Aujourd'hui est un grand jour : nous retournons à Maurice, et pas avec n'importe qui. Cette fois, c'est en compagnie de l'équipe de l'Agence Tous Risques. Mon cœur bat à toute vitesse rien qu'à l'idée de monter à bord de leur avion, avec Looping comme pilote. Il a cette aura déjantée et attachante qui me fait sourire à chaque instant.

Le plan, bien sûr, est impeccable. Hannibal, comme toujours, a tout orchestré avec son brio habituel. Barracuda, bien qu'un peu grognon, a été neutralisé pour ce vol. C'est un euphémisme de dire qu'il n'aime pas voler, alors Hannibal et Futé, avec un peu d'aide de Looping et de moi-même, ont trouvé une manière amusante de le calmer. Oh, je n'y suis pour rien – ou peut-être un peu. Les pitreries de Looping sont contagieuses, après tout !

Malgré mes maladresses et ma timidité légendaire, Looping et moi avons tissé un lien inattendu. Ce n'est pas tous les jours que l'on se retrouve à discuter comme de vieux amis avec un pilote excentrique qui parle parfois à son chapeau. Je ne sais pas pourquoi, mais avec lui, tout semble naturel. Peut-être est-ce parce qu'il est un peu... différent.

Cependant, quelque chose me perturbe légèrement. Futé, avec son sourire parfait et son assurance à toute épreuve, me lance parfois des regards intrigués, presque contrariés, chaque fois que Looping et moi échangeons un rire complice. J'ai comme l'impression qu'il observe notre amitié d'un œil sceptique. Mais peu importe : mon rêve était de connaître Looping, et maintenant, c'est fait.

Dans l'avion, après les explications d'Hannibal à ma sœur et mon beau-frère sur le "traitement spécial" de Barracuda, je m'éclipse un instant. Je prends mes écouteurs, laisse le générique de l'Agence Tous Risques jouer dans mes oreilles et me perds dans mes pensées.

Sans m'en rendre compte, je commence à fredonner, puis à chanter à voix haute :

"L'agence tous risques, c'est vraiment,
La dernière chance au dernier moment.
Les mauvais coups des truands,
L'agence les règle au comptant..."

Je suis tellement dans ma bulle que je ne remarque pas que mes compagnons de voyage m'écoutent avec amusement. Quand je lève les yeux, Hannibal et Futé sont là, un sourire en coin, et même Looping jette un coup d'œil depuis le cockpit.

À la fin de ma petite performance, leurs applaudissements me prennent par surprise. Je sens mes joues s'empourprer, gênée mais ravie. Hannibal, avec ce regard malicieux que je commence à connaître, me lance :
— Angélique, vous êtes peut-être notre atout caché !

— Vous avez une voix qui pourrait désarmer les ennemis avant même qu'on ne dégaine nos plans, ajoute Futé avec un clin d'œil amusé.

Je ris timidement, secouant la tête.
— Oh, arrêtez, ce n'était rien, dis-je en remettant une mèche de cheveux derrière mon oreille.

Mais je dois avouer que leur attention me touche profondément. Je regarde Looping, espérant capter sa réaction. Il sourit, toujours avec cette étincelle espiègle dans les yeux, et ajoute d'un ton théâtral :
— C'est décidé, Angélique ! Si jamais notre avion tombe en panne au-dessus de l'océan, c'est toi qui chanteras pour appeler les secours.

Un éclat de rire éclate dans la cabine. Même ma sœur et mon beau-frère, qui écoutaient la scène depuis leurs sièges, se joignent à la bonne humeur ambiante. Mais cette légèreté est de courte durée, car Hannibal, fidèle à lui-même, reprend rapidement son sérieux.

— Bien, les amis, atterrissons un peu. Nous avons une mission en arrivant à Maurice, et elle ne sera pas de tout repos.

Sa voix calme mais autoritaire réinstalle une ambiance plus concentrée. Ma sœur et mon beau-frère échangent un regard inquiet. Moi, je ne peux m'empêcher d'avoir un mélange d'excitation et d'appréhension.

— Hannibal, vous êtes sûr que ça ira ? demande ma sœur.

— Tant que nous suivons le plan, tout ira bien, répond-il avec son éternel cigare au coin des lèvres.

Pendant ce temps, Looping m'adresse un clin d'œil, comme pour me rassurer.
— Ne t'en fais pas, Maurice, nous voilà ! Et rien ni personne ne pourra arrêter Looping quand il est aux commandes, dit-il en tapotant le tableau de bord comme si l'avion était son fidèle destrier.

Futé, debout près de lui, roule des yeux.
— Espérons juste qu'il ne fasse pas trop de loopings littéraux, marmonne-t-il à voix basse.

Le reste du vol se passe sans accroc – ou presque. Looping, fidèle à lui-même, trouve des moyens d'insérer ses excentricités dans les moindres détails, que ce soit en improvisant un "spectacle aérien" ou en inventant des histoires improbables pour divertir tout le monde. Malgré les grognements de Barracuda, encore ligoté dans le coin de la cabine, l'ambiance est étrangement légère pour une mission supposément sérieuse.

Lorsque nous apercevons enfin les contours de l'île Maurice à travers les nuages, une vague d'émotion m'envahit. Voir ma terre natale depuis les airs, entourée de cette équipe improbable, semble presque irréel.

— Accrochez-vous, mes amis ! annonce Looping d'une voix enjouée. L'atterrissage risque d'être aussi mémorable que le vol !

Et il ne plaisantait pas.