Chapitre 17- Leçon


            Ahelys retira son poing ensanglanté du mur de mousse, les yeux rivés dans ceux de Sealvey. Elle le provoqua du regard, le défia de soutenir sa fureur. Mais le jeune homme ne baissa pas les yeux. Il avait peut-être accompli des actions contraires aux principes de son ancienne amie mais ses choix étaient les siens, pas ceux de la jeune fille et il les assumait.

— Alors ils t'ont refoulé, le trône n'était pas assez à ta portée peut-être ? siffla-t-elle.

— Non, c'est moi qui ai quitté le palais quand je n'avais plus d'espoir quant à ta disparition. J'ai espéré pendant deux ans des signes de toi, puis j'ai cherché ton corps. Ils t'ont déclaré morte, alors j'ai abandonné le palais, expliqua Sealvey.

— Encore une fois devrais-je dire. Mais jamais deux sans trois comme on le dit. Alors désormais, méfiez-vous de moi, votre Altesse, siffla Ahelys.

Le résistant grinça des dents mais ne répliqua pas. Il se contenta d'épousseter sa tenue, sous les yeux moqueurs de la jeune femme.

Médusés, Nicolas et Adrien aux côtés d'Hermais avaient observés la scène. Nicolas lâcha un sifflement admiratif et glissa à Hermais :

— Ben dis donc, ma sœur a l'air de lui en vouloir à ton ami là !

Puis après un instant de silence, il renchérit, plaintif :

— Puis à Adrien et moi on ne nous explique jamais rien ! Tu ne veux pas nous renseigner sur deux trois trucs pendant que nos deux grands ennemis se boudent ?

— Avec plaisir, j'ai toujours rêvé d'enseigner dans une autre vie, s'exclama le résistant.

Sealvey était parti devant, sa lampe torche illuminait le tunnel sur une courte distance. Ahelys avait pris l'arrière, le plus loin possible de l'héritier. Hermais commença donc à expliquer aux deux Terriens les grands fondamentaux de la planète.

— Par quoi commencer... Notre planète s'appelle Urissa et possède quatre continents dont deux habités ; Naefilia et Anva. Mais Anva est un continent contenu derrière une barrière créée par les Dieux.

— Les Dieux ? s'intéressa Adrien.

— Notre planète a été tirée de l'ère Antérieure, dominée par la magie par les Dieux, des êtres venus d'ailleurs que nous vénérons. Ils ont amené des Terriens sur Urissa, intrigués par nos ressemblances physiques. Mais les habitants d'Anva ne purent supporter cette cohabitation et devinrent violents, ils furent enfermés sur leur continent.

Les deux adolescents pilèrent net. Une interrogation transformée vite en affirmation se forma dans la tête d'Adrien.

— Alors... Les esclaves de ce continent...sont des Terriens ? comprit-t-il.

Leur professeur hocha la tête.

— Mais c'est impossible, nous aurions des traces sur Terre ! des gens disparus, comme ça ! tempêta Nicolas.

— Je crois que sur votre planète, le moment où ils ont été enlevés correspond à un épisode religieux. 

Ahelys s'immisça dans la conversation et apporta plus de précisions.

— L'époque correspond au Déluge, donc des morts et des disparitions sur toute la planète, il y'en a eu. Et il correspond à l'origine de notre appellation : Les Enfants de Noé. Mais aujourd'hui, pour eux nous ne sommes que des esclaves !

— Laissez-moi continuer, bon sang ! répliqua Hermais. Donc, après une période de paix, il y'a eu des guerres entre Humains et Urissiens. Vainqueurs, ils ont réduits en esclavages les Terriens. Et des prêtresses veulent nous faire croire que ce sont les Dieux qui nous ont offert aux Naefiliens, foutaises ! Après ça, il y'a eu des guerres de clans et une famille ressortit vainqueur pout fonder l'Empire de Naefilia. Ca ce sont les grandes lignes de l'Histoire.

— Des familles ? questionna Nicolas.

— Mon cher, tu as oublié bien des choses !

Sealvey s'était arrêté. Il avait suivi le dialogue et se joignit à un Hermais exaspéré de se faire interrompre pour apporter des informations.

— Tu leur as parlé à peine de la magie qui règne sur notre planète !

Les deux Terriens étouffèrent une exclamation de surprise quand le jeune homme fit apparaître au dessus de sa paume une flamme. Les explosions de flamme à l'hôpital prenaient tout leur sens désormais.

— Quand Anviens et Naefiliens étaient encore réunis, tout le monde possédait des pouvoirs plus ou moins forts avec les éléments. Mais les Anviens ont toujours été plus réceptifs à la nature. Lors de la fermeture d'Anva, quelques familles s'enfuirent du continent pour se réfugier à Naefilia. Elles dominèrent bientôt cette terre et s'affrontèrent dans des luttes de pouvoir jusqu'à ce que mon ancêtre, Thélia unifie l'Empire. En plus de posséder un important pouvoir de feu, elle pouvait contrôler les dragons, espèce rare et puissante. Aujourd'hui, ces familles font partie de la noblesse et administre chacune une région dans le continent, sous la tutelle de l'Empereur, mon oncle.

— De la magie... On se croirait dans un univers fantastique parallèle, mais non c'est juste une autre planète, s'enthousiasma Nicolas.

— Dis-moi... Votre organisation, La Libération si j'ai bien compris, c'est quoi son histoire ? interrogea Adrien.

— Des mouvements de résistance ont existé à toutes les époques. Aujourd'hui l'organisation la plus importante est la Libération. Elle a été fondée il y'a environ huit ans. Il y'a quatre ans, après une bataille contre l'armée... commença Hermais.

— Et la fuite de Sealvey, le coupa Ahelys.

Celui-ci ne répliqua pas et avança de quelques pas. Hermais, quant à lui ne se démonta pas et continua son histoire :

— Elle a ressuscité un an après, et elle revient plus forte que jamais ! Surtout qu'aujourd'hui nous avons le soutien du pays de l'Etoile, notre centre stratégique se trouve là-bas.

Ahelys s'arrêta net, surprise par cette information.

— Quoi ? Depuis quand ? Et vous n'avez toujours pas renversé Neferlme avec leur aide ? tempêta l'adolescente.

Hermais leva les mains en signe de défense.

— Je te rappelle qu'ils ont moins de ressources et sont moins à la pointe que l'Empire, répliqua-t-il.

Face au silence pensif de la jeune femme, il termina son explication.

— Bon...Ce sont les grandes bases, le reste vous l'apprendrez au fur et à mesure. Mais j'y pense, vous ne voulez pas revenir sur Terre ? Vous pourrez faire une requête, vous n'êtes pas mêlés à cette histoire, je suis sûr que nos supérieurs trouveront un moyen pour vous faire rentrer !

La jeune femme, leva un instant la tête. Elle aimerait aussi entendre la réponse de son frère et de son ami qui gardaient un silence pensif.

— En fait, on a décidé de rester avec Apo...Ahelys. Pour éviter qu'elle passe du côté obscur de la force, vous voyez le genre, tenta de plaisanter Nicolas.

Face aux mines médusés des deux Urissiens, l'adolescent s'empressa de raconter l'aventure d'une des œuvres mythiques sur Terre, Star Wars. Il narra aussi quelques faits historiques, parfois connu des résistants.

Adrien digérait les informations que les habitants de cette planète lui avaient données et continuait de discuter avec Sealvey pour en apprendre toujours plus sur Urissa. Nicolas s'était lié d'amitié avec Hermais et de grands éclats de rire jaillissaient parfois de la petite équipe.

Seule, Ahelys n'avait pas envie de se fondre avec eux. Elle avançait, ses pensées encore tournées sur Sealvey. Quand elle le regardait, ses traits ressemblaient tant à Neferlme. Parfois, le visage de son ancien ami laissait place à celui de l'Empereur, lorsqu'il souriait.

Pourtant le jeune homme était si différent de son oncle, elle le voyait bien. Pourtant une part d'elle-même refusait de pardonner à l'héritier. Une part d'elle-même le liait à tous ces Naefiliens. Car au fond, ils étaient tous les mêmes, Ahelys en était convaincue.

Plusieurs heures de marche avaient miné la compagnie et plus personne n'avait vraiment la force de parler dans cette obscurité inquiétante. Entourés par ces murs épais, chaque infime bruit résonnait sous la voûte. Enfouis sous terre, sans aucune notion de temps, les adolescents avaient comme l'impression que le monde se limitait à eux seuls. Ils firent une petite pause pour reposer leurs jambes endoloris mais ils avaient tous hâtes de sortir de ce sordide souterrain au plus vite. Une heure plus tard, Sealvey signalait des barreaux entourés d'un foulard, signe qu'ils avaient mis lors de leur précédent passage. Ils se retrouvèrent bien vite dans des broussailles d'or face au soleil levant. Durant leur voyage au souterrain, la nuit avait filé sans qu'ils ne s'en rendent compte. Ils se trouvaient à la bordure de la ville, de l'autre côté de la muraille. Derrière eux s'étendait la campagne avec des champs et quelques fermes.

Le délice du vent sur son visage rappela à Ahelys qu'elle n'avait pas dormi depuis bien longtemps. Le bruissement des herbes berça un instant la jeune femme et ses yeux papillonnèrent. Mais elle fut tirée de sa rêverie par les résistants qui marchaient d'un pas irrégulier dans la verdure. En quelques coups de main, ils avaient retiré les branchages qui cachaient de manière partielle une voiture.

Hermais et Sealvey prirent les deux places à l'avant tandis que les adolescents s'accaparaient les banquettes arrières. Après avoir démarré le véhicule, Hermais rejoignit une route peu fréquentée où passait de temps en temps une voiture.

Peu à peu, avec le paysage de campagne qui défilait derrière la vitre, Ahelys sentit ses yeux se fermer. Elle ne résista pas à la tentation et sombra dans un profond sommeil.

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