Chapitre 6
Je suis Sam, elles sont Alex et Clover. Attention Jerry, on arrive !
Tandis que je parcours les derniers pas qui me séparent du club de striptease, l'air ne s'est pas rafraichi bien au contraire. J'ai l'impression que ma sueur colle à ma peau et ne veut pas me quitter une seule seconde pour m'apaiser.
Ma télécommande n'ayant pas décidé de fonctionner, je me suis dit que c'était un foutu signe de l'univers me disant « Eden bouge ton cul de ton canap' vert incroyable ou il t'engloutira. ». J'ai donc décidé de ne pas faire ma forte tête et de sortir. Non pas que l'idée de me faire engloutir par un canapé me répugne, mais plutôt que je veux lui offrir une soirée de répit.
Bien évidemment, j'éviterai d'informer ma patronne de cette petite sortie, je ne souhaite pas lui donner la chance de me faire la danse de la victoire. Jamais elle ne gagnera cette guerre.
***
Devant le Milady, une petite queue d'impatients s'est formée. Majoritairement des hommes, mais à mon grand étonnement on retrouve aussi des groupes d'amis plutôt jeunes, composés de couples, de femmes mais heureusement pas d'enfants.
Mon meilleur ami le vigile contrôle tranquillement les cartes d'identités pour vérifier les âges tout en fusillant quelques personnes trop énervées de ses yeux verts. Personne ne s'est fait rembarrer quand arrive mon tour mais deux, trois personnes ont été remises sur les rails à force de crier leur mécontentement. 10 minutes d'attente, je trouve que ce n'est pas exagéré mais pendant quelques instants, j'ai l'impression d'être de nouveau en France.
Quand j'arrive au niveau de monsieur muscles, je sors mon plus grand sourire pour convaincre — plus à moi-même qu'à lui — que je suis légitime d'être ici en temps que majeure. Majeure aux Etats-Unis bien sûr, parce que j'ai tout juste 21 ans et en France il faut avoir 18 ans pour être légalement majeur.
Proche de lui, je me rend compte que sous ce corps de muscles et cette alarme de rugbyman se cache un homme clairement magnifique. Sa légère barbe brune est bien taillée — au poil près ! —, et ses tâches de rousseurs lui donnent un air moins sévère. Il me jauge de la tête aux pieds comme le fait si souvent Gareth avant de saisir ma carte que je lui tends pour l'inspecter.
A mon grand soulagement il ne relève rien en me la rendant et me fait signe d'entrer. Je souris et le remercie poliment avant de le dépasser pour entrer dans l'endroit peu éclairé. A peine ai-je passé le pas de la porte, je l'entends m'appeler par mon prénom, et je me retourne.
- Oui ? lui demandé-je.
- J'aime beaucoup votre sac, répond-t-il le plus sérieusement possible.
- Merci beaucoup ! m'exclamé-je, le sourire aux lèvres.
En effet, le sac pour lequel j'avais opté est légèrement...original. Celui-ci est tout simplement assez petit et noir. Seulement il a la forme d'un chat, de grandes oreilles, un museau et des babines. Porté en bandoulière, je peux comprendre qu'on le remarque facilement.
Je rentre donc dans le club, fière que même le vigile plutôt terrifiant est remarqué mon incroyable sac. Après avoir longé un interminable couloir rempli de graffitis, de photos d'inconnus et de nombreuses lumières de multicolores, j'arrive dans une grande salle avec une musique puissante et des tables à perte de vue. Au centre, une grande scène avec des danseuses sur une barre de pole dance exécutent des mouvements humainement impossibles. Leur souplesse me subjugue tellement que j'en ai mal pour elles — cet angle est vraiment possible sans se déboîter quelque chose ?
Partout dans la salle entre les tables et canapés se trouvent des plus petites scènes, souvent occupée par une seule femme ou un seul homme dansant sensuellement au rythme de la musique. Dans les angles de la grande pièce hexagonale, on retrouve 4 ou 5 bars bondés de monde, observant avec attention les shakers qui voltigent dans tous les sens. Chaque bar semble éclairé d'une seule couleur, changeant au rythme de la musique et selon l'ambiance lumineuse de la salle.
J'hésite à faire demi-tour pendant un instant, ne me sentant pas totalement à ma place face à ces danseurs à moitié nus. Seulement, je sens l'univers m'observer les bras croisés, attendant patiemment que je rentre sur mon canapé pour abattre sa foudre sur moi. Allez Eden, ne te dégonfle pas pour si peu ! Je bombe la poitrine — pas trop longtemps sinon j'étouffe— et me dirige vers un des bars pour commander un verre comme tous les gens de mon âge.
Quand j'arrive à me glisser parmi la foule pour émerger près du bar, j'ai l'impression d'avoir participé à Koh Lanta. Le barman dos à moi remue un shaker dans tous les sens sous les yeux ébahis de son client, le faisant sauter, voler et voltiger. Je dois reconnaître que le spectacle est plutôt plaisant. Mais comme chaque bonne chose à une fin, je le reconnais directement quand il se retourne, me faisant ouvrir grand la bouche.
Fuis Eden.
Ni une, ni deux, je me convaincs de faire demi-tour, persuadée qu'un autre bar sera un meilleur choix et m'offrira sûrement un excellent spectacle. Pff, de toute façon, il n'était pas si impressionnant que ça tout compte fait.
Quand j'observe rapidement les autres bars, tous sont bondés de monde et l'idée de retraverser cette marée humaine me décourage un petit peu. Avant que je ne me décide réellement à fuir, l'homme vient vers moi pour me demander ce que je veux boire. Je commande un verre au pif sans lever le nez, un peu stressée qu'il me reconnaisse.
Le barman commence son spectacle sous les yeux de tout le monde, mélangeant plusieurs bouteilles dont je n'arrive pas à deviner le contenu, avant de faire voler dans les airs son outil de travail.
Au final je ne regrette pas mon bégaiement car il me sert une étrange mixture très appétissante, colorée en orange et rouge.
Je paye rapidement avant de m'en aller pour m'installer à une petite table vide, assez loin de la scène mais qui m'offre une belle vue sur la scène principale. Les stripteaseurs ne cessent de danser, d'une grâce étonnante, invitant parfois le public à participer au show. Je partais du principe que ça serait provoquant et horrible comme lieu, mais en fait c'est très beau et artistique. L'endroit est tellement convivial qu'on dirait une boite de nuit revisitée en club privé. Des femmes comme des hommes boivent ensemble, dansent avec les danseuses de temps en temps, rient ensemble et refont le monde autour d'un verre de champagne.
Je sirote mon verre, seule, en observant toutes ses lumières bleues et roses ainsi que chaque personne autour de moi. Comme je m'y attendais, la mixture orange dans mon verre est très bonne mais indescriptible. Il y a de l'alcool, c'est tout ce que je peux en deviner.
Au bout de quelques minutes, j'ai quand même dû repousser plusieurs lourds venus me voir pour me tenir « compagnie ». Comme si je ne pouvais pas m'amuser seule en regardant le spectacle... Mais jusqu'à présent, aucun n'a beaucoup forcé ce qui est agréable.
Mais comme je l'ai dit précédemment, tout à une fin car un homme vient s'installer à la même table que moi sans me demander si j'ai besoin de compagnie. Même s'il parait sobre, je comprends vite qu'il ne l'est pas complètement. Pendant qu'il insulte les stripteaseuses de n'importe quels noms et qu'il s'approche de plus en plus de moi, je suis tétanisée. J'espère silencieusement que quelqu'un viendra à ma rescousse surtout quand sa chaise finit collée à la mienne.
Allez Eden, ce n'est pas la première fois que ça t'arrive, bouge.
Mais je n'y arrive pas. Je cherche désespérément un endroit pour fuir, des personnes qui pourraient m'aider mais tout le monde est trop occupé autour de moi et l'homme n'a encore rien fait pour que je ne puisse crier. Si ça se trouve il veut juste parler tranquillement ? Avoir un peu de compagnie ? Non Eden, la main qu'il approche de ta jambe nue va se finir sur celle-ci si tu ne te lèves pas.
Mais comme si l'univers — merci pour une fois poto ! — avait entendu ma prière, deux stripteaseuses frôlent ma table, l'une renversant malencontreusement un verre sur l'homme et l'autre tendant discrètement la main à mon encontre.
- Oups ! Une boisson en moins... déclare celle qui a renversé le verre en prenant une pause dramatique.
L'homme se lève sans cacher sa fureur, bafouillant des mots et des insultes presque incompréhensibles à la brune qui s'en fout complètement. Elle récupère mon verre à moitié bu et le renverse en entier sur la tête du pervers. La rousse à côté de moi retient son hilarité en serrant plus fort ma main dans la sienne.
- Et ça, c'est pour nous avoir traité de pute, tocard, annonce l'asiatique bien remontée.
Ni une ni deux, monsieur muscle arrive de nulle part pour entraîner l'homme à la sortie, résigné devant cette façade de muscles. Avant de disparaître de mon angle de vue, le videur se retourne vivement pour faire un clin d'œil aux stripteaseuses avant de pousser l'homme hors de notre vue.
La première qui tenait ma main explose de rire et part checker son amie qui parait toujours aussi énervée. Elle a beau porter une minijupe, elle parait vraiment dangereuse. Je ne sais pas trop quoi faire mais je décide de remercier les filles de m'avoir sortie d'une situation un peu délicate.
- Un peu délicate ? Je n'aurais pas supporté d'avoir son haleine fétide plus d'une seconde près de moi, tu as été remarquable, déclare la rousse en sautillant partout comme une enfant.
- Et idiote, si je peux me permettre. La plupart des hommes ici sont adorables, mais d'autres moins, et tu n'aurais jamais dû venir seule, s'exclame l'asiatique. Ou du moins, le laisser aller aussi loin sans bouger.
Je reste plantée devant elles, ne sachant que dire étant donné qu'elle n'a pas tort. J'aurais dû bouger ou envoyer balader l'homme, arrêter de me laisser faire. Je ne suis plus cette femme là, il faut que ça cesse, c'était le but en venant dans ce pays.
- Mais ce n'est pas grave ! Moi je ne t'en veux pas ! me confesse la femme-enfant en reprenant ma main dans la sienne. Ça m'a bien fait rire de voir Courtney renverser l'équivalent d'une bouteille de vodka sur ce porc !
- Ne rit pas trop Harper, on a tous eu une situation similaire, il fallait bien l'aider, déclare cette dernière. Et je ne sais pas si c'était de la vodka, c'est la première fois que je vois un cocktail comme celui-là. Soit c'est une création d'un barman, soit c'est juste que personne ne le commande.
- Merci en tout cas, je pense que j'ai eu ma dose pour ce soir, je vais rentrer, leur dis-je en souriant timidement. Mais création ou pas, le cocktail était bon. Indescriptible mais bon.
Courtney approuve d'un signe de tête et Harper prend de l'élan pour me sauter dans les bras. Je reste statique tandis que ses seins énormes engloutissent les miens et me compressent le thorax.
- Repasse une prochaine fois ! On te doit un verre pour celui que Courtney a renversé.
- Non merci, je ne pense pas que ça soit nécessa...
- Si, elle a raison, sourit Courtney pour la première fois depuis le début, on te doit un verre, repasse quand tu veux... euh...
- Eden, lui dis-je pour combler sa gêne.
- Eden alors, me répond-elle en souriant.
Je les salue une dernière fois quand Harper décide de me lâcher et les remercie encore tout en me dirigeant vers la sortie. Je ne sais pas si cette sortie était une bonne idée, mais au moins je me suis peut-être fais deux amies. Deux drôles d'amies mais deux amies quand même.
Quand l'air extérieur se pose au contact de ma peau, c'est à peine si je ressens la différence avec le début de la soirée. Seule chose qui a changée, la nuit est bien tombée et la Terre ne m'a pas attendue pour continuer de tourner.
J'ai à peine le temps de prendre le chemin de mon appartement qu'une main saisit mon bras, me tirant vers un corps d'homme. Mon corps cesse de battre, sachant pertinemment que dans cette sombre nuit, personne ne peut me voir de la rue.
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