Chapitre 5 [Partie 4 - Promise]
Ces mots suffirent à le faire dérailler ... Aussitôt qu'il les avait prononcés, il était entré dans une colère noire, les poings serrés, tremblotant de rage. Il serrait si fort que ses ongles ancrés dans sa peau laissait apparaître une goutte de sang, qui venait tacheter sa peau blanche comme neige. Dans un éclat, il fracassa son poing contre la table en bois, qui sans surprise encaissa beaucoup mieux le coup que lui. Je n'arrive pas à savoir si c'est la douleur ou la colère qui le provoque, mais quelques larmes viennent perler ses joues, alors qu'il s'effondre petit à petit sur le sol, jusqu'à s'asseoir, recroquevillé dans ses jambes, dans de longs et bruyants sanglots. Bien que sa main soit probablement blessée, il ne fait aucun doute que sa priorité n'est pas là. Son poignet inerte se dresse faiblement au bout de son bras, dans lequel il a déjà blotti sa tête pour ne rien laisser paraître.
La scène avait au moins eu le mérite de me rendre muette. Loin de moi l'idée de continuer mes questions, mes interrogations et mes appréhensions avec lui dans cet état. Bien que je mourrais d'envie de l'assaillir pour qu'il termine de me raconter son histoire et la raison de tous ces efforts pour m'aider, j'avais perdu mon instinct de survie et ma combativité, si bien que j'avais de la peine pour lui. Sans même avoir à comprendre, je savais qu'il n'allait pas bien, que les choix qu'il avait fait l'avait amené à faire des choses qu'il regrette, et qu'il avait à en payer le prix fort aujourd'hui. Même si dans ces instants, j'aurais préféré ne pas avoir à voir ça, je ne peux pas m'empêcher de l'imaginer, tiraillé pendant toutes ses années à devoir s'abaisser à un second rôle, qu'il subit maintenant jusqu'ici. D'un pas certes un peu hésitant, et le voyant se calmer un peu, je commence doucement à me rapprocher afin de venir m'asseoir auprès de lui, ayant complètement oublié la menace qu'il pouvait être pour moi il y a encore quelques minutes. Avant même que j'ai eu le temps de m'accroupir pour arriver à sa hauteur qu'il commence à souffler quelque chose, entre chaque sanglot larmoyant.
- " J'ai pas choisi ça Roxanne, je voulais pas venir ici, pas comme ça ... "
Malgré toute la peine que j'ai à entendre ce qu'il dit, je parviens au bout de quelques secondes à déchiffrer ces mots, qu'il répète sans cesse, comme pour se convaincre de quelque chose. Dans un calme déconcertant si l'on prend en compte la situation, j'étais assise ici à réconforter le jeune Isaac, qui, terrorisé, ne desserrait plus l'étreinte qu'il portait à ses jambes. Posant ma main sur son épaule, je le sens se calmer un peu et peine à trouver les mots pour le réconforter. Même si il m'était arrivé par le passé d'avoir à gérer l'une des multiples crise de nerfs de mon frère, cela n'avait rien de similaire. Ce lien familial indescriptible que nous avions permettait à nos deux êtres de savoir quoi dire, quoi faire pour se comprendre. Tout ici était bien différent, pas de frères ni de soeurs, juste deux étrangers, perdus au milieu de rien que le destin a fait se rapprocher ... Même si le destin ne semblait pas y être pour grand chose.
- " Isaac, pourquoi es-tu là ?" recommençais-je, en quête d'une réponse qui me permettrait au moins de comprendre quelque chose.
- " Je ... Je ne peux pas te dire, pas avant que tu me promettes quelque chose.
- Te promettre quelque chose ? Que veux-tu que je te promettes, j'ai déjà du mal à me promettre à moi même de m'en sortir.
- Promets-moi de me choisir, quand le jour viendra où tu devras ...
- Te choisir ... Qu'est ce que tu veux dire ... Te choisir pour quoi, explique moi Isaac, je ne peux pas comprendre si tu ne m'en dis pas plus.
- Tu vas très vite comprendre, je ne peux pas t'en dire plus, j'ai besoin que tu me le promettes, et sincèrement, pas de mensonge, pas de trahison. S'il te plait Roxanne.
- Oui .... Oui Isaac, je te promets de te choisir, je te le promets.
Il cesse quelques secondes ses sanglots, et laisse échapper son visage, humidifié de larmes, se découvrir à moi. Il semble déconfit, les yeux brillants et scintillants encore abreuvés de ses pleurs. Il jette son regard dans le mien, et je suis partagée entre l'impression d'une lueur d'espoir retrouvée et le présage d'autres larmoiements à venir.
- "Vraiment ? Tu ferais ça pour moi ... ? " laisse-il esquisser, au travers d'un léger sourire.
J'approuve son sourire d'un hochement de tête souriant, qu'il tend à accepter, se calmant peu à peu de sa furie. Encore ébouriffé de sa colère, il soupire longuement, les yeux dans le vide, comme libéré d'un poids. Même si je m'en veux de ne pas le soutenir plus longtemps, il faut avouer que le simple fait de savoir qu'il connaît l'intégralité de mon parcours et potentiellement celui de Tom suffit à me faire trépigner d'impatience. Si je ne peux pas découvrir la vérité en le faisant dans son dos, alors je devrais l'apprivoiser, faire de lui mon allié, ou tout simplement une source sûre de renseignement pour pouvoir sortir d'ici.
- " Dis ... Si tu sais où il est, j'ai besoin de savoir, je n'en peux plus d'attendre, j'ai l'impression de tourner en rond, cela fait des semaines entières que je daigne me battre, sans savoir ce que je cherche.
Je l'aurais pensé évasif, voire même complètement désorienté après une si importante question, à laquelle il n'était évidemment pas autorisé à répondre, mais j'aurais au moins espéré me mettre sous la dent une quelconque émotion, un sursaut de voix ou même un haussement de sourcil révélateur d'un quelconque. A la place, il débita dans un calme légendaire et une voix claire et limpide, presque robotisée des mots qui semblaient avoir été pré enregistrés dans sa bouche.
- " Je ne peux pas te le dire, ils vont me disqualifier. Suis les indices, et tu sauras."
Il semblait presque vexé que mes pensées ne soient déjà plus pour lui mais pour Tom, qui devait déjà être bien loin. Et c'était sans compter sur le peu d'indice que j'avais à ma disposition. Au delà de cette éternelle énigme que j'avais trouvé il y a quelques temps dans la maison, rien ne m'indiquait quoi que ce soit, j'avais du me tromper quelque part, rater quelque chose. J'avais encore la possibilité de fouiller la maison une nouvelle fois, au moins en attendant le retour des filles. Sans même avoir eu le temps de me lever, je fus interrompue par Isaac, qui avait coupé mon élan de motivation, sans même me regarder, avec une simple phrase.
- " Tu as déjà tout, inutile de fouiller quoi que ce soit."
Pouvait-il lire mes pensées, ou bien étais-je si prévisible ? Quoi qu'il en soit, si ce qu'il disait était vrai, nul doute que ce message serait la clé de mon retour auprès des miens. En fouillant quelques secondes, je tombai sur le fameux bout de papier, chiffonné en boule au fond de mon sac. Une aubaine que je ne l'ai pas déchiré de rage la dernière fois. Malgré que je connaisse par cœur l'intégralité de ces mots, je ne peux me résigner à le rouvrir, en espérant que quelque chose ait changé.
" A l'aube de la forêt
Presque au bout du chemin
Tu m'entendras rire plusieurs fois
Lorsque pour toi la route s'achèvera "
Dépliant le papier devant ses yeux, pour lui montrer le message, dont il avait probablement déjà la connaissance, une pointe d'énervement visiblement un peu trop perceptible vient emplir ma voix.
- " Ok et maintenant j'en fais quoi de ça Einstein, ça fait des jours que j'essaye de déchiffrer ça, et ça ne veut rien dire. Si c'est encore un de tes coups et que c'est une blague, ça a bien trop duré"
Il reprend peur à ses mots, comme si il se sentait pour la première fois menacé par moi, si les rôles s'étaient une nouvelle fois inversés. Il était clair que si il avait fait quelque chose dans ce sens là, ce n'était pas de son plein gré, ou du moins, ça ne le réjouissait pas. Il camoufle en lui la peur et la tristesse si bien, et si au contraire, tout cela n'était réellement qu'une blague, alors sa carrière d'acteur était toute tracée. Tentant de me contenir, une idée me traversa l'esprit, et même si celle-ci était risquée, je ne pouvais pas la laisser passer. Il n'avait peut-être pas le droit de me donner directement d'indice, mais rien ne lui empêchait d'imaginer une situation dans laquelle il ne me donnerait pas l'indice directement.
- " Tu sais ce que cela signifie toi, on est d'accord ?
- Tu en doutais encore ? Je pensais avoir été plutôt transparent avec toi. Tu n'es peut-être pas assez intelligente pour le test ... "
Touché. Il me renvoyait ma question en pleine face, avec un mépris qui dépasse l'entendement, mettant à mal mon calme. La Roxanne du quotidien aurait sans doute dégoupillé et l'aurait traité de tous les noms, il était clair qu'il était tombé de son petit nuage dès le moment où j'avais abordé le sujet de Tom, il en était même devenu méchant.
- " Qu'est ce que tu dirais à Oika et Julie si elles étaient à ma place ?"
Je venais de jouer ma dernière carte. En effet, rien dans ma question ne suggère l'idée qu'il pourrait me donner un indice, étant donné que je ne suis pas la personne à qui il le donnerait.
Il lui faut quelques secondes pour comprendre mon stratagème, et même au travers de sa moue et de son dépit, je peux voir se dessiner l'once d'un sourire de fierté. Le masque d'Isaac semblait se fissurer, comme s' il avait attendu depuis le début que je pose cette question.
- " Et bien ... Je leur dirais sans doute que les mots n'ont d'égal qu'eux même, la simplicité est au final une sophistication suprême."
Impressionnée qu'un garçon comme lui soit capable de citer du Leonard de Vinci, je m'empresse de noter sa déclaration, comme si ma vie en dépendait, sans daigner lui faire répéter. Rien ne me dis que cela ne compromettrait pas ces propres chances de sortie.
Je n'étais cependant pas plus aidée que ça par son aide, et l'éclat dans ses yeux s'était dissipé aussitôt qu'il eut compris que je n'avais pas saisi la subtilité de ses mots.
Voilà maintenant 20 minutes que j'essaye en vain de déchiffrer ces mots, qui résonnent dans ma tête comme au premier jour, flous, et sans intérêt. Isaac quant à lui m'a laissée seule, depuis ... je ne sais pas vraiment quand. La tête plongée dans les papiers, je n'ai même pas notifié le départ de mon nouveau camarade, qui semblait en avoir eu assez que je ne lui accorde pas plus d'importance. Même si il semblait jaloux, je n'avais pas le temps de m'occuper de ça. Rien ne nous empêcherait de discuter, voire même de devenir amis par la suite, mais j'ai déjà fait l'expérience avec Nak, tout peut changer en un instant ici, et il en faudrait quand même un peu plus pour que je le laisse me faire perdre de précieuses heures ici.
Soudain, des pas de courses se font entendre au coin de la rue, presque synchronisés, et semblent se diriger vers la maison. On entend alors des cris de joie qui se rapprochent, et c'est sans surprise que je vois entrer en trombe les deux petites sœurs d'Isaac, frappant violemment la porte d'entrée en entrant, surexcitées, comme si elles venaient de découvrir qu'elles partaient à Disney la semaine prochaine.
- On a trouvé un phaaaaare, il faut qu'on monte, mais on a trop peur toutes les deux, vous venez avec nous ? " s'écrie Oika, toute contente de sa découverte, et quasiment convaincue que la solution se trouve en haut.
- On a vu qu'il y avait de la lumière là-haut, je suis sûr qu'il y a l'indice !! Tu le sais toi en plus, t'es l'Initiale, dis nous que c'est là bas et viens avec nous s'teuplaiiiit !
Ce phare ... Celà ne pouvait être que celui-là, celui que nous avions exploré le premier jour, celui en haut duquel se trouvait ... Oh non. Il ne faut surtout pas qu'elles puissent y aller. La simple vue de ce macchabé avait réussi à nous traumatiser pendant quelques jours Tom et moi, alors qu'en sera il de ces deux petites qui n'avaient pas encore conscience de là où elles étaient.
- " Il n'y a rien là haut, malheureusement les filles, le temps s'écoule, et vous ...
- Elle ment.
C'était Isaac, qui, perché dans les escaliers, avait entendu les filles rentrer et en parler.
- Il y a bien quelque chose là haut, mais ce n'est pas pour vous les filles, et la personne à qui c'est destiné a sans doute dû oublier quelque chose là bas. En tout cas, hors de question qu'on y aille tous les trois, ce n'est pas à nous.
Tous les trois ... Si il parlait bien de lui et de ses soeurs, il ne m'avait pas inclut dans le lot. Se pourrait-il qu'il veuille déjà m'évincer, me trouvant trop faible, trop bête pour résoudre ses problèmes ? Non, impossible, il l'avait dit lui même, la seule clé de sa sortie, c'est moi. Ou bien alors, essayait-il de me dire quelque chose .... LE MESSAGE. Il y avait un message en haut du phare, je m'en souviens parfaitement, les visions de cette horreur ne partiront sans doute jamais de mon esprit, mais sil y a bien une chose d'utile à ça, c'est que je sais exactement ce qui était écrit.
"IL NE M'A PAS ÉCOUTÉ, TOUT EST FINI, BONNE CHANCE A VOUS"
TOUT EST FINI. Ce sont les même termes qu'il a utilisé il y a encore quelques minutes, pour parler de son aventure ici. C'était donc ça, c'était lui depuis le début qui nous avait aiguillé ...
Tout n'était pas fini, puisque ce n'était que le début. Mais j'avais peut être la solution depuis le début alors, là où tout a commencé. L'avion.
Pensant avoir enfin trouvé un axe de recherche, je fais fi du début de la dispute qui s'est emparée de la pièce, entre les deux filles, qui veulent absolument aller voir le contenu du phare, et Isaac qui les en interdit formellement.
Réfléchis Roxanne, réfléchis, la solution est là. C'est alors que, sans même m'en rendre compte, je m'effondre en larmes sur le papier encore froissé. Je venais alors de retrouver la trace de Tom, tant de temps après, j'avais résolu l'énigme.
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