Chapitre 1 : Un nouveau départ
" Le changement peut être douloureux, mais rien n'est plus pénible que de rester coincé quelque part où tu ne veux plus être. "
Si on me posait la question, je serais incapable de préciser quand remonte la dernière fois que j'ai connu une nuit paisible, dénuée de cauchemars. Avant que tout ce que je craignais ne devienne réalité, transformant mon existence en un cauchemar éveillé où je me retrouvais seule, abandonnée dans un monde devenu étranger. J'essayais autant que possible de retarder le moment où je devrais faire mes adieux à mon ancienne vie. Pour devenir quelqu'un d'autre, quelqu'un que je n'ai jamais été. Aujourd'hui marque le début d'une nouvelle page de ma vie, un nouveau départ.
Pourtant, ce matin, malgré la promesse que j'avais faite à mon père de ne pas laisser le passé dicter mon présent, une certaine appréhension me gagne. Dans quelques heures, j'allais quitter Brooklyn pour la ville d'Holland, dans l'État du Michigan. Alors que je lance une nouvelle playlist sur mon enceinte, je termine de ranger mes affaires dans des cartons, incluant quelques souvenirs que je peine encore à abandonner. Quelqu'un frappa à la porte et je mis la musique en pause.
- Karol ?
- Entrez, je lance sans prendre la peine d'aller ouvrir la porte.
- Besoin d'aide ? me demande une jeune femme aux cheveux noirs bouclés, au visage souriant, peu importe les circonstances.
- Non, ça va. J'ai presque fini. Mais merci, Anna, je réponds en m'efforçant de me rappeler qu'elle avait été la première à prendre soin de moi, après que la police m'a emmenée dans ce foyer en attendant de me trouver une famille d'accueil. Chose faite puisque des piles de cartons s'entassent dans un coin de ma chambre et que ces derniers allaient bientôt finir dans le pick-up couleur noir qui me servirait de moyen de transport.
Anna attrapa la paire de ciseaux et le rouleau de scotch posés sur la table de chevet avant de fermer délicatement les cartons à moitié ouverts.
- T'es pas trop stressée ? me demande-t-elle d'une voix calme.
- Un peu, mais j'ai l'impression de ressentir la même chose que si je me préparais pour le superbowl.
Je me dirigeais vers ma fenêtre et observais les assistants sociaux faire des aller-retour pour charger la camionnette avant l'heure du départ.
- Je suis convaincue que tu t'intégreras rapidement et d'ici la fin de la semaine, tu nous auras déjà oubliés, réplique-t-elle d'un ton moqueur.
- Ça m'étonnerait, je réplique d'un ton pince-sans-rire en sentant l'anxiété prendre le dessus.
Comme si mon angoisse était palpable, un aboiement résonne dans le couloir. Un chien au pelage doré déboula dans ma chambre, s'arrêtant à mes pieds. Je m'agenouille pour le gratifier derrière les oreilles, sentant soudain un poids se lever, une sensation de sécurité avec cette grosse peluche à mes côtés. Jax, mon Golden Retriever âgé de six mois, que mes parents m'avaient offert pour mon 17e anniversaire.
Depuis l'accident survenu il y a cinq mois, Jax est devenu une sorte de protecteur, un ami qui m'accompagnait partout. À la mort de mes parents, j'avais arrêté d'aller au lycée, j'étais inciapable d'y retourner et de faire semblant comme si de rien ne s'était passé et gardé la tête haute. Pendant les jours et les mois qui ont suivi, je me suis occupé de Jax, qui n'était qu'un chiot qui avait besoin d'être éduqué.
- Bonjour Jax, lança Anna d'une voix douce en le caressant.
Jax relève soudainement la tête et lui offre une joyeuse léchouille. Observant l'expression déconcertée d'Anna, je ne pus m'empêcher de rire. Elle s'essuie le visage avant de se tourner vers moi.
- Je vais te laisser finir de ranger tes affaires. Je vais voir comment ça se passe en bas.
- D'accord. À plus tard, dis-je en retournant à mes cartons.
✻✻✻✻
Deux heures plus tard, Anna m'appelle depuis le bas de l'escalier.
- J'arrive. Je suis sur le point de terminer le dernier carton ! je crie à travers la porte entrebâillée.
Je me redressai, laissant la nostalgie m'envahir en contemplant la pièce désormais vide qui avait été mon refuge pendant les derniers mois. Ma vie était jadis parfaite, ma famille réunie.
Avant cet accident, la collection de vêtements de ma mère était en pleine croissance et prospérait, mon père avait sa propre salle de boxe et j'étais une étudiante heureuse sur le point de prendre la direction de l'équipe des pom pom girls.
Mais tout cela avait disparu, balayé par une tempête lors d'un vol censé ramener mes parents chez nous. J'avais appris la nouvelle du crash en plein milieu d'une chorégraphie pendant le spectacle du lycée. Avec mille et une précautions, je sortis le cadre photo posé sur le dessus du carton, une image de famille prise le jour de mes seize ans. Ma mère, Chloé Perez, aux boucles blondes dorées et aux yeux bleus, ressemblait à un ange, une touche de sauvagerie en plus.
Mon père, Jonah Perez, plus grand que ma mère en raison de sa carrière d'entraîneur de boxe, arborait des cheveux châtains courts et des yeux marron noisette. C'était mon oncle et sa fiancée qui allaient m'accueillir chez eux et m'adopter, une perspective qui ne me réjouissait guère, vu que je ne les avait jamais vu.
Quoi qu'il en soit, je savais qu'il était temps de quitter cette pièce. "Et voilà, en route vers l'inconnu", pensai-je, laissant une larme couler sans même la chasser de la pointe de mon nez.
- Allez, Jax. Viens. Il est temps de partir.
Je saisis le dernier carton restant, ferme la porte derrière moi et mon chien sur les talons, je descends l'escalier pour rejoindre l'équipe du foyer qui attend à l'extérieur pour faire leurs adieux. La gorge soudain serrée, je lutte pour garder le contrôle de mes émotions.
- C'est le dernier carton, Ethan.
- T'as vérifié que rien ne te manque ? demande un homme à la peau hâlée en prenant délicatement le carton de mes mains pour le charger dans le coffre.
- Oui, j'ai vérifié en plusieurs fois. C'est toi qui vas m'emmener jusqu'à Michigan ? Je suppose qu'on ne va pas tarder à prendre la route ?
- J'ai demandé la permission de m'absenter plusieurs mois. Je dois retourner chez mon père pour faire des travaux. On partira quand tu te sentiras prête.
Sans savoir pourquoi, je me sens apaisée par la présence d'Ethan à mes côtés pendant ce voyage qui me mènera vers ma nouvelle maison, ma nouvelle vie, que j'espère vide de drames cette fois-ci.
Laissant le passé derrière moi, je me tourne vers les différentes personnes rassemblées sur le trottoir, une galerie de visages familiers forgés au fil des rencontres depuis mon arrivée. Certains masquent leurs émotions derrière une expression impassible, peut-être par précaution pour éviter d'accentuer ma mélancolie, tandis que d'autres trahissent une tristesse palpable. Certains affichent une expression neutre, sûrement pour éviter de me rendre triste, d'autres arborent un regard triste. Reconnaissant quelques visages familiers, je les enlace les après les autres en échangeant quelques sourires et câlins.
- De la part de toute l'équipe, je peux affirmer que ta présence va nous manquer. J'espère sincèrement que tout se déroulera pour le mieux pour toi, que tu trouveras ta place au sein de ta nouvelle famille, déclare Anna d'une voix solennelle, s'avançant vers moi.
- Merci, vous aussi, vous me manquerez, je réplique en la prenant dans mes bras une dernière fois avant de monter sur le siège dans la voiture, à la suite d'Ethan.
Deux minutes plus tard, je suis en route pour le Michigan avec un garçon canon à côté de moi, qui m'évoque étrangement un prince charmant.
✻✻✻✻
Après plusieurs heures de rouler sous un soleil timide, Ethan et moi décidons de faire une halte au bord de l'autoroute, près d'une station service afin de prendre une pause bien méritée. Nous nous installons pour déguster nos sandwichs et permettre à Jax de se dégourdir les pattes. Comme un véritable gentleman, Ethan me tient la porte, et je le remercie d'une inclination légère. Nous pénétrons dans le restaurant, Jax tenu en laisse conformément à l'indication du panneau "Tenez votre chien en laisse".
- Qu'est-ce que je peux te prendre ? demande Ethan en sortant son portefeuille.
- Un milkshake vanille spéculoos s'il vous plait, je réponds en m'adressant directement à la serveuse.
- Et un milkshake caramel beurre salé pour moi," ajoute Ethan en posant un billet sur le comptoir.
Nous choisissons une table libre près de la fenêtre, et quelques minutes plus tard, la serveuse revient avec nos boissons et une écuelle d'eau pour Jax. Je la remercie chaleureusement, prenant même une photo de mon verre pour l'envoyer à ma meilleure amie, Julie, avec qui j'avais eu quelques désaccords il y a quelques mois.
- T'es déjà allé à Michigan ? lance-t-il, tentant d'engager le dialogue.
- Jamais, je réplique, laissant mes yeux errer sur le paysage devant moi. Et toi ?
- J'y ai vécu pendant quinze ans. Une fois à l'université, j'ai poursuivie mes études dans le Michigan et si je reviens ici, c'est parce que mon père a besoin de moi.
- Qu'a-t-il exactement ? je demande prudemment, consciente de marcher sur des braises.
- Il a fait une mauvaise chute en cheval et maintenant, il est en fauteuil roulant. Je suis revenu pour l'aider à rénover sa cuisine, refaire la peinture et l'isolation. Et j'en profite aussi pour réparer quelques bricoles.
Je le connaissais suffisamment pour comprendre qu'il n'était pas forcé à ce travail paternel.
- Je pourrais te donner un coup de main si t'en a besoin, je réponds en me disant que par la même occasion, je pourrais aider Ethan et en même temps, prendre l'air si je me sentais oppressée.
- Avec plaisir.
Je sirote tranquillement ma boisson en regardant Jax, couché à mes pieds pendant qu'Ethan attrape le menu sur la table.
- Et si on en profitait pour commander des frites ? s'enquit-il en relevant la tête.
- D'accord. Mais cette fois, c'est moi qui régale, je le préviens en sortant mon portefeuille de mon sac.
Devant son sourcil levé en signe de protestation, je le menace en levant l'index.
- Je suis pour l'égalité hommes femmes, au cas où t'aurais oublié. Donc, je paye et pas besoin de protester, je réplique avec ardeur, me dirigeant vers le comptoir. Quelques minutes plus tard, je retourne à table avec nos deux assiettes remplies à ras bord.
- Je nous ai pris des steaks cuits façon saignants, je savais pas si ça te plairait, je fais en déposant son assiette.
- Ne t'inquiète pas pour ça. Je ne suis pas difficile, répond-t-il, ponctuant sa remarque d'un clin d'œil qui me fait légèrement rougir.
Un serveur apporte nos canettes de coca et un silence s'installe entre nous, pendant que nous savourons nos frites. Contrairement à ce que je pensais, ce silence n'était pas pesant. Au contraire, bien que nous ne parlions pas, j'avais l'impression que nous étions sur la même longueur d'onde.
- T'as déjà rencontré la famille de ton père ou c'est vraiment des inconnus pour toi ? me demande soudain Ethan.
Surprise par cette question, je le dévisage en tenant ma fourchette en l'air.
- Non, je ne les ai jamais rencontré, je réponds en fronçant les sourcils. Pourquoi tu me demandes ça ?
- Aaron et moi étions meilleurs amis avant que je parte pour mes études, précisa-t-il devant mon air perdu. Depuis, mon père me donne les dernières nouvelles par téléphone. Quand tu les verras pour la première fois, n'oublie pas que ce sont des gens biens et que tu peux leur faire confiance.
- D'accord, je réplique en me promettant de faire tout mon possible pour ne pas l'oublier. Tu peux me parler d'eux ?
- Bien sûr. Que veux-tu savoir exactement ?
- Pourquoi ont-ils accepté de m'accueillir ? Je ne les connais même pas !
- Ton oncle a insisté auprès de la directrice du foyer, tu dois sans doute l'ignorer mais ton père et lui étaient très proches avant la dispute.
- Tu sais pourquoi ils se sont disputés ?
- Non. Seuls tes parents et ton oncle savaient la raison.
- Génial, je soupire, incapable contenir ma frustration.
Nous terminons notre repas avant de nous promener quelques minutes et de reprendre la route pour arriver avant la tombée de la nuit. Je me plonge dans l'observation du paysage qui défile et finit par m'endormir, la tête contre la vitre. J'émerge de mon sommeil, plusieurs heures plus tard, lorsque Ethan entreprend de se garer en marche arrière en deux sapins imposants.
- Karol ? fait-il en me secouant doucement l'épaule. Je sais que tu es réveillée.
- Hum, je grogne en me tournant vers lui tout en me frottant le front pour faire disparaître la marque rouge. On peut faire marche arrière ?
- Non, je crois pas, murmure-il, doucement en me regardant avec douceur.
- Reste avec moi, Ethan.
- Je dois juste te déposer et repartir chez mon père.
- S'il te plait, je chuchote en me penchant vers lui, en laissant mes larmes couler.
Ethan se rapproche pour essuyer mes larmes. Je le laisse faire, profitant du réconfort et de la chaleur que m'offre ce contact. Je ferme les yeux et sans le voir, je sens qu'Ethan a contracté ses muscles avant de sentir sa main me caresser le visage, suivre le contour de mes lèvres. En rouvrant les yeux, je remarque qu'Ethan me fixe intensément, une veine palpitant nerveusement à son cou.
- Karol, murmure Ethan d'une voix rauque, chargé de désir retenu.
Saisie d'une brusque impulsion, je comble l'espace entre nous par un baiser. Après un moment d'hésitation, il répond à mon baiser, d'abord avec timidité, puis avec assurance. Détachant ma ceinture, il glisse une main derrière mon cou, m'attirant davantage vers lui. La chaleur dans la voiture s'intensifie alors que mes mains glissent sous son tee-shirt, frôlant ses abdos. Instinctivement, je penche la tête sur le côté pour qu'il puisse déposer un baiser dans le creux de mon cou.
Le bruit d'une voiture au loin nous obligea à nous séparer, et le souffle court, nous évitons de nous regarder en essayant de comprendre ce qui venait de se passer. Je m'efforce de remettre de l'ordre dans mes cheveux et incapable d'affronter le regard d'Ethan, je sortis de la voiture. Ethan m'imita et sans rien dire, fit descendre Jax de la voiture.
Une Jeep se gara devant la maison et quatre personnes en descendent : une femme et trois hommes. Les mains soudain moites, je me dirige vers l'homme qui ressemblait étrangement à mon père, en version plus jeune et un moins musclée.
- Heu... Salut, je fais avec un signe de la main, plutôt maladroit.
- Karol, bienvenue à Holland, me souhaite-il en me prenant dans ses bras avec maladresse.
- Merci, je réponds poliment en reculant légèrement pour contempler les autres.
- Je m'appelle Marco, je te présente ma femme Vanessa et nos enfants, Nolan et Noah. L'aîné, Aaron est en road trip improvisé avec ses amis, il rentrera la semaine prochaine.
J'esquisse mon pas préféré, une petite révérence, dans une tentative maladroite d'alléger l'atmosphère.
- On est ravis de t'accueillir dans ton nouveau " chez-toi ", me dit Vanessa en désignant la maison derrière moi.
Je regardais Ethan qui tenait la laisse de Jax pour qu'il n'ait le temps de s'éloigner pour faire le tour du quartier. Marco attrape des sacs de course dans la voiture et se dirige vers la porte d'entrée, je lui emboîte le pas, en fixant la porte, dans l'espoir d'y trouver du courage.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top