14. À perte de vue
"Un cabot, ça reste un cabot ! Alors soit il reste dehors, soit vous dégagez tous les deux !"
Clarke Griffin tire alors sur la laisse de son chien pour l'inciter à faire demi-tour, quelque peu déçue de ce comportement. Le pauvre animal ne semble pas comprendre ce qu'il se passe car elle sent sa laisse se tendre, signe qu'il refuse de bouger.
"Teddy t'attend à la maison, loulou."
Il n'en faut pas plus pour que la jeune femme sente une truffe toute mouillée monter le long de sa jambe, cherchant une caresse pour sceller ce pacte. Son chien est un véritable enfant et l'ourson en peluche qu'elle lui a offert le jour de leur rencontre est un argument imparable lorsqu'il ne veut pas faire quelque chose. Si elle avait su ça dans les premiers mois, elle n'aurait peut-être pas eu autant de mal à éduquer cette tête de mule.
Profitant qu'il soit concentré sur elle, Clarke s'empresse de fuir le bar. Le duo se dirige rapidement vers la plage et descend les quelques marches qui mènent à l'étendue de sable pour profiter d'un retour un peu plus plaisant. La blonde sait aussi que son pauvre compagnon a besoin de se défouler et qu'il sera bien plus à l'aise à faire le fou dans les vagues. Et puis, en ce début d'avril, il n'y a pas encore beaucoup de monde sur leurs côtes alors aucun touriste ne risque de reprocher à Clarke les égards de son compagnon. Certains ont du mal à comprendre les besoins dû à son jeune âge. Mais aucun ne sait non plus qu'il a besoin de relâcher la pression qu'elle le force à accumuler.
Une fois ses tongs rangées dans son sac à dos, ils traversent tous deux le sable fin jusqu'à ce bord de mer où Clarke lâche la laisse. Il n'en faut pas plus pour qu'elle soit éclaboussée par son gros balourd qui vient de sauter dans une vague. Il a beau partir sur ses quatre ans, il est toujours resté le chiot fou et pataud qui est venu à sa rencontre un matin de mai. Elle sait qu'elle peut compter sur lui à chaque instant, il le lui a déjà prouvé plusieurs fois ces derniers temps.
L'esprit ailleurs, la jeune femme avance lentement sur la plage, goûtant au plaisir des vagues qui viennent chatouiller ses pieds nus. Ayant grandi sur la côte, elle a connu cette sensation avant même d'avoir su marcher. Et aujourd'hui encore, elle se retrouve comme une enfant lorsque le bruit des vagues vient chanter dans ses oreilles.
Des aboiements joyeux lui viennent aux oreilles et la blonde sourit en pensant aux poils dorés bien mouillés qu'elle va devoir sécher en rentrant, mais surtout à l'excitation qui va devoir être calmée avant d'arriver dans la maison. Malgré tout, son meilleur ami a trouvé un copain de jeu et elle aime le savoir libéré de tout ce qu'elle lui impose au quotidien, même si ce n'est que pour un instant si court.
Griffin le revoit encore, il y a deux ans, lorsque tout a été chamboulé pour lui. Il était resté loin d'elle pendant des semaines, gémissant à chaque fois qu'elle entrait dans une pièce, hurlant à la mort lorsqu'elle tentait de le caresser... Aujourd'hui cela va bien mieux, mais sur le coup, ça lui a brisé le cœur. La blonde le sentait tomber toujours plus bas dans sa poitrine, se demandant presque s'il se remettrait.
Elle n'a pas le temps de se perdre plus longtemps dans ses pensées qu'un corps entre en collision avec le sien. Il ne lui en faut pas plus pour perdre l'équilibre, tombant sans aucune grâce dans l'eau froide de l'océan. Dans sa chute, la jeune femme a aussi le malheur de perdre mes lunettes de soleil et, par la même occasion, tous ses moyens.
"Je suis désolée vraiment. Je ne faisais pas attention et je... Je... Vraiment comment me faire pardonner ?"
C'est une voix féminine qui vient de s'accroupir en face de Clarke. En y repensant, le torse dans lequel elle est rentrée n'avait rien de celui plat d'un homme. De plus, il lui semble avoir senti des cheveux la frôler, plutôt longs par conséquent. Un parfum de vanille se fait sentir et elle conclut bel et bien qu'il s'agit d'une femme.
"Mes lunettes... Où sont mes lunettes ?"
C'est la seule chose qu'elle parvient à prononcer, la chuchotant presque. D'ailleurs, cela surprend tellement la femme en face d'elle, si bien que celle-ci commence à bégayer, secouant énergiquement l'eau autour de nous. Des larmes coulent sur les joues de Clarke tandis qu'elle se cache le visage de ses deux mains, tentant vainement de garder un minimum de fierté.
Et heureusement pour elle, la jeune inconnue retrouve ses lunettes et les pose sur ses jambes. La blonde s'empresse de les saisir pour les replacer sur son nez. D'autres éclaboussures se font ressentir autour des deux femmes et, tendant la main, la bousculée est heureuse de sentir le poil doux de son acolyte. Lui qui ne l'a pas prévenu de la possible rencontre tente maintenant de se faire pardonner.
"Merci bonhomme. Ça va aller maintenant. Tu peux retourner jouer."
Un jappement joyeux et une léchouille plus tard, le voilà reparti à l'assaut du chien qui l'accompagne. Quant à Clarke, elle tente de se redresser seule, se demandant si l'inconnue est toujours là.
"Je suis sincèrement désolée. Est-ce que je pourrais vous inviter à prendre un verre pour me faire pardonner ? Je suis tellement maladroite... Je... Je m'appelle Alexandria, Lexa si tu préfères."
Clarke tente rapidement de la calmer, la sentant s'emballer.
"Ne t'en fais pas tout va bien. Nous allons rentrer et tout ira bien. Merci quand même. Clarky on y va !"
Le bruit de l'eau indique que son chien l'a entendu et vient lui permettre d'avancer, essayant d'oublier son pantalon mouillé et collant.
Enfin ça, c'était sans compter sur la jeune femme qui la retient par le bras.
"J'insiste pour te raccompagner alors."
Clarke hausse les épaules, sachant qu'elle ne lui laissera de toute façon pas le choix. Puis, sans autre attention pour l'inconnue, elle remet la laisse de son chien et continue sa route.
Le chemin jusqu'à chez elle aurait pu être rapide, mais ça, c'était sans compter sur le fait que le chien de la plage... Était celui de l'inconnu. Celle-ci ne sachant rien de la jolie blonde, laisse alors son animal faire sa vie, attirant par moment le golden dans ses découvertes. Clarke se sent alors plus que dépassée par les évènements.
"Ça y est, nous sommes arrivées. Je vais pouvoir rentrer chez moi sans problème. Merci et au revoir."
Est-ce qu'elle espère vraiment se débarrasser de l'autre jeune femme comme ça ? Il faut croire. Et le pire, c'est que ça ne marche malheureusement pas...
"Attends ! Tu ne m'as toujours pas dit ton prénom. Moi, c'est Lexa... Et toi ?
La blonde soupire discrètement. À ce rythme là, ça va être long...
"Clarke..."
Après avoir révélé son nom, elle aurait juré que la fameuse Lexa allait rire, comme tout le monde le fait à chaque fois qu'ils apprennent qu'elle a, à peu de chose près, le même nom que son chien.
"Ravie de te rencontrer Clarke. Vous êtes un bon duo avec ton chien. Ça doit être drôle parfois."
Clarke avoue ne pas savoir comment réagir à ce qu'elle vient de dire. Elle n'a jamais connu personne qui laisse passer une aussi belle occasion de rire. Même si Lexa s'en veut pour le bain improvisé, la blonde aurait ri si elle avait été à sa place.
"Tu... Tu ne te moques même pas...?
-Je crois que je suis mal placée... L'animal tout fou qui s'amuse avec ton chien depuis tout à l'heure s'appelle Alexis. Mais, j'ai toujours eu tendance à l'appeler Lexi alors c'est resté."
Ce coup-ci, c'est Clarke qui rigole. Quelle était la probabilité qu'elle rencontre un jour une femme qui a le même grain de folie qu'elle ? Il est probable qu'elles soient plutôt faibles, mais d'autres parleraient plutôt de destin. Et à vrai dire, cette idée leur plaît bien.
"Maintenant que je me suis moquée de toi alors que tu t'étais montrée sympa, je me sens un peu obligée de t'inviter chez moi..."
Griffin essaye de cacher tant bien que mal sa gêne et elle comprend que ça y est... les rôles viennent de s'inverser.
"Oh non ce n'est pas la peine. On dira que c'était une vengeance pour t'avoir fait tomber.
-Je note."
C'est la première fois depuis bien longtemps que Clarke arrive à discuter avec quelqu'un aussi facilement. Elle arrive même à rire avec Lexa, bien loin de la tristesse qui la suit depuis si longtemps.
"Je te laisse, il va falloir que je rentre. J'espère te revoir bientôt, je n'aimerai pas devoir te remettre à l'eau pour pouvoir te parler à nouveau. À bientôt les Clarkies !"
La blonde rougit face à ce surnom. C'est la première fois que quelqu'un l'utilise et il se trouve qu'il sonne si bien. Alors elle rentre rapidement dans le jeu de Lexa, espérant qu'elle aime assez pour qu'on se revoie.
"À bientôt les Lexs !"
Lexa lâche un rire discret et s'en va sans rien dire de plus, une simple illusion n'aurait pas fait mieux. Seulement, Clarke sait qu'elle est réelle. Notamment grâce à ses vêtements détrempés mais aussi par son parfum de vanille qui flotte encore dans l'air ou le souvenir de son corps contre le sien. Le temps d'une seconde que Clarke aurait aimé voir durer des heures. Peut-être même plus longtemps encore...
>>>∞<<<
Bonne année !
Un nouvel OS un peu spécial pour entamer 2024 puisque, pour ceux qui n'auraient pas reconnu, il s'agit du prologue de "À perte de vue". Je trouvais intéressant de l'adapter ici et pour ceux qui aimeraient en savoir plus, n'hésitez pas.
J'avoue aussi recycler puisque le calendrier de l'avent, toujours disponible, m'a pris beaucoup de temps et que je n'ai plus grand chose à vous proposer pour l'instant de nouveau.
On se dit à un prochain vendredi pour continuer à échanger et partager !
À très vite
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