Chapitre 8- Vaisseau partie 1

Les trois longues heures passées dans le véhicule avaient fait sombrer Apolline dans un sommeil agité. Nicolas et Adrien, eux, n'avaient pas fermé les yeux depuis le début du trajet. L'inquiétude leur comprimait l'estomac. Les conducteurs se relayaient et aucune autre pause n'avait été annoncée.

Auparavant sur l'autoroute, la fourgonnette empruntait maintenant des chemins de plus en plus étroits. Le goudron s'effaçait au profit de la terre, avec parfois quelques cailloux et nids de poule. La rare herbe jaune échangée contre une végétation luxuriante et de grands arbres émeraude.

La voiture s'immobilisa devant une imposante forêt, l'allée en terre battue s'achevait. Les portières claquèrent.

Leyo jeta un regard troublé sur Apolline. Nicolas la portait sur son dos et l'adolescente somnolait sur son épaule. Leyo ordonna qu'un des deux gardes se charge d'elle, mais farouche, le jeune homme refusa l'aide malgré son évidente difficulté à marcher.

- Nous serons au vaisseau d'ici une vingtaine de minutes de marche, avertit Haylmer.

Il s'intéressait à peine aux prisonniers et se plaça à la tête du convoi. Le tapis de feuilles mortes crissait au passage des voyageurs. Des branches et des buissons envahissaient le chemin improvisé, mais nonchalant, le chef les évitait sans difficultés. Il sifflotait un air gai et balançait sa canne d'une main à l'autre. Une trouée dans les bois sombres apparut, tâche lumineuse dans le vert dominant. Après une dizaine de mètres, la percée se dévoila.

Une immense clairière aux herbes hautes s'étendait devant eux, la cime des pins ployaient sous le vent puissant.

Haylmer sortit une sorte de boucle d'oreille dorée de sa poche. Il l'ajusta et un bip retentit.

- Désactivez l'invisibilité du vaisseau.

L'appareil émit un petit crachotement. L'air à une dizaine de mètres de lui ondula sous l'effet d'une chaleur soudaine. Fasciné, Adrien voulut s'approcher mais le bras de Leyo l'en empêcha.

Le prisonnier remarqua alors les herbes couchées sur un cercle d'une cinquantaine de mètres de diamètre, et écarquilla les yeux quand un vaisseau se matérialisa. Nicolas, à ses côtés laissa échapper un murmure admiratif face à cette apparition.

Elancée et d'un gris métallique, la machine possédait deux réacteurs à l'arrière et une large vitre à l'avant. Un canon fixé sous son ventre rendait l'appareil menaçant malgré sa forme étrange, deux pièces rondes se trouvaient sur le flanc du vaisseau. L'agencement du véhicule étonna les Terriens, habitués aux spectaculaires engins des films de science-fiction.

Les deux adolescents suivirent Haylmer et Leyo. Une rampe sous la machine se déploya dans un chuintement. D'abord hésitant, Nicolas s'engagea sur la surface, précédé d'Adrien qui conservait un air de totale fascination.

Apolline, toujours sur le dos de son frère, se réveilla enfin. Les yeux papillonnants, elle releva la tête. Avec effort, la jeune fille se dégagea de l'étreinte de Nicolas et trébucha. Elle ignora le regard anxieux à ses côtés et fit quelques pas hésitants. La main contre la paroi, la malade se sentait bien mieux que dans la voiture. La prisonnière prit une profonde inspiration. Je suis maintenant dans l'antre du loup, pensa-t-elle.

Une lumière crue et blanche se déversait sur les visiteurs. Les cloisons en métal avaient été peintes avec une couleur proche du bois. Aucun mobilier n'agrémentait la pièce. Elle devait servir de hall d'entrée, trois panneaux blancs ornaient trois des quatre parois.

Celui de droite s'effaça sur le côté dans un glissement pour laisser passer une femme en combinaison avant de se refermer. La créature possédait la même peau blanche et les mêmes oreilles effilées que les soldats. Elle s'inclina devant Haylmer et déclara d'une voix neutre :

- Capitaine. Nous préparons le vaisseau pour le décollage.

Les yeux fixés sur les étrangers, elle s'inclina de nouveau et les quitta par la même ouverture. Cette fois-ci Apolline put apercevoir qu'elle menait à la pièce ovale avec la baie vitrée aperçue à l'extérieur. Des sièges vacants devant des manettes et des écrans de contrôle. Des centaines de boutons clignotaient sur les consoles et les écrans dévoilaient un langage inconnu. Derrière les fauteuils de cuir, au milieu de la salle, trônait une table envahie de feuilles et de schémas éparpillés sur la surface transparente.

Haylmer fit une petite révérence sarcastique et invita la prisonnière à le suivre vers l'accès de gauche.

- Laissez-moi vous mener à vos appartements, chère Ahelys. Quant aux Terriens, mettez-les dans la même cabine, cela leur suffira amplement, ordonna-t-il aux deux soldats.

Malgré sa faiblesse, Apolline leva un regard farouche vers le capitaine et elle serra les poings. Adrien lui broya le bras.

- Ne sois pas ridicule, tu n'as aucune chance de gagner. Juste une humiliation de plus, murmura le jeune homme.

Furieuse, mais bien forcée de reconnaître la véracité de ses propos, elle décrispa les doigts avec difficulté. L'adolescente s'aventura dans le passage indiqué, précédé d'Haylmer, un sourire railleur aux lèvres. Et c'est bien ce qu'il est, un vainqueur et un traître, songea la prisonnière.

Malgré sa rage, l'adolescente renonça. Adrien avait raison. Céder à la violence ne lui apporterait rien, hormis d'autres blessures. Déconcertée, elle remarqua alors que seule une légère douleur subsistait au niveau de sa jambe. Elle n'avait plus aucun mal à marcher. Mais Apolline avait toujours guéri très vite, bien avant les prévisions des médecins incrédules.

Sa fièvre, elle, n'allait pas l'abandonner de sitôt. Pas avant qu'elle n'ait retrouvé la totalité de ses souvenirs.

Haylmer déverrouilla une des entrées à l'aide d'un pass et d'un signe de tête lui indiqua d'entrer. Elle obéit et se retrouva dans une suite composée de deux pièces.

- La compagnie vous souhaite un agréable voyage en direction d'Urissa, vers un jugement pour trahison à l'Empire de Naefilia, susurra le capitaine.

- Épargne-moi tes remarques, elles ne seront plus d'actualité dans quelques temps, rétorqua la prisonnière d'un ton tranquille.

- Oh oui, tu as le don de retourner toutes les situations, mais pas celle-là. Je ne t'ai jamais sous-estimée, et je ne le ferais jamais, répliqua Haylmer.

Sur ces paroles de mauvais augure, le panneau se verrouilla. Apolline soupira et inspecta les deux salles. Dans la première, un lit au mince sommier sans oreiller. Le matelas possédait une protubérance pour poser la tête. Une table accompagnée d'une chaise équipaient aussi la pièce. Le sol recouvert d'une matière douce diffusait une agréable chaleur. La deuxième, une étroite salle de bain constituée d'une douche et d'un étrange lavabo situé au sol. Peut-être que ce sont les toilettes, je ne me souviens plus, songea Apolline.

Deux caméras surveillaient l'intérieur de la suite, mais cela ne l'étonnait pas. Haylmer n'allait pas épargner la pudeur de l'adolescente qui selon lui arrivait toujours à trouver une combine pour s'échapper. Ses paroles lui revinrent en mémoire. Avec un pincement au cœur, elle jugea que ses chances de s'évader s'amenuisaient d'heure en d'heure. La prisonnière serait sans doute accueillie par de nombreux soldats armés. On la conduirait jusqu'à la capitale, ville où trônait le palais de Neferlme XVI. Neferlme... si sa mémoire demeurait floue, ce visage restait bien ancré dans ses souvenirs et faisait ressortir une haine incompréhensible.

Tout espoir avait déserté Apolline. Elle s'assit sur le lit et agrippa ses épaules. Sa peau était parcourue de frissons quand la prisonnière méditait sur sa mort peut-être proche.

Pendant un instant, le décor se transforma. La pièce réduite à un cachot obscur, le lit devenu paillasse, les cloisons changées en pierre polies et glacées. Des chaînes lui broyaient les chevilles et les poignets tandis qu'un collier métallique lui enserrait le cou.

Le silence régnait.

Mais la jeune fille percevait les délires d'une foule en liesse, des cris de joie barbares, et des applaudissements qui claquaient comme un fouet.

Apolline ne se souvenait même plus pourquoi elle était condamnée.

Des marteaux martelèrent alors son crâne. Dans le même temps un coup de gong retentit. Il marquait le début d'un combat.

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