Chapitre 37- Choix
Ahelys était encore enfermée, mais au moins, on lui avait retiré ces satanées menottes. Elle ne l'aurait jamais admis devant la Commandante, mais elle avait réellement besoin de ces trois jours pour réfléchir. La jeune femme n'arrivait pas à se résoudre à ces deux choix et même si combattre sous les ordres de la Naefilienne aurait dû être évident, cette idée la dégoutait du plus profond de son être. Sa promesse aurait du compter plus que sa propre vie, aurait du compter plus que sa volonté.
Mais elle espérait toujours un Deus Ex Machina, digne des plus grands films hollywoodiens la tirer de cette situation. Elle espérait de tout son cœur voir la porte de sa suite s'ouvrir, voir apparaître Adrien qui la sortirait de ce pétrin. Mais il ne venait pas, elle n'avait aucune visite.
D'ailleurs, cette suite la débectait, comme le bureau de la Naefilienne, tout puait l'inspiration continentale, tout lui rappelait sa chambre au palais, quand elle était encore l'Expérience de l'Empereur. Non, plus jamais je ne serai l'esclave de ces chiens, d'aucun d'entre eux, pensa-t-elle avec rage. Mais Ahelys avait aussi honte de cette sensation qui la poussait à attendre, attendre le bout de ces trois jours. Et c'était la fin, dans quelques heures, elle devrait annoncer sa décision.
La voix de la raison lui dictait de se plier aux ordres de la commandante pour l'instant et dès que leur objectif serait réalisé, de plonger les crocs dans sa gorge. Mais une peur ancienne lui hurlait de refuser, lui hurlait qu'elle serait sous la coupe de ce monstre, comme un chien obéissant au collier trop serré, sans aucune possibilité de s'en dégager, sans pouvoir faire autre chose que suivre les ordres aveuglément.
Ce collier semblait déjà enserrer sa gorge, comme le pouvoir de la Naefilienne lors de son entrevue. Ahelys étouffait, recroquevillée sur elle-même sous cette poigne glacée, effet de son esprit. L'illusion cessa et elle avala une grande goulée d'air.
La jeune femme s'empara d'un coussin sur le canapé et le serra contre elle de toutes ses forces, comme si exploser ce pauvre objet allait lui apporter une réponse. Mais elle ne voulait pas se mettre à donner des coups de poing par rage, les traces seraient voyantes sur ses phalanges et elle ne devait dévoiler aucune faiblesse.
La douleur de son poignet commençait à peine s'estomper depuis ces derniers jours mais quand elle s'appuya pour se lever, elle grimaça. Lasse, elle marcha jusqu'à la salle de bain où elle se fit couler un bain brûlant pour tenter de se changer les idées, malgré l'heure : il devait être près de minuit. La porte close, l'écoulement du robinet et la fumée la coupaient du monde. La jeune femme posa sa nuque sur le rebord, les yeux fermés, le corps détendu par l'eau chaude et les idées clarifiées. Elle devait accepter de servir sous les ordres de Zaera , pour remplir sa promesse, elle arriverait à s'en sortir quoi qu'il advienne. Puis elle avait juré à Sealvey de le revoir, il aurait été malpoli de ne pas survivre.
Soudain, des coups sourds contre la porte et elle se releva, surprise. L'eau gicla en dehors du bain mais elle ne s'en préoccupa pas. Pourquoi avait-elle une visite aussi tard et surtout, pourquoi frappait-on à la porte de sa salle de bain ?
— Oui ? questionna Ahelys d'une voix hésitante.
— Je suis venu sauver la fille la plus sourde de l'Univers qui a l'idée se s'enfermer dans sa salle de bain quand j'assomme les gardes ! retentit la voix d'Hermais.
— Quoi ? c'est toi, mais comment ? s'écria-t-elle.
Elle n'eut pas le temps d'avoir une réponse, Hermais avait tournée la poignée et fronça les sourcils avant de vivement tourner le regard quand il s'aperçut que la résistante n'avait pas eu le temps de se couvrir. La jeune femme attrapa une serviette et ne prit pas la peine de s'offusquer, ils n'avaient pas le temps. Des vêtements à peine enfilés sur sa peau mouillée et elle suivit Hermais en dehors de sa suite, ou plutôt de sa cellule. Sans poser plus de questions, elle aperçut du coin de l'œil les deux gardes de faction assommés devant sa chambre. Les couloirs étaient vides, mais pas pour longtemps, elle le pressentait, car son ami et elle couraient presque dans les couloirs. A eux deux, ils réussirent à se retrouver dans ce dédale dans lequel ils étaient des étrangers et rejoignirent la piste d'atterrissage au sommet du bâtiment. Derrière eux, la poursuite avait commencé, mais leurs ennemis étaient encore loin derrière, ils ne les rattraperaient jamais.
Les deux fuyards passèrent la même porte qu'Ahelys avait franchie trois jours plus tôt en compagnie d'Adrien et elle vit qu'un aéronef était posé sur la piste, des résistants à l'intérieur qui leur hurlaient de se dépêcher. Ils obéirent et ils se retrouvèrent quelques secondes plus tard dans le zeppelin qui décolla aussitôt, bientôt hors de portée de tir des soldats qui avaient investi le toit.
Enfin à l'abri, la jeune femme se tourna vers Hermais, un sourire éclatant sur le visage tandis que ses trois autres compagnons poussaient des cris de joie. Ahelys avait espéré voir ses amis dans le vaisseau, mais aucune trace d'eux dans le petit habitacle qui pouvait à peine tous les contenir. Mais elle avait reconnu la fille qui avait discuté avec son frère lors de leur première mission et elle lui sourit. Puis elle s'adressa à son ami :
— Comment as-tu réussi ce coup de maître ? Je te croyais à la base, sur Naefilia, enfermé et surveillé !
— Je n'aurai jamais pu réussir sans l'aide de Nicolas et d'Adrien, mais ils n'ont pas voulu venir, ils veulent rester dans la Libération avoua-t-il.
La résistante ne put s'empêcher de sourire malgré sa tristesse de ne pas les voir présents. Ils l'avaient aidé, d'un commun accord et sans le sien. Elle leur devait beaucoup, sans eux, elle aurait été sous les ordres d'une femme qu'elle haïssait par nature, à être dans son ombre, sans la gloire du succès, sans la liberté du vainqueur. Grâce à eux, elle était libre et elle pourrait détrôner Neferlme à sa propre manière, avec ses propres rebelles même si celui lui prendrait du temps pour tout planifier. La jeune femme serra la main d'Hermais, déterminée à tout construire d'elle-même pour ne dépendre de personne. Oui, désormais, elle était son propre maître.
Une semaine plus tard, l'équipe explorait l'intérieur d'un vieux manoir, inhabité depuis plusieurs années dans la campagne à proximité de Draconian. Ils avaient découvert cette propriété par hasard, rattrapés par la nuit et intrigués par des murs de pierre et d'une arche à moitié écroulée. Le jardin auparavant bien entretenu était maintenant envahi de mauvaises herbes et une fontaine abritait une eau croupie autour de laquelle des moustiques voletaient. Mais le plus impressionnant restait l'intérieur, majestueux et surtout immense avec ses trois étages. Ahelys et Hermais parcouraient le deuxième étage, les rayons du soleil couchant attira leur regard vers une sculpture très bien réalisée, comme si le propriétaire des lieux, un vieil homme à l'allure charismatique avait décidé de se figer dans le temps.
— Il devait être un noble sacrément riche pour se payer cette statue de lui, souffla le jeune homme.
A ses côtés, la résistante acquiesça et ne put s'empêcher de bailler malgré la beauté des lieux. Elle voulait juste poser ses affaires et dormir pour repartir sur les routes et trouver un bon endroit pour s'installer et réunir les rebelles de la Libération qui n'attendaient que son signal pour passer de camp. Mais son avis changea bien vite lorsque Alma, la fille aux cartes les appela, au sous sol et qu'ils dévalèrent les escaliers pour découvrir une entrée vers des réseaux souterrain.
Une lampe dans la main, la chef s'avança dans le tunnel d'une dizaine de pas avant de découvrir plusieurs embranchements qui se succédaient.
— Mais à qui appartenait cette maison, un patron de la contrebande ? souffla celle qui avait découvert l'accès.
— Je n'en sais rien, mais ce manoir me semble très bien pour réunir nos troupes et nous préparer, murmura Ahelys.
Les journées suivantes furent consacrées à la totale exploration du domaine, bien plus vaste que ce qu'ils avaient imaginé. Quant au réseau souterrain, il semblait rejoindre Draconian et d'autres villes proches avec parfois des échelles qui menaient à des abris à l'air libre, comme des tours de gardes sur les immenses routes. Cette découverte miraculeuse conforta la chef dans l'idée d'emménager dans ces lieux et en quelques semaines, leurs effectifs étaient passés de cinq à trente. Le noyau de leur organisation était constitué. Mais ils devaient encore grandir, s'épaissir sans pour autant sortir de l'ombre. Car Ahelys voulait que les Vengeurs restent secrets jusqu'au dernier moment. Ce nom lui avait semblé comme naturel pour eux : ils vengeraient leurs frères et leurs sœurs réduits en esclavage et tueraient Neferlme. C'était aussi la vengeance personnelle de la jeune femme sur l'homme qui lui avait enlevé ses parents et dirigé une partie de sa vie, sa promesse à Djiy.
Pour remplir ces objectifs, la chef des Vengeurs avaient éparpillé une dizaine de ses troupes pour recruter des enfants de Noé dans l'ombre. Mais elle ne se pressait pas, elle n'était plus la même qu'auparavant : sa colère froide lui dictait de préparer ses forces pour réussir à coup sûr. Ahelys n'était plus la jeune effrontée qui brûlait de se venger de l'Empereur sans penser aux conséquences ou à ses chances de réussite. Avec nostalgie, elle songea à son retour de la première mission, quand elle voulait se manifester devant tous dans une ville juste par arrogance. Mais la résistante avait traversé des épreuves qui l'avaient forgé ces derniers mois : elles lui avaient appris la patience et la sagesse.
Elle n'avait pas le droit à l'échec, pas le droit à la précipitation, car la résistante savait qu'elle aurait bien la tête du Malicieux au bout de son épée un jour, et pour ça elle avait tout son temps.
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