Chapitre 1
À toutes les Hazel, Léonor, Rose,
Lily, Roxane, Iris, Juliette,
Bella, Layla, Katy et Mathilde.
"Il y a des fleurs partout pour qui veut bien les voir." -- Henri Matisse
Je lève les yeux et regarde la bâtisse. Je serre mes valises entre mes mains, pas de regrets on a dit. J'en oublie presque l'agent immobilier qui vante les mérites du quartier, de la ville et de l'appartement. Tout serait bon pour que je le prenne de toute façon, encore un charlatan bas de gamme qui se prend pour Stéphane Plaza. La bâtisse est vieille avec du lierre à perte de vue, je dois avouer qu'elle a du charme même si ça doit grouiller d'insectes et d'araignées là-dedans. Je réprime mes frissons de dégoût et suis la seule personne susceptible de m'aider dans cet environnement hostile. Enfin, aider est un bien grand mot. Nous montons les escaliers qui nous séparent de l'appartement du deuxième étage. Je peste seule contre l'homme qui me laisse monter mes valises à bout de bras alors que le voyage de plus de 8 heures a pompé toute mon énergie. Quel con !
Transpirante et énervée, je visite l'appartement repéré sur internet grâce à mes talents de recherche : vive les sites d'agences en ligne.
A mon grand soulagement, tout est comme sur l'annonce : meublé, spacieux pour une personne si l'on considère que la personne n'est pas The Rock. Une chambre, une salle de bain et un espace de vie avec une cuisine ouverte. Je suis plutôt convaincue et agréablement surprise de ne pas m'être faite avoir sur la marchandise.
- Vous le prenez ? me demande l'homme avec empressement.
Je soupire et le regarde. C'est un petit homme d'une quarantaine d'année au crâne dégarni. Il a beau faire un mètre 20, son regard de vautour donne envie de fuir avant de ne se faire attaquer. Son visage est tiré, signe qu'il n'a pas dormi depuis des jours ou tout simplement qu'il a fait une chirurgie qui a mal tournée.
- Si vous m'accordez un seul sourire aussi forcé soit-il, j'accepterai sûrement de le prendre. Dans l'autre cas, je me verrai dans l'obligation de vous faire descendre mes valises pour cette perte de temps et d'aller chez votre concurrent acheter le même appartement. Mais lui, me sourira, je réplique.
Son visage pâlit tellement que j'ai presque envie de me retourner pour vérifier qu'il n'a pas aperçu de fantôme derrière moi. Il me dévisage longtemps, sûrement pour juger le vrai du faux dans mes paroles, avant d'étirer ses lèvres dans un sourire qui peut faire fuir le Joker lui-même. Ce n'est pas trop mal, je ne peux que me contenter de ce pauvre étirement de peau dans tous les cas.
- Voilà qui est mieux, je vous remercie, dis-je en lui souriant à mon tour. Je vais le prendre mais par pitié, arrêtez la chirurgie.
La goutte de sueur qui perlait sur son front a disparu, et il me tend les clés sans pour autant répondre à ma boutade. Zut, j'ai raté mon premier ami dans cette ville.
La vérité c'est qu'il n'avait aucune raison d'avoir peur, j'ai déjà signé un contrat à la hâte sans même l'avoir vérifié. Je devrais arrêter de penser que nous vivons dans un monde de Bisounours mais ce n'est pas grave. Avec un peu de chance, il aidera la prochaine jeune femme à monter ses valises.
***
L'emménagement ne fut pas long, avec seulement deux valises et des meubles déjà présents, j'ai juste tout déballé. Je reconnais que l'appartement parait encore vide et sans vie, il manque des lumières, des décorations, des cadres et quelques peluches. J'ai quand même pris le temps de refaire un tour, analysant quelques objets qui me manquent avant d'acheter quoi que ce soit.
Patience n'étant pas compatible avec moi, je décide de faire un tour en ville pour explorer un peu mon nouvel environnement mais aussi pour repérer les super-marchés, les librairies, les magasins de décoration et surtout de peluches. De quoi commencer une nouvelle vie digne de ce nom mais aussi de subvenir un minimum à mes besoins. Parce que la vie sans PQ, je ne conseille pas.
L'avantage de l'appartement, c'est sa proximité avec le centre de la ville : à 5 minutes à pied vous vous retrouvez au milieu des cafés et parcs avec les humains qui ont élus domicile en ces lieux.
Cette ville est la plus grande des environs, ce qui a pesé dans la balance pour choisir un logement. Petite comparée à Paris, elle reste correcte avec de quoi subvenir à tous les besoins aussi idiots soient-ils. J'avais vu sur internet que la ville était assez réputée pour ces lieux insolites et ses paysages à couper le souffle, des activités à gogo mais aussi sa côte incroyable qui attire de plus en plus de personnes aisées. S'il pleut des riches sur la ville, ça fait un drôle de contraste avec les étudiants en son centre.
Il n'y a pour autant pas de grande université réputée dans les environs, mais ça n'empêche pas les étudiants des 4 coins du monde de se retrouver ici. Dans tous les cas, la fac trop peu pour moi. Un petit boulot me suffira amplement.
Je déambule dans les rues en pure touriste, m'arrêtant de temps à autre face à de belles vitrines qui me donnent envie de tout acheter. Je sais que le manque d'argent n'est pas un mythe, donc le premier objectif sera de me contenter du nécessaire et aussi de trouver un travail.
Enfin, c'est ce que la Eden raisonnable ne cesse de se dire. Mais la Eden totalement irrésponsable se met à baver devant une énorme peluche d'un mètre de long ressemblant grosso modo à un requin.
Mon subconscient m'ordonne de ne pas craquer, mais mon conscient, lui, hurle un ta gueule à l'autre. Oups.
***
Je décide d'arrêter ma balade en m'arrêtant dans un petit café, requin en main, pour peut-être demander des conseils pour trouver un job en ville. Parce que les jobs, ça ne court pas les rues, et moi courir, je n'aime pas ça. Je suis prête à tout pour gagner un peu d'argent, dans la limite où ma nudité est respectée.
En entrant dedans, l'odeur de café est tellement forte qu'il faudrait avoir un sacré rhume pour affirmer qu'on ne vend pas de café. De nombreux habitués sont assis un peu partout, parlant entre eux dans une ambiance chaleureuse et conviviale.
Je m'installe près d'une baie vitrée donnant sur la rue, sachant que la vieille dame derrière le comptoir m'a vue entrer. Je n'oublie pas d'installer mon requin sur la chaise en face pour la compagnie, ce qui me fait recevoir quelques coups d'œil amusés.
L'endroit est très lumineux, des centaines de loupiotes tombent du plafond. Allumées, elles doivent rendre l'endroit magique. Des étagères entières de romans, magasines et journaux sont à dispositions, de part et d'autre du café. Je pense clairement que je viens de trouver mon nouvel endroit préféré.
***
Je passe une heure à perdre mon temps en buvant un café avec Rocky (le requin) et un roman que j'ai emprunté sur une étagère. J'ai cherché un roman en français mais je n'en ai vu aucun. Je me suis donc rabattue sur un classique anglais pour tuer le temps. C'est seulement quand je décide de me rendre au comptoir pour payer la vieille dame que je remarque une affiche pour la recherche d'un employé. Je manque de rire devant la femme tellement l'affiche qui semble faite à la main ressemble à un dessin offert par sa petite cousine de 4 ans mais me retient pour ne pas vexer la vieille dame.
- Vous paraissez intéressée ma petite dame, remarque la femme tandis que je fixe depuis un moment l'annonce.
- Effectivement, c'est pour travailler ici je suppose ? Le café dessiné au crayon à papier m'a mis sur la voie, je lui chuchote comme une confidence.
- Où veux-tu que ça soit ? En voyant une vieille personne comme moi, sans employés dans un café, tu dois te douter de quelque chose.
- Vous ne me paraissez pas si vieille pourtant, je déclare. Vous savez, la jeunesse est dans la tête. Plus vous vous pensez jeune, plus vous paraissez jeune !
La vieille dame explose d'un rire franc, sachant pertinemment qu'elle fait très vieille. Elle met un temps à se remettre de ses émotions et sécher les larmes qui perlent dans le coin de ses yeux. Si je tue une vieille dame à cause d'un fou rire mon premier jour, je ne suis pas sûre de m'en remettre...
- Toi, me dit-elle de sa voix roque, je t'aime bien. Passe demain si tu as besoin d'un job, je ferais un entretien histoire de voir ce que t'as dans le ventre. Et sans ton requin s'il te plait, il est bien mignon mais si tu ne veux pas être le centre des conversations dès ton arrivée...
Etonnée, je la remercie en payant et sort du joli café, avec l'espoir d'un job déjà tout trouvé.
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