Commémoration du 11 septembre
Il y a dix-neuf ans, deux tours chutaient, première attaque de grande envergure sur le sol américain, qui jusque là avait été épargné, sanctuaire de la liberté.
Il y a dix-neuf ans, la liberté de vivre a été bafouée, et nous avons décidé aujourd'hui de rendre hommage à tous ceux qui y ont perdu la vie.
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Elles étaient jumelles. Deux tours aussi grandes que la vie, prêtes à toucher le ciel infini.
L'une au nord, l'autre au sud. Comme pour accueillir le soleil au milieu d'elles. Comme pour montrer le chemin, afin que vous ne perdiez jamais le nord.
J'imagine sans mal ce qu'elles se disaient, avec l'impression d'avoir en elles de milliers de vies les parcourant à toutes heures. Elles devaient rire, souvent, et pleurer, parfois. Elles se disaient peut-être qu'un jour elles seraient trois, ou quatre. Et qu'ensemble, elles deviendraient l'étoile du temps, l'étoile de l'espace, prête à guider tous les égarés de la vie.
Puis, j'imagine que quand le premier oiseau de fer a touché l'une d'elles, elles se sont tenu la main, comme pour ne pas sombrer. Ou sombrer ensemble. Quand le deuxième est arrivé, il a ébranlé l'autre sœur. Elles se sont retenues à nouveau, fières. Fièvre de vivre.
Quand le troisième est arrivé, il a changé de cible. Elles ont dû se dire qu'elles avaient réussi. Elles ont dû s'étreindre au milieu des bruits et des secousses, heureuses d'avoir survécu. Ensemble.
Ça, c'était juste avant qu'elles ne comprennent. Quand elles ont rouvert les yeux de leur embrassade, leurs regards se sont posés loin là-bas. Là où la troisième cible gisait. Alors le sud a faibli, peut-être parce que son cœur était coincé sous ces gravas lointains, dans les bras du Pentagone.
Le sud d'abord, le nord après. La boussole s'est déréglée. Elles sont tombées dans les bras l'une de l'autre, emportant presque 3000 vies avec elles. Par amour peut-être. Devenant stars un instant, gravant leurs souvenirs dans des milliards d'esprits pour ne jamais sombrer totalement.
Elles sont parties en fumée, écrasées par la vie qui grouillait en elles. Et avec elles, ont emporté un peu d'espoir. Encore un grain, alors qu'il en restait si peu.
— Bookryne
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Boom. ''Allume ta télé, regarde les infos''. La voix à l'autre bout du fil est emplie de panique. Je me précipite. David Pujadas annonce un flash spécial. Derrière lui, je peux observer deux tours en flammes. Deux tours jumelles en plein cœur de Manhattan.
Boom. Il s'agirait d'un attentat. Je ne peux me résoudre à le croire, mais il est impossible que ce soit un accident. Tout avait été planifié. Les deux avions se sont jetés sur les bâtiments sans dévier de leur trajectoire. 8:14. Heure de pointe. Heure de mort. Ils étaient là pour tuer.
Boom. Je me souviendrais à jamais de cette journée. Je viens d'apprendre que je porte la vie. Mais comment me réjouir alors que tant d'étrangers portent le deuil ? Je sors de chez moi, je dois retrouver mon mari. J'ai besoin d'être dans ses bras.
Boom. Les images tournent dans ma tête, comme imprimées au fer rouge. Je presse le pas mais je ne peux leur échapper. Je revois le choc, l'explosion, la fumée. Les corps qui tombent dans le vide. Tous ces simples travailleurs qui ont sauté, poussés par la certitude qu'ils ne pourraient pas survivre.
Boom. Dans le métro, un jeune homme se lève pour me laisser une place assise. Je le dévisage, baisse les yeux, puis j'ai honte. Comment puis-je être assez stupide pour m'attarder ainsi à sa couleur de peau ?
Boom. Je m'excuse. Jamais je n'aurais dû le regarder ainsi. Comme s'il était différent, dangereux. Comme s'il était eux. Il me sourit. Une larme coule le long de sa joue puis il descend de la rame, rencontre éphémère qui m'aura mise en garde contre le fléau qui nous guette, le racisme.
Boom.
À travers les portes de verre, je vois le jeune inconnu se faire tabasser. Allongé au sol, il se tord sous la violence des coups de pieds. Encore une vie brisée.
Boom. Le deuil est omniprésent.
Boom. Bienvenue dans la cruelle ère du temps.
Boom. Plus rien ne sera comme avant.
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Le soleil se jouait avec lenteur du feuillage, illuminant le parc des lueurs dorées propres à l'automne. Une légère brise soufflait, et faisait frémir la peau des bras nus de Linda, qui serrait dans les mains sa cannette de thé glacé. Ses jointures étaient blanches, et son regard fouillant fébrilement les alentours. Sa jambe droite tressautait, nerveuse, et elle vérifiait toutes les secondes l'heure sur la montre à la lanière usée.
Son visage avait connu de meilleurs jours. De larges cernes creusaient ses joues, et des restes de maquillage trainé par les larmes restaient. Ses cheveux, brossés à la va-vite, étaient rassemblés dans un chignon brun à l'air bâclé. Mais le plus surprenant, pour quiconque la connaissant, c'était son regard. Habituellement, si pétillant, lumineux, il était là vide, vide de vie, de conscience et d'espoir. Même sa tenue était défraichie. En elle, tout était chamboulé. Elle savait que rien ne serait plus jamais pareil, que jamais le monde souillé ne retrouverait sa beauté d'autrefois.
Enfin, au bout de quelques minutes, elle redressa la tête, apercevant une silhouette familière. Elle reconnu sa démarche, la manière dont il chercha son regard, ses lèvres qu'elle avait si souvent embrassées. Elle reconnu Elyas.
Il s'approchait à pas rapides d'elle, et s'assit à ses côtés. La jeune femme lui offrit un sourire triste, en réponse à sa mine grave. Lui aussi avait de larges poches sombres sous ses yeux rougis par les larmes.
Hier, leurs vies à tous avaient été bouleversées.
Hier, entre huit heures quinze et dix heures, Elyas était à son boulot, à la bibliothèque du quartier.
Hier, entre huit heures quinze et dix heures, Linda était allée rendre visite à ses grands-parents.
Hier, entre huit heures quinze et dix heures, deux tours avaient subi une attaque terroriste, et presque trois mille personnes étaient mortes. Partout, dans toute la ville, tout l'état, tout le pays, tout le monde, un grand cri avait résonné, un cri de désespoir, de douleur. L'humanité avait été trahie par ses propres enfants. Comment un événement aussi bref, deux heures à peine, avait-il pu retourner les pensées ainsi ? Ni Linda ni Elyas ne le savait. Ils avaient juste peur.
Linda était effrayée par tout ce qui était arrivé, tout ce qui pouvait arriver, tout ce qui allait arriver. Des ombres dans le ciel, des silhouettes, des immeubles titanesques. Elle se sentait si petite, face à cette effrayante tristesse.
Elyas avait peur pour lui, pour sa vie, pour son avenir. Il savait que, même si nul n'oserait l'admettre, son origine arabe lui claquerait des dizaines de portes au nez. Lui qui avait eu tant de mal à se faire accepter dans cette société où il n'avait pas de case bien rangée. Voilà qu'il était de retour sur la case départ, à expliquer qu'il était musulman mais pas terroriste, qu'il ne sautait pas à la gorge des jeunes femmes dans les rues sombres. Qu'il était juste un humain apeuré. Parfois, il avait honte, honte d'où il venait, honte de sa Syrie natale. Il n'avait peut-être pas sa place ici. Mais aurait-il dû rester sous les tirs, à risquer sa vie ? Trop de doutes se mélangeaient dans son esprit. Il aurait juste voulu dormir, dormir à n'en plus en finir, d'un sommeil lourd et sans rêves.
Alors, ensembles, ils étreignaient leurs peurs. Sur ce banc, dans le parc ombragé, ils n'étaient plus seuls face à l'inconnu. Ils étaient deux. Quand les deux tours s'étaient écroulées, ils s'étaient effondré avec elles. Mais eux pourraient se relever. Un jour, leur vie reprendra, ils souriront, s'aimeront. Déjà, quelques oiseaux chantaient, cachés dans le feuillage. Au loin, un éclat de rire. La vie reprenait calmement sa danse quotidienne. Main dans la main, ils sourirent tristement, sans un mot.
Certes, ils vivraient, retrouveront la joie. Mais jamais ils n'oublieront ceux qui n'ont pas pu se redresser, ceux dont la lumière s'est éteinte. Il ne fallait pas oublier. Tant qu'ils étaient gravés dans les mémoires, ils restaient immortels.
— Eheren
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Déesses d'or et d'acier, ascenseurs immuables
Qui vers les doux nuages, se perdent et s'élancent
Vous qui, pour des années, abritaient nos semblables
Le ciel est à l'orage, les avions se font lances
Les explosions fusent tout autant que les cris
Les téléphones hurlent et les familles supplient
Où sont donc les secours pour sauver quelques vies ?
La scène est sinistre, tout se couvre de gris
Un lourd manteau de cendres s'abat sur nos rivages
Et des traces de sang recouvrent les visages
À la télévision, toujours la même image
Celle de deux carlingues, pénétrant avec rage
J'ai peur, j'ai mal, j'ai honte ; le malaise est intense
Loin de survivre en paix, on répand la souffrance
Où est l'humanité quand, là-bas ou en France
On tue avec des armes, imposant le silence ?
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Le 11 septembre est associé à pleins de victimes à qui l'on rend hommage. Ce jour-là est associé à un jour de désespoir. Pourtant, il y a des dommages collatéraux qu'on souhaite oublier. Ceux qui se font traîner dans la boue ou insulter. Ceux-là dont le traumatisme est étouffé par les éclats d'obus qui ont déchiré le noir. Pourtant, ce sont des êtres humains dont la plus grande valeur est d'aider leurs prochains. Ils n'ont rien fait mis à part croire en un Dieu dont la religion est détruite comme par hasard. Ils n'ont rien fait, mais on les assimile à des assassins. Les voir dans la rue serait synonyme d'effusion de sang. Ce sont des innocents qu'on se permet de juger. Coupables, ils se battent pour ne plus être discriminés. Hélas, leur présence semble déranger, un seul mot permet de se faire dénigrer. Alors qu'être musulman ne devrait être digne d'aucun châtiment.
Hélas, la vérité est toujours plus dure et la cruauté des humains n'a nulle barrière quand il s'agit de faire souffrir mes frères. Tout a commencé à cause de ces forcenés qui se sont dit que ce serait une bonne idée de dégommer deux tours. Ces lâches ont décimé des familles entières en plus de nous traîner dans la boue. Si je n'ai aucune haine, j'éprouve du mépris pour ces bêtes sanguinaires. Le 11 septembre 2001 a été pour nous le début de la fin.
A cause de ces actes ignobles, nous sommes tous devenus des cibles ambulantes. Haïs par les américains alors que nous n'avons rien fait. Mis à la marge à cause d'atroces actions d'une minorité. Je ne m'explique pas comment tant d'islamophobie a pu en découler. Hélas, ce territoire n'a plus jamais été une terre d'accueil pour nous. Cette patrie de la Liberté n'a cessé depuis de nous rejeter. Mais ça n'a été que le début, les années ont empiré la situation. A tel point que chacun des nôtres a eu l'étiquette terroriste collée sur le front.
Je ne vais pas m'intéresser à chaque année de violence que ces monstres ont perpétré. Surtout qu'en 2011, un organisme terroriste a cédé sa place à un autre. Celui-là a été bien plus violent. Développé en Arabie saoudite, il a frappé jusqu'en Occident. Encore un rassemblement de fanatiques qui a voulu se battre contre le reste du monde. Monde entier qui laisse la Syrie s'embraser et autorise Israël à décimer la Palestine sans pitié.
Le comble de l'horreur aurait pu s'arrêter là. Ce qui aurait été sous-estimer l'humain. 2018 a lancé un nouvel assaut contre ce monde occidental. Il a frappé dans le pays de la Liberté. Cette France patriotique nous a aussi ostracisé. Suite aux attaques de Charlie Hebdo et du Bataclan, nous sommes devenus des dangers publics. Si bien que chacun d'entre nous devrait être répertorié. Pour un oui pour un non, les basanés ont été fiché. Terroriste ou kamikaze quand l'un des miens tue. Mais quand un véhicule fauche des passants de Nîmes, c'est un français fou ou qui a trop bu.
Cette injustice me désespère et me fait peur. Non seulement pour mon avenir, mais pour les musulmans de demain. Aujourd'hui nous sommes en 2020 et nous sommes toujours décimes. En Chine personne ne fait rien alors que les musulmans sont exterminés, violés, emprisonnés et torturés. Tout le monde le sait, mais personne n'agit. On préfère s'intéresser à un virus qui extermine toutes les villes. Lui n'est pas aussi hypocrite que les gouvernements et n'attaque pas que les musulmans. Il nous rappelle que nous sommes tous humains.
Alors je vous en prie, arrêtez de nous haïr pour que des méfaits que nous n'avons pas commis ! La plupart ont appris à marcher quand ces énergumènes ont volé toutes ces existences. Certains ont appris à parler quand a éclaté toute cette violence. Seront-ils à vos yeux responsables ?
Si oui, tous les allemands seraient des nazis. La majorité des français seraient traîtres de leur patrie. Les russes seraient encore adeptes de Staline. Et les américains seraient les premiers violeurs et tueurs vu ce qu'ils ont fait pour s'approprier l'Amérique. Les Romains seraient les ennemis des chrétiens car ils ont crucifié leur sauveur. Enfin, les Égyptiens seraient détestés par les Juifs qu'ils ont extorqués durant des siècles.
Voyez à quel point il est stupide d'assimiler tout un peuple à des exactions commises par le passé. Comme il est ridicule d'élire un seul groupe d'humains pour nous représenter. Oublions notre rancœur et pleurons ensemble ces disparus. Et oui dans ces tours qui ont encouragé l'ire contre mes pairs, il y avait aussi certainement des musulmans qui n'ont pas survécu.
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Nous sommes le 11 septembre, un jour banal, comme les autres.
Aujourd'hui sera comme tous les autres 11 septembre. La guerre continuera dans d'autres coins du monde et celui-ci continuera de tourner.
Peut-être pas rond, mais il tournera quand même.
Inexorablement, le temps continuera sa route, sans se soucier des guerres, des naissances, des souffrances, des maladies, de la joie, de la tristesse, de la vie ou de la mort. Parce que ce n'est pas ce qui intéresse le temps.
Pour lui, nous ne sommes que des petits tas de sable, tout juste bons à construire des châteaux de cartes.
Pour lui, nous ne sommes rien. Alors il passe, repasse, accélère et ralentit au gré de ces envies, nous regarde à peine, nous aide encore moins et jamais ne s'arrête, quelle que soit l'occasion.
Rien ne fera changer le temps, surtout pas nous. Il est plus fort que nous, plus fort que tout.
Il peut faire tomber les plus vieux et sages d'entre nous, ronger petit à petit la plus solide des pierres ou le plus grand des bâtiments, parce que, après tout, ce ne sont que des châteaux de cartes.
Alors aujourd'hui, 11 septembre 2001, est une journée normale, qui ne marquera pas l'histoire.
En tout cas, c'est ce que pense chacun en se levant, tranquillement, ce matin là.
Car même le temps, qui passe et repasse inexorablement, ne pouvait prévoir ce qui se passerait ce matin là.
A l'heure de l'arrivée au bureau, le temps décide de ralentir un peu, comme chaque matin, et de prolonger la journée pour observer les humains.
Et soudain, à New-York, il voit arriver un avion. Un avion comme le temps en voit passer tant, mais néanmoins différent. Un avion qui s'encastre, directement, dans une longue aiguille de verre et d'acier, posée à côté de sa jumelle.
Le temps s'arrête, estomaqué. Sur la planète humaine qu'il aime tant arpenter, chacun se fige devant sa télé.
Car, en direct, un deuxième avion percute la tour voisine et un autre une caserne militaire.
Le temps se fige et laisse glisser des larmes. Le temps a vu des choses, beaucoup de choses et pensait que plus rien ne pouvait l'attrister. Mais lorsque les deux jumelles s'effondrent, lentement mais sûrement, dans le bruit du métal et du verre brisé, le temps se rend compte qu'il pleure à chaude larmes.
Il pleure les vies perdues injustement, il pleure la vie qui quitte tant de corp, il pleure avec les familles des victimes et il pleure en se remettant à marcher, car le temps ne peut pas s'arrêter, même dans les larmes et dans le deuil, même lorsque l'un de ces immenses bâtiments s'effondre, tel un château de cartes, le temps doit continuer, continuer, encore et encore, de passer, encore et toujours, les larmes dévalant ses joues, encore et encore.
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19 années plus tôt, jour pour jour, trônaient deux tours fièrement ici même. Le jeune homme ne pourra jamais oublier cette journée. Il avait accompagné son père ici, à son travail, tôt les rayons du soleil commençaient à peine à se dessiner à l'horizon. Un câlin fugace et l'élève était parti pour son école. Derrière les sourires, les embrassades, jamais il n'aurait douté que ce soir il rentrerait sans son père.
La ville silencieuse, il arpentait les rues froides et austères pour atteindre le mémorial. Ici personne n'osait parler, statiques et l'air grave, le vent automnal semblait à peine les atteindre, hors du temps. Tous étaient en deuil, en pleurs, le temps n'effaçait pas les pertes. Sa gorge se serra,il se sentait trembler comme tous les ans. Il venait ici pour se commémorer sa perte et de celles des autres et de porter hommage à ces disparus, les victimes, les héros.
Ses yeux embués se levèrent vers le ciel et de terre elles semblaient surgir de nouveau, les jumelles, de faisceaux deux lumière prenant leurs places, s'engouffrant sous la voûte céleste comme pour tenter de rejoindre les âmes défuntes, sans jamais pouvoir réellement les atteindre. Pour ne jamais les oublier, se souvenir l'espace d'une nuit, quelques heures seulement avant de s'évanouir de nouveau au lever du jour.
Une main vint se poser sur son épaule.Une chaleur familière, une poigne paternelle qu'il reconnaîtrait entre mille, celle qu'il espérait depuis 20 ans maintenant, mais, se retournant vivement, la solitude fut seule à lui faire face. La sensation elle persistait comme pour le soutenir, pour lui dire « je suis là », « je suis fier » ou encore un simple « je t'aime ». Ces trois phrases qu'il rêvait chaque nuit d'entendre de nouveau de son père, dans ses songes le revoir passer le pas de la porte, encore vivant, à ses côtés.
Cette absence, jamais elle ne l'avait autant manqué, la perte était si dure à accepter, désireux de le serrer dans ses bras, de le sentir, le voir mais surtout l'entendre. Lui et sa voix chaude; le rassurer, le réconforter, le consoler dans cette perte colossale qu'était la sienne. Sans retenir ses émotions, l'orphelin laissa glisser des larmes douloureuses le long de ses joues.
Ce jour là, plus de 3000 enfants ont perdu un ou deux parents.
Ce jour là, 2753 personnes sont mortes.
293 corps ont était retrouvés, 1 110 victimes restent sans corps ni traces.
Les mots ne seront jamais suffisants pour exprimer la perte et le chagrin causés par cette tragédie.
— JanusRLO
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Eh bien oui, je ne faisais que mon travail ce jour-là, grinçant sous les commérages des hommes d'affaire pressés contre moi. Je marchais bien et je portais un panier de travailleurs vers le haut, ils m'arrêtaient au dernier étage alors que je voulais continuer jusqu'aux étoiles. Je n'ai jamais vu le ciel ; savez-vous ? Je n'étais que le dix-septième ascenseur, un compagnon grincheux qui appréciait parfois retenir les humains pressés, ceux tapant contre la paroi en espérant que je daigne continuer mon ascension alors que je mène une grève contre mes défauts de fabrication.
Je n'ai jamais été très matinal, préférant les nuits sauvages où l'immense tour vibrait de silence. Elle s'élevait si haut qu'elle me portait contre ses murs froids, la géante immuable, inébranlable. Les années passaient sur elle sans altérer l'exploit physique de défier le ciel. Sauf que voilà, les cieux lui tombèrent sur la tête ce jour-là, et moi qui n'avais jamais vu les nuages me perdis dans une brume de poussière sans fond.
L'heure commença dans mes râlements sourds alors que mes fils traînaient péniblement mon cœur. Les mots et les chiffres qui me perçaient, très peu pour moi. Des conversations suintant la banalité. Un onze septembre comme un autre, ce matin-là, à ceci près qu'une petite employée m'emprunta.
Tout à la galanterie, je m'ouvris grand et offris mon corps qu'on piétinait à longueur de journée, qu'on écorchait, qu'on sonnait de tapes rageuses alors que la cohue de la vie humaine me traversait. La petite, je ne l'avais jamais vue. Un tel visage on s'en souviendrait. Elle s'enfonçait dans un coin d'ombre et caressait nerveusement ma peau métallique, de ses doigts délicats et doux qui me parcouraient de frissons. Des boutons d'acnée constellaient sa peau d'adolescente tardive, j'enviai ces étoiles d'une chair décharnée qu'elle offrait dans cette tour étroite.
Tout se battait en elle, finesse et laideur, pour exalter une timidité maladive la poussant à l'écart des travailleurs bavards. Ses mèches brunes heurtaient mon fer à chaque secousse, j'en appréciai le fouet soyeux. Elle dégageait la norme, cette fille de mon siècle, et elle griffait sa jupe pour en effacer les plis. Ses yeux d'innocente brillaient comme deux lunes, écarquillés d'une vie craintive.
Je ne pus que tomber sous son charme. Mes portes se refermèrent sur elle pour l'étreindre quelques minutes dans ma cage de fer. Ces quelques minutes se transformèrent en éternité. Elle gigotait dans mes entrailles, ça faisait battre mon cœur. Je jalousais ses collègues désintéressés, refusant d'initier avec leur corps d'humain une relation que je ne pouvais pas me permettre d'envisager, alors que tout criait en moi de l'initier. Il ne nous restait à tous que quelques minutes. Seulement, la fille n'entendait pas ma voix caverneuse de rouages.
Je laissai, impuissant, mes pensées dégouliner d'une ode sauvagement muette.
Vous brillez, mademoiselle, vous portez la Femme en vous. Quelque chose s'exhale de vous et je crois que c'est cette humanité, vague brûlante enroulant mes désirs. Vous êtes ma maîtresse, mademoiselle, vos désirs me guident vers le haut, et pourtant ce présent ne touche pas votre cœur candide. Vous valsez, mademoiselle, vos doigts dansent et s'enroulent pour concentrer votre timidité dans l'objet de vos actions. Le corps s'emmêle. Vous avez un amant peut-être, un frère, un enfant, vous noyez l'environnement de quotidien et c'est ce qui fait de vous un astre doux. Un seul de vos regards couve le futur qui s'arrachera bientôt. Je suis fier d'être votre tombeau, mademoiselle, et pourtant je regrette cette pointe de terreur vous illuminant lorsque vous entendez la première explosion. Je n'y peux rien, moi j'aimais cette tour et j'aimais le sang chaud brûlant vos veines.
C'est la chute de l'humanité qui nous a emportés.
Tout à mon babillage, j'observai ces visages terrifiés confinés en moi où tout s'ouvrait : les yeux, les lèvres, la gorge déployée pour arracher des hurlements et bientôt leurs entrailles. Des bruits sourds déchiraient l'atmosphère et la gravité se joua de moi en des secousses.
Je n'étais pas si innocent, moi, vieil ascenseur grincheux qui lorgnait les jeunes femmes, mais Mademoiselle ne méritait pas d'y perdre ses étoiles. Si délicate, si renfermée, si humaine. Les travailleurs n'auraient jamais dû échapper à leur famille. C'est tout un monde qui glissait vers une tombe sans fond et je n'étais que le spectateur impuissant d'un massacre.
C'est le ciel, le criminel ! Il portait des fous. Des fous portés de désirs atroces : entraîner l'humanité dans leur mort. Des esprits explosés, à la tête d'avions fracassés, de tours effondrée, de vies brisées.
Je ne sais pas si Mademoiselle avait un amant. Des enfants. Un frère, des amis. Mais à cet instant j'avais désiré au plus profond de moi-même qu'elle n'eût jamais existé, illusion d'une journée brumeuse. Je refusais d'observer ses étoiles s'éteindre pour une cause aussi absurde.
Excusez-moi mademoiselle, je n'ai pas rempli mon rôle. Je devais vous mener jusqu'au haut de la vie et peut-être même vous montrer les étoiles, sauf qu'au final je serai votre tombeau, j'ai dévié de route.
Ce n'est pas de ma faute, mademoiselle, si on s'enfonce dans un vide hurlant qui siffle mon échec sur ma paroi déchirée. Ce n'est pas non plus de ma faute si on heurte le sol, et si mes lambeaux s'enfoncent dans votre chair pour en briser les os. Je l'aimais bien votre corps, et je vous promets que je n'en serais pas venu jusque-là pour sentir votre chaude caresse - c'est que votre sang risque de me rouiller !
La folie humaine, mademoiselle, brûle avec l'envie de tuer et arrache les étoiles. Cette folie nous a noyés en ce matin de 11 septembre 2001. Je n'y étais pour rien, mademoiselle, comme vous n'y étiez pour rien, comme les deux-mille-neuf-cent-soixante dix-sept morts ce jour-là n'y étaient pour rien (à dix-neuf exceptions près).
— Shad_Eau
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1 seconde pour que tout part en fumée
1 seconde, c'est ce qui a fallut pour que mon souffle se coupe net.
Sans vraiment y croire, je ressens un vide dans mon cœur.
Enfin, un vide... Plutôt un poids. Il est lourd et me compresse dans la douleur.
Plus rien n'est devant moi à part le feu et les cendres qui volent.
Tout n'est que poussière et tristesse. Je ne comprends pas, tout allait bien pourtant.
Enfer. C'est ça l'enfer ? Des cadavres, des cris de douleurs, des pleures de deuils ?
Mon dieu, soulagez ma poitrine qui me fait souffrir, je ne le supporte plus.
Bras et jambes m'ont quitté, je ne les sens plus bouger. Est-ce ma fin ?
Rien que le néant. Mes yeux se ferment, je n'arrive pas à les garder éveillés.
Eh, vous ! Si vous voyez mon enfant, dîtes lui que je l'aime et que je suis désolé.
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8 septembre 2001
Comme dans chaque lieu populaire, et surtout par un temps tout neuf malgré une légère pluie de prévue, New York regorgeait en ce jour de musique et gaieté des plus simplistes. Un magasin faisait des soldes et tous les jeunes se ruaient dessus ; l'excitation de deux adolescentes, avec une de ces complicités, venait d'éclore à la vue des bas prix. Toutes deux, d'un commun accord, décidèrent de revenir dans les prochains jours puis se mirent d'un même pas pressé dans une direction opposée au magasin, en profitant pour aller boire à un café moins bondé à cette heure-ci.
Étant le jour où l'une des deux venait de gagner son argent de poche, la sensibilités des filles au sujet de prendre du temps l'une face à l'autre, s'amplifiait à chaque pas. Tellement qu'une répondait machinalement, l'autre parlait plus fort qu'à la normal.
Ce qui était sûr c'est que dans les yeux d'un adolescent l'amusement et la sociabilité étaient deux choses très importantes, à part exception. Il y avait aussi d'autres sentiments qui se réveillaient à cet âge.
Au loin derrière, un garçon observait discrètement la chevelure rousse et brune, ayant un penchant tout particulier pour la première.
Il s'appelait Benoît et aimait lire, s'instruire, il appréciait plus précisément la politique même s'il ne s'en était pas encore rendu compte et se montrer d'un esprit critique à ses proches. Un peu orgueilleux, parfois il s'avérait doux. Tellement, que le changement de comportements impressionnait toujours ses amis les plus proches. Il en avait deux précisément, mais tout comme la fille aux cheveux de feu, il n'osait pas tenter d'échanger plus de deux trois mots avec un inconnu, préférant s'abstenir à ce confort d'une discussion fluide.
Tout rouge, le jeune homme finit par rabattre sa capuche sur lui à la vue des nuages, certain de ne pas attirer l'attention dans ses vêtements sombres. Il avait mis un pull bleu et un pantalon noir, classique, simple, et stylé.
De retour dans son quartier il écoutait de la musique dans ses écouteurs enfoncés, abandonnant sa poursuite après une pensée sage concernant ses devoirs.
Tout à coup il tomba à la renverse, relevant la tête il suivit une femme d'une quarantaine d'années qui ne s'était même pas excusée. Elle portait une robe rouge provocante, et ses cheveux blonds étaient joliment attachés.
Sa première réaction aurait été de l'appeler et de lui dire ses 4 vérités, seulement, la femme l'ayant déjà bien distancé, il jura pour lui-même et fit ses derniers pas pour rejoindre son jardin.
9 septembre 2001
La jeune adolescente aux cheveux de feu fut réveillée par son satané de réveil. Après l'avoir maudit pendant 6 bonnes minutes, ce fut au tour de 10 bonnes minutes à surveiller l'heure d'un oeil à demi-clos et à chercher des arguments convaincants pour s'encourager à sortir de ce lit ! Il était si confortable.
Elle profita de ces instants pour se remémorer la journée d'hier, son amie et elle s'étaient promenées après la fin de cours, et, pour la première fois de sa vie, elle avait eu un sentiment fort de liberté partagé avec son amie. La voix criarde de sa mère la ramena à la réalité. Même le septième jour de la semaine, elle devait être dérangée si tôt ! Elle avait cours de piano. Elle réalisa qu'elle s'était encore assoupie et finit par quitter le chaud-douillet.
Sa mère était très persuasive et préférant ne pas devoir l'affronter, elle se prépara rapidement. Prête pour une nouvelle journée.
Lundi 10 septembre 2001
La fille aux cheveux de feu se réveilla encore ensommeillée et, comme à chaque routine matinale, elle fut presque en retard. Elle avait deux heures de cours. Elle retrouvait ses amies en classe et puis d'autres à la pause du midi.
Comme à chaque fois elle rigolait avec son entourage et ses yeux brillaient.
Comme à chaque fois, le jour laissait rapidement place à la nuit, et la nuit, au jour.
Avant-hier, la jeune femme s'était félicitée de sa tenue élégante, mais, aujourd'hui elle avait un soucis de mode. Sa garde de robe était vide, la machine à laver ne marchant plus depuis samedi, quelle horreur !
Elle avait toujours excellé en ce qui concernait la mode, se maquiller, être précise avec ses coiffures et ses cils. En d'autres mots, elle savait ressortir sa beauté avec élégance. Depuis ses 17 ans, à sa première sortie en boîte, elle avait avec ses amies commencé à bien s'habiller.
Ses longs cheveux teintés en blond lui arrivaient au milieu de son dos, cependant, les tenant toujours en coiffures, la longueur semblait jamais grande. Elle était un peu narcissique, orgueilleuse, et précise dans ce qu'elle voulait. Malgré ses défauts comme toute personne, la blonde avait ses qualités. Premièrement, elle était loyale envers ses amies, jamais elle ne les abandonnerait, il n'y avait pas de garçon actuellement dans ses proches mais elle ne s'en plaignait pas. Deuxièmement, elle était attentive à ce que ressentait ses proches, elle les conseillait même si souvent, elle était un peu stricte.
Comme à chaque fois qu'un imprévu lui venait et que, sans trouver de solutions immédiates, ses pas la pressèrent chez son frère, le seul dont elle eût gardé contact après les diverses brisures de sa famille. Comme à chaque fois, il répondit présent et lui donna comme accueil un câlin.
Depuis le jardin de celui-ci, elle observait les passants dont un qui avait la peau matte et l'air décidé. Des sourcils épais mais réguliers, sa longue silhouette baraquée, et surtout, ses beaux cheveux de jets. Tout cela lui donna envie de rêvasser sur lui jusqu'à ce qu'une voix familière lui demanda sa boisson.
Elle passa donc le reste de sa journée à être distraite par un individu dont le nom elle l'ignorait, dont le caractère lui semblait loin d'être questionner plus que l'idée dont elle s'était déjà faite. Cet homme, c'était certain par son allure, savait ses objectifs. Elle sourit à cette pensée.
L'homme de la trentaine d'années se précipitait de rejoindre la maison, celle qui faisait qu'en lui tous souvenirs remonter. Toute son enfance avait été entre ces quatre murs, enfant unique, ses parents l'avaient chouchouté avec tous les soins malgré le fait qu'ils aient été très stricte.
Il entra dans le bâtiment avec des gâteaux plein les mains. Son vieux père roupillait dans le salon sur un sofa en cuir. Il avait les même cheveux que son enfant, mais les deux avaient un caractère totalement opposé. Gentiment, sachant pertinemment que son père lui en voudrait si il le faisait pas, le jeune homme tapota la main de son ancien tuteur qui sorti assez vite de son sommeil léger.
Il y a longtemps de cela les deux se disputaient tellement que rien que manger ensemble une fois paisiblement semblerait impossible. Cependant aujourd'hui le fils était très famille, leur relation avait nettement changé et ils se souriaient plus qu'il n'y avait de querelles.
Mardi 11 septembre 2001
Des gens affluaient de partout, il y avait parmi cette foule aussi des touristes. C'était le septième jour de la semaine et tous semblaient s'être passer le mot pour visiter les environs de Manhattan à New York par ce beau temps, avec un ciel dégagé.
Parmi ces personnes la crinière rousse d'une adolescente ne passait pas inaperçu, elle discutait encore avec sa chère amie. Pour rire, et point du tout de manière sérieuse, l'une des deux dit " et c'est là qu'on meurt ! T'imagine ? On aurait plus de devoirs " et elles repartirent inconsciemment dans le fou rire de ce que provoquer la sottise innocente.
Elles passèrent le chemin, frôlèrent les tours à 8 heures exactement, elles tournèrent autour en glandant. Le temps passait hyper vite et semblait à la fois si long ! Il était déjà 8h14 et une des deux filles commença un bâillement quand tout à coup, une sorte de sifflement se fit entendre ainsi qu'un vrombissement derrière elle. La fille voulu tourner la tête mais un attroupement et des cris l'accueillir alors qu'elle essayant de voir ce qui s'était produit. Ne comprenant pas tout de suite et voyant certains regarder le ciel, elle ne vit rien à part de la fumée qui se propageait en grande quantité.
Elle se faufila parmi les grandes têtes, elle bouscula même une blonde, et fût choquée du spectacle.
Elle vit le garçon qui était amoureux de son amie, par terre, inerte. Elle détourna les yeux après être restée en état de choc pendant ce qui lui faisait des minutes entières. Et peu après, elle vit la deuxième tour s'effondrer et en elle-même elle ressenti un vide. En son cœur, cette innocence pure, tout s'était effondré en même temps que cette deuxième tour qui, détruite à présent et par la plus grande des chances l'ayant épargnée de seulement un mal au bras. Elle entendit des cris, des sanglots, des prières même de non-croyants qui cherchaient par tous les moyens de sauver leurs proches. Elle compati avec tous ces sentiments et fut heureuse de constatée que son amie était vivante à côté d'elle. Elle espérait seulement que les secours viendraient à temps pour son amie plus gravement blessée qu'elle.
Il y a eut trop de blessés, que ce soit au niveau physique ou mental. Les 3 000 personnes mortes étaient comme nous, d'une certaine façon on les connaît tous, ceux sont des personnes comme dans notre entourage ; mais à la fois on ne les connaît pas, on peut imaginer leur quotidien sans pour autant savoir qui ils étaient à part entière.
Ils ont été tellement proches de nous et à la fois tellement loin.
À tous les morts, leurs familles leurs amis et leurs proches. À tous ceux qui ont dû subir une ou plusieurs pertes.
•
Elles étaient deux,
Grandes et fières.
Elles s'élevaient vers les cieux.
Elles étaient des repères.
Elles les ont vus arriver.
Trois grands avions à toute allure
Vers elles étaient lancés.
L'une à dit : « Je reste debout, je te le jure ».
Elles pensaient qu'ils allaient dévier,
Mais ils ont pris de la vitesse.
Elles pensaient se faire survoler,
Mais se sont retrouver sur les fesses.
Boum. Le premier est arrivé.
Sa jumelle l'a vue frémir.
Boum. Le deuxième est arrivé.
Sa jumelle l'a entendue gémir.
Chacun se souvient de ce qu'il faisait
Quand il a vu les flammes lécher
Ces deux tours jumelles, symboles de progrès.
Dans la panique générale,
Pompiers et policiers se sont précipités
Mais la chute a été fatale.
Des familles ont été décimées.
Elles ne se sont jamais vraiment relevées.
Un frère, une mère, partout il en manquait.
Chacun pensait pouvoir souffler,
Mais ils ne l'avait pas vu arriver.
Ce troisième avion qui allait les hanter,
Et encore une partie de la population décimer.
Il s'est dirigé vers le Pentagone,
Cette large place pleine de gaieté.
Les gens ont été évacués de cette zone.
Après que l'avion s'y soit écrasé.
Quant aux malheureux
Qui étaient sur la place, dans les tours, dans l'avion,
On a allumé des lumignons
Et enflammé des feux.
— flotille
•
J'étais petit garçon. J'avais dix ans et je tenais la main de mon père dans les rues de New York.
New York était mon essence, mon lieu de naissance.
Mon père m'emmenait à l'école ce jour-là, j'aimais le mardi, je savais que maman aurait fait de la tarte aux pommes à mon retour.
Je me souviens de ce beau jour, des parfums de restes d'été dans l'air.
Mon père souriait, nous étions heureux ici. Je n'étais qu'un gosse qui saluait les hommes d'affaires renfrognés et les grands-mères joyeuses.
Mais parfois le destin décide de nous faire grandir beaucoup trop vite.
Boum.
Je me souviens qu'en une fraction de seconde un gigantesque souffle nous a projetés contre l'immeuble à côté de nous.
J'ai levé les yeux pour comprendre. Le ciel venait de s'écraser sur nos têtes. Les tours jumelles n'étaient plus.
L'odeur âcre de fumée et de terreur envahissait mon corps. Je me souviens avoir crié quand j'ai vu mon père écrasé sous les débris. J'ai pris son téléphone et y ait trouvé un appel manqué de maman.
Elle devait rentrer d'un voyage d'affaires et prenait l'avion aujourd'hui. En écoutant son message, j'ai compris qu'elle ne quitterait jamais le ciel. À travers ses larmes, j'ai entendu un dernier "je vous aime" avant d'entendre le même bruit que lors de l'explosion.
J'étais devenu, en quelques instants, un tout jeune petit garçon sans parents, perdu. J'étais debout, droit au milieu du chaos, entre le corps calciné de ma mère que je savais dans l'avion ayant percuté la tour et le corps défiguré de mon père qui gisait à côté de moi.
J'étais petit garçon.
Ma jambe me faisait souffrir, alors je me suis assis au milieu de la route et j'ai levé la tête.
Une jeune femme se trouvait au bord d'une fenêtre, entre le deuxième et le troisième étage de la seconde tour. Préférant échapper à l'effondrement, elle a sauté sous mes yeux.
J'étais petit garçon, priant pour qu'elle s'envole. Mais j'ai fermé les yeux une seconde avant la fin de sa chute.
J'étais un enfant, avec des mots simples et sans la moindre famille.
Elle était bonne la tarte aux pommes de Maman.
Après, un pompier s'est avancé vers moi. Je n'ai pas su lui dire mon nom. Tout ce que je voulais, c'était savoir comment le monde avait pu s'écrouler.
Je me souviens de ce qu'il a dit, même si à l'époque, je n'ai rien compris.
Il m'a dit : « un groupe de terroristes a détourné trois avions de ligne vers les tours et le Pentagone. Le quatrième n'a pas atteint la Maison Blanche. Il y a eu beaucoup de morts. »
Mon visage sans âme témoignait du choc que je venais de vivre. Aujourd'hui, je me demande toujours jusqu'où la discorde et la culture du conflit pourront gangréner l'humanité.
Voilà Docteur, vous savez tout. „
Le psychologue griffonne sur son carnet avant de marmonner quelques mots en souriant doucement...
•
Merci à tous de préserver notre mémoire commune.
L'Équipe Modératrice d'Aidons_nous
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