Chapitre 10 ♠

Dans les plus grandes bases de données, rien. Parmi les intellectuels, les historiens que le jeune homme connait, le nom d'Unutulmus ne leur disait absolument rien. Rien, il n'arrive à rien. Il ne lui reste qu'un lieu, la Bibliothèque des Anciens, bibliothèque qui a conservé les plus vieux écrits des différents peuples. C'est son dernier espoir. Le conteur a traversé tant de portails en une dizaine de jours, durant ses recherches intensives. Il vient d'en traverser un pour arriver sur la planète adorée des penseurs et qui regroupe les plus grandes bibliothèques et les plus grandes écoles du Conseil Galactique. Il traîne des pieds, appréhende ce fatidique moment où la bibliothécaire en charge des catalogues la regarderait d'un air désolé, un non au bout des lèvres. Où pourra-il alors chercher ? Ce nom, doit bien être renfermé quelque part ! Il a confiance dans prédictions de la devineresse. Son prédécesseur a eu raison, sur toute la ligne.

Le conteur secoue la tête. Il pensera à son malheur le moment venu. Il rejoint l'énorme façade où une horloge d'un autre âge trône comme fierté de la bibliothèque. A peine entré, il s'engouffre dans un couloir gravitationnel, des panneaux hologrammiques lui indiquant des sections. Direction « origine des peuples », sorte de discipline autour de l'anthropologie mais reliée à toutes les planètes du Conseil Galactique. Dans le hall, des centaines, des milliers de visiteurs se croisent pour accéder aux différentes salles. Sans se gêner dans ces couloirs pourtant innombrables, comme des courants qui traversent les mers, transportant des bancs de poisson entiers, avides de connaissance.

Le jeune homme pose le pied au sol et contemple les centaines de rangées, qui s'élèvent jusqu'à un plafond difficile à discerner. Des machines parcourent les rangées pour éviter aux lecteurs la fastidieuse tâche de parcourir toutes les colonnes, à partir des commandes faites à la bibliothécaire. Le conteur s'y rend, d'un pas décidé mais aussi anxieux. Sur le tapis molletonné des allées, le regard droit devant vers le bureau, ses pas s'estompent sans bruit.

Par chance, personne n'attend devant lui et la sorte de limace au bonnet gris darde son regard sur lui. Les chuintements de la bibliothécaire sont aussitôt traduits dans l'oreille du jeune homme et il répond à la question laconique :

- Je cherche des documents avec la mention de Unutulmus.

Quelques clapotis visqueux sur un clavier plus tard, la réponse tombe.

- Un seul document traite de votre recherche. Installez-vous à la table 31, il vous y sera apporté.

Le cœur du conteur bondit dans sa poitrine. Il a trouvé, enfin. Il remercie la bibliothécaire et cherche du regard son point de lecture, avant de s'y asseoir. Seulement un document ? Il espère qu'il lui apportera des réponses claires et précises, loin des méandres des divinations. Il patiente quelques minutes et un menu livre, copié et traduit s'échoue sur sa table. Il se demande pourquoi ce type de document n'a pas été numérisés depuis le temps, mais la réponse, tout aussi bête lui parvient tout aussitôt : quel intérêt pour des vieilleries ?

Il parcourt les pages et grimace : un journal ? Rien de bien palpitant ou de bien intéressant à première vue. Mais il allait éplucher chaque petit carré de papier pour dénicher des informations.

Avec un soupir, le jeune homme tourne la page pour consulter la préface de l'auteur. Il fronce les sourcils alors qu'il réalise l'identité de l'auteur : un Dieu. Il racontait avoir découvert des monuments, des ruines de temples anciens dans des endroits désertés de leur planète. Il y évoquait ensuite ses hypothèses et là, le nom ressort. Unutulmus. Il aurait retrouvé ce nom, dans ses tentatives de traduction de la langue ancienne. Ils seraient leurs descendants ? C'est ce qu'il suppose. Le conteur n'en a jamais entendu parler. Et aujourd'hui, la planète des Dieux est déserte de ses occupants, pour une raison inconnue.

Il passe les minutes suivantes, plongé sur cette table, dans cette bibliothèque coupée du monde et du temps à lire les découvertes et les aventures de ce Dieu. La plupart de ses constations s'accompagnaient d'interrogations, de trous et d'hypothèses, sans qu'une réponse ne parvienne à le convenir, selon ses mots. Il y évoquait un peuple qui semblait bien plus avancé technologiquement, loin de tribus balbutiantes et apprenant à manier le feu. Non, elle semblait plus une colonie. Le Dieu avait répertorié beaucoup de dessins et de phrases qu'il avait pu reconstituer, des récits de voyage, comme s'ils venaient d'ailleurs. Et comme preuves, ou tentatives de preuve, ces chiffres, qu'il pensait être des coordonnées. Mais à l'époque où il découvrait ces ruines, la navigation spatiale n'en était qu'à ses premiers pas et son journal resta dans l'ombre, sans que cette destination puisse être explorée. Evidemment, à cet endroit, comme une ironie du sort, les coordonnées notées méticuleusement avaient été en partie altérées, par un liquide ou le temps et la copie n'apportait que des bribes. Mais le conteur ne peut pas imaginer cette chance qu'il a. Les coordonnées de la planète des Unutulmus à portée de main, le lieu indiqué sur une carte. Presque offert sur un plateau, sans ce petit inconvénient.

Pas de temps à perdre. Le jeune homme parcourt en diagonale la suite du journal du Dieu, sans trouver d'autres éléments l'aidant dans sa recherche. Non, il est sûr que ces coordonnées sont la clef de tout. Peut-être qu'une fois sur place, les propos du Dieu l'éclairerait ?

Le conteur demande l'autorisation de prendre avec lui le journal et après avoir payé une somme importante pour le ramener dans un délai de 5 ans, il saisit le menu livre et le fourre dans une poche de manteau sans difficulté. Il a l'impression de se retrouver des années en arrière, quand il explorait de nouvelles planètes, rencontrait une nature et des habitants loin de toute cette conformité du Conseil Galactique. Un frisson d'excitation le parcourt, mais aussi d'appréhension. Aujourd'hui, il n'a pas le droit à l'erreur.

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