Chapitre 9
Life in plastic, it's fantastic !
Une fois tout le monde servit, les discussions se croisent et se chevauchent entre les amis. J'interviens de temps en temps, quand Harper me le demande ou quand Courtney cherche un soutien pour un débat. Mais je ne vais pas mentir, je ne me sens pas à ma place dans ce quatuor. Leur amitié est si forte que je fais vraiment tâche au milieu d'eux.
J'en profite pour observer les dernières personnes jouant sur la plage pendant que les familles la quittent à cause de l'heure tardive. Je m'étonne de voir encore quelques surfeurs, attendant la vague à la Brice de Nice. Ils peuvent attendre longtemps, il n'y en a plus une seule au large depuis un long moment.
Très vite, je me rends compte qu'Harper est plus calme, très attentive aux interactions avec le fameux Greyson. De ce qu'on a pu me dire du grand blond, il s'agit donc du patron du Milady. Mon amie brune m'a expliqué qu'il aurait embauché les filles très tôt depuis l'ouverture du club, se liant d'amitié avec elles au passage.
Il n'est pas exactement comme j'aurais pu imaginer le patron d'un club de striptease ; grand avec des cheveux blond foncé coiffés au poil près tout comme sa barbe de quelques jours, des yeux bleus à tomber par terre et une tenue décontractée mais pas trop, elle lui permettrait facilement d'aller à un entretien d'embauche sans qu'il ne soit déplacé. Ce qui m'étonne, se sont ses oreilles pleines de boucles d'oreilles — moi-même j'en ai beaucoup et j'adore — mais ce n'est vraiment pas courant pour quelqu'un à la tête d'une entreprise. Son style est vraiment propre à lui.
Mais ce qui me plait encore plus chez cet homme, c'est qu'il ne parle ni de business, ni du club, ni du travail des filles. Il fait vraiment la part des choses entre travail et amis, et ça se ressent dans sa façon d'être. Je peux vous parier que quand il parle affaire, il obtient tout ce qu'il veut. Mais quand il est avec ses amis...c'est un fou. Et vu la montre à son poignet, je pense qu'il peut obtenir tout ce qu'il veut avec une liasse de billet.
Ne me jugez pas, mais parfois on n'a pas besoin de connaitre quelqu'un pour savoir des choses sur lui. Et ce mec là, il a beaucoup d'argent.
J'ouvre la bouche pour demander à Courtney si Harper et Greyson sont en couple, mais mon amie est plongée dans un débat chaotique sur les baleines.
Comme s'il avait deviné ma question, Gareth qui est assis — à mon plus grand malheur — à côté de moi, répond à sa place en se penchant à mon oreille. Je ne devrais pas réagir, mais sa voix grave si près de mon oreille me donne des frissons jusqu'aux doigts de pieds.
- Un conseil, ne parle pas de ça avec eux, déclare Gareth. Ce terrain-là glisse plus qu'une patinoire en pente.
Je le regarde, les sourcils froncés, tandis qu'il sirote son verre de je ne sais quel alcool, sans me lancer un seul regard.
- De quoi parles-tu ? je demande, intéressée.
Après tout, si quelqu'un est bien placé pour m'en dire plus sur ces personnes, c'est bien Gareth. Il lève la tête de son verre, posant ses yeux sur moi. J'ai aussitôt envie de détourner le regard tellement ses yeux bleu foncé sont déstabilisants mais en même temps, une partie de moi souhaite les observer à la loupe binoculaire — je ne suis pas sûre qu'il apprécierait une dissection. Il me désigne d'un signe de tête Greyson et Harper qui engueulent Courtney sur une histoire de cachalot en dépression.
- Ces deux-là. Ça fait des années que c'est ambigu et qu'ils se voilent la face, dit-il. Le leur faire remarquer ouvertement n'y changera rien crois-moi. Tout le monde le sait, tout le monde le voit. Même eux je pense. Mais leur relation est bien compliquée pour pas grand-chose.
Je le prends aux mots et n'ajoute rien de plus. Ils ont beau se tourner autour et se dévorer des yeux, le fait que ça dure depuis des années m'interpelle un peu. Tous ont l'air très jeunes, et tous se sont presque connu aux débuts du club. Harper ne me semble pas vieille, peut-être même plus jeune que moi et je n'ai que 21 ans. Vu comment Gareth parle de ces années, ça ne fait pas 1 an que le Milady a ouvert mais bien plus.
Et quelque chose m'interpelle : si Harper est vraiment plus jeune que moi comme je le pense, l'âge légal dans ce pays est à 21 ans. Je suis majeure légalement mais elle ? Absolument pas... Ont-ils le droit de pratiquer ce genre de travail tout en étant mineur aux yeux de l'Etat ? Je ne dis ça que pour ma pote rousse, car Courtney est clairement plus vieille que nous même si Greyson doit lui battre des records de vieillesses.
Je devrais peut-être demander leur âge un jour ou revoir ma notion de naissance.
Et je ne comprends pas non plus qu'ils ne se disent pas qu'ils s'aiment si c'est vraiment le cas. Leurs comportements les trahissent, l'un comme l'autre, alors s'ils savent qu'ils se plaisent, pourquoi ne pas crever l'abcès ? Ainsi ils pourraient vivre heureux, mariés avec des enfants et pleins de biquettes. Tout ça me bourre le crâne !
- Arrête de les dévisager, tu commences à loucher, me lance Gareth un sourire aux lèvres.
Je lui tire la langue pour lui répondre.
- J'ai une question. Elle va te sembler absurde et peut-être inutile mais, quel est l'âge des personnes ici ? Parce que je n'arrive pas à deviner et quelque chose me dit que le faciès est trompeur.
- En effet, il me répond avant d'observer ses amis. Courtney à 23 ans donc elle est un peu plus jeune que moi et Greyson qui en avons 23 et 33. Oui, ne dit rien, Greyson est plus vieux qu'on ne pense. Sous ces abdos se cache le début d'un papy. Quant à Harper, elle a 20 ans.
Mon étonnement doit se lire sur mon visage mais il ne dit rien de plus. Il doit forcément savoir qu'elle n'est pas majeure ! Autant l'alcool, je ne peux rien dire car la France n'est pas un bon exemple de respect de l'âge sur ce sujet. Mais on parle quand même d'être employée dans un club de striptease... Et je ne sais même pas s'il y a d'autres services que de danser en sous-vêtements dans l'établissement.
- Ne pars pas sur ce terrain aussi, me chuchote Gareth pour ne pas se faire entendre. Il y a des choses que moi-même j'ignore sur Grey et Harp.
Quand je veux lui répondre que c'est illégal, Greyson nous interromps en toussant.
- Et donc... Eden ? déclare le patron en nous regardant à tour de rôle avec Gareth. Tu es nouvelle en ville de ce que j'ai compris. Les filles m'ont un peu, beaucoup même, parlé de toi depuis que tu as mis un petit bordel dans mon club.
- Ah, ça, oui excuse-moi...
Courtney me tape l'épaule sans mettre trop de force en fronçant les sourcils tandis qu'Harper commence à menacer Greyson de lui faire manger son verre.
- On ne parle plus de ça ! s'exclame Courtney, se levant presque de sa chaise. Le passé, c'est le passé. Les idiots y restent aussi et on ne s'excuse pas pour eux !
- Et toi Grey, elle n'a pas mis le bordel dans ton club ! dit Harper d'un air très menaçant pour une fois. Elle avait besoin de nous à cause de tes vigiles qui ne laissent passer que des gros porcs... Donc tout est de ta faute au final.
J'entends Gareth ricaner à côté de moi en observant le sketch qui se déroule devant nous. Il a raison de ne pas y prendre part, parce que quand ils sont lancés, rien ne les arrête.
T'as vu Bruce, je t'ai trouvé deux nouvelles collègues. Je vais faire un Bat-signal pour mes héroïnes.
- Ok, ok, désolé, s'excuse Grey. Ce que je voulais dire, c'est que la ville est assez petite pour que tout le monde se connaisse. Les ragots tournent, j'ai besoin de savoir un peu qui est cette fameuse nouvelle serveuse hyper sexy dont on m'a parlé.
Harper semble se renfrogner ce qui me mets mal à l'aise. Je ne veux surtout pas qu'elle croit que je lui vole son coup. Greyson est un bel homme, mais pas du tout mon genre.
- Sexy, c'est beaucoup dire, mais je ne pensais pas que des ragots tourneraient sur moi... Donc si je peux tous vous éclairer au mieux, ma curiosité a été piquée.
Greyson affiche un grand sourire, Harper se détend un peu, Courtney ressemble à une enfant et Gareth... Gareth semble bourru comme 90% du temps — les 10% sont pour son air de kidnappeur.
- D'où tu viens ? Parce que ton anglais est presque excellent mais tu as quand même un petit accent, affirme Greyson en se grattant le menton comme un enquêteur un peu nul. J'aurais parié pour l'Italie.
- Pas du tout, je ris. Je viens de France mais j'aimerai apprendre l'italien un jour, si cette information t'intéresse. Tu es presque un des premiers à tiquer sur mon accent, je pensais qu'il s'entendrait beaucoup plus que ça.
Harper semble se réveiller d'un coup, se redressant sur sa chaise, elle déclare :
- La France !! Je connais ! « Oui, oui, baguette ».
- « Veux-tu coucher avec moi », poursuit Courtney avec son fort accent américain.
- « Cwoissant ».
- « So clichayy ».
On part tous en fou rire tandis que les filles continuent de dire des bouts de mots ou de phrases françaises qu'elles ont pu entendre, poursuivis d'un accent américain beaucoup trop prononcé.
- Tu viens donc de Paris ? Intervient le bourru pour la première fois.
- J'y ai déjà été oui. Mais on va dire que j'ai habité un peu partout. Parfois Paris, parfois d'autres villes.
Il hoche la tête mais les trois autres reviennent à l'assaut.
- Comment ça tu as habité un peu partout ? continue Harper.
Je réfléchis un peu avant de répondre. Le plus court possible sera le mieux pour éviter qu'ils ne rebondissent avec des questions trop personnelles. Déballer ma vie n'est pas ce que je préfère, le minimum à savoir est le mieux. Surtout si leur objectif est de répéter des ragots, bien que je ne les croie pas capables de faire ça.
- Mon père est décédé, et ma mère s'est remariée plusieurs fois, je raconte. J'ai décidé de venir ici et elle de rester là-bas.
Tous hormis Gareth me présentent d'interminables condoléances qui ne me font ni chaud ni froid, comme ils ne savent pas que je ne l'ai jamais réellement connu. Jusqu'à ce que Gareth — mon Bruce ! — y mette un terme.
- Et qu'est-ce qui t'as attiré en ville ? me demande-t-il sans encore m'adresser un regard.
J'hausse les épaules en lui disant que j'avais besoin de changement, tout simplement. Qu'une application de voyage m'a mené à connaitre cette ville et que j'y ai déposé mes valises sans me poser de questions.
Après cet interrogatoire, tous repartent dans des conversations plus mouvementées et bizarres les unes que les autres. Au moins, il en faut peu pour les faire changer de sujet.
Gareth se met à participer un peu plus aux conversations, m'aidant à en faire de même pour m'intégrer. Je le remercie dans mon esprit pour cet acte de bonté dont je ne le croyais pas capable.
Mais comme toutes les bonnes choses ont une fin, vient l'heure de partir. Évidement, boulet que je suis, je me rends compte qu'il manque mon incroyable chapeau rose parmi mes affaires de plage.
- Je vous laisse rentrer sans moi, j'ai dû faire tomber mon chapeau en venant tout à l'heure. J'appellerai sûrement un taxi pour rentrer, je déclare. Je tiens trop à ressembler à un flamant rose sur plage pour l'abandonner ici.
Tous me saluèrent d'une pluie chaleureuse de câlins et d'au revoir avant de s'éclipser pour rentrer chez eux. Sauf Gareth, le dernier de la joyeuse troupe, qui ne semble pas décidé à les suivre.
- Je vais te ramener si tu veux comme je ne suis pas sûr qu'il y ait des taxis-étudiants à cette heure-ci. Greyson n'aura qu'à rentrer avec les filles. Il ressemble à quoi ton chapeau ?
Surprise, je reste choquée quelques instants avant de sourire.
- Merci, dis-je. Et il faut chercher un gros truc rose sur la plage.
- Rose, rose ? il demande.
- Tu vois Barbie ?
- Oui ?
- Et bah cherche la même chose sur la plage.
Et il esquisse un petit sourire en coin qui fait réchauffer mon cœur pendant quelques instants.
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