CHAP 20
Quand Jenna entra dans la chambre de Georges, elle fut accueillie par la tête des mauvais jours de celui-ci.
— Bonjour Georges, le salua-t-elle comme si elle ne l'avait pas remarqué.
— Bonjour, ronchonna-t-il. Peux-tu m'apporter la canne, s'il te plaît ?
Il l'avait dit en appuyant exagérément sur le mot "canne", qui était apposée contre le mur de la chambre. Elle comprit alors d'où venait sa mauvaise humeur.
— Où est passé votre fauteuil ?
— Si je le savais, je ne te la demanderais pas ! répondit-il d'un ton sec en désignant l'objet de sa contrariété.
Elle n'insista pas et s'exécuta, mais elle s'interrogea quand même sur ce qu'était devenu le fauteuil. Est-ce que c'était ce qu'avait Isabelle en tête lorsqu'elle lui avait dit qu'elle aurait une surprise aujourd'hui ?
— Alors Georges, quel est le programme d'aujourd'hui ?
— Tapis de course pour moi, conduite pour toi et pour finir douche pour moi ! Si cela te convient évidemment, rajouta-t-il tout penaud.
— Ça me va, mais il manque juste un petit quelque chose auquel je tiens vraiment pour pouvoir commencer, dit-elle en faisant référence à leur petit désaccord de la veille.
Le visage du vieil homme se renfrogna et il détourna le regard.
— Je croyais qu'une bonne femme n'était pas censée "oublier", vous devriez être ravi que je me rappelle ce que je vous ai dit hier, lui dit-elle sarcastique en plaçant résolument les mains sur ses hanches.
Georges capitula, il s'excusa platement pour son comportement de la veille et s'assit sur son lit. Doucement, il prit appuie sur ses jambes et lorsqu'il trouva l'équilibre, il s'agrippa à sa canne. Jenna lui tendit son bras pour renforcer son équilibre.
— Non merci, refusa-t-il fièrement. Je vais me débrouiller tout seul !
Cahin caha, il se dirigea vers la sortie sans s'occuper de Jenna qui, le bras toujours en l'air, le regarda faire avec satisfaction et amusement.
Après avoir souffert sur le tapis de course pour Georges et transpiré à grosse gouttes dans la circulation pour Jenna, une petite pause s'était imposée. Autour d'un grand verre d'eau chacun, ils discutaient de tout et de rien, quand Georges demanda à la jeune femme.
— Combien de temps encore je vais subir le tapis avant d'espérer en savoir un peu plus sur toi ?
— Quand vous serez à l'aise sur vos jambes.
— Je serais mort avant !
— Dites pas de bêtises Georges, partis comme vous êtes, vous allez tous nous enterrer !
— Oh, tu surestimes grandement mes capacités à apprécier la vie au point de ne pas vouloir la quitter.
— C'était une image, je sais très bien qu'on va tous y passer, mais je peux vous garantir que votre heure n'est pas encore arrivée.
— Peut-être... Je demande juste qu'on me laisse le temps de régler l'affaire de ma vie, et ma foi, après...
— Professionnelle votre affaire ?
— En partie.
— Vous voyez, vous êtes tellement indispensable que votre fils et votre petit-fils ont encore besoin de vous, lui dit-elle en souriant.
— Oui, mais c'est le genre d'affaire sordide dont on se passerait bien !
— À ce point ?
— Hélas oui... Ma pauvre Myrtille, tu ne peux pas t'imaginer à quel point nous vivons dans un monde mauvais.
Malheureusement, elle savait. Mais elle se garda bien de lui dire.
...
Le temps s'était arrêté dès qu'il avait mis un pied dans la suite. Certes, Jimmy était arrivé en avance, mais tourner en rond dans son appartement avait bien faillit le rendre dingue. Finalement, il n'était pas plus avancé, il ne piétinait pas moins que chez lui. Il alla dans la salle de bain pour se rafraîchir le visage, ce qui lui fit du bien. Il aperçut la baie vitrée et revit Lou admirant la vue panoramique sur la ville. Il prit la place qu'elle avait occupée une semaine auparavant et plongea lui aussi son regard au travers de la baie. Quelle délice pour les yeux que cette vue...
Perdue dans la contemplation de la ville éclairée de mille lumières, il fut interrompu par un bruit provenant de la porte. Regardant l'heure à sa montre, il conclu qu'il était encore un peu tôt pour que ce soit Lou, il pencha plutôt pour le champagne qu'il avait déjà commandé.
Il ouvrit la porte et fit entrer le serveur chargé d'un plateau. Alors qu'il allait refermer la porte, il entendit toqué. Surpris, il rouvrit la porte pour découvrir Lou, lui souriant timidement.
Il l'invita à entrer, puis donna un pourboire au serveur. Une fois seuls, il s'approcha d'elle pour lui retirer sa veste.
— Tu as fait bonne route ? lui demanda-t-il faute de n'avoir rien trouvé de mieux à lui dire.
— Oui, merci.
Il posa la veste sur le dossier d'une chaise et lui désigna la banquette pour qu'elle se sente plus à l'aise. Avant de la rejoindre, il ouvrit la bouteille de champagne et remplit les coupes, posa les toasts sur la table basse et vint s'asseoir près d'elle. Il lui tendit une coupe, ils trinquèrent et burent dans un même mouvement. Tenant toujours sa coupe dans la main, il se tourna légèrement vers elle.
— Ça me fait plaisir que tu sois là, lui dit-il très sincèrement.
— Ça me fait plaisir d'être là, merci pour l'invitation.
— Je t'en prie. Tu as passé une bonne semaine ?
La question était loin d'être innocente, Jimmy voulait savoir si d'elle-même, elle lui raconterait l'évènement dramatique du jeudi soir.
— J'en ai connu de meilleures, mais j'ai survécu. Et toi ?
— Pareil, j'ai connu mieux.
Il surprit son regard envieux qui déviait sur les toasts et il eut du mal à contenir son rire. Il lui approcha l'assiette pour qu'elle se serve et fit de même. Elle lui sourit, reconnaissante et mordit à pleine bouche dans un toast au foie gras.
— Je tuerais pour ça, dit-elle en se pâmant d'extase.
— Je vois ça.
Quand elle eut fini, Jimmy reparti à la charge.
— Raconte-moi ta semaine.
Elle lui lança un regard étonné.
— Ça t'intéresse ?
— Beaucoup.
Elle ne pouvait imaginer à quel point ! Le problème étant qu'elle devait passer sous silence la disparition de Victoria, son travail chez les Laroche et qu'elle ne voyait pas l'intérêt de parler des exploits sexuels de Tennessie. Au final, elle n'avait pas grand-chose à raconter...
— Toi d'abord ! esquiva-t-elle.
Elle était maligne la p'tite Lou, la faire parler devenait un défi, et Jimmy aimait relever les défis ! Lui rentrer dedans, voilà ce qu'il fallait faire.
Il posa sa coupe sur la table basse, puis se cala confortablement sur la banquette, posant un bras sur le dossier de sorte à avoir Lou face à lui.
— J'aimerais que tu me dises comment tu as appréhendé les évènements de jeudi dernier ?
Jenna se figea. Comment pouvait-il être au courant ? Et que répondre à cette question ?
Jimmy se rendit compte de son embarras.
— Tu veux pas m'en parler ?
Elle réfléchissait à la manière de sortir de cette impasse. Il lui avait balancé la phrase si brutalement qu'elle se trouvait dans une position très inconfortable. Dans son monde, parler était synonyme de mort, et malgré qu'elle fût dans un hôtel, à l'abri des oreilles indiscrètes, c'était tellement ancré en elle, qu'elle se sentait incapable de dire quoi que ce soit.
— Je pensais que ne rien savoir de l'autre était une des conditions pour continuer à se voir, éluda-t-elle. Et je trouve que c'est mieux comme ça...
— Tu as peur ?
— Je... Non... Il faut pas en parler.
Elle but d'une traite le liquide qui restait dans sa coupe et la posa. Elle tritura ses mains nerveusement, ne sachant pas comment dissiper le malaise qui s'était instauré entre eux deux.
Jimmy se rapprocha d'elle et prit ses mains dans les siennes.
— Hey ! Il ne peut rien t'arriver ici, tu ne crains rien. Parles-moi !
— J'ai pas appris à faire confiance, je suis désolée.
— Non, tu as appris à ne PAS faire confiance, c'est différent.
— Le résultat est le même, je sais pas faire.
Sans le regarder, elle retira ses mains qu'elle plaça sur ses cuisses. Elle mourrait d'envie de tout lui dire, mais elle était conditionnée à ne pas parler, et elle s'y tiendrait.
— Ecoute, je te remercies pour tout ce que tu as fait pour moi, c'est beaucoup, c'est trop...
Jimmy n'aimait pas la tournure que prenait la discussion, il la sentait s'éloigner, et ça lui déchirait le cœur.
— Si je suis venue ce soir, c'est pour te dire que je ne reviendrais pas. Pas parce que je ne le veux pas, mais parce que c'est trop dangereux.
Le visage de Jimmy se ferma radicalement. Jenna le vit et elle fut attristée de lui faire mal.
— Les gens qui m'entourent, reprit-elle les larmes aux yeux, ne sont pas des gens bons, ils te tueraient sans états d'âmes juste parce que tu m'as approchée. Contrairement à eux, tu es quelqu'un de bien. Je n'ai pas le droit de te faire courir le moindre risque... Je peux pas, tu comprends ?
Bien sûr qu'il comprenait, mais il n'envisageait pas un seul instant de ne plus la revoir, rien que d'en émettre l'hypothèse le rendait fou de douleur.
— Il n'y a pas d'avenir pour une histoire entre nous, il vaut mieux arrêter tout maintenant, je suis désolée Christopher...
Jimmy ne disait rien, il avait la gorge nouée et aucun son ne pouvait plus sortir. Quand elle se leva de la banquette, il voulu la retenir, mais son geste resta en suspend. Il n'arrivait plus à réfléchir. Il la regarda enfiler sa veste, sans réussir à bouger. Dieu qu'il était mal à ce moment là.
Jenna se dépêcha de quitter le salon, il suffisait d'un seul geste de sa part, d'une seule parole pour qu'elle fasse marche arrière et qu'elle ne lui succombe. Une faiblesse qu'elle n'avait pas le droit d'avoir, elle ne devait pas faillir !
Elle arriva dans l'entrée de la suite et mit la main sur la poignée de la porte, l'actionna et l'ouvrit. Elle n'eut pas le temps de l'ouvrir en entier que la main de Christopher la referma d'un coup sec. Elle sursauta sous le coup de la surprise et fit volte face pour se retrouver face à lui. Il avait les yeux injectés de sang et sur son visage, elle vit la souffrance que son départ avait engendrée.
Jimmy bloqua la porte de ses deux mains, entourant Jenna en même temps. Il appuya son front sur le sien et ferma les yeux.
— Ne fais pas ça, l'implora-t-il.
Elle ferma aussi les yeux, respira son odeur qui lui rappelait vaguement quelque chose, peut-être était-ce à la salle secrète ?
— Christo, laisses moi partir, s'il te plaît, lui dit-elle alors qu'elle rêvait tellement du contraire.
— Reste juste cette nuit, après... après, je te laisserais tranquille.
Son cœur et son corps hurlaient oui, pourtant elle tint bon avec le peu de force qui lui restait.
— Non...
— Embrasse-moi, juste une fois...
Elle n'eut pas le temps de répondre que déjà il écrasait ses lèvres sur les siennes. C'était pour lui un geste désespéré afin de réussir à la convaincre. Il ne fallait pas qu'elle parte !
La tentative fut une réussite, Jenna y répondit avec empressement. Elle s'accrocha avec maladresse au cou de Jimmy mais en y mettant toute sa force, comme pour vérifier qu'elle ne rêvait pas, que tout était bien réel. Quand leurs langues se rencontrèrent et se caressèrent, elle comprit qu'il était trop tard, elle ne quitterait plus la suite, en tout cas, pas comme elle aurait dut...
Dans un mouvement sûr, Jimmy l'emporta jusqu'à la chambre. Il la déposa en douceur sur le lit, l'allongea, puis la regarda longuement. Son visage n'exprimait rien, mais dans l'intensité de ses yeux il put voir à quel point elle le désirait. Elle l'avait envoûté et ce dès le premier regard dans la salle secrète, alors qu'elle enchaînait les mouvements sur la barre. Ce soir là, leur premier soir, elle avait été si sûre d'elle ; elle était dans son élément, parce qu'elle dirigeait. Mais là, étendue devant lui, elle paraissait si fragile...
Jenna ne put s'empêcher de douter d'elle. Il l'avait vu à l'œuvre, mais dans le contexte de son travail qu'elle gérait parfaitement bien. Aux prises avec ses émotions, elle était complètement perdue.
— Tu as peur ? lui demanda-t-il en lui caressant le visage.
Elle réfléchit avant de lui répondre, cherchant les mots qui pouvaient décrire ce qu'elle ressentait.
— De te décevoir, oui...
— Je vois pas comment tu pourrais me décevoir, Jenna.
En entendant son prénom, elle ouvrit grand ses yeux d'étonnement.
— Tu n'aimes pas Lou ? lui dit-elle avec un brin de malice.
— Je n'aime pas tout ce qui se réfère au Secret's Club. Et Jenna te va mieux...
Il se pencha sur elle et l'embrassa à nouveau, se délectant de ce moment ô combien attendu. Elle interrompit le baiser en posant ses doigts sur la bouche de Jimmy.
— J'ai peur, parce que je ne sais pas faire ça de cette façon là...
Elle l'avait dit sur le ton de la confidence. Elle était tellement attendrissante que Jimmy fondit littéralement.
— Je vais t'apprendre, laisses-moi faire...
Il retira son polo et s'allongea sur elle, l'embrassant encore et encore. Timidement, elle posa ses mains sur son dos puissant et l'explora avec de plus en plus d'empressement.
Pour la deuxième fois, Jimmy l'a débarrassa de sa veste mais aussi du reste, lentement, d'abord le haut, puis le bas, afin de pouvoir parcourir son corps de ses yeux dans un premier temps, puis de ses lèvres et de ses mains. Il ne s'en lassait pas, c'était divin...
Jenna prit très peu d'initiatives, mise à part celle d'ôter le jean de Jimmy.
— Préservatifs, poche arrière gauche, lui glissa-t-il avec un sourire en coin. Elle lui rendit son sourire, se rappelant leur première fois dans la salle secrète.
Elle s'était laissée guider par lui avec passion dans les méandres de l'amour qu'elle ne connaissait pas. Pourquoi fallait-il qu'elle fût ce qu'elle fut ? Pourquoi n'avait-elle pas le droit de choisir la voix qu'elle voulait ? Elle avait jusqu'à oublié quelles sensations c'était que de donner son corps parce qu'elle le désirait et non par obligation. Donner, mais surtout recevoir de l'autre, partager les plaisirs... Elle prit conscience que le sexe qu'elle connaissait et pratiquait habituellement ne ressemblait en rien à ce qu'elle vivait à cet instant.
Quand le moment de lâcher prise arriva, quand elle s'abandonna totalement, et qu'elle fut emportée dans un tourbillon de bonheur absolu, elle s'accrocha de toutes ses forces à celui qui lui procurait ces nouvelles sensations.
Jimmy sentit les ongles de Jenna s'enfoncer dans sa chair, il l'entendit gémir si fort, qu'il s'abandonna à son tour en elle. À bout de force, il s'écroula sur elle le temps de reprendre son souffle...
Quand il voulut se pousser pour s'allonger près d'elle, elle l'en empêcha.
— Non, ne pars pas, lui dit-elle en s'accrochant toujours à lui.
— Je ne pars pas Jenna, la rassura-t-il en l'embrassant sur le front. Je reste là.
Elle dénoua ses jambes de lui, le temps qu'il s'installe près d'elle, puis elle se blotti tout contre son corps puissant. Il l'a recouvrit de son bras et ils restèrent ainsi de longues minutes sans bouger, sans parler.
...
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