Chapitre 31- Plan de sauvetage
Le vaisseau atterrit tant bien que mal sous un repli de roche caché des regards. Aussitôt posé, Nicolas détacha sa ceinture en hâte et courut à la cabine de pilotage. Les pilotes les avaient tenus au courant de la situation : deux de leurs vaisseaux avaient été interceptés avant qu'Ahelys n'intervienne, et depuis ils n'avaient plus aucune nouvelle.
Derrière lui, Adrien le suivait de près. D'habitude pas très expressif, son visage avait trahi une vive inquiétude quand les aviateurs avaient annoncé à travers les hauts parleurs que leur amie s'était portée au secours des avions capturés. Parvenu à la cabine, Nicolas s'empressa de s'informer :
— Que s'est-il passé, bon sang !
La réponse ne parvint pas assez vite à son goût, alors il empoigna l'épaule d'un des deux hommes et le secoua. Le pilote se dégagea de la main de l'adolescent d'un geste blasé.
— C'est fini. Ils ont tous été capturés.
— Et Ahelys ? demanda le jeune homme d'une voix blanche.
— Les dernières communications annonçaient qu'elle était prisonnière, puis tout a été coupé, lâcha l'aviateur.
Nicolas fracassa son poing sur le haut du dossier du siège et serra les dents, prêt à craquer. Sa seule consolation était de savoir sa sœur vivante. Mais qu'allaient-ils pouvoir bien faire, à cinquante alors que près de deux cents résistants étaient déjà hors jeu ? Le jeune homme résista à l'envie de se laisser tomber sur un siège vide et de prendre sa tête entre ses mains. Il devait faire quelque chose, absolument.
Mais rien ne lui venait à l'esprit, à part le désespoir qui se transformait bien vite en peur panique. Le jeune homme se tourna vers son ami, le regard suppliant. Il le fixa droit dans les yeux, et lui murmura :
— Allez vas-y, trouve un de ces plans de génie que t'as toujours ! Trouve un truc pour la sauver, je t'en prie !
Nicolas avait presque crié ces derniers mots et attira l'attention de passagers à l'avant. Quelques mètres plus loin, les rebelles toujours assis s'impatientaient, ils n'étaient pas encore au courant que quatre de leurs vaisseaux étaient perdus. Et s'ils l'apprenaient, ils voudraient de suite retourner vers le zeppelin, il en était certain. Mais oui, le zeppelin ! Tout n'était pas encore perdu, des hauts gradés se trouvaient dans le dirigeable, ils pouvaient les aider.
— Vous pouvez toujours contacter l'aéronef ? s'écria Nicolas.
L'un des aviateurs hocha la tête entreprit une série de manœuvre sur le tableau de commandes. Une dizaine de secondes plus tard, il confirma la transmission et fit le rapport de la situation aux supérieurs. Avec un casque vissé sur les oreilles, Nicolas et Adrien ne pouvaient profiter de l'échange.
Soudain, le pilote tendit son casque à Adrien avec pour seul commentaire :
— C'est le général Nerelfort.
D'abord surpris, le jeune homme saisit l'appareil. Il s'éloigna alors de quelques pas mais Nicolas put le voir frotter son index contre son nez, tic récurrent du jeune homme quand il réfléchissait. S'il ne pouvait saisir la discussion, voir les lèvres d'Adrien bouger lui procura un peu de réconfort. Il allait trouver une solution, c'est sûr.
Les jambes flageolantes, Nicolas s'autorisa enfin à s'asseoir sur un siège vide de la cabine de pilotage. Il n'avait qu'à patienter et son ami allait pondre un plan de dingue pour sauver Ahelys et les sortir de là. Mais alors qu'il reprenait espoir, Adrien se figea soudain et son visage se liquéfia. A pas lents, il rejoignit l'aviateur et lui rendit son casque, puis il s'assit aux côtés de son ami.
— La transmission a été coupée. La dernière phrase que j'ai entendu c'est « J'ai confiance en toi », souffla-t-il.
Le stratège éclata d'un rire amer et se laissa aller en arrière sous le regard médusé des pilotes et de son compagnon. Derrière, une clameur sourde montait des sièges occupés. L'un des pilotes s'apprêtait à prendre son micro pour informer les rebelles mais Nicolas l'arrêta avec une assurance feinte :
— Je vais m'occuper de transmettre le message. C'est mieux comme ça.
Le ventre noué, le jeune homme se dirigea dans la pièce arrière où cinquante résistants attendaient des ordres. Nicolas se façonna un visage de héros : les sourcils froncés, des yeux plein d'espoir, un sourire de leader. Qu'importe si ces imbéciles ne le connaissaient pas, ils allaient être subjugués par son talent d'acteur. C'est ce que tentait de se répéter le garçon qui cacha ses mains tremblantes en croisant les bras. Il prit alors une grande inspiration et commença :
— Vous vous en doutez peut-être, mais on est dans de beaux draps. Tous les vaisseaux ont été capturés à part nous. Mais nous avons pu avoir un message de l'aéronef : nous devons sauver nos compagnons. Cette mission ne peut pas rester inachevée ! Et si vous voudriez fuir, je vous le déconseille : Les avions fouillent chaque recoin des Iles Minières si nous ne nous pressons pas, près de deux cent cinquante rebelles seront mis à mort. Alors on va trouver un plan de sauvetage, aller à la rescousse de nos amis et partir de cette putain d'Ile sains et saufs !
A sa grande surprise, son discours trouva un assez grand écho au vu des cris d'encouragements et des applaudissements des résistants. Mais il savait qu'il avait seulement prononcé des paroles en l'air, cela ne suffirait pas à créer une stratégie. Avec un soupir, il sortit un petit objet de sa poche et le tritura quelques instants pour détourner un peu son esprit de ce sérieux problème. Soudain, l'appareil disparut de sa main et il observa d'un air stupéfait Adrien le brandir avec triomphe pour alors lui révéler :
— Je l'ai, ton éclair de génie !
Sous ses yeux ahuris, le jeune homme se rua avec une assurance inaccoutumée vers les passagers qui s'étaient levés.
— Tous ceux qui ont des compétences en mécanique et en stratégie viennent avec moi !
Un groupe d'une dizaine de personnes se concentra autour de l'adolescent qui faiblit un instant face à ces regards confiants, mais il reprit contenance et pointa l'objet qu'il tenait en main.
— J'aurai besoin que cet appareil puisse créer des hologrammes, ordonna-t-il.
Une petite jeune femme fluette et aux joues rebondies leva sa main gantée comme réponse et s'empara de l'appareil sans plus de cérémonie. Un de ses pouces coincés sous ses dents, elle examinait l'instrument avec minutie de l'autre.
— Il n'est pas de très bonne qualité mais je vais pouvoir m'en sortir. Quelle sorte d'image je dois créer ? lâcha la mécanicienne.
— Des soldats avec leur combinaison. Ils doivent être capables de marcher, la renseigna le stratège.
La résistante poussa un long sifflement mais son regard pétillant et son sourire en coin trahissait son excitation face à ce défi. Elle hocha la tête et s'apprêtait à se trouver un coin tranquille mais Adrien l'en empêcha.
— Attends, d'abord j'ai une chose importante à demander à quelqu'un.
Il se tourna alors vers son ami et lui expliqua à voix basse :
— Ce plan repose essentiellement sur toi. Tu devras faire semblant d'être un soldat aux ordres d'Haylmer qui vient récupérer Ahelys. Si tu ne t'en sens pas capable, je comprendrai, nous pouvons construire un autre plan avec les...
— Non, c'est bon. J'ai confiance en toi, l'interrompit Nicolas.
Adrien hocha la tête et autorisa enfin la mécanicienne à commencer son travail. Elle s'installa dans un coin de la salle et éloigna les curieux par quelques insultes.
Le stratège rejoignit la salle des commandes avec les autres qui s'étaient présentés et avant de faire coulisser la cloison qui séparait les deux salles, il échangea un regard entendu avec son ami : empêcher tous les gêneurs d'entrer dans la salle, ils avaient besoin de calme.
Comme par hasard, trois résistants aux allures de caïds dans la quarantaine de rebelles laissés à eux-mêmes s'avancèrent d'un pas lourd vers Nicolas, adossé à la porte, les mains dans les poches. Mort de trouille à l'intérieur, le jeune homme lança un regard narquois aux trois rebelles qui lui renvoyèrent des sourires déstabilisants. L'un deux s'avança, posa une main sur l'épaule du garçon et jeta sur le ton de la conversation :
— Ecoute, mes amis et moi, on veut ne pas créer d'ennuis mais on préférerait partir de cette île entière. Alors, mon petit, ton discours était très inspirant mais tu devrais nous laisser passer parler aux pilotes.
— Mon petit ? Je vois que vous ne me connaissez pas.
Son interlocuteur ricana et ses doigts agrippèrent plus fermement l'épaule dans l'intention de le faire valdinguer. Mais les pieds du jeune homme étaient bien campés sur le sol : il avait l'habitude de bien pire lors de ses entraînements avec sa sœur. Sa terreur laissa place à une étincelle de malice : il contrôlait la situation.
Le gêneur échangea un regard incompréhensif avec ses amis et il retira sa main avec surprise de l'épaule de Nicolas qui épousseta son habit avant de leur rétorquer d'un ton las :
— Ahelys est ma sœur cadette, si vous ne le saviez pas. Elle est puissante oui, mais je vous déconseille de m'énerver, vous savez, un gène de famille : on a le sang chaud. Vous voyez cette cicatrice ? J'ai combattu un Nerelfort à main nues, je vous raconte pas son état à lui. Si vous vouliez quitter cette île, vous auriez du vous proposer avant, tant pis. Oh, et puis, nous oublions tous le fait que vous souhaiter abandonner un Capitaine et un symbole à leur sort. Maintenant, déguerpissez.
Le jeune homme entama un mouvement et aussitôt, les trois résistants reculèrent et sans un mot, ils rejoignirent d'autres rebelles dispersés dans la salle. Durant la demi-heure qui suivit, ils ne cessaient de jeter des regards insistants sur Nicolas qui affichait une tranquillité absolue. Mais il faisait plus que l'afficher : malgré la situation, il était bien plus serein que les semaines précédentes. Quelle action avait entamé ce processus ? La confiance qu'Adrien avait placée en lui, peut-être ? La voix qui chuchotait autrefois dans sa tête avait disparu, il avait la sensation de revivre à nouveau. Il avait retrouvé cette malice qu'il ne faisait qu'interpréter, ces blagues et ces rires qu'il répétait sans entrain.
Un vrai sourire s'étala sur son visage et aussitôt, les yeux des piètres espions se détournèrent de lui. Peu de temps après, la mécanicienne vint le retrouver, l'appareil dans ses mains. D'un signe de tête, elle pointa la porte, le regard moqueur
— Mr Muscle, j'ai le droit de passer moi ?
— Bien-sûr, je laisse toujours passer les jolies filles !rétorqua-t-il.
Elle leva les yeux au ciel, s'engouffra avec dans la pièce avec Nicolas à ses talons. Aussitôt la porte refermée, la jeune femme alluma la machine et cinq hologrammes de soldats casqués apparurent. Un des résistants poussa une exclamation de surprise et s'approcha des apparitions avec prudence pour tenter d'en toucher un. Le soldat se mit alors en mouvement et évita la main tendue, ce qui provoqua un sifflement admiratif de la part de Nicolas.
— Je les ai programmé pour qu'ils évitent les obstacles, et marcher mais c'est le mieux que je puisse faire dans ce laps de temps, précisa-t-elle.
Une zébrure indigo traversa soudainement les hologrammes et le nez de la mécanicienne se fronça. Avec un grommellement, elle éteignit l'engin et quitta la salle des commandes comme une tornade.
— Assieds-toi, on a encore besoin de toi, lança Adrien.
Pour seule réponse, la résistante poussa un soupir et s'affala sur une chaise près de la porte, désireuse de couper court à la conversation. Sous l'invitation de son ami Nicolas prit le dernier siège vacant, à côté d'un des deux aviateurs qui semblaient de bien mauvaise humeur.
— Alors, comment votre plan avance ? se renseigna-t-il.
— Il est presque fini, répliqua Adrien.
Le stratège avait jeté un regard hésitant vers les autres avant de répondre, mais les résistants avaient tous hoché la tête. Ils résumèrent leur discussion pour les nouveaux arrivants et quand Nicolas apprit plus en détail le dessein de son meilleur ami, un sourire admiratif envahit ses lèvres. Extravagant et osé. Mais pour sauver Ahelys et près de deux cent cinquante personnes, il le fallait.
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