Chapitre 12

Yeux bleus d'amoureux

Il me fait une accolade en bonjour, bien trop longue à mon goût avant de poursuivre.

- Je parlais avec Michael quand il m'a confirmé ta présence, déclare-t-il en faisant un salut au videur aussi large qu'une armoire dans un coin de la pièce. Je ne pouvais pas te laisser seule, et surtout ne pas venir te dire bonjour. C'est impoli. Enfin bon, sauf quand tu me rentres dedans en étant un peu pompette.

Je remarque facilement que les gens nous entourant nous regardent, sûrement admiratif de Greyson. C'est vrai que s'il s'agit du directeur de l'établissement, il doit être assez connu des habitués. Et puis, j'ai beau préférer Gareth, il a une prestance qui me donne envie de devenir une flaque d'eau. L'alcool ne m'aide pas du tout, il ne faut pas que je finisse dans ses bras...

Eden, ne te tape pas l'ami de tes amies et de Gareth.

- Ça te dérange si je m'assoie avec toi ? Me demande-t-il en désignant la table que je viens de quitter.

- Non aucun, je déclare. Mais j'allais me prendre un autre verre, tu veux que je te ramène quelque chose ?

Il acquiesce et me demande une tequila, tout en me suggérant de dire au barman que c'est pour le patron. Je hoche la tête et me dirige en direction du bar, concentrée sur mes pas. Sans mentir, j'espère que le barman sexy sera là. Bien qu'il ne soit pas plus beau que G et G, ses beaux yeux bleus m'ont conquise.

Eden, tu as le feu aux fesses ce soir, il faut que tu te calmes...

Je me fraie un chemin et lâche un grand sourire en voyant le blond remuer un shaker dans tous les sens, faisant des acrobaties impressionnantes. Quand il me remarque, il n'hésite pas à lâcher un clin d'œil dans ma direction avant de finir rapidement la commande de son client.

- Alors ma belle, je te sers quoi de nouveau ? Me demande-t-il un grand sourire aux lèvres en venant vers moi.

- Il y aura une tequila pour le patron et moi...surprend-moi ?

- Le patron ? Greyson est là ?

J'hoche doucement la tête et — après un énième clin d'œil — il s'attèle à la tâche. Il finit de remplir le verre de mon ami et verse une sorte de liquide bleu pour moi. Sûrement en voyant ma tête intriguée, il déclare :

- Fait-moi confiance, c'est spécial mais tu devrais aimer.

La lumière de la salle se met à changer légèrement, faisant apparaitre des tâches de rousseurs sur son nez, ce qui ne le rend que plus craquant qu'avant. Je m'empare des verres et m'apprête à retourner vers Greyson quand je fais vivement demi-tour vers le blond.

- Au fait ! Je m'exclame. Je m'appelle Eden si ça t'intéresse.

Il me sourit une fois de plus de toutes ses dents — trop blanches pour être naturelles.

- Je sais qui tu es, ne t'en fais pas. Moi c'est Jason, enchanté miss.

Puis il repart à ses occupations, auprès d'une femme au décolleté vertigineux. Je ne peux pas lui en vouloir, tous les bars sont pleins à craquer et il ne manque pas de travail. Cependant, ce qui me perturbe le plus, c'est qu'il me connaisse déjà. Je n'ai aucun souvenir de l'avoir croisé au café ou même ici, et encore moins de lui avoir dit mon nom. Certes je connais un peu de monde ici mais trop peu parmi le nombre de salariés. Je veux bien croire qu'on parle de moi de temps en temps, mais c'est assez flippant de savoir que tout le monde te connait sans que toi tu ne les connaisses.

Je retourne quand même vers la scène, les joues rosies, pour rejoindre Greyson qui m'a attendu tout ce temps. Je lui en parlerai si jamais j'y pense.

Celui-ci n'a pas bougé d'un pouce, observant les filles se trémousser en culotte. Je lui tends son verre et il me remercie poliment.

Je m'assoie sur la banquette à côté de lui, pour ne pas tourner le dos au spectacle qu'on nous offre.

- Je t'avoue que je ne pensais pas te revoir de sitôt dans mon établissement, me confie-t-il après avoir bu une gorgée d'alcool. La dernière fois était assez traumatisante pour que je te comprenne, si jamais tu aurais voulu ne plus revenir ici.

- Effectivement, ça ne m'a pas laissé insensible, avoué-je. Mais l'ambiance ce soir n'est pas la même que la dernière fois. C'est plus...familial ? Je ne sais pas comment expliquer. Je me sens plus en sécurité en tout cas.

Il fronce les sourcils, et ne dit rien quelques temps avant de reprendre.

- Tu es toujours en sécurité ici, sache-le. Il y a juste des soirs où le public n'apprécie pas la même chose, dit-il. La dernière fois ne se reproduira plus, je m'en assure. Cependant, il est vrai que certains hommes qui fréquentent l'établissement sont persuadés que toutes les femmes travaillent ici. Or, énormément viennent juste pour regarder ou apprendre. Ça me désole mais hormis les renvoyer quand ils vont trop loin, c'est un peu mon business. Si tu savais tout ce que les hommes dépensent quand ils viennent ici... C'est hallucinant.

Je n'approuve pas, mais je comprends ce qu'il veut dire. Ce sont ces hommes-là qui lui permettent de gagner sa vie, mais que les mettre dehors soit la dernière chose qu'il puisse faire, je ne suis pas vraiment d'accord. Ils pourraient retenir leur nom et éviter de les faire rentrer une nouvelle fois... Peut-être que ce sytème est déjà en place qui sait ? Mais après tout, quand on se fait virer une fois je ne suis pas sûre que l'on veuille revenir.

Je sirote mon cocktail tandis qu'un silence pas désagréable plane. Comme me l'a dit Jason, le cocktail est très surprenant mais j'aime beaucoup. Je pense qu'il est chargé en alcool mais comme on ne sent rien, je vais me méfier.

- Tu sais, il reprend l'air ailleurs — en pleine réflexion, tu m'as dit que tu aimais l'ambiance de cet endroit. Et moi je t'aime bien toi. Si jamais tu cherches du travail, je pourrais t'embaucher sans problème. Les filles te formeraient et tu...

- Je suis désolé, je t'arrête tout de suite, je déclare rapidement. J'aime plutôt bien cet endroit, mais y travailler c'est encore autre chose. Je ne pense pas être assez à l'aise pour pouvoir. Et puis, je dois beaucoup à Anita donc j'aimerai travailler pour elle encore. Et comme tu le sais, je suis pompette, c'est nul de me demander ce genre de chose dans cet état. J'ai déjà failli te sauter dessus il y a quelques minutes sans en avoir conscience alors j'aurai pu accepter sans m'en rendre compte.

Il boit encore une gorgée, si grande qu'il en finit presque son verre.

- Je comprends et excuse-moi. De toute façon, je ne t'aurais fait signer aucun contrat maintenant. Anita est une femme agréable et forte, j'ai beaucoup de respect pour elle, encore plus depuis le décès de son mari. Mais mon offre tient toujours. Si un jour tu veux changer d'air, ma porte est grande ouverte, tu as beaucoup de potentiel.

Je reste dubitative et un peu mal à l'aise. Beaucoup de potentiels ? Je ne sais pas comment le prendre. Les deux fois que j'ai pu venir ici, les femmes semblent tellement sûres d'elles ! Elles sont très gracieuses, et souples... Rien que ces deux mots ne me correspondent pas. Danser comme elles le font devant tant d'yeux et si peu habillées, je ne pourrais pas. Même si toutes ne finissent pas par offrir des services sexuels comme me l'a expliqué Greyson, cela reste une partie de soi que l'on dévoile à trop de monde, une partie que je ne pense pas encore pouvoir assumer.

- Greyson, je me posais la question, pourquoi as-tu ouvert cet endroit ? Je demande pour changer de sujet. Tu es assez jeune et de ce que j'ai compris c'est toi qui as ouvert l'établissement.

Mauvaise pioche. Un haussement d'épaule seulement, puis il fait tourner son verre pour jouer avec le fond de tequila. Un nouveau silence s'installe et Courtney réapparaît sur scène. J'abandonne cette question et cherche des yeux Harper, que je n'ai pas vu depuis le début de la soirée mais je ne la vois nulle part. Pourtant, il faut dire que c'est souvent la première que l'on remarque avec son enthousiasme débordant et sa chevelure rousse flamboyante.

- Tu sais si Harper travaille ce soir ? Je demande à Greyson qui relève le nez de son verre. Je ne l'ai pas vu mais elle m'a dit de venir donc...

Il se masse doucement la nuque en m'expliquant qu'elle s'occupe d'un salon privé. Vu sa mine qui se terni, je devine que ça ne lui plait pas vraiment. En même temps, les salons privés, c'est du sérieux. Les filles m'en ont fait vent quand nous étions à la plage et c'est exactement ce que je ne pourrais pas faire. De Courtney et Harper, il n'y a que Harper qui en fait. Il s'agit de clients, réguliers ou non, avec des demandes parfois simples, parfois plus élaborées. Les hôtesses et hôtes acceptent ou non et s'en suis une soirée de sexe où les hôtes et hôtesses sont payés en conséquence. Comme je m'en doutais, il n'y a pas que de show ici.

Si Greyson en pince pour Harper comme il me semble, cela doit être très dur de voir sa « bien aimée » partir avec ces hommes et femmes. Mais ce qui est sur, c'est que j'ai un respect éternel envers ce qu'elle fait, ça ne doit pas être simple.

Greyson toussote en finissant son verre, et reprend la conversation.

- Elles et ils font toutes et tous parties de ma famille. Nous sommes une grande famille. Bizarre je te l'accorde, mais ils sont tous magnifiques, ils ont tous une histoire que je connais, des familles et amis que je connais plus ou moins aussi. Ce n'est pas facile tous les jours, me confie-t-il, mais je veux faire en sorte que ça le soit tout le temps. Je tiens à tout le monde ici et tout le monde reste soudé et joyeux même dans les pires moments. Alors, même si j'en doute, ne pense pas que c'est un métier ingrat.

- Ce n'est pas ce que je pense, je réplique. J'ai un profond respect pour tout le monde ici, ils ne font rien de mal. On dirait plus un jeu pour tout le monde, qu'ils s'amusent tous. Je les trouve très beau et courageux.

Il approuve d'un signe de tête, pose son verre et se lève en silence.

- Excuse-moi, ta compagnie m'a fait beaucoup de bien, mais les affaires n'attendent pas, me dit-il. Certains s'amusent comme tu dis, et d'autres ont des affaires de grandes personnes à gérer.

Il me prend la main pour me faire un baise-main ce qui me surprend beaucoup.

Nia nia nia, moi aussi je suis une grande personne qui travaille.

- Si tu as le moindre souci, je suis dans mon bureau. Demande à un employé de te demander où c'est et viens me voir. En tout cas, j'ai passé une agréable soirée, j'espère que la tienne se poursuivra de même.

Il commence à s'éloigner doucement avant de se retourner et d'ajouter.

- Et vas faire un tour au bar ! Tu es presque à sec et j'ai entendu que le barman est plutôt agréable.

Et il s'éloigne si rapidement que je n'ai pas le temps d'en placer une. Je soupire et me tourne vers le bar où Jason se tenait auparavant. Il y a tellement de monde, que je ne vois pas le beau blond.

Je décide de me lever, prenant les 2 verres avec moi pour débarrasser et me dirige vers le bar. Me faufilant plus difficilement que tout à l'heure. Quand j'y accède enfin, c'est une demi-tonne de femme que je vois appeler le barman, seins en avant et bouche en cœur.

Je suis un peu jalouse j'avoue, je ne me souvenais pas qu'autant de femmes demandaient les services de Jason tout à l'heure. Mais quand je parviens à me hisser pour observer ma cible, celui-ci m'a déjà repéré. Mais ce ne sont pas les mêmes yeux.

Ces yeux bleus très foncés me transpercent autant qu'une balle d'arme à feu, ignorant la brunette qui lui caresse le bras. Gareth l'ignore ouvertement, et se dirige vers moi pour prendre ma commande, un petit sourire aux lèvres.

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