Chapitre 38- Les Vengeurs

            Un an avait passé depuis les événements des Iles Minières qui avaient été finalement récupérées par l'Empereur avec force de protestation de la part du pays de l'Etoile sans qu'elle ne réagisse pour sauver ses prétendus alliés. La Libération avait été peu à peu abandonnée par le pays de l'Etoile, et tentait de conclure des accords de paix avec le gouvernement, sans grand succès. L'organisation avait perdu du pouvoir et de l'influence : sa présence se faisait moins sentir et les coups d'éclats se faisaient rares. Seuls quelques individus sortaient de l'extraordinaire, on parlait d'un jeune stratège de génie et d'informations qui fuitaient à grande vitesse. Une paix étrange s'était emparée de l'Empire qui n'entendait plus parler d'Ahelys et même la Libération ne connaissait pas son sort. Si des rumeurs s'étaient répandues le premier mois de sa disparation, aucun événement ne vint confirmer les soupçons et les murmures s'évanouirent dans le continent. De son côté, Zaera avait continué à chercher la résistante mais tout son réseau d'espionnage n'avait pas suffi à retrouver la jeune femme. L'armée de la Commandante s'était constitué au mépris des rebelles dont elle était la cheffe et elle se servait aussi dans les volontaires du Pays de l'Etoile qui ne manquaient pas, épris de leurs idéaux de liberté à étendre sur le continent, si bien que les cinq cités du pays songeaient maintenant à lui offrir un soutien total.

Les intrigues se nouaient, se déliaient et se coupaient sur Urissa sans qu'aucune ne prenne le dessus sur une autre si bien que la période fut qualifiée de calme. Mais le quatrième jour de Polima, au milieu de l'été, un incident enflamma tout le continent.

Rhodwar, Neiky, Natauleas, Oslandia, aucune grande ville n'avait échappé à Evènement, Draconian en avait été la cible phare. Au point le plus chaud de la journée, alors que les badauds se promenaient dans les rues cachées entre les maisons pour un peu de fraîcheur, que des Naefiliens s'enfilaient des boissons glacées et que des esclaves se tuaient sous la chaleur, une feuille tomba.

Une, deux, trois, le nombre avait explosé en quelques secondes. Des dizaines et des dizaines de dirigeables avaient filé dans le ciel et avaient lâché d'un trait ces messages. Mais ces feuilles représentaient bien plus que des morceaux de papier : des tracts. L'affiche symbolisait une couronne brisée couverte de sang traversée d'une épée. Le plus étonnant encore n'était pas ce dessin, qui aurait valu une exécution sommaire à quiconque était en possession de cette insulte à l'Empereur. Non, le plus étonnant était le pamphlet écrit au dos sous forme d'un poème, signé des Vengeurs :

Empereur au trône,                                                                           Prenez garde, prenez garde,

Tu n'auras plus le pouvoir.                                                                  Fiers Naefiliens.

Cher Neferlme,                                                                                            Derrière vous, par mégarde,

Voici notre étendard.                                                                                     Vous n'en saurez rien.

Ces fers à nos pieds,                                                                                         Enfants de Noé,

Effrités en papier,                                                                                                 Reprenez votre honneur.

Cher Neferlme,                                                                                                        Votre âme de guerrier,

Tu seras le premier.                                                                                               Veut se venger du tueur.

Nos frères morts au combat,                                                                             Notre rébellion,

Resteront dans notre mémoire.                                                                  Traversera les âges,

Et quand ta couronne tombera,                                                           Cher Neferlme,

Ils ne seront plus seuls dans le noir.                                     Nous aurons déjoué tes rouages.

Ces mots avaient réchauffés les charbons ardents de l'ancienne rébellion des esclaves il y'avait une dizaine d'années et le vent commença de nouveau à souffler sur ces braises pour les attiser. Dans les ténèbres, près des bars, on chuchotait ces mots sous le couvert de la nuit pour effrayer les Naefiliens, on les chantait dans les mines et les usines, on les taguait sur tous les murs de la ville. Le nom des Vengeurs couraient sur toutes les lèvres au grand dam de la Libération qui observait cette nouvelle organisation prendre la première page des journaux et être la nouvelle vedette à déchirer pour les médias.

Des mesures avaient été prises, bien sûr, mais le gouvernement ne pouvait pas tout contrôler et envoyer en prison tous les esclaves qui fredonnaient la chanson. Pendant deux semaines, Les Vengeurs étaient devenues les vedettes des Enfants de Noé qui attendaient un autre signe de l'organisation. Et les Vengeurs répondirent au défi.

Leur deuxième frappe fut presque aussi fulgurante que la première : des manifestations furent menées dans les mêmes villes qui se transformèrent en véritables guérillas contre la police. Ce jeu dura plusieurs jours : des individus masqués clamaient haut et fort leur appartenance aux Vengeurs et dès que des soldats les poursuivaient, ils s'évanouissaient dans les rues. Mais ces actions inoffensives ne durèrent pas car bientôt, ils s'en prirent aux nobles, à les harceler sans relâche. L'organisation était partout, à chaque recoin de rue et un climat de rébellion régnait dans les rues qui s'étaient vidées. Les Naefiliens n'osaient plus sortir tandis que les esclaves étaient cloitrés chez eux. Plus personne dehors et tout le monde accroché aux radios et à la télé : le message des Vengeurs n'en retentit que plus fort. Ahelys avait réussi à accaparer toutes les lignes et d'une voix forte, avait clamé la libération des esclaves, les exhortait à se rebeller, à sortir les rejoindre.

Les Enfants de Noé ignorèrent le couvre-feu et répondirent à l'appel, dévalisèrent des magasins, se battirent contre la police et se retournèrent contre leurs maîtres. Le gouvernement arrivait encore à mater les émeutes et le nombre de prisonniers envoyés aux mines enfla de manière spectaculaire tandis que les cellules se gorgeaient de pensionnaires imprévus. Enfin, quand l'armée ne tuait pas les manifestants par dizaine, exécutés comme des animaux à l'abattoir.

Le mouvement réfréna subitement sous les coups des renforts et les rues devinrent silencieuses à nouveau. Plus de cri de rage, plus de vitres cassées, plus le bruit des armes blanches, ni des os brisés. Les Naefiliens sortirent de leurs maisons à nouveau, certains de leur sécurité avec l'armée qui gardait les rues. En apparence, il semblait que rien ne s'était déroulé là, dans le bar que tous fréquentaient, ils ignoraient les tâches de sang effacés à la va-vite sur le comptoir, les tabourets à qui ils manquaient un pied ou les canapés égorgés.

Ils avaient de nouveau échoué, c'est ce que les Vengeurs pensaient. Mais un événement imprévu des deux camps se déroula à Neiky, au milieu de l'après midi, sur une place bondée. Devant les terrasses de café remplies de Naefiliens, devant les esclaves qui crevaient sous le soleil en tant que serveurs ou commerçants. Oui, devant tous ces yeux, un soldat tira entre les deux yeux d'une fillette Enfant de Noé. Il y'avait une fontaine sur la place, juste derrière le corps de la petit esclave qui passa par-dessus bord et rougit l'eau bleutée.

Peut-être était-il fou, peut-être soûl, ou bien payé, aucune importance car le meurtrier fut lapidé à l'instant même où l'acte percutait les esprits.

Alors tout dégénéra, tout peuple explosa. Car ils étaient bien plus nombreux que leurs maîtres et bien plus enragés. Aucune armée ne pouvait mater la vengeance de l'assassinat d'une petite fille innocente. Une véritable guerre civile éclata sur tout le continent, Draconian à peu près préservée par l'élite des régiments qui la protégeait.

Neiky tomba en premier, la rébellion menée par Ahelys elle-même car la ville était une véritable place forte grâce ses murs et sa proximité avec les collines du Silence qui brouillaient tous les appareils. La cité était devenue son nouveau repaire et son existence était connue de tous.

Maintenant, Les Vengeurs avaient passé un cap. Ils pouvaient être comparés à ceux qui avaient mené la précédente rébellion et déclenchée l'une des plus importantes guerres civiles de l'histoire de continent. Ils avaient tué l'ancien Empereur mais n'avaient pas pu résister à l'armée de Neferlme. Mais aujourd'hui était différent : ils avaient la stratégie, ils avaient les ressources. Non seulement la tête du Malicieux serait entre ses mains, mais Ahelys comptait bien redresser l'Empire et restaurer l'honneur des Enfants de Noé. La jeune femme le ferait avec ses propres mains s'il le fallait, il lui faudrait tuer tous ces rivaux. La résistante se ferait un plaisir de massacrer toute la famille royale, tous leurs parasites qui s'appelaient nobles et en particulier Zaera. Elle le devait, sinon ils tenteraient de prendre le pouvoir, celui qu'elle avait mérité.

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