Chapitre 24
Expelliarmus !
Je suis Gareth à l'arrière de la maison où se trouve un perron typique des maisons américaines. Décidément, tout est bizarre dans ce quartier, d'habitude ce perron se trouve à l'avant de la maison, et non à l'arrière.
Une balancelle se balançant doucement s'y trouve ce qui me donne directement envie de m'allonger dessus. Mais le fait qu'elle bouge toute seule me fait un peu peur — Casper descend de là !
Nous passons les quelques marches tandis qu'il sort les clés de sa poche pour ouvrir la porte bleue qui semble en bois.
J'appréhende énormément le passage de cette porte qui signe aussi le passage dans sa vie, sa vie très personnelle. Certains vont me trouver bizarre à redouter ce moment mais honnêtement, y a-t-il un endroit plus intime que votre maison ou appartement ? Je ne pense pas. Votre habitation, c'est votre propre reflet ; aussi bien dans la décoration que dans le rangement en passant par l'odeur, tout reflète votre personnalité. Les photos, les petits objets du quotidien, la moindre chose qui se trouve dans cette maison est à Gareth. Je ne suis pas sûre qu'il mesure l'importance que ça représente. Ou du moins, l'importance que ça représente pour moi.
- Je t'avoue que je suis étonnée, je lui confesse. Je ne pensais pas du tout à un endroit comme celui-là quand je t'ai suggéré de me montrer un lieu différent. Pour être différent, ça l'est. Mais je ne suis pas sûre que...
- Je voulais te partager un peu de moi, pour me faire pardonner, il me coupe. Je sais que tu n'aurais pas pensé à cet endroit, ce qui me fait gagner des points. Et je t'avoue que c'est le premier lieu qui m'est venu en tête. J'en connais encore quelques uns, mais ils restent dans l'ambiance de ceux que tu connais déjà.
Cela reste à prouver, mais je ne lui dis rien de plus tandis qu'il me fait entrer. Une boule se forme dans mon estomac, me faisant hésiter. Et s'il était bordélique ? Je ne supporterai pas de passer après lui toutes les 5 minutes. Et si la déco était horrible ? Du genre tapisserie de mamie avec supplément moquette et animaux empaillé ? J'en ai des frissons rien que d'y penser. Non Eden, arrête de penser à ça vous n'allez même pas emménager ensemble si ça se trouve ! Tu vas un peu vite ma vieille.
Je secoue discrètement la tête pour chasser les pensées gênantes qui l'encombre, passant le pas de la porte. Quand je m'y engouffre, la maison est plongée dans le noir mais Gareth ne semble pas déterminé à allumer les lumières : au contraire, il passe sa main chaude dans la mienne, croisant nos doigts.
- Fais-moi confiance, je veux juste que tu la découvres par la porte d'entrée, et pas l'arrière. Je ne vais pas mentir, j'ai oublié mes clés de devant au vestiaire du club, m'avoue-t-il en riant. Et ne commence pas à dire « mais quel genre de personne ne met pas toutes ses clés sur le même trousseau ? », je n'aurai pas de réponse à ça.
Je lui fais confiance et lui souris malgré la pénombre tandis qu'il me fait zigzaguer dans le noir. Sa main dans la mienne est la seule qui me permet de ne pas prendre peur. Sentir ses doigts calleux me permet de chasser les souvenirs cachés dans le noir.
Pourquoi tu veux partir petite Eden ? Ta maman m'a dit que tu devais rester sage avec moi...
Je serre un peu plus sa main pour tenter de rester dans la réalité et il fait de même, pressant les siens doucement, faisant des petits cercles avec son pouce sur ma peau pour me calmer. J'ai l'impression que ça fait des heures que nous sommes dans le noir quand Gareth quitte ma main. Il me retourne dos à lui et me lâche, cherchant de quoi éclairer la pièce je suppose.
Son aisance dans le noir est aussi étonnante qu'inquiétante. Je serais incapable de me déplacer comme ça dans mon appartement sans me prendre un coin de meuble où un mur que je pensais plus à gauche. Où même, j'aurais tellement peur que quelque chose se cache dans le noir que je finirais en pleurs, recroquevillée sur moi-même.
Quand la lumière s'allume, je ferme quelques instants les yeux pour éviter de finir aveugle.
- Dis donc, tu as l'air d'aimer le noir pour fermer les yeux même quand la lumière est allumée. Allez Eden, montre à ma petite maison tes beaux yeux, il suggère en riant légèrement. Promis je tiendrais la main en récompense s'il le faut.
Je descelle dans ses paroles une part de vérité, comme s'il avait compris ma crainte.
Impossible.
J'ouvre les yeux et me trouve face à une grande pièce donnant sur un salon et au fond une cuisine semi-ouverte. Tout est tellement bien agencé que la pièce parait énorme et impossible à être contenue dans cette si petite maison.
À droite, on retrouve un salon tout ce qu'il y a de plus classique avec un grand canapé...vert ! Je ne peux pas m'empêcher de rire ce qui me vaut un regard interrogateur de Gareth.
- Il s'avère que j'ai un canapé vert aussi, presque de la même couleur, mais le mien fait plus mal aux yeux, je lui explique. Le tien est d'un vert plutôt... forêt ? Moi il est pomme voire pomme radioactive.
Il sourit et me laisse poursuivre ma visite, me talonnant pour observer mes réactions du coin de l'œil.
À gauche, l'autre partie de la pièce se compose en une bibliothèque et un bureau incroyablement bien rangé.
Yes, il n'est pas bordélique !
Chaque chose est à sa place, chaque dossier dans un classeur étiqueté, et chaque papier bien rangé dans des petites caisses. Même ses crayons semblent avoir été rangé un par un dans le pot avec symétrie. Par contre, la peinture blanche de la pièce rend le tout très vide. Aucune chose aux murs pour égayer le tout ou aucun tapis. Juste le parquet en bois. Vide.
Je continue ma visite vers le fond, côté salon. La cuisine est composée d'une sorte îlot central qui la sépare du salon, ce qui la rend accessible par la droite comme la gauche. En effet, un pan de mur les sépare, ouvert façon bar avec des tabourets côté salon, et côté cuisine il s'étend à moitié pour créer une table. C'est à la fois très ingénieux et à la fois très bizarre : c'est la première fois que je vois ça.
Je suis à la fois étonnée par l'agencement de la maison, mais en même temps je n'ai vu aucune chose personnelle, pas une photo, pas une chose qui dépasse, pas une seule preuve de vie. Tout est étonnant et tout est particulier ; rien ne reflète le Gareth que je connais.
- Tu veux boire quelque chose ? Me propose-t-il en se dirigeant vers la cuisine cheloue.
- Ce que tu veux, mais pas d'alcool s'il-te-plait.
- Je t'apporte ça tout de suite, princesse.
Je lève les yeux au ciel en entendant ce surnom ridicule. La prochaine fois qu'il me dit ça, je l'étouffe avec un coussin de son magnifique canapé !
Il disparaît et je continue de regarder un peu partout pour voir si je n'ai rien loupé. Mes yeux sont directement attirés vers son bureau où un seul cadre semble posé.
Tiens, je ne l'avais pas vu tout à l'heure.
C'est l'unique que j'aie pu voir depuis que je suis arrivée. Dessus, on peut voir deux personnes âgées s'enlaçant avec amour, le sourire étiré et les larmes aux yeux — comme s'ils étaient en plein fou rire. La ressemblance avec Gareth est tellement frappante qu'il ne peut s'agir que de personnes de sa famille. La femme a les mêmes yeux bleus profonds, seulement elle semble tellement petite et fragile qu'on pourrait avoir peur que l'homme sur la photo ne la casse. Lui a les yeux marrons mais des cheveux plus foncés que la dame. Sa grosse moustache lui donne un air de Cow-boy mais son sourire est tellement doux et contagieux qu'on a envie de le prendre dans les bras.
Aussi, 2 photos type photomaton, de Gareth et d'un petit garçon, sont coincées dans un angle du cadre contenant la photo des amoureux.
Quand Gareth arrive et me tend un verre de soda, je ne peux pas me retenir de lui poser une question. Il ne semble pas vraiment étonné que je sois près de cette photo. En même temps, c'est la seule chose de sa maison qui parle un peu de lui.
- Je ne veux pas être impolie mais, qui est-ce ? Ils te ressemblent énormément.
C'est impoli, mais Gareth sourit tristement, mordant sa lèvre inférieure avant de répondre.
- Les questions commencent déjà ? Tu n'en manques pas une dis-donc, remarque-t-il.
- Il faut bien que je récolte quelques informations sur mon meurtrier avant qu'il ne me tue. Je n'ai pas vu de trappe mais je suis sûre qu'il y a une cave. Alors je cherche quelques trucs histoire que je tombe amoureuse, qu'il ait pitié de moi et qu'il m'épargne tellement je suis craquante avec le syndrome de Stockholm. Et aussi parce que je le mérite voyons ! Tu as été ignoble tout à l'heure. J'avoue, c'est un coup bas, je lui chuchote.
Il me sourit légèrement, buvant son soda avant de se décider à répondre.
- Tu ne manques pas d'imagination, mais lui c'est mon filleul, le fils de mon frère et sûrement l'être humain que j'aime le plus au monde.
Son aveu me fait un petit pincement au cœur. De la façon dont il raconte ça, c'est presque comme s'il était mort, ou qu'il ne le voit pas assez à son goût. Une certaine nostalgie des beaux jours...
- Allez suis-moi Sherlock, on sera mieux assis au bar.
Je le suis non sans peine d'abandonner les photos. Il n'a pas répondu pour les deux personnes. Je peux comprendre qu'il ne m'en parle pas, mais j'aurais quand même voulu savoir.
Il s'assoit à un des sièges haut faisant face à la cuisine, et moi je me bataille pour en faire de même. Ces tabourets sont supers hauts ! Je comprends qu'il soit grand mais il pourrait faire de l'immobilier à la taille standard pour ses invités.
- En tout cas, finit-il par dire, voilà c'est chez moi. Ce n'est pas extraordinaire mais j'aime bien cette maison. Je n'y suis pas souvent de toute façon.
- Si, elle est extraordinaire, comme chaque maison je pense. C'est juste qu'elle est extraordinaire à ta façon, je lui dis. J'avais espéré en apprendre plus sur toi mais... Comment dire... Il n'y a pas grand-chose qui permettent de deviner qui est Gareth...euhhh...
- Davis, complète-il. Gareth Davis.
- Enchanté, Eden Pernet.
Pour la blague, je lui tends la main qu'il n'attrape pas mais s'approche pour me faire la bise. Il m'en fait deux et je reste totalement stupéfaite par son geste. Les yeux grands écarquillés, mon air semble l'inquiéter car il se met à bégayer.
- Euh, excuse-moi. J'ai lu qu'on faisait deux bisous sur les joues en France, pour saluer, mais vu ta tête j'espère que ce n'était pas pour insulter ou je ne sais quoi.
Je secoue la tête pour sortir de ma torpeur. Il a dû me prendre pour une folle...
- Non, non ! Tu as très bien fait, j'étais juste très surprise c'est tout, je lui explique en riant. Tu peux même rajouter à ton information que parfois c'est trois bises selon les régions voire une seule quand c'est quelqu'un que tu connais très bien comme ta famille ou tes amis dans d'autres régions.
- C'est compliqué dis donc ! J'ai eu un petit coup de flippe je ne vais pas te mentir, m'avoue-t'il en riant.
Vu la tête qu'il a tiré, je dois reconnaître qu'il a eu plus que peur d'avoir fait une bêtise.
- Au moins tu as appris quelque chose sur moi, continue l'intéressé. Et moi sur toi. C'est vrai que nous ne nous sommes jamais vraiment présentés. Et oui, ma décoration est assez soft, je ne suis pas trop à fond là-dedans.
- Ne t'inquiète pas, chacun à une maison à son image et c'est génial. Même si ça manque un peu de vie et de chaleur. Je suis sûre que je pourrais arranger ça avec quelques tulipes colorées et deux ou trois photos de tes amis.
Il sourit doucement mais celui-ci se modifie, donnant quelque chose de plus... mélancolique ?
- Tout à l'heure, c'était bien mes parents sur la photo même si je pense que tu as deviné.
- Oui effectivement, mais je ne t'en aurais pas parlé si tu ne voulais pas. Donc ne te sens pas obligé.
- Merci, mais c'est les plus belles personnes que j'ai pu rencontrer, certes ils sont décédés mais il faut bien que leur mémoire perdure, non ? Et c'est même un peu débile d'utiliser le mot rencontrer comme ils m'ont donné la vie.
J'hoche la tête pour toute réponse, souriant légèrement pour le soutenir. Je suis touchée par ses paroles, moi aussi j'aurais voulu avoir des êtres qui comptent, qui me donnent envie de parler, de raconter leurs histoires. Mais la vie de Stéphanie Pernet n'est que tragédies et déceptions. Si on ne rajoute pas égoïsme et luxure à la liste.
- Pourquoi tu n'as pas plus de photos ? D'eux ou d'autres, que se soit ton neveu, ton frère, tes amis ?
- Comme je te l'ai dit, la déco ne me réussit pas. Et les photos, ce n'est pas réel, ça ne fait que rappeler le passé. Je préfère vivre les moments présents, tu comprends ? Je m'en fous un peu des souvenirs.
Je ne suis pas spécialement d'accord avec ce qu'il dit mais je l'entends. Personnellement les photos sont quelque chose qui me passionnent, qui me permettent de revivre des moments forts et joyeux de ma vie. Mais je ne peux pas dire que j'ai beaucoup de photos de ma mère non plus donc je me tais.
- Et, pourquoi tu vis seul ? je lui demande. Enfin, pas que ce soit mal, moi-même je vis seule mais là tu as l'air vraiment seul. Vu tes tabourets, tu n'as pas souvent de visites. Sinon, ils ne seraient pas si hauts.
- Parce que je n'ai personne, répond-il simplement en haussant les épaules.
- Et ton frère ? Il n'est pas dans le coin de ce que je me souviens mais ça pourrait, non ?
- Je ne lui parle pas vraiment. Il vit loin avec sa famille et nous avons des vies trop différentes pour être compatibles. Je ne veux pas qu'il mette les pieds ici.
- Je comprends, excuse-moi pour toutes ces questions, ce n'est pas poli du tout mais ça m'intrigue.
- Ne t'excuse pas, il faut bien que tu m'en poses pour me faire confiance, madame Eden Pernet.
Mais nous savons tous les deux que je fais déjà entièrement confiance à Gareth Davis.
***
Je fonce dans le canapé qui me fait de l'œil depuis que nous sommes arrivés, rejointe par Gareth qui disparaît sous un énorme bol de pop-corn.
- Salés ? Je demande sur la défensive.
- Bien sûr, tu me prends pour un fou ?
Je souris et m'écarte pour lui faire une place près de moi. Nous avons décidé de regarder un film car aucun de nous deux ne sommes fatigués. Après un long débat sur le meilleur Harry Potter, il en est convenu d'un commun d'accord de tous les regarder pour élire le meilleur. Je ne pense pas que nous regarderons les 8 films d'un coup, mais ça insinue plusieurs soirées avec lui ce qui ne me dérange pas. Je ferais tout pour lui prouver que les Reliques de la mort avec La coupe de feu sont les 2 meilleurs films.
Il lance le premier, mais très vite le pot de pop-corn finit sur ses cuisses pour que je puisse poser ma tête sur son épaule.
Vers la moitié du film, presque la totalité des pop-corn a été consommée et j'ai eu le droit au bonus bras sur les épaules pour être mieux calée. Je ne vais pas me plaindre, c'est plutôt agréable d'avoir l'impression d'être dans un film de temps en temps.
Quand je me réveille, je ne comprends pas tout de suite pourquoi je suis limitée dans mes mouvements.
J'ai si chaud !
Je sursaute quand je me rends compte que je ne peux pas bouger car nous sommes drôlement enlacés avec Gareth. Je n'ai aucune idée de l'heure mais ce qui est sûr, c'est qu'il fait jour et que je n'ai pas vu la fin d'Harry Potter.
Gareth dort pied ferme, la tête dans mon cou ce qui parait surréaliste. Sa respiration me chatouille légèrement, faisant frissonner mon corps entier. Je dors actuellement dans les bras d'un mec, chez lui, après avoir bouffé une demi-tonne de maïs salé. Si jamais j'ai le malheur de mentionner ça à Harper et Courtney, je peux dire adieu à mon intimité.
- Tu fais peur à me fixer comme ça, ronchonne le brun en déplaçant ma masse de cheveux pour me voir.
- Désolée, je ne voulais pas te réveiller...
Il me sourit et redresse la tête ce qui me permet de respirer un peu mieux et de sentir l'air frais sur ma peau. Enfin, normalement, je devrais respirer mieux mais la proximité qu'il y a entre nos visages et nos corps me fait juste trembler et paniquer. L'air se fait rare et je ne sais pas si je fais une crise cardiaque, une crise de panique ou un AVC.
Est-ce que je sens encore la partie gauche de mon corps ?
Mais quand Gareth se penche pour poser ses lèvres chaudes sur les miennes — toutes gercées qui plus est—, je ne suis pas sûre que mon cœur tienne le choc.
Ça y est, je fais un vrai arrêt cardiaque !
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