Chapitre 18- L'Entre-Deux ♠️
Le conteur repose son verre. Une belle rangée de gobelets s'alignent sur la table. Au fil de l'histoire, certains auditeurs se sont assis à même le sol, d'autres ont rapprochés leur chaise.
Il frotte du bout des doigts sa gorge irritée, voilà plus de deux heures qu'il parle sans interruption.
— Que diriez-vous d'une petite pause ? demande-t-il.
Le public rechigne, un client s'indigne face à cette interruption. Ils veulent tous que l'histoire reprenne. Mais le narrateur ne posait pas une question. Il s'est levé et se dirige vers la porte d'un air ensommeillé. L'alcool ingurgité le fait trébucher sur plusieurs mètres mais il se rattrape au mur.
Finalement, l'homme pousse la porte. L'air du petit matin le réveille et il hume avec délice l'odeur du pain se répandre dans la rue. Dans cette pièce sombre, il a perdu toute notion du temps ! Deux soleils verts se lèvent dans le ciel rosé dans lequel se découpent les silhouettes des gratte-ciels. Il aurait juré faire face à un tableau. L'effet est saisissant. A ces heures perdues du matin, les boulangeries se mettent en marche. Les robots enfournent par paquet les pâtisseries et les pains dans les fours. Pour les vivants, le jour sera là dans quelques heures.
Perdu dans ses pensées, le conteur sort d'une poche un paquet de cigarettes achetées sur Terre. Le vagabond y est allé récemment, sa terre natale lui manquait. Mais tout a changé depuis son départ, il ne s'y sentait pas à sa place. Aucune planète n'est plus sa maison, à part peut-être une. Ses doigts agiles sortent une cigarette. Il allait saisir un briquet dans sa poche, mais à côté de lui, un des clients vient de sortir le sien. Une jeune Naefilienne, le teint pâle.
Il accepte avec reconnaissance la flamme et une volute de fumée s'échappa d'entre ses dents. La créature sort elle aussi une cigarette en silence. Ils observent la ville se réveiller. Dans peu de temps, des passants se promèneraient dans la rue. Il sera déjà parti à ce moment là.
— C'est rare, de croiser des gens qui fument de la nicotine par ici. On entend à peine parler de la planète qui en produit. Elles viennent de la Terre n'est-ce pas ? s'enquière la Naefilienne.
Le narrateur hoche la tête. Sa cigarette finie, il l'écrase du talon et la cliente fait de même. Ils rentrent dans la taverne et l'homme se rassoit dans le fauteuil, commande de nouveau un verre. Il pousse un soupir et se relève pour s'adresser à son auditoire :
— Le soleil se lève et je ne raconte jamais ce conte au grand jour. Venez demain soir pour écouter la suite, ou alors restez dans l'incertitude.
Des murmures irrités surgissent sur son passage. Il pousse sans ménagement la porte et les salue :
— A tout à l'heure, tout du moins si vous revenez.
Le jeune homme s'enfuit dans les rues adjacentes dans le petit jour de cette planète lointaine. Il traverse des rues où les voitures volent sur plusieurs étages dans les airs. Un des trafics aériens le plus sophistiqué de la galaxie. Sur les longues et larges avenues que le conteur emprunte, il croise toutes sortes de spécimens, impossibles à décrire. Aujourd'hui, presque toutes les espèces vivent en paix. L'immigration massive n'inquiète pas la plupart des sociétés, il y'a de la place pour tout le monde et une paix bien méritée règne dans l'univers.
Pourtant, le jeune homme doit encore et toujours assister au Conseil Galactique. Las, il se passe une main sur le visage et monte une volée de marche pour entrer dans un large bâtiment blanc avec un trou dans le toit d'où sortaient de minuscules mais immanquables rayons bleus. Il observe du coin de l'œil une bande de touristes Terriens, éblouis par l'architecture et la diversité des habitants.
Le conteur grogne devant la longue attente qui le sépare du portail des départs galactiques. De l'autre côté, un deuxième portail recrache des nouveaux arrivants venus d'autres contrées. Il aurait bien voulu faire un tour avant le conseil, mais le temps lui est défavorable. Le narrateur rechigne un moment avant d'appeler un robot contrôleur qui lui scanne sa carte et l'emmène devant un portail privé. Comme toujours, un froid intense parcourt son corps lors du bref instant où sa vision se brouille.
Quelques secondes plus tard, il apparaît dans l'un des sas de l'imposant vaisseau Noé. Le jeune homme retire sa capuche, prêt à affronter les regards de centaines voire de milliers de dirigeants.
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