Chapitre 17 : D'un inconnu à la reconnaissance
Nous parcourons à peine deux kilomètres avant de nous arrêter à nouveau.
Je crois avoir aperçu une clairière : des voix s'élèvent de celle-ci.
C'est un village.
Les nombreuses huttes sont installées en cercle et quelques villageois discutent à même le centre, assis en tailleur.
À notre arrivée c'est le chaos. Les hommes se mettent à courir dans notre direction, certains conseillent aux femmes de se cacher dans les huttes et des enfants nous regardent d'un air étonné.
- Des Vivants ! Ce sont des Vivants ! crie l'un d'eux.
Ils reculent, prêts à se défendre et nous attaquer.
Ils ont peur de nous. Mais moi, je me rends compte que je n'ai plus peur d'eux. Leur visage sans vie ne me fait plus rien, je ne ressens plus aucun frisson en voyant leur yeux inertes me fixer.
C'est sûrement grâce à Arta. Au début de l'expédition, son visage m'était repoussant, dégoûtant, mais maintenant c'est comme s'il était simplement "différent" du mien.
Lorsque les Morts voient qu'Arta nous accompagne, ils se calment automatiquement.
Arta proclame :
- Les Vivants ne vous feront aucun mal ! Ce sont les élus de la prophétie !
- La prophétie ! La prophétie ! répète à l'unisson l'assemblée d'un air incrédule.
Une femme s'approche de moi et effleure ma peau, comme pour s'assurer que je suis réelle.
À côté, des enfants triturent les cheveux de Lia, et Ted se fait inspecter de haut en bas par un homme.
- L'un des élus est blessé ! clame Arta. Est-ce que l'un de vous pourrait le soigner ?
Un homme lève la main derrière les villageois alignés :
- Je me rappelle avoir été infirmier dans le monde des Vivants. Je pense que je pourrai faire quelque chose pour le blessé. Emmenez-le moi dans la hutte derrière le grand arbre.
Arta hoche la tête.
- On peut lui faire confiance. De toute façon, c'est notre seule chance de sauver Victor. Allons-y.
Nous nous faufilons jusqu'à l'entrée de la hutte sous les regards admiratifs des Morts du village. Dès que nous sommes entrés dans la petite cabane de paille circulaire, les villageois reprennent leur discussion et leurs activités.
L'ancien infirmier est courbé dans un coin de la hutte, cherchant assurément quelque chose pour Victor. Ce dernier est couché à terre, toujours inconscient. Arta aide cordialement l'infirmier et Ted, Isaac et Lia se contentent de rester debout, un peu mal à l'aise.
- La blessure s'est infectée, mais ça ira.
J'ai une curieuse impression lorsqu'Arta et l'homme reviennent face à nous.
Ils se mettent à appliquer une crème jaunâtre gélatineuse et visqueuse sur la plaie de Victor.
Devant cela, Ted fait la grimace.
L'infirmier, se pourrait-il que...
Lorsque l'homme relève la tête, je suis prise d'un élan :
- Papa ?
L'homme arrête brusquement ses gestes. Ses yeux sans vie se fixent sur les miens. Même avec l'absence des traits familiers de son visage, je le reconnaîtrais entre mille.
- Papa...c'est moi. Mélody.
C'est comme si le temps s'était arrêté. Il n'y a plus que l'infirmier et moi, dans cette pièce. Je me fiche complètement des réactions des mes compagnons.
Étourdie, j'enjambe le corps de Victor pour me jeter dans ses bras, les bras de mon père.
Jamais je n'aurais pensé le revoir.
Et jamais je n'aurais cru qu'il me repousserait :
- Quoi ?! Je n'ai pas de fille !
Je tombe en arrière sous le choc. Mon coeur se serre.
Pourquoi ?
Pourquoi ne me reconnait-il pas ?
Soudain, Isaac m'entraine de force par le bras.
- Viens.
Son ton est brut. Je me débats pour qu'il me lâche, sens une larme d'incompréhension et d'angoisse rouler sur ma joue.
Je ne dois pas me laisser aller dans la tristesse. J'essuie ma larme d'un revers de manche.
- Isaac, lâche-moi ! C'est mon père ! je lui supplie. Je te jure que c'est lui ! Laisse-moi le voir ! Lâche-moi !
Mais il tient bon. Il me pousse près du grand arbre à l'extérieur de la hutte :
- Calme-toi, bon sang ! Laisse-moi te parler !
Je m'assois, adossée contre le tronc.
- C'est normal que ton père ne te reconnaisse pas, je te rappelle que les souvenirs disparaissent après la mort ! Même si toi tu le reconnais parce que tu as rêvé de sa mort, lui pas !
Je baisse la tête pour ne pas montrer ma tristesse.
Qu'est ce que j'ai cru ? Que mon père me rendrait mon étreinte, que nous allions échanger des propos sur ce que je suis devenue, de la petite fille aux couettes rousses à la lycéenne émotive et difficile à comprendre que je suis aujourd'hui ?
Mais il ne se rappelle pas de moi.
Papa.
Papa, papa...si tu savais à quel point je t'aime.
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