Neil Armstrong premier homme à marcher sur la lune, mais qu'en est-il de Buzz Aldrin ?

Gareth

Mon amie prend la main d'Eden et l'entraîne dans la foule avant de les faire toutes deux disparaître totalement. Harper est surexcitée aujourd'hui, non pas qu'elle ne l'est jamais, mais aujourd'hui c'est...différent. Je me demande sincèrement pourquoi.

-    Bon vieux, commence Greyson qui me tire de ma rêverie, tu vas me dire ce qu'il y a à la fin ?

-    De quoi tu parles ? je lui demande en cherchant les deux filles des yeux.

Le fait qu'Harper et Eden soient partie seules au milieu de ces étudiants affamés ne me laisse pas tranquille, j'ai un peu peur pour elles.

Ou pour elle, me souffle ma conscience.

Greyson fait de grands gestes devant moi avec son bras pour que je l'écoute. Je me tourne vers lui en râlant.

-    Je t'adore mec, mais là t'es assez bizarre. Tu as repoussé les femmes qui t'abordaient, une par une ! Il s'exclame l'air de plus en plus étonné. Même celle avec des nibards de la taille de ma tête ! Je te connais bien Gareth, mais là je ne te comprends pas. Tu ne connais pas Eden, presque pas et tu te comportes du jour au lendemain comme si c'était la 8ème merveille du monde. Attention, je l'aime bien. C'est une chouette fille. Mais toi... Ça devient bizarre.

-    Tu oses me dire ça alors que vous êtes encore pire avec Harper ? Je lui demande en levant un sourcil pour appuyer ma question. J'aime bien Eden, et je veux qu'elle le comprenne d'elle-même. Oui j'ai changé parce que je ne sais pas quoi faire ! Peut-être que je peux essayer de nous laisser une chance, voir ce qui arrive et arrêter d'aller à droite à gauche. Peut-être que c'est ce que tu as décidé de faire toi, Grey, mais moi je ne me vois pas toute ma vie dans des fêtes étudiantes à draguer. Alors pour une fois que je sens un truc là, lui dis-je en tapant ma poitrine, j'ai envie de voir où ça va me mener.

Il semble lancé dans son délire. L'alcool n'aidant pas, je sais que cette conversation ne mènera à rien.

-    Alors passe le pas ! Vous sortez ensemble, affirme-t-il, mais passe au step suivant !

-    Mais fais pareil avec Harper alors !

-    Ça nuirait à l'entreprise Gareth !

-    L'entreprise, l'entreprise, qu'est-ce qu'on s'en fout merde ! Vous savez que vous vous plaisez depuis des années, nous on ne dit rien et on vous laisse faire. Alors très bien, foire ta vie, reste dans ton boulot si tu veux, je ne te juge pas, mais ne me donne pas des conseils foireux que toi-même tu n'appliques pas. Tu dis n'importe quoi et tu ne t'en rends même pas compte. Je n'aime pas me prendre la tête avec toi, surtout quand tu as bu. Alors s'il te plait, essaye juste de comprendre que j'ai 25 ans et des années de ma vie à rattraper. Je veux faire ce qui me rend heureux et aller où le vent me mène.

Cette fois, il ne réplique pas et attrape le verre d'Eden que je tiens dans une main pour boire. Je ne relève pas : les deux filles se sont rapprochées pour qu'on les voit et vu comment Eden danse avec Harper, je ne suis pas sûre qu'elle revienne boire autre chose que de l'eau. Je le remarque en train d'observer lui aussi les filles se déhancher sous les néons roses et jaunes au rythme de la musique. Sa jambe tremble tellement il se contient pour ne pas les rejoindre. Elles semblent heureuses. Et lui, je n'en suis plus si sûr.

-    Tu changes Gareth, brise le silence Greyson. Et tu sais à quel point j'ai dû mal avec ça.

Je hoche la tête en réponse.

-    Je sais Grey, mais ça ne veut rien dire. Je m'ouvre juste à quelqu'un. Ou du moins j'essaye, je lui réponds simplement. Tu devrais faire pareil. T'ouvrir à quelqu'un. Tu n'es pas obligé de tout raconter mais tu verras, avec le temps tu te videras l'esprit naturellement.

-    Elle est cool, il réplique. Comparé aux autres qui ne cherchent que du sexe ou relation sérieuse, elle ne cherche ni l'un ni l'autre. On dirait qu'elle se laisse porter... comme toi. Comme si pour une fois, l'appel muet d'une jeune française mystérieuse t'a frappé. D'habitude ce n'est pas le cas mais là tout semble...

-    Différent, je complète.

Il ne dit rien, signe que j'ai raison. Car oui, tout semble différent, je le reconnais. Que ce soit dans mon attitude, dans ma vie depuis qu'elle est là... Elle change notre groupe sans même s'en rendre compte. Elle prend une place dans nos vies si rapidement que s'en est totalement flippant. C'est comme si elle avait toujours été là et pourtant, il y a quelque temps, elle était à des milliers de kilomètre à manger du pain et du fromage avec un béret sur la tête.

Et je me rends compte que nous ne la connaissons même pas. Pourquoi veut-elle autant vivre ? Loin de sa famille, de ses amis ? En a-t-elle seulement ? Et le mal du pays, le ressent-elle ? Elle est ici de passage ou pour y construire sa vie ? Quels sont ses rêves ? Ses ambitions ? Quelle est sa couleur préférée ? Son péché mignon ? Rien. Nous ne savons presque rien. Tout ce qu'elle veut seulement divulguer.

-    Tu veux une relation quelconque avec elle ? Me demande Greyson en finissant la bière.

-    Je ne sais pas Grey, j'avoue. C'est différent, il y a un truc qui me plait chez elle mais tu sais à quel point ça me terrifie. Elle ne me connaît pas plus que je ne la connais. Pourtant, c'est comme si on se connaissait depuis toujours. Mais le jour où elle me connaîtra vraiment, tu sais très bien ce qu'il se passera. C'est quitte ou double et...je ne suis pas prêt à en parler. Trop peu de gens sont dans la confidence.

-    Ne t'en fais pas Gareth, si elle t'aime un jour, elle comprendra, tente-il de me rassurer. Il ne faut pas que Thomas revienne et tout se passera bien.

Cette fois-ci, je soupire et c'est moi qui ne lui réponds pas. Évoquer mon frère ne fait qu'accroître mes doutes et mes peurs. Comment être transparent avec elle si l'épée de Damoclès qui me surplombe ne cesse de descendre avec menace ?

-    Changeons de sujet, tu veux bien ? Thomas n'est qu'un mauvais souvenir que je ne veux pas remuer. Le peu de contact que j'ai avec lui me suffit.

Greyson hoche la tête, regardant toujours les corps en mouvements. Harper a les joues rouges, aussi bien par la danse que l'alcool je pense. Le regard tendre qu'affiche Greyson me fait plus mal qu'autre chose. Leur relation tout entière me pèse. Ils s'aiment mais personne ne comprend leur relation. C'est comme si l'univers leur criait qu'ils sont faits l'un pour l'autre, mais que chacun arrive à douter quand même. J'aime mes amis, et le mal qu'ils se font me fait aussi mal qu'à eux. Je sais que Courtney ressent la même chose mais est impuissante. Comme moi. Et si ça se passait pareil avec Eden ? Non. Je ne pourrais pas. Je préfère prendre le risque de la perdre que de finir comme ces deux-là.

-    Ça sent le tenage de cheveux dans les chiottes, soupire Grey.

J'explose de rire en entendant le mot qu'il vient d'inventer. Celui-ci sourit et lève les mains en l'air. Il semble avoir repris ses esprits ce qui me réjouit : je n'aime pas le Greyson bourré qui semble si malheureux. Dans ce genre de situation il est tellement chiant que je dois être très patient pour ne pas qu'on s'engueule. Malheureusement, ça arrive souvent...

-    C'est tellement récurrent qu'il fallait que je trouve un mot facile pour qu'on se comprenne.

-    Je crois en elle Grey ! Elle est plus tenace qu'on ne le croit !

Eden arrive vers nous quelques temps plus tard, les cheveux humides de sueurs et les joues rosies par l'effort. Ses yeux verts brillent à cause du changement de lumière ce qui les rend plus magnifiques qu'ils ne le sont de base.

-    Greyson, Harper veut que tu la rejoignes, annonce Eden en reprenant son souffle. Elle est déchaînée aujourd'hui, je n'arrivais plus à suivre. Tu devrais te dépêcher, elle a menacé d'aller battre une armée d'étudiant à une bière-pong à l'envers, je n'ai pas trop compris...

Greyson la remercie et part rejoindre la tornade rousse en courant pour éviter le pire. Et moi je ne peux pas décrocher mon regard de son sourire radieux. En l'espace d'un instant, elle illumine mon monde sombre et gris comme une étoile se rapprochant d'un trou noir. Mais sa lumière à elle, ne faiblit pas.

Écarte-toi jolie fleur où le trou noir absorbera le moindre éclat de ton sourire.

-    Il fait meilleur dehors ! Elle s'exclame en regardant autour d'elle. La nuit est belle ce soir en plus. C'est une vraie fournaise dans cette maison, surtout quand Harper a décidé de te faire tourner 15 fois de suite sur toi-même !

Elle a tout à fait raison, le ciel est dégagé révélant des milliers d'étoiles dans le ciel et une lune parfaitement ronde.

-    Crois-tu que la face cachée de la lune nous cache quelque chose ? Elle déclare comme ça, le nez dans les étoiles.

-    Si la face cachée de la lune était révélée, je pense qu'on ne l'appèlerait plus « face cachée », je déclare en riant légèrement. Et je ne pense pas vraiment qu'on ne sache pas ce qu'il y a derrière. C'est juste qu'on ne la voit jamais de la Terre.

Elle fit une drôle de moue en semblant réfléchir avant de déclarer :

-    Je demanderai à Armstrong quand je le croiserai au café.

Je ris à sa bêtise. C'est vrai qu'un homme de la ville se nomme Armstrong, mais aucun lien avec la lune, il me semble.

-    Une « magnifique désolation », elle déclare tout bas.

-    Comment ? Je demande sans comprendre ce qu'elle vient de dire.

-    Tu demanderas à Aldrin si tu le croises un jour, dit-elle en se tournant vers moi.

Je ne relève pas mais ne comprends pas un mot de ce qu'elle vient de dire. Il faut que je pense à le googler quand je serai seul.

Nous ne restons pas longtemps dans le silence car l'euphorie d'Eden ne semble pas s'apaiser mais plutôt lui donner envie de parler. Punaise, Harper l'a contaminé ! Je savais que ça se produirait un jour ou l'autre, mais si tôt ? Pauvre créature... Sans faire référence à Emma Stone.

-    Je suis contente d'être aller danser. Je me suis sentie... vivante.

-    C'est drôle que tu dises ça, je réponds. Tu dis souvent que tu viens pour vivre mais je ne comprends pas souvent le sens que tu veux donner à cette phrase. Ça veut un peu tout dire et ne rien dire en même temps.

-    Je suis venue ici pour reprendre tout à zéro. Vivre ma vie et pas la leur. Je veux être quelqu'un d'autre ici, aux US. Je veux être moi, en mieux, comme je ne pouvais pas l'être en France.

Et elle éclate de rire, ce qui me surprend. La conversation a l'air plutôt sérieuse mais elle ne cesse de rire, se pliant en deux sûrement par mal de ventre à force. Je passe à côté d'elle, la soutenant d'un bras pour ne pas qu'elle tombe.

-    Tu n'as pas bu tant que ça pourtant. Toi qui disais que les Français buvaient plus...

-    Je pense qu'Harper m'a surtout contaminée ! Elle s'exclame en se calmant. Et ce n'est pas parce que je viens de France que je tiens l'alcool petit génie.

-    Ne me dis pas que c'est contagieux sinon je rentre me laver de suite ! Je m'exclame en m'écartant d'elle et en mimant de dépoussiérer mes vêtements. Vaut mieux partir loin d'ici avant que le virus ne devienne incontrôlable !

-    Je te suis ! Elle s'exclame en brandissant un poing en l'air. Je ne manquerai à personne de toute façon, Harper et Greyson recommencent à se tripoter...

Je regarde dans la maison et en effet, la danse torride reprend au milieu des néons passés au rouge sanglant.

-    La plage n'est pas très loin, si tu es prête à marcher, je propose. Je ne suis pas sûr de pouvoir conduire encore et toi non plus, donc si tu veux...

-    Oui ! Allons-y mon capitaine, je vous suis !

-    Mon Dieu, je me mets à rire, quelle mouche t'a piquée...

-    La mouche Harper on dirait ! Et elle est très agressive.

Nous rions et quittons la maison par un chemin sur le côté de la maison, évitant les jeunes compactés, en direction de la plage.