Chapitre 34- Séparés
La base avait été conquise rapidement, presque avec facilité. A partir du moment où Vivyan contrôlait le Centre depuis son ordinateur, la défaite était assurée pour les Naefiliens. A l'extérieur, les soldats avaient été décimés par les résistants sortis de leur cachette tandis qu'à l'intérieur, les employés s'étaient livrés dès qu'ils avaient compris leur situation.
Après avoir averti le vaisseau mère de la réussite de la mission, les rebelles s'étaient empressés de libérer les esclaves des Iles Minières de leurs chaînes. Des centaines et des centaines d'enfants de Noé, enfin libres. Pendant des mois ou des années, leur existence ne s'était résumée qu'à une suite de chiffres comme nom et le travail éreintant dans les mines. Ahelys avait vu des esclaves se jeter dans leurs bras, des larmes de bonheur coulant sur leur visage. Cette vision d'horreur lui avait fait serrer les poings de rage, sa haine ravivée par ces colliers électrique que portaient les esclaves, qui d'une décharge les mettait à terre tandis que des soldats pouvaient se marrer ivres et débiles.
La petite centaine d'employés Naefiliens avaient été d'une certaine manière, sauvés de justesse. Quelques bonnes âmes avaient refusé de les tuer pour tous leurs méfaits commis, mais si la décision n'avait tenu qu'à Ahelys, le choix aurait été direct et sans hésitation.
La maîtrise de ces mines importantes pour le commerce Naefilien avait ébranlé le continent entier, surtout les nobles Terra qui administraient cette partie du territoire. A Draconian, l'Empereur n'avait pas tardé à prendre des décisions et contrôler la folie médiatique. « Les mesures », disait-on dans les salons de discussion, « allaient dépasser toute espérance et écraser ces saletés de rebelles. »
Mais la Libération partageait un tout autre avis : en un mot, c'était la fête partout où les résistants se trouvaient. Même les petits repaires à peine constitués d'une vingtaine de membres avaient explosé de joie à la nouvelle. En quelques heures, les rebelles avaient retourné des centaines d'années d'esclavage. Le blocage de ces mines n'allait peut-être pas bloquer l'économie entière du continent, mais représentait un symbole fort pour les Enfants de Noé. Depuis le début de leur esclavages, les Iles Minières avaient écrasé et tué des millions d'entre eux, utilisés comme des outils dans les tunnels autrefois tortueux et sombres. Oui, le Symbole avait bel et bien sombré, écroulé comme un bâtiment aux trop nombreuses fissures.
Pourtant, cette action n'était que les prémices de ce que souhaitait la Libération.
L'énorme machine s'était mise en branle : à peine une semaine s'était déroulée avant qu'Ahelys et ses amis ne reçoivent des instructions. Comme elle l'avait pressenti, voilà tout d'un coup leur groupe séparé. Adrien, transféré dans le secteur de la stratégie et Nicolas dans celui de l'espionnage après ses prouesses d'acteur. Les deux s'en étaient allés chacun de leur côté, l'un au Quartier Général au Pays de l'Etoile et l'autre pour une mission secrète, au milieu de la capitale.
Sealvey avait reçu l'ordre d'administrer les Iles Minières tandis qu'Ahelys et Hermais partaient aider les mouvements de plus en fréquents des résistants.
L'Empereur avait eu la gentillesse de menacer la Libération et leur offrir la reddition avant d'envoyer sa flotte. Mais le pays de l'Etoile, jusqu'à alors secrètement alliés aux rebelles annonça l'action louable des Enfants de Noé et leur soutien inconditionnel en cas d'attaque de l'armée de Naefilia.
Si les rapports entre les deux pays n'avaient jamais étés très fraternels, leurs liens s'étaient rompus après la réussite de la mission de la Libération, et maintenant voguaient sur les eaux autour des Iles Minières, des bateaux des deux partis, dans leur zone respective.
Aucun des deux géants n'osait faire le moindre pas, ils étaient comme deux chiens aux aguets, les yeux rivés sur la moindre action du rival. A la moindre erreur, ils se déchiquetteraient sans pitié.
Plusieurs semaines se déroulèrent dans cette ambiance de crise, sans que la tension ne retombe. Les diplomates des deux pays étaient retournés chez eux, les espions récoltaient des informations et les stratèges de guerre passaient des journées entières dans des salles de réunion. On n'apercevait plus l'Empereur, enfermés avec ses ministres, à fomenter des plans secrets.
Dans un salon délabré, Ahelys regardait d'un œil distrait la télé, des politiciens sur un plateau où un animateur leur posait des questions sur leur futur proche. A quelques pas, des résistants jouaient aux cartes tandis que d'autres occupaient leur temps comme ils le pouvaient. Des rires gras et des accolades circulaient, surtout à la jeune femme. Les rebelles la considéraient comme un leader partout où elle passait, et ce bastion n'échappait pas à la règle. Durant ces semaines tendues, Ahelys avait traversé de nombreux repaires, pour des missions de toutes sortes, puis elle repartait comme un fantôme. Ou plutôt, un prédicateur, car elle ravivait la haine de ses confrères pour les prochains événements : les élections des Généraux.
Puis elle se devait de redonner espoir aux membres : l'Empereur avait renforcé la sécurité dans les villes et les campagnes, des dizaines de nids de rebelles pris, toujours durant la nuit.
A la télé, non ils ne parlaient pas de ces esclaves qui disparaissaient d'un coup, personne ne s'en préoccupait.
Une phrase d'un politicien attira l'attention de la jeune femme et elle se redressa. « La situation n'est pas comparable à la révolte que l'on a connu en 390. » A l'époque, elle n'avait que quatre an, aucun souvenir de cette crise. Mais elle n'avait que trop entendu cet épisode de l'Empire où les Enfants de Noé s'étaient soulevés en masse contre leurs maîtres. L'ancien Empereur, Adibail assassiné par un résistant et la guerre civile régnait dans les rues. Mais il n'avait suffi qu'un mois à Neferlme, alors tout juste âgé de vingt ans pour reconquérir le territoire.
Ahelys secoua la tête, aujourd'hui était différent, ils étaient mieux organisé, mieux armés. Dans deux semaines, elle serait à la base du continent, en tant que candidate au poste de Général. Elle possédait les voix, les hommes qui la conduiraient à une victoire assurée. Son visage se rembrunit, enfin, si elle oubliait l'autre camp.
De leur côté, le Général de la Stratégie et Sealvey s'étaient alliés pour proposer cette autre stupide alternative aux résistants. Un contrat de paix et un territoire pour les Enfants de Noé.
Elle en entendait parfois parler dans les bases où elle passait, en vérité ils réalisaient le même travail qu'elle : de la propagande. D'ailleurs, elle se souvenait encore de sa dernière rencontre fracassante avec le Général de la Stratégie. Il n'avait pas bien supporté la mort du deuxième Capitaine des missions, le vieux renard, et l'avait accusé avec toute la verve qu'il possédait en réserve. Ahelys ne l'avait jamais vu hors de lui mais à vrai dire la situation l'avait amusée. Non, elle n'avait en aucun cas tué cet homme, un ennemi s'en était chargé pour elle.
Le si rusé Général avait perdu son flair légendaire et la considérait maintenant comme sa plus grande ennemie. La jeune femme étouffa un rire : cette erreur l'amusait encore.
Dans la poche du manteau, son portable vibra et sans surprise, elle vit le prénom d'Hermais s'afficher.
Les cinq amis avaient décidé de se procurer des téléphones depuis leur séparation, mais elle ne recevait jamais de messages d'Adrien, de Nicolas ou Sealvey, trop occupés par leur mission. Mais elle entretenait une relation régulière avec Hermais, compte tenu de leur objectif.
Il lui faisait part de ses avancées, des résistances qu'il avait rencontrées ou de nouvelle information. La jeune femme tapa une réponse brève et s'étira comme un chat, la tête rejetée en arrière, les yeux fixés sur le plafond où des énormes taches d'humidité apparaissaient. Elle en avait marre d'attendre, de traverser le pays pour juste faire des discours. Bien-sûr, elle aimait voir cette lueur s'allumer dans les yeux de ceux qu'elle enrôlait, mais elle voulait se retrouver à la base, que les élections se déroulent enfin. Au départ, elles devaient se dérouler au Pays de l'Etoile mais impensable d'y accéder après les récents événements. Dommage, elle avait toujours rêvé de visiter ce pays si différent, peuplé de Naefiliens et d'Enfants de Noé égaux. Quelle drôle d'idée, ils auraient du éradiquer tous les monstres quand ils en avaient eu l'occasion. Aujourd'hui était trop tard, et il était trop cruel de tuer tous les Naefiliens. Elle, tout ce qu'elle souhaitait était la tête de Neferlme dans le sable et tous ses sujets avec les chaînes de leurs anciens esclaves. Ainsi, justice serait faite.
Ahelys ressassait cette idée depuis longtemps, il fallait l'appliquer désormais. Après toutes ces années, elle pourrait enfin tenir sa promesse à Djiy.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top