Chapitre 34

Drag Race me voilà

J'aide ma mère à fermer son énorme valise qui n'a fait que grossir lors de son court séjour ici. Je ne pensais pas dire ça un jour mais nous sommes déjà samedi, l'heure pour ma mère de rentrer en France.

Suite à l'incident du restaurant, j'ai décidé de prendre du recul en restant le plus souvent possible seule. Anita m'a généreusement offert des heures supplémentaires, me permettant de limiter le temps en compagnie de ma mère. Mais aussi celle de Gareth.

Stéphanie a tenté de se faire pardonner toute la semaine, à coup de peluches ou de chocolats offerts et je dois avouer que sa détermination m'a fait sourire plus d'une fois. Même si je ne peux pas oublier ce qu'elle a fait. Elle a aussi tenté d'en parler, de crever l'abcès sur cette catastrophe mais j'ai refusé d'en parler avec elle ; j'estime qu'une grande partie de la soirée ne la regarde pas, étant donné qu'elle ne regarde que moi, gareth et son frère.

Frère qui n'est d'ailleurs pas réapparu depuis mon coup dans le nez. J'avoue que je suis plutôt fière de moi, pendant quelques secondes je me suis crue invincible mais en réalité c'était surtout dangereux et immature de ma part. Il aurait pu se relever et venir me frapper, ou avoir caché un couteau ou une autre arme. Nous sommes aux États-Unis et sur ce sujet, tout est bien différent de la France.

Quant à Gareth, je l'ai évité au maximum comme je le disais. Notre complicité de fin de soirée m'a laissé un goût amer sur la langue, comme si l'euphorie autour de mon coup de poing était très dérangeante, pas vraiment normale. Il n'y a rien de bien à frapper un homme à terre, même s'il a insulté ma mère. Je ne sais pas, j'ai beau retourner le problème dans tous les sens depuis plusieurs nuits, aucune solution ne s'offre à moi.

Anita m'a rapporté qu'il passe au café tous les jours dans l'espoir de me parler, mais nos horaires ne coïncident pas ce qui est assez extraordinaire. Mon téléphone n'a fait que sonner, annonçant des centaines de messages de Gareth qui veut me voir pour me parler ou simplement finir la saga d'Harry Potter mais c'est à contre cœur que je ne lui ai pas répondu.

Parfois, il faut de l'espace. En me couchant il y a 3 jours, j'ai réfléchi longuement à ce que je devais en tirer de cette soirée, et la seule réponse viable a été : le temps. Laisser du temps au temps, c'est important. Après toutes ces révélations, il me fallait le recul nécessaire pour appréhender la suite.

La présence de ma mère étant aussi pesante, j'ai pensé que c'était le meilleur moment pour me retrouver avec moi-même, tant pis si ça déplait. Mais je pense aussi que Gareth a besoin de ces jours de recul forcés. Il ne le reconnaîtra pas mais il a été bien secoué par la haine de son frère.

-    Eden ? M'appelle ma mère doucement. Le taxi m'attend en bas, j'ai reçu un message. Il faut que j'y aille ma chérie.

J'approuve d'un hochement de tête, et m'approche d'elle pour la prendre dans mes bras. Son étreinte n'a rien d'amicale, elle m'agrippe comme si sa vie allait s'arrêter dans quelques minutes, comme un adieu.

-    Je suis sincèrement désolée ma chérie, je ne pensais vraiment pas à mal, elle déclare dans un souffle. Tu sais, je suis consciente que je suis nulle comme mère. Mais cette fois, ce n'était pas voulu. Alors appelle-moi de temps en temps, ok ? Je vais faire un effort. Gareth est si gentil avec toi, je ne veux pas tout gâcher entre vous.

Je m'écarte d'elle doucement pour lui faire comprendre qu'il est temps de partir. Elle ne dit rien, attrapant sa veste arc en ciel et sa valise rose. Avant qu'elle ne passe la porte, je l'interpelle une dernière fois.

-    Maman ! Je lui dis et elle s'arrête directement pour me regarder. Je te rendrais visite, en France je veux dire. Mais quand tu arrêteras de t'habiller comme une fille de 20 ans. Et surtout le jour où tu auras une maison à toi toute seule, avec ton propre argent et ta propre indépendance.

Parfois, parler ne sert à rien. Le regard veut tout dire. Et ma mère l'a bien compris. Elle approuve d'un geste faible avant de tirer une dernière fois sa valise vers la cage d'escalier.

***

La sonnerie de l'interphone se met à hurler, me faisant sursauter au point de tomber du canapé. Je prends vite le temps de mettre en pause mon émission de Drag Queen préférée tout en insultant l'univers d'avoir créé les interphones avant de me dépêcher pour répondre.

Je ne sais pas si je suis la seule, mais quand quelqu'un sonne à travers ce petit bouton relié à mon appartement, je suis totalement tiraillée entre la peur de décrocher et de savoir qui est mon interlocuteur mais en même temps pleine d'adrénaline, voulant décrocher le plus vite possible pour que la personne ne s'énerve pas. Alors que sincèrement, on n'est pas obligé de courir pour décrocher, la personne ne va pas s'envoler ou râler pour 2 secondes d'attente ? Enfin bref, tout un débat pour un si petit problème.

Au vu du cri que je reçois dans les tympans, il s'agit d'une Harper surexcitée qui souhaite me voir. Et je sens que je vais passer un sale quart d'heure sachant que je ne l'ai pas contacté depuis la soirée mère-ivre-et-copines-trop-fan-d'elle-laissant-leur-amie-seule-avec-son-verre-sans-alcool.

Elle met en tout moins d'une minute à monter les deux étages qui séparent la rue de mon logement, déboulant comme une tornade en minijupe jaune. Il faut croire que ma mère a eu quelques influences vestimentaires.

Mais je suis étonnée de voir qu'elle n'est pas seule : Courtney la suit détendue comme jamais, vêtue d'un jean skinny bleu tout ce qu'il y a de plus basique.

-    Là, ça ne va plus ! Commence Harper pendant que Courtney ferme la porte en riant. Il va falloir sortir un peu plus ma cocotte et surtout que tu te dégages du temps pour nous voir !

-    Je suis désolée Harper, j'ai été énormément prise par le travail cette semaine, j'interviens avant qu'elle ne me tue sur place.

-    Non, non, non je ne veux rien entendre ma belle, tes excuses ne valent rien !

Courtney continue de rire toute seule et se dirige vers moi, une paire de chaussure dans les mains.

-    Met ça, me dit-elle en me donnant mes propres chaussures. On va faire du shopping toutes les trois.

-    En quelle occasion ? Je leur demande en étant à cloche pied pour faire mes lacets.

Harper se met à sauter partout comme à son habitude, agitant sa crinière rousse dans tous les sens.

-    Ce soir Babe, c'est l'anniversaire de Greyson, lance celle-ci avec une joie communicative. Et il fait une fête dans sa baraque ! C'est la seule fête qui fait dans l'année et elles sont toujours géniales !

-    Babe comme le cochon ? Je lui demande en riant.

-    De quoi tu me parles ?

Je n'ai pas le temps de lui expliquer qu'elle s'est déjà volatilisée près de la porte, une de mes vestes sur l'épaule.

-    Je n'étais pas au courant, je leur avoue pendant que Courtney attrape mon bras pour m'emmener avec elle.

-    On sait ! Mais on a essayé de te prévenir, au café, au téléphone mais tu es injoignable en ce moment, me répond celle-ci sans être pour autant agacée. Alors on a pris les devants !

Je la remercie doucement, attrape mon sac à main à la volée puis me laisse emporter par mes deux amies.

Après tout, une journée shopping ne peut absolument pas me faire de mal. Le seul projet de ma journée était de rattraper mon émission en mangeant du pop-corn salé toute l'après-midi. Désolé les queens, je vous regarderai un autre jour...

***

Nous marchons tranquillement toutes les trois, nous tenant par les bras en sautillant. En réalité, c'est Harper qui a lancé le mouvement et nous n'avons pas eu d'autre choix que de la suivre.

-    Je m'excuse encore les filles pour cette semaine, j'avais besoin de prendre un peu de recul, je leur confie.

-    Ne t'inquiète pas, me rassure Courtney en s'écartant d'Harper, Gareth nous a tout raconté ; l'autre con de Thomas et toute la soirée qui va avec. Tu sais, il nous a baratiné avec cette histoire toute la semaine, broyant du noir quand il ne devait pas faire le sociable avec les clients. Je ne te dis même pas le nombre de fois où il nous a envoyé chier pour un rien, Greyson a dû le remettre à sa place plusieurs fois.

-    Il ne comprend pas ta réaction, complète Harper en me lâchant à mon tour. Il pensait que tout irait bien entre vous mais tu as...disparu. Il nous a beaucoup parlé, de toi ou pas. Mais ça faisait longtemps que je ne l'avais pas vu si mal. La dernière fois c'était...à son arrivée ici. Bon, on arrête de parler de ça ! Go dépenser notre argent et pas intelligemment.

J'acquiesce en souriant, mais parler de Gareth me met un peu le cafard. Il me manque, c'est certain. Il est temps que je le retrouve, j'en suis consciente. J'appréhende juste nos retrouvailles, je ne sais pas comment je vais justifier mon absence.

Mais ne pensons pas à ça. Tout de suite, je dois penser aux deux folles qui se tiennent à mes côtés et qui sont prêtes à en découdre avec ma carte bleue.

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