apportée avec lui.

— Je peux ? demanda-t-il en désignant la table basse.

— Je t'en prie, répondit Jimmy en posant les verres sur celle-ci.

Il rejoignit son oncle sur la banquette.

— Bien, j'ai donc été sollicité par ton grand-père car d'après lui, tu aurais d'une, des informations sur l'affaire pour laquelle ton père m'a demandé de l'aide, et de deux, parce que toi, tu aurais besoin de moi, toujours pour cette même affaire. C'est bien ça ?

Jimmy acquiesça.

— Ok, alors allons-y.

Il posa un dossier assez conséquent qu'il ouvrit.

— Que peux tu me dire que je ne sache pas encore ?

Jimmy se leva et se dirigea vers le bar. Il passa la main au-dessus pour y récupérer le prospectus du club. Se rasseyant, il le donna à Alfred.

— Elle, c'est Victoria, dit-il en la désignant sur la photo. C'est la fille que tu as récupéré au Secret's Club. Ici, c'est Jenna et là, elle s'appelle Nessy. Jenna et Nessy sont la seule et unique raison pour laquelle Victoria ne te parlera pas. Elle a peur pour elles, peur des représailles qu'elles pourraient subir si elle venait à témoigner. Si c'est deux là n'étaient plus à la merci du Secret's Club, tu aurais non plus une, mais trois filles qui accepteraient de témoigner.

Alfred fronçait les sourcils, il réfléchissait.

— Donc, il suffit de les faire sortir toutes les deux... Le problème est que nous montons déjà un plan pour sortir une fille d'un bordel. Ça va compliquer les choses si je dois en sortir deux de plus. Est-ce qu'elles sont aussi dans un bordel ?

— Non, elles ont un statut un peu privilégié parce qu'elles sont les danseuses du show de fin de semaine.

— C'est ennuyeux, j'ai assez d'homme pour assurer la sortie de celle du bordel, mais pas pour Jenna et Nessy, et on ne peut organiser qu'un seul coup parce qu'après, ils seront sur leurs gardes. Ce sera alors trop difficile et trop dangereux de tenter quoi que ce soit d'autre.

Jimmy ne se démonta pas, il devait coûte que coûte réussir à convaincre son oncle.

— Avec la fille du bordel, ça ferait quatre témoins, insista-t-il l'air de rien.

Alfred le jaugea du regard avec insistance. Après un temps de réflexion, il décréta :

— Toi, tu ne m'as pas tout dit !

Jimmy le reconnu et il partit dans des explications que son oncle suivit attentivement. Il raconta le Club, sa rencontre avec Jenna, puis la poursuite de leur relation dans un hôtel de la ville.

— Mais alors, le coupa Alfred, pour Jenna c'est réglé. Une fois qu'elle est avec toi bien à l'abri à l'hôtel, il suffit juste qu'elle n'y retourne pas !

— Je le lui ai déjà proposé mais elle a refusé ! Elle ne veut pas laisser Nessy toute seule, mais aussi, et ça c'est le plus chiant, elle ne veut tout simplement pas d'aide par crainte qu'il arrive malheur à ceux qui s'impliqueraient !

— Et les faire venir toutes les deux à l'hôtel, ça c'est faisable ?

Jimmy n'en revenait pas, il n'y avait absolument pas pensé.

— Euh, oui, je pense...

— Ok, il faudra qu'elles aillent à l'hôtel le jour où on prévoira l'évasion de la fille d'Éric, et dans les mêmes heures, comme ça, on fait d'une pierre deux coups !

— La fille d'Éric ?

— La fille du bordel, c'est la fille d'un de mes gars. Enfin, plus exactement, je l'ai embauché parce qu'il recherchait sa fille disparue. Il n'avait ni l'argent, ni les moyens logistiques pour mener des recherches dans les milieux de la prostitution. On a finalement trouvé cet arrangement là. Quand ton père m'a appelé, je l'ai pris avec moi, juste pour le cas où... Il faut croire que le hasard fait bien les choses des fois.

Jimmy ne pouvait qu'être d'accord avec son oncle, le hasard avait bien mit Lou, puis Myrtille et enfin Jenna sur sa route...

— En parlant de hasard, j'ai quelques précisions à apporter. Il se trouve que Jenna travaille pour notre famille, mais elle ne s'en doute pas...

— Comment peut-elle travailler pour vous sans le savoir ? demanda Alfred en fronçant à nouveau les sourcils.

Jimmy expliqua l'usurpation de Jenna mais surtout la raison de cette usurpation.

— Et pour finir, ajouta-t-il, elle ne sait pas qui je suis. Pour elle, je m'appelle Christopher. Elle ne m'a jamais vu ni ici, ni chez mes parents...

— Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué, se contenta-t-il de dire un sourire en coin. Je reconnais bien là la touche familiale...

— Il y a peut-être un moyen de lui faire accepter notre aide, continua Jimmy.

— Je t'écoute.

Jimmy lui exposa alors son idée. Alfred hochait de la tête à mesure que son neveu lui révélait son plan. Quand il eut fini, ce fut avec une pointe d'angoisse qu'il attendit le verdict.

— Ok, adjugea-t-il. Ça marche pour moi. Je vais peaufiner les détails, prévenir les gars des changements de dernières minutes, je compte agir dès demain, ça te convient ?

— Le plus tôt sera le mieux, approuva Jimmy.

— Il te faudra patienter encore un peu, un plan comme ça ne se monte pas en deux coups de cuillère à pot, ça prend du temps, on ne doit rien négliger. Demain n'est que le début. Tu tiendras le coup ?

— Faudra bien, répondit Jimmy en soufflant.

Alfred nota grossièrement les nouvelles directives sur une feuille blanche qu'il rangea dans le dossier. Il prit aussi l'encart publicitaire du Secret's Club.

— Il va me servir dès demain, décréta-t-il.

Quand tout fut remit dans sa sacoche, il se leva et s'adressa à son neveu.

— Jimmy, ça me fait vraiment plaisir de t'avoir vu.

— Moi aussi, mais j'aurais préféré dans d'autres circonstances...

— Je sais. On fait comme on a dit, tu t'occupes de ton père, et moi de Jenna.

Jimmy acquiesça et raccompagna son oncle à la porte. Ils se serrèrent la main.

— Ne t'inquiète pas, lui dit Alfred sur un ton qu'il voulu très rassurant. On va la sortir de là.

— Merci, répondit-il sincèrement reconnaissant.

— À demain, le salua son oncle.

— À demain.

Alfred partit, Jimmy retourna s'asseoir sur la banquette. Il finit son verre et songea que son oncle avait vraiment les épaules pour mener ce genre d'action. C'était un homme de terrain, ça se voyait dans son attitude, sa façon d'appréhender un problème, dans son regard. Quel soulagement de pouvoir se reposer sur un homme tel que lui. Il comprenait pourquoi son père avait fait appel à lui, il ne pouvait y avoir de meilleurs choix. Soulagé d'entrevoir une fin à tout cela, il partit se coucher. En passant dans le couloir qui menait à sa chambre, il aperçut le fil de l'aspirateur qui dépassait légèrement de dessous la porte du placard. En le remettant, il réalisa qu'il n'avait pas vérifié le travail de Jenna, ce qui le fit sourire. Quel crime ! pensa-t-il en refermant la porte.

Le lendemain, Jimmy appela son père de son bureau. Il lui demanda de le rejoindre en début d'après midi pour l'aider à régler un litige avec un client.

— Rien de grave, mais j'aimerais que tu m'aiguilles sur le procédé à suivre. Il y a plusieurs options, je ne sais pas laquelle est la plus appropriée.

Arthur accepta sans hésiter. Jimmy venait d'actionner la première partie du plan, le reste reposait sur Alfred et Georges qui entreraient en jeu l'après midi même. Pour passer le temps et s'occuper l'esprit, il se plongea corps et âmes dans son travail qu'il avait quelque peu délaissé.

...



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