CHAP 11
Jenna arriva avec quinze minutes d'avance à la résidence des Laroche. Elle fût chaleureusement accueillie par Rosa qui l'emmena à la cuisine, où elle lui proposa de l'accompagner boire un café, ce qu'elle accepta, agréablement surprise de commencer son temps de travail par un temps de repos...
Rosa la questionna sur son impression quant à sa première journée de travail chez Monsieur Laroche fils (ou petit fils, c'était selon). Jenna lui conta sa mésaventure avec la machine à café qu'elle n'avait pas réussi à faire fonctionner, puis avec les perroquets en insistant surtout sur la peur qu'elle avait ressentie, et enfin avec ce satané harnais, lequel elle avait mis un temps fou à trouver le bon sens pour l'enfiler et la balade de Shelby qui lui avait à moitié déboîté l'épaule. Elle passa quand même sous silence l'apprentissage catastrophe de la serpillière espagnole de peur d'être prise pour une incapable de première.
- Tu as survécu, se moqua Rosa, c'est un bon début.
- Oui mais je sais pas si mon travail a été satisfaisant. Ça m'angoisse un peu...
- J'ai pas eu de retour négatif, la rassura-t-elle. Par contre, et là, tu as le droit de me maudire parce que c'est une mauvaise habitude que j'ai donnée à monsieur Laroche, il aimerait bien que tu lui fasses un petit compte rendu du travail que tu as fait. Pas besoin de détailler, tu indiques juste dans les grandes lignes.
- D'accord, accepta Jenna à qui cela ne posait pas de problèmes. J'ai rencontré le petit voisin de palier en rentrant de la balade de Shelby. Il a l'air gentil.
- Ah oui, Donovan. C'est un bon gamin, un peu seul parce que sa maman travaille beaucoup. Il passe pas mal de temps avec monsieur Laroche. Il avait pris l'habitude de me retrouver le jeudi avant que je parte et on se buvait un chocolat chaud pour lui et un café pour moi. Je suppose que ça va lui manquer, mais bon, c'est comme ça...
Le son de sa voix s'était légèrement affaibli, Jenna se sentit mal à l'aise et ne sut quoi dire pour combler le silence, à part boire une gorgée de son café...
Rosa lava sa tasse puis celle de Jenna et l'emmena à la rencontre du patriarche de la maison. Le vieux monsieur était installé sur son lit et dormait.
- Il fait toujours une micro sieste en début d'après-midi, c'est le seul moment de la journée où il est à peu près calme, dit-elle en le regardant avec tendresse.
En entendant la voix de Rosa, Monsieur Laroche ouvrit les yeux. Lorsqu'il aperçut Jenna, il chercha à se redresser. Rosa l'aida et lorsqu'il fut assis, il adressa à la nouvelle employée un large sourire que Jenna trouva vraiment sincère.
- Enfin Myrtille, je me languissais de te voir. Je peux te tutoyer, ça ne te dérange pas ?
Jenna voulu répondre, mais Rosa reprit le vieux monsieur :
- Mais Georges, en voilà des manières ! le sermonna-t-elle gentiment.
- Ben quoi ? Autant se mettre à l'aise tout de suite vu qu'on va être amené à se voir régulièrement, dit-il en haussant les épaules.
- C'est à toi de voir Myrtille, lança Rosa, mais si elle veut pas, ce sera "vous" ! C'est bien compris Georges ? prévint-elle.
- Non mais c'te blague, argua-t-il, elle la tutoie et elle veut me faire la morale à moi. Non mais on aura tout vu dans c'te maison !!!
- Ça ne me dérange pas du tout monsieur Laroche, bien au contraire. Je n'ai pas l'habitude d'être vouvoyée, donc ça me convient, le rassura-t-elle en souriant.
- Bien, l'affaire est entendue et dans ce cas, vous m'appelez Georges, au diable les convenances ! lança-t-il d'un air victorieux qui visait Rosa.
- Seigneur Dieu tout puissant, lâcha-t-elle en levant les yeux au ciel. Mais quel repos ça va être pour moi de ne plus avoir à vous supporter, Georges.
- Arrête ton cirque, Rosa. Tu vas me pleurer tous les soirs au point que ton mari va avoir des doutes sur ta loyauté envers lui !
Rosa pouffa et tout en soulevant le vieil homme pour l'aider à s'installer dans le fauteuil roulant, elle dit à Jenna :
- Tu vois ce qui t'attend ? Il va te rendre chèvre plus vite qu'il ne faut de temps pour le dire, Myrtille.
- Tsss, paroles de bonnes femmes, dit-il en agitant la main pour que Rosa se taise.
...
Dans la salle de bain attenante à la chambre, Rosa expliquait à Jenna comment procéder à la toilette de monsieur Laroche. Il n'avait besoin d'aide que pour se déshabiller et pour entrer dans la douche, une fois assis sur son siège, il se débrouillait tout seul. La douche finie, il s'essuyait tout seul, hormis les pieds et le dos que Jenna devrait sécher dès lors que Georges aurait passé un caleçon.
Tout en parlant, Rosa le déshabillait. Quand il fut en caleçon, elle l'aida à se diriger dans la grande douche à l'italienne. Appuyé sur elle, il avançait pas à pas, quand le plus naturellement il leur dit :
- Veuillez excuser mesdames, la grossière attitude de Monseigneur, mais il lui arrive encore parfois d'être indiscipliné.
Rosa dirigea son regard sur l'entrejambe du vieil homme, imitée instinctivement par Jenna et ce fut deux paires d'yeux qui découvrirent la bosse qui déformait le caleçon de Georges.
- ROOOH, s'emporta Rosa, mais vous êtes infernal !!! Cachez-moi ça toute de suite vous voulez bien !
Le vieil homme, nullement gêné mais plutôt satisfait de son état, répondit sans se démonter :
- Arrête de faire ta mijaurée et sois plutôt fière de faire de l'effet à un pauvre vieux !
Jenna cachait derrière sa main un rire qu'elle avait bien du mal à contenir. Le franc parler de Georges commençait à lui plaire, elle lui promettait de bonnes crises de rire, elle en mettait sa main à couper.
Tout en pestant après lui, Rosa installa Georges sur un siège en plastique dur spécial douche et avant qu'elle n'eut le temps de s'éloigner, il tourna le mitigeur qui délivra une bonne quantité d'eau qui toucha la pauvre femme de plein fouet.
- GEORGES !!! hurla-t-elle en colère. MAIS QUAND DONC ALLEZ-VOUS SORTIR DE L'ENFANCE ???
Cachée par la paroi de la cabine, Jenna ne vit pas la scène mais quand Rosa réapparut complètement trempée, elle éclata d'un rire franc et complètement incontrôlable.
- Pire qu'un gosse, dit Rosa désabusée. Tu devrais t'équiper d'une combinaison de plongée sous marine, parce qu'il serait bien capable de te le faire aussi.
Du foulard qui lui recouvrait la tête, tombaient des gouttes d'eau qui s'écrasaient sur ses vêtements déjà bien mouillés. Elle prit une serviette de toilette dans le placard, estompa l'eau de ses vêtements en continuant les explications. Tout en écoutant, Jenna examina Rosa. C'était une belle femme, d'âge mûre, mais bien conservée. On sentait son vécu qui se dégageait d'elle comme une force tranquille, mais solide à toute épreuve, même à la maladie. Elle paraissait inébranlable, pareil à un roc. Jenna se sentait bien près d'elle et elle espérait que toutes les deux, elles continueraient à se voir de temps en temps.
Après la douche animée de Monsieur, Rosa fit faire le tour du propriétaire à Jenna. Elle l'emmena dans tous les endroits que fréquentait Georges. La bibliothèque, grandiose ; la salle de cinéma, magique ; la piscine couverte située dans une des ailes de la maison et la piscine naturelle, dans le jardin non loin de la maison de Rosa.
- Tu habites là ? demanda Jenna déconcertée.
- Oui, avec mon mari. Il fut un temps où il y avait aussi mes enfants, mais ils sont partis depuis quelques années maintenant. Mon plus jeune fils à un an de moins que Jimmy, ton autre patron, précisa-t-elle.
- Mais la résidence parait très récente, releva Jenna qui n'arrivait pas à relier les éléments entres eux.
- Les ailes sont récentes, mais le milieu du bâtiment est d'origine. Monsieur Laroche, Arthur, a fait refaire la façade avec des matériaux actuels. Il n'y a plus grand-chose d'avant à part les murs...
- C'est bluffant, on dirait que tout l'ensemble est neuf. C'est super bien fait !
- Normal, tu marches sur le territoire d'une famille d'architectes paysagistes !
Puis se penchant par-dessus le fauteuil roulant, elle dit :
- On ne vous entend pas Georges ! C'est étonnant que vous ne trouviez rien à dire sur l'historique de votre maison ?
- Mais tu t'en sors très bien sans moi, ma p'tite Rosa. Tout le monde s'en sort très bien sans moi d'ailleurs, constata-t-il amer. Je ne sers plus à grand-chose...
- Le v'là reparti dans le négatif... Bon, ça vous dit un p'tit café ? proposa Rosa pour changer de sujet.
- Bof, je préfèrerais un whisky, balbutia le vieil homme sans grand enthousiasme alors que Jenna hocha de la tête ravie.
Le reste de l'après-midi fut consacré au fonctionnement de la famille Laroche. Madame Laroche serait souvent là l'après-midi et il était possible qu'elle l'emploie de temps à autre. Monsieur Laroche passait la plupart de son temps dans son bureau, et là encore, elle lui serait peut-être de quelque utilité. Eventuellement, leur fils pouvait être amené à passer en coup de vent, mais cela restait assez exceptionnel. Sinon, le reste du temps était consacré à Georges.
- S'il veut faire une balade, il y a une voiture à disposition dans le garage, tu la prends et tu vas là où Georges veut aller.
- Comme ça, sans prévenir monsieur ou madame Laroche ?
- Ton patron c'est Georges. Tu n'as pas de compte à rendre à Arthur, ni à Isabelle. S'ils ont un souci, ils te préviendront par téléphone.
Devant l'air inquiet de Jenna, Rosa lui mit la main sur l'épaule.
- Je serai jamais bien loin, la rassura-t-elle, si tu as un le moindre problème tu m'appelles ou tu passes à la maison et puis je vais te former toute la semaine comme ça tu sauras te débrouiller toute seule, d'accord ?
- D'accord, dit Jenna soulagée.
...
Quand elle rentra chez elle, Jenna fut bombardée de questions. Installées toutes les trois à même le sol autour d'une petite table de salon, elle y répondit de bonne grâce. De voir ses amies s'intéresser autant à son sort lui mit du baume au cœur et la conforta dans l'idée qu'elle ne partirait pas sans elles. Quand elle eut terminé son récit, Tennessie, la tête posée sur son épaule lui demanda très sérieusement :
- Et y'a des beaux mecs dans ton eldorado ?
- Je suis pas là-bas pour ça, mais non, y'a pas de beaux mecs, désolée Nessy.
- Parce que t'en vois pas assez toi des dépravés ? lança Victoria. Moi, perso, j'en ai ma claque. Je vais virer de bords si ça continue.
Puis, pendant un court instant, elle retroussa son nez et respira par à-coup.
- N'importe quoi ! réagit Nessy. Tu ne vas pas me faire croire que tu ne rêves pas au grand amour ?
- Je suis trop dégoûtée des hommes pour l'instant. Si ça arrivait, il devrait se montrer patient et on sait que les mecs, c'est tout et tout de suite, donc non merci !
Elle retroussa encore son nez et respira fort.
- Mais y'a que moi qui trouve que ça pue ?
- Tu dis ça, continua Tennessie sans prêter attention à sa question, mais regarde notre Jenna, elle a bien décroché un rencard sans sexe, donc tout est possible, suffit d'y croire !
- Mouais... Pour moi y'a anguille sous roche. Sois très prudente demain soir Jenna, la conseilla Victoria. Et si jamais il te touche, c'est coup de tête/balayette, tu cherches même pas à comprendre, et tu te casses !!!
Elle retroussa une énième fois son nez et incommodée se leva à la recherche de l'odeur nauséabonde.
- J'ai même pas encore décidé si j'y allais à ce rendez-vous, dit Jenna pensive.
- QUOI ??? s'emporta Nessy. Mais bien sûr que tu vas y aller !!! Faut être complètement débile pour louper une occase pareille ! Alors ça va être très simple, t'y vas pas, c'est moi qui m'y pointe à ton rencard !
Victoria porta une basket à son nez et tira au cœur aussi sec. Quand elle retrouva sa respiration, elle se tourna atterrée vers les filles qui la regardaient sans comprendre ce qui se passait.
- Putain mais Nessy tu les as sentis récemment tes baskets ?
Tennessie répondit en minimisant un tant soit peu :
- Ouais ouais, je sais, ça sent le vécu...
- LE VÉCU ??? répéta Victoria les yeux ronds de stupeur. Mais ça sent la mort là dedans vociféra-t-elle en pointant la chaussure incriminée vers la propriétaire. Tu vas me jeter ça à la poubelle et tout de suite !!!
- Mais certainement pas. J'ai rien d'autre à mettre !
- Tu me les ramasses et tu me les fous sur le rebord de la fenêtre !
De mauvaise grâce, Tennessie se leva et obéit.
- C'est parce que j'ai pas mis de chaussettes cet été, elles sentiraient bon sinon, ronchonna-t-elle.
- Et tu laisses la fenêtre ouverte qu'on respire du bon air frais !
Tout en regardant Tennessie s'exécuter, elle se rassit en face de Jenna qui elle, souriait.
- Comment ça tu sais pas si tu y vas ?
- Je sais pas, c'est tellement bizarre avec lui...
- Moi je dis qu'un rencard sans sexe, ça se refuse pas. Fin de la discussion, targua Tennessie alors qu'elle se rasseyait.
- T'as encore demain pour y voir plus clair, lui dit gentiment Victoria en lui caressant le dos de la main.
Jenna approuva puis s'allongea en posant la tête sur les cuisses de Tennessie, l'esprit complètement ailleurs.
...
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