Chapitre 2


« Prends des CrocNoisettes. On va avoir besoin de CrocNoisettes. »

Simon prend le paquet de CrocNoisettes et le fourre dans le sac.

« Je prends le riz, aussi ?

- Oui, prends le riz ! »

Fébrile, je garde les yeux fixés sur le couloir, tout en jetant de temps en temps des coups d'œil furtifs à mon ami.

Lui remplit le sac et moi je fais le guet. Un duo de choc, je vous dis.

On ne peut pas vivre l'un sans l'autre. C'est pour ça que Simon part avec moi. On s'enfuit à deux, et maintenant. Nous disposons d'une heure pour nous préparer et courir le plus loin possible, avant que Monsieur Styles n'ait fini de signer les papiers.

Je suis un peu triste de ne pas dire au revoir aux autres. Je crois que Simon aussi. Mais on ne peut pas les mettre au courant, ils essaieraient de nous en empêcher.

J'essaie de me consoler en pensant que je pourrais toujours les revoir la nuit, quand Madame Samovar sera couchée. Gros Billy laissera la fenêtre ouverte.

« Dépêche-toi ! »

J'ai peur qu'Ethel arrive. Qu'elle nous surprenne en train de vider ses placards, et que ce soit fini. Simon serait puni, et moi... Moi, je partirai avec Monsieur Styles. Quelle horreur.

« C'est bon, j'ai fini. »

Simon se redresse. Les cheveux noirs ébouriffés, un sourire nerveux collé aux lèvres, il reprend :

« Viens. Il faut qu'on aille aux dortoirs.

- Aux dortoirs ? Mais...

- Ils sont tous à la salle de jeu. Ne t'inquiète pas. »

Il a raison. Quand je suis venue chercher Simon, nous avons prétexté devoir résoudre une énigme importante. Ils nous ont à peine écoutés. Ils sont habitués.

Nerveuse, je m'élance derrière Simon. Les dortoirs sont déserts.

Je commence à ressembler nos livres et nos vêtements, et à entasser ça dans le sac de Simon – qui devient de plus en plus lourd –.

Une fois l'ouvrage terminé, je recule, et demande :

« On peut y aller ?

- Aller où ? »

Ce n'est pas la voix de Simon.

C'est celle de Kitty.

Kitty et sa queue de cheval blonde, son doudou serré contre sa poitrine, le visage marqué par une profonde incompréhension.

« Aller où ?

- Nulle part, je bredouille.

- Pourquoi Simon a un sac ?

- On joue aux explorateurs.

- Je peux jouer avec vous ? »

Simon s'avance.

Tant mieux. Je suis à court d'excuses.

Il s'agenouille pour être à la hauteur de Kitty et explique, d'une voix extrêmement douce :

« Écoute, Kitty. Agatha et moi, on joue à un jeu très dangereux. Ça s'appelle Fuir le méchant Monsieur Styles. Tu as déjà rencontré Monsieur Styles ? »

Kitty fait « non » de la tête.

« Eh bien, Monsieur Styles, il a de longs cheveux bruns et gras. Il a l'air pauvre mais il est riche. Et il adopte des petites filles sans défense comme toi pour aller manger leur cervelle. »

Kitty frissonne. Ses yeux sont écarquillés de terreur.

« Tu ne veux pas rencontrer Monsieur Styles, Kitty ? »

Nouveau « non » de la tête.

« Super. Alors Agatha et moi, on va aller se débarrasser de Monsieur Styles. D'accord ? »

La petite acquiesce. Et je nous croyais tirés d'affaire, jusqu'à ce qu'elle demande d'un ton timide :

« Ça va être long ?

- Quoi ?

- Se débarrasser de Monsieur Styles.

- Oh. Euh... »

Simon me regarde, gêné.

J'ai envie de pleurer.

« Je ne sais pas, Kitty. Peut-être. Mais on viendra te voir. Allez, va jouer, maintenant. Anaëlle va s'inquiéter. »

Kitty enfonce son pouce dans sa bouche et détale comme un lapin.

Je reste un instant là à la regarder.

Je n'ai plus très envie de partir, d'un coup.

« Agatha. Viens. On y va. »

Alors je respire un grand coup, je me dis que tout va bien se passer et Simon et moi, nous quittons les dortoirs.

Nous avançons dans le couloir à pas de loup, en priant pour que personne ne nous surprenne.

Aucun de nous deux n'ose parler.

Et enfin, nous sortons du foyer.

Ça fait très bizarre.

Pas de sortir du foyer, je suis déjà sortie du foyer. Mais de sortir du foyer en sachant qu'on en fera plus jamais partie.

« Qu'est-ce qu'on fait, maintenant ? », souffle Simon.

Je plisse les yeux.

La rue qui nous fait face est déserte. Il y a juste une limousine noire, énorme, avec des vitres teintées, garée en face de nous. Ce doit être la voiture de Monsieur Styles. Heureusement que je ne monte pas dedans. J'aurais eu l'impression de voyager dans un corbillard.

« On part. »

La manière dont j'ai dit « On part », c'était extrêmement chic. Digne d'une vraie détective privé.

Ça aurait été encore mieux si un homme n'avait pas ouvert la portière de la limousine, et s'il n'avait pas demandé :

« C'est toi, la fille ? »

Je me retourne pour voir s'il y a une fille derrière moi. Apparemment, non.

« Non. Nous, on est Agatha & Sherlock. On a une affaire urgente à régler en ville. »

Je prends Simon par le bras et je contourne l'homme et sa limousine. Il a l'air louche.

« Non, rétorque l'homme. C'est toi, la fille. Harry est parti te chercher. C'est toi la fille de la photo. »

Je fais comme si je ne l'entendais pas, mais au fond de moi, j'ai peur. Si c'est un copain de Monsieur Styles, mieux vaut qu'on s'éloigne, et vite.

« Hé ! Reste là !

- Cours ! », je siffle à Simon.

Je n'ai pas besoin de me répéter.

Simon et moi nous élançons sur le trottoir, et l'homme tente de nous rattraper.

Ma première course poursuite.

Si ce n'était pas aussi important, j'aurais été toute excitée.

« Reviens ! C'est toi la fille qu'Harry veut adopter ! »

Peut-être mais moi je ne veux pas qu'Harry m'adopte. Et je fais ce que je veux.

Je croyais avoir distancé l'homme. Je me suis trompée.

Une main se referme sur mon épaule, et Simon crie :

« Agatha ! »

L'instant d'après, l'homme m'a soulevée et regagne le foyer.

« Non ! Non, non, non ! Lâchez-moi ! »

Il n'a pas le droit. Je ne veux pas. Il n'a pas le droit !

Dans un élan de fureur, j'attrape une touffe de cheveux blonds sur son crâne, et tire de toutes mes forces.

L'homme braille des mots que je n'ai pas le droit de répéter et fait des mouvements bizarres, ses joues sont devenues rouge tomate, c'est très drôle. Je profite de la diversion pour m'échapper de ses bras et me jeter vers Simon.

Je ne suis pas assez rapide.

L'homme attrape mes jambes et je hurle :

« Simon ! »

Mon meilleur ami s'empare alors de la seule arme à disposition.

Un couvercle de poubelle.

Il brandit sa trouvaille comme s'il s'agissait d'une longue épée, se rue vers l'homme et le frappe avec son couvercle.

C'est extrêmement efficace. On n'imagine même pas à quel point un coup de couvercle de poubelle est douloureux.

L'homme, tout en vociférant d'autres mots grossiers, arrache le couvercle des mains de Simon et me jette sur son épaule.

Je ne sais pas trop ce qu'il se passe après puisque j'ai la tête à l'envers, mais Simon ne tarde pas à me rejoindre. Sur l'épaule de l'homme, je veux dire. Enfin, moi je suis sur l'épaule de droite, et lui sur l'épaule de gauche.

« Et maintenant, sales gosses, on ne bouge plus ou je devrais vous faire mal ! »

Ça, c'est un classique des romans policiers.

Il y a souvent un moment où l'assassin s'énerve très fort et ordonne aux autres de ne pas bouger « ou il devra leur faire mal ».

Là, le héros doit désobéir pour pouvoir sauver la vie de ceux qu'il aime.

Alors, comme Simon et moi on est des héros, on n'obéit pas.

On martèle le dos de l'homme avec nos poings, et on donne des coups de pieds dans son torse.

« Reposez nous immédiatement ! C'est du kidnapping ! Reposez nous ! »

Même si nous sommes les otages les plus agaçants de la terre, il ne nous obéit qu'après deux longues minutes, une fois entré dans le foyer.

Aussitôt, nous nous précipitons en direction de la porte, mais un obstacle se dresse sur notre route.

C'est Madame Samovar.

Et elle n'a pas l'air contente.

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Heyy ! 

Voilà pour la tentative d'évasion (ratée) d'Agatha, j'espère que vous aurez apprécié ! 

N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez, 

Gros bisous et à bientôt pour la suite 

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