Chapitre 32
Il semblerait que le beau brun ne soit plus le seul dans la course...
Après avoir enfilé ma robe bleue tout ce qu'il y a de plus simple, je rassemble mes cheveux en un gros chignon brouillon fixé avec de jolies épingles de perles que j'ai trouvé en France. J'ai pris le temps de me maquiller avant tout ça, preuve de ma bonne volonté face à ce dîner.
Parce que la réalité est toute autre : je n'ai aucune envie d'y aller et j'enrage rien qu'à cette idée.
Le sketch qu'a fait ma mère hier m'a sortie de mes gonds, mais comme Gareth était présent, je ne voulais pas trop me donner en spectacle à mon tour. Ce qui nous vaut d'être pris au piège tous les deux, forcés d'aller dîner avec elle. Le seul avantage, c'est elle qui paye. Je pourrais acheter un copain à Rocky avec l'argent mis de côté.
Quand je débarque dans le salon, ma mère se tord le visage pour essayer de comprendre la série qui passe à la télé, sans succès on dirait.
- On ne comprend pas grand-chose à cette émission ! J'ai beau me débrouiller en anglais, ce n'est pas facile, râle-t-elle en se levant pour me rejoindre. Quelle idée de ne pas avoir fait du français la langue internationale...
Aujourd'hui, elle a opté pour une robe rose pâle courte et des talons hauts roses bonbons. Ses longs cheveux blonds sont relevés en une queue de cheval parfaitement plaquée, ce qui rend mon chignon juste laid, et mon maquillage beaucoup trop simple si on le compare au sien. Sincèrement, on ne dirait absolument pas que nous sommes mère et fille, plutôt deux amies dont l'une sort du monde de Barbie et qui s'est mangé un pot de peinture avant de venir.
- Tu es vraiment ravissante ma chérie, me dit-elle en me prenant légèrement dans ses bras.
Mon corps est tendu comme un arc à cette approche, ne parvenant pas à se détendre. Si elle continue comme ça, la trace de son visage va s'imprimer sur ma robe et je ne serais bonne qu'à me changer.
- Arrête maman, je lâche à mi-voix.
- Oh pardon ! Je te serre trop fort, elle déclare en s'écartant tout sourire.
- Non, arrête de faire croire à mes amis que tu es comme ça. Tu te fais passer pour ce que tu n'es pas et ça me met mal à l'aise. Ils ont 20 ans de moins que toi maman, mes amis ne deviendront pas les tiens. Il faut que tu acceptes de vieillir parfois. Mais surtout arrêter de te faire passer pour la mère adorable qui s'inquiète pour sa fille !
Cette fois, elle s'écarte totalement de moi, me regardant longuement de ses yeux bleus.
- Je t'aime ma chérie, je ne fais pas semblant, me dit-elle en mettant une main sur son cœur comme si je l'avais blessé.
- Si tu m'aimais vraiment, tu ne m'aurais jamais laissée seule avec ces pervers et drogués de compagnons.
Comme je m'y attendais, elle réplique aussitôt en s'emportant plus que d'habitude, une expression soudain sévère sur le visage.
- Tu vas arrêter avec cette histoire ! Mentir ne t'apportera rien dans la vie, ma chérie. Alors grandis, s'il te plait. En plus, il me semble que Gareth arrive, alors tiens-toi bien. Dos droit et n'ouvre pas trop tes yeux, tu vas avoir des rides. Tes pattes d'oies commencent à pointer le bout de leur nez.
À peine a-t-elle fini qu'on sonne à l'interphone. Je réponds et nous attendons dans un silence de plombs que Gareth vienne nous rejoindre.
J'ai envie de cracher au visage de mère tout le dégoût que j'éprouve pour elle, mais je sais que ça sera en vain. Pour elle, tout ce qu'elle fait est bien. Pour elle je ne suis qu'une menteuse pourrie gâtée. Pour elle, sa teinture blonde est plus importante que sa fille.
Ce n'est qu'une soirée Eden, respire.
Gareth entre dans l'appartement, nous saluant chaleureusement toutes les deux. Je m'approche de lui pour l'enlacer, j'ai besoin de le sentir à mes côtés.
- Greyson m'a prêté sa voiture, il annonce en me faisant un bisou sur le front. Je me suis dit qu'à 3 sur une moto, ce n'est pas prudent.
Je me détache de lui pour l'observer un instant. Il a fait un effort, costard cravate, tout en noir bien sûr. Rien de très incroyable mais sur lui, c'est comme si le tissu était plus brillant, plus doux, plus beau tout simplement.
- Bon, madame la belle gosse et madame la mère de la belle gosse, il est temps d'y aller !
***
Pendant tout le trajet, ma mère sur la banquette arrière n'a pas prononcé un mot, me permettant de parler tranquillement avec Gareth qui conduit. J'ai beau préférer la moto, j'aime bien le regarder conduire avec sa bouille concentrée.
- Au fait, je reprends après un débat sur le pâté en croute — mon avis : ce n'est pas bon —, j'y pensais hier soir mais je n'ai pas eu le temps de te demander. Plusieurs fois ces derniers jours, tu ne m'as pas appelé princesse ou je ne sais quoi. Mais t'as dit un autre mot, je ne sais plus vraiment quoi exactement. Qu'est-ce que ça veut dire ? Parce que je ne le connais pas et ça peut être utile pour mon anglais de le connaître.
- Je t'expliquerai bientôt, c'est promis, me dit-il en souriant. Mais c'est trop tôt encore.
Je marmonne toute seule, n'aimant pas spécialement les mystères surtout quand ils sont reconnus comme maintenant. Ma curiosité me tuera un jour, j'en ai conscience. Mais si j'arrivais à me souvenir de ce qu'il me dit, tout serait plus simple et j'aurais juste à lancer Google.
Je jette un coup d'œil à ma mère dans le rétroviseur, vérifiant qu'elle n'est pas morte au vu de son silence mais pas du tout, elle observe le paysage en souriant doucement. Tant mieux, qu'elle ferme sa bouche toute la soirée serait le meilleur cadeau pour moi.
***
Le restaurant est un peu perdu, installé sur un terrain en terre comme le parking de l'autre jour. Cependant, sa façade en terre cuite rouge, ses grandes baies vitrées et toutes ses lumières rendent l'endroit très important, comme la maison d'un mafieux. Rien de très inquiétant si l'on est dans 365 jours, mais personnellement je préfère rester dans mon petit monde de Bisounours.
Comme si c'était une seconde nature, ma mère casse ma contemplation en ouvrant la bouche pour la première fois depuis 15 minutes.
- Avant que l'on entre prendre notre table, déclare-t'elle nerveusement en tordant ses doigts dans tous les sens. Je trouvais que c'était un peu nul à trois... On se connaît déjà depuis quelques jours avec Apollon, et je trouvais dommage que l'on n'agrandisse pas la famille. Alors j'ai invité du monde !
Elle se met à sourire, un sourire forcé, trop grand pour être vrai, ce qui fait monter mon stress d'un cran. Qu'est-ce qu'elle a encore fait ? Je me retourne vers Gareth qui ne dit rien, mais comme s'il avait lu dans mes pensées, posé un bras sur mon épaule.
- Ce n'est pas grave, plus on est de fou plus on rit ? Et puis, ce n'est que qu'un petit repas, me chuchote Gareth, elle ne peut pas faire pire qu'hier ou encore avant n'est-ce pas ? À tout moment ce sont juste nos amis et nous passerons une bonne soirée
Je soupire longuement, attrapant sa main pour lui signifier que je suis prête à faire encore un effort ce soir. Tout est tellement compliqué depuis que ma mère est arrivée ici ! Mais je fais confiance à Gareth, comme il dit, elle ne peut pas faire pire.
Nous rejoignons tous les trois le restaurant et je me concentre sur mes talons pour ne pas me casser une cheville. Je ne suis pas sûre que c'était ma meilleure idée mais Eden, ce n'est que qu'une soirée, respire.
Le serveur écoute attentivement ma mère, louchant sur ses seins avec insistance mais elle n'a pas l'air d'y prêter attention. Il annonce que nos collègues sont déjà arrivés depuis plusieurs minutes, et qu'ils attendaient notre arrivée avant de commencer le repas. Il nous conduit directement à la table, rapide comme l'éclair tout en faisant le moins de bruit possible pour ne pas gêner la clientèle.
Autant la façade est belle mais imposante, autant l'intérieur est chic, avec de belles tables rondes nappées de blanc et d'or. Les clients sont tous guindés et maniéré, ce qui me laisse échapper un petit rire discret. Ce n'est pas du tout ce que je fréquente maintenant. Ma mère, elle, est à son aise, autant habituée aux restaurants gastronomiques de Paris qu'aux caravanes de toxico.
Le serveur nous indique une table en coin, assez abritée pour ne pas être observé par les autres clients car entourée de verdure. Trois personnes y sont déjà installées, dos à nous. L'arrêt net de Gareth dans la pièce ne l'échappe pas, car ma main dans la sienne reste coincée quelques pas en arrière, piégée avec. Gareth n'avance plus ce qui me fait un peu peur. Il fixe les trois personnes, une femme au carré brun impeccable et extrêmement fine on dirait, un homme aux cheveux bruns plus clair que Gareth mais tout en boucles courtes. Quand je m'apprête à observer le dernier, l'enfant est déjà debout, courant vers nous les bras en l'air. Ses cheveux blonds en pagailles me rappellent quelque chose mais je ne sais plus qui ou quoi.
Je lâche Gareth pour laisser l'enfant s'élancer sur lui. Gareth le rattrape mais aucun son ne sort de sa bouche. Il reste figé sur les 2 nuques, qui se retournent doucement pour chercher ce que je suppose être leur fils.
C'est la première fois que je vois Gareth aussi raide, retenant jusqu'à son âme pour ne laisser rien transparaître. Une statue de marbre, voilà à quoi il me fait penser actuellement. Je l'entends presque maudire ma mère d'ondes psychiques maléfiques.
Comme quoi, elle peut faire pire.
- Je suis trop content de te voir parrain ! Lance le petit garçon en le serrant plus fort.
Pendant un bref instant, Gareth redevient « normal » et parle tout bas au petit qui finit par le lâcher. Il le repose doucement au sol.
Cette fois, je peux voir les visages des deux adultes pendant que ma mère s'en va les saluer chaleureusement. La ressemblance est frappante, les mêmes pommettes, des yeux aussi bleus que le fond de l'océan, une barbe similaire mais beaucoup plus clair, un nez droit mais un peu tourné à gauche et cette mâchoire carrée, ils sont forcément de la même famille, j'en mettrai Rocky à couper.
La femme est quant à elle effectivement très fine, trop fine, on voit presque les os de ses joues et semble sur le point de se casser à chaque instant, comme une poupée de porcelaine. Ses grands yeux bruns ressortent énormément tellement le creux de ses yeux est intense. Il n'empêche qu'elle est sublime, d'une beauté étrangement hypnotisante.
- Maman et papa ne m'avait pas dit que tu viendrais ! Reprends le petit en retournant auprès de ses parents. C'était une super surprise, merci !
Le petit garçon est tellement lumineux qu'il arrive à me faire oublier le malaise ambiant et la tension palpable entre Gareth et les deux parents. Le visage crispé de l'homme et le regard perplexe de la femme ne m'échappent pas.
Le petit garçon a 8 ans à tout casser, de belles boucles blondes qu'il n'a pas l'air de coiffer souvent ainsi que de très beaux yeux bleus. Le voir en entier me fait percuter qu'il s'agit du petit garçon en photo dans la maison de Gareth, coincé dans le cadre de ses parents.
La femme est la deuxième à se lever pour nous saluer, prenant en premier Gareth dans ses bras. Son corps mince contraste avec sa taille moyenne mais est mis en valeur par une longue robe blanche fluide qui lui donne un air de mariée. Elle se tourne pour me saluer en me prenant aussi dans ses bras.
- Je m'appelle Miranda, commence-t-elle pour se présenter. Je suis très heureuse de rencontrer l'amie de Gareth. Je suis sa belle-sœur, au fait. Et le petit soleil là-bas, il s'agit de Roméo, mon fils.
Belle-sœur ? Belle-sœur... Gareth m'a parlé rapidement de son frère mais il me semblait qu'il n'avait plus de contact avec. C'est peut-être de là que vient l'origine de leur malaise ? En tout cas, elle a l'air aussi gentille qu'elle est jolie.
- Je suis Eden, la petite amie de Gareth. C'est un plaisir aussi de vous rencontrer.
L'homme se lève à son tour, et vient directement se présenter, ignorant son frère.
- Bonjour, je suis Thomas, l'unique frère de cette épave derrière. Enfin, je ne veux pas vous offenser, vous faites ce que vous voulez, si vous aimez ce genre d'homme.
Je me force à sourire mais ses propos sont assez choquants et crus. Gareth ne réagit même pas, ce qui me met encore plus la puce à l'oreille. À la place de lui répondre, Gareth se joint à mes côtés en me prenant par la taille.
- Voici Eden, ma copine, et Stéphanie, sa mère. Excusez-la si elle a un fort accent mais elle vient de France et n'est pas aussi acclimatée qu'Eden.
- Appelez-moi Steph ! Le coupe ma mère tout en allant s'assoir autour de la table.
Roméo et Miranda semble aussi enthousiastes qu'elle et la rejoigne autour de la table suivit de près par Thomas.
- Ça va ? Je demande en chuchotant à Gareth qui semble plus blanc que d'habitude.
Il hoche la tête et m'intime d'un petit geste pour que j'aille m'assoir à mon tour.
Celle-ci, en cercle, semble très grande pour seulement 6 places, mais personne ne semble mal à l'aise de cette ambiance guindée. La seule tension qui existe et se ressent, c'est celle qui oppose les deux hommes. L'attaque de Thomas dès son entrée était trop directe pour ne pas être calculée ou réfléchie et les paroles de Miranda trop adorables pour être malveillantes. Les mots de son mari étaient pesés, comme choisis avec minutie pour taper où ça fait mal. Son comportement est si opposé au Gareth que je connais qu'une telle différence de caractère entre deux frères est étonnante.
Je me retrouve donc presque en face de la belle Miranda, à ma droite ma mère et à ma gauche Gareth, plus tendu que jamais. Soit ce dîner se passe merveilleusement bien, soit c'est une catastrophe. J'opte pour la deuxième option même si la première est plus alléchante.
Le serveur vient prendre nos premières commandes pour l'apéritif, et Roméo se fait gronder par sa mère quand il tente de commander un Martini. J'opte pour quelque chose de soft, voyant que Gareth commande de l'alcool fort. Je ne suis pas sûre que ça soit la meilleure idée vu son état, mais je ne m'interpose pas ; il est grand, il sait ce qu'il fait. De plus, ma mère commande une bouteille de champagne, donc je préfère rester avec les idées claires au cas où qu'elle pousse sur l'alcool.
Quand le serveur s'éclipse, il faut quelques longues minutes avant que le silence ne soit brisé.
- Alors, commence ma mère la bouche en cœur, d'où venez-vous ? La famille, je veux dire. Parce que vous savez d'où nous venons mais nous nous ne savons rien de vous.
- On n'habite pas très loin d'ici, explique Miranda en lissant ses cheveux d'une main. Nous ne travaillons pas dans cette ville donc nous sommes plus éloignés de Gareth maintenant qu'il est ici.
- Oh, d'accord, et vous travaillez dans quoi ? Continue ma mère.
Le pire dans cette conversation des plus banales, c'est que ma mère pose réellement ces questions sans but de meubler la conversation. Ce qui rend la situation plus gênante encore. Mais Miranda semble tellement impliquée que personne ne prend la peine de le faire remarquer.
- Je ne travaille pas vraiment mais Thomas est journaliste dans un journal qui commence à prendre beaucoup d'ampleur. Et ça se ressent, il travaille beaucoup trop.
- Sans ça tu ne pourrais pas vivre ma chérie, l'interromps l'intéressé. Il faut bien qu'un homme prenne soin de sa famille, n'est-ce pas ?
Je me retiens de rire devant ce machisme et ma mère qui boit ses paroles. Comment peut-il dire ça comme si tout était normal. Je suis sûre que Miranda pourrait se débrouiller seule, si elle le voulait.
Mais avant que je n'entre dans la conversation, je suis coupée par le serveur qui nous amène nos commandes. Pas une seconde plus tard, Gareth boit une grande quantité en vitesse, comme s'il n'avait pas bu depuis des jours. Son comportement commence à m'inquiéter mais il fait exprès de ne pas croiser mon regard. Je profite du moment de mouvement autour de nous pour lui donner un coup de pied qui ne me vaut qu'un regard noir. Cependant, j'obtiens ce que je souhaite car il pose son verre.
Girl Power.
- Et Roméo, comment ça se passe les cours mon grand ? demande Gareth au petit garçon qui sirote son verre de soda rapidement.
- Super ! J'ai eu de très bonnes notes en français mais en mathématiques je crois que le professeur ne m'aime pas trop alors...
Les conversations s'éparpillent rapidement, comme si le petit blond avait des pouvoirs magiques. Depuis que nous sommes arrivés, c'est le seul qui a réussi à détendre l'atmosphère seulement en discutant ou en souriant avec sa bouche pleine de petits trous. Les seuls qui ne parlent pas encore, c'est moi et Thomas. Hélas, le macho par excellence entame la conversation malgré mon dégoût contenu pour lui.
- Alors c'est toi l'heureuse élue du cœur de cet homme finalement, il déclare en jouant avec sa coupe de champagne dorée. Quand ta mère m'a contacté, je ne pensais pas qu'elle disait la vérité, c'était trop beau pour être vrai.
- Oui, j'ai cru comprendre qu'il n'a jamais eu trop de chance, je déclare en riant doucement par politesse.
Ce soir, sortez vos meilleurs masques, la guerre de l'hypocrisie est lancée.
- Méfie-toi, jolie fleur, ce mec-là, il va te faner au bout de trois jours, il reprend d'un rire mesquin. Il est instable comme mec, fuis tant que tu peux ma belle.
- Pourquoi vous dites ça ? C'est votre frère quand même, je trouve ça déplacé.
- Tu sais, le plus beau des princes charmants n'est pas forcément le meilleur exemple avec les princesses...
- Ça parle de moi ? Intervient Gareth d'un regard noir vers son frère.
J'ouvre la bouche pour lui répondre, histoire d'apaiser les tensions mais Thomas m'en empêche.
- Je lui parlais de tes magnifiques prouesses passées, que tu as l'air de vouloir réitérer, explique-t-il en désignant le verre que Gareth tient.
- Ne t'aventure pas là-dedans, le met en garde mon copain, tu sais très bien que tu n'as aucune idée de ce que tu avances.
Pour toute réponse, Thomas lève les mains au ciel en riant, faisant taire les conversations autour de lui. Sa femme semble nerveuse d'un coup, se grattant frénétiquement la nuque.
- Ce n'est que la vérité, petit frère. Une triste vérité certes, mais elle n'en reste pas moins réelle.
Je regarde Roméo, méfiante qu'ils se mettent à parler de choses qu'un petit garçon ne devrait pas entendre mais l'enfant s'amuse avec sa paille, pas le moins du monde choqué par le début d'embrouille de son oncle et père.
- Arrête Thomas, s'il te plait, lui demande gentiment Miranda en posant sa main sur le bras de son époux. Nous ne sommes pas seuls, mais en public.
Thomas continue de rire, dégageant la main de sa femme comme un bout de chiffon sale. Je me retiens de ne pas me lever pour coller mon poing dans sa figure ; pour une fois que ce n'est pas dans celle de ma mère.
S'il est encore une fois violent comme ça, je vais me le faire.
- Mais non, on est tranquille là, n'est-ce pas ? Il demande en regardant son frère avec malice. C'est vrai quoi, c'est la famille ! Il n'y a pas de tabou dans une famille.
Je cherche la main de Gareth sous la table, consciente que je ne pourrais pas faire grand-chose. Les histoires de famille, c'est toujours complexe et je suis très bien placée pour l'affirmer. Mais le regard que lance Gareth à son frère n'a rien d'humain, rien de bienveillant malgré les différents : son regard n'est qu'un puit de haine, infini et terrifiant.
- Ça fait combien de temps que vous êtes ensemble ? Reprend Thomas en buvant du champagne.
- Une semaine environ, je lui réponds sèchement sans me retenir.
- C'est à la fois tellement tôt, mais tellement tard. Gareth, mon frère, tu ne lui en as pas parlé ? Je te pensais plus transparent que ça. Vous devez déjà vous partager quelques secrets, non ? Quand on voit sa... mère, prononce-t-il avec dégoût, c'est déjà un cap de passé.
- C'est quoi ton problème Thomas ? Demande calmement Gareth tandis que j'attrape sa main. Qu'est-ce que ça t'apporte de jouer au con tout le temps ? Devant ton fils ? Tu n'as pas honte ?
- Gareth ! Intervient Miranda avec fermeté. Les gros mots, je te pris.
Le petit rit comme un fou, heureux d'avoir entendu un vilain mot de la bouche de son parrain.
- Pardon, ne dit jamais ça Roméo, ok ? Il demande au petit qui hoche la tête avec un grand sourire aux lèvres.
- Elle a le droit de savoir, crache Thomas qui ne lâche pas l'affaire.
- Savoir quoi, à la fin ? Je leur dis en m'énervant. Vous êtes en train de gâcher la soirée de tout le monde avec vos histoires. Alors déballez tout et on repart sur de bonnes bases. Le passé, c'est le passé, on a tous fait des choses idiotes, moi la première. Alors je ne vois pas pourquoi on en ferait un secret d'Etat, mince ! Ou si c'est trop grave on n'en parle pas et c'est tout !
Mince pour ne pas dire merde, car Miranda fait très peur quand elle réprimande.
Thomas a l'air tellement satisfait que je regrette presque de lui avoir donné raison. Mais surtout, c'est le regard effrayé de Gareth qui me fait légèrement regretter. Je me doute qu'il ne doit pas être fier pour me cacher ça, mais je pense aussi que percer l'abcès n'est pas une mauvaise chose.
- Tu sais Eden, Gareth n'a pas forcément eu de très bons comportements avec les femmes, commence Thomas en profitant de la détresse de son frère. L'alcool parfois n'a pas aidé. Mais ce n'est pas un prince charmant.
Gareth se lève brusquement, lâchant ma main dans son élan. Je me lève à mon tour sans comprendre pourquoi.
Et allez ! On suit le mouvement ma vieille !
- Je suis désolé. Stéphanie, Miranda, j'ai tenu au maximum mais ce n'est plus possible. Je vais devoir vous laisser.
Il ne nous laisse pas le temps de le saluer et part en trombe de la salle, laissant même son téléphone derrière lui.
- Ohh, Gareth, en rajoute l'ainé, tu ne pourras pas fuir toute ta vie.
Je récupère ses affaires ainsi que les miennes, et m'apprête à me lancer à sa poursuite quand Thomas m'attrape fermement par le bras.
- Faites attention à vous, jolie fleur. Vous ne savez pas où vous mettez les pieds.
- Si vous ne me lâcher pas de suite, je lui crache au visage, je hurle pour qu'on vous enferme à double tour. Il est hors de question que j'apprenne des choses concernant mon copain de la bouche d'un mec aussi dégueulasse que vous.
Je me débats un minimum pour le faire lâcher prise, puis présente mes excuses à Miranda et ma mère, qui semblent toutes les deux choquées et tristes. Et je m'élance à travers le restaurant pour rejoindre Gareth à l'extérieur.
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