Chapitre 29 - Fallen

« Trippin over myself, Achin, beggin you to come help »
Trébuchant sur moi-même, Je souffre, te suppliant de venir m'aider

Stitches (cover) —Conor Maynard

Nous rentrons chez moi et la porte n'est pas fermée que Paul se jette sur moi. Ses mains s'agrippent à mon corps, s'enfoncent dans mes cheveux. Ses dents mordent ma lèvre, mon cou. Chaque geste est désordonné. Il n'y a aucune douceur. Juste du désespoir. Je le sais. Je le sens.

— Paul, soufflé-je.

Il se détache enfin de moi et mon regard s'ancre au sien.

— S'il te plaît..., me demande-t-il en collant son front au mien.

Nos poitrines se soulèvent et les non-dits fusent entre nous. Mais je ne veux pas de ça. Je ne veux pas qu'il me fasse taire par ses baisers.

— Non...

Ma réponse sort dans un murmure. Mes mains se posent sur ses joues et je le force à me regarder.

— Paul...

— Tu m'avais promis, me coupe-t-il en me fusillant du regard.

— Je ne t'avais pas promis ça.

Il se détache de moi et s'éloigne. Ses pieds foulent mon parquet avec fracas alors qu'il se déplace dans mon séjour. Ainsi, il ressemble à un lion en cage. Il jure, s'énerve mais je ne comprends pas un seul de ses mots. Je ne comprends pas l'origine de sa détresse parce que c'est de ça qu'il s'agit ici.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé là-bas ?

— Rien... Fall...

— Ne me mens pas, le coupé-je la gorge nouée. Ne me parle pas si tu veux, mais ne me mens pas. C'est la seule chose que je te demande. L'unique chose.

— Alors ne me pose pas de questions, s'énerve-t-il en se tournant face à moi.

Ses épaules sont tendues, ses poings serrés. Je sais qu'il se retient d'exploser mais je ne peux pas retenir les mots qui se bousculent dans ma tête.

— Comment veux-tu que je me taise ? Comment veux-tu que je fasse comme si tout ça ne m'importait pas ? Comment peux-tu me le reprocher ?

J'écume à présent de rage. J'ai tout gardé, tout. J'ai pensé que ça le protégerait mais je me suis menti à moi-même.

— J'ai bien vu ! Tu étais paniqué. Tout allait bien et ensuite tu... tu...

— Je ne t'ai jamais demandé de te soucier de moi, je ne t'ai même jamais demandé de m'aimer !

Un bibelot posé sur ma télé vole dans l'appartement pour terminer sa course contre le mur en mille morceaux, mais je fais comme s'il ne s'était rien passé. Je ne m'en soucie pas. Ma déco est le dernier de mes problèmes pour le moment.

— Non ! Et pourtant, je le fais ! Et c'est ce que tu fais toi aussi avec moi.

Ses yeux se révulsent et un rire mauvais sort de sa gorge.

— Ose me dire que tu ne m'aimes pas. Certes, tu ne m'as jamais dit que tu m'aimais mais ça ne signifie rien. Dis-moi que tu ne m'aimes pas, que je ne représente rien.

Mon cœur bat à mille à l'heure, mon cerveau est prêt à exploser et mon cœur à imploser.

— Je me barre !

— Tu fuis, comme toujours. Tu n'es qu'un lâche ! hurlé-je.

— Un lâche ? Je pars parce que si je reste...

­— Si tu restes quoi ?

Je n'obtiens aucune réponse et sa tête se tourne vers l'extérieur. Une de ses mains vient se fourrer dans ses cheveux et sa poitrine se soulève rapidement.

Mes ongles s'enfoncent dans mes paumes parce que je me retiens de me jeter sur lui, de lui donner ce qu'il veut de moi. Je me retiens de lui offrir cette facilité. Parce que demain, rien n'aura changé.

Il se dirige vers la porte, mais je lui bloque le passage et me colle à la porte. Hors de question qu'il parte, pas cette fois.

— Laisse-moi sortir, hurle-t-il.

Sa main vient s'abattre sur le bois de la porte, me faisant sursauter. Une larme roule sur ma joue et je retiens un sanglot.

— Je ne t'abandonnerai pas Paul.

Sa main se pose sur la poignée et il tire nerveusement dessus. Chaque fois que la porte s'entrouvre, mon dos s'y plaque avec force pour la refermer.

— Fall... me supplie-t-il la voix brisée.

À présent, les larmes ne roulent plus seulement sur mes joues. Il perd de sa force et relâche la poignée avant de m'attraper la nuque. Son corps se colle contre moi et sa tête plonge dans mon cou. Très vite, je sens ses larmes s'écraser sur ma peau.

— Je suis désolé, sanglote-t-il.

Il s'excuse toujours. Mais à chaque fois, mon cœur se fissure un peu plus. Je fais tout ce que je peux pour l'aider mais il ne m'en laisse pas la possibilité. Il se maintient dans ce silence qui me tue à petit feu. Pourtant, je l'aime tellement que je pourrais endurer tous les brasiers, pourvu qu'il ne soit pas seul.

***

— Je dois partir...

Nous sommes assis côte à côte sur mon canapé. Nos larmes ont à présent séché. Je ne lui ai pas demandé de parler, juste de rester. Je lui ai laissé l'opportunité de se reposer sur moi. Je commençais à me faire au silence qui nous accompagnait depuis un long moment alors son annonce me surprend. Ma tête s'est tournée vers lui mais son regard reste fixé sur le mur de mon salon.

— Quoi ?

Partir ? Comment ça ? Où ?

­— Ma tante... Ils divorcent avec mon oncle. Ils ont vendu la maison et elle m'a proposé de venir récupérer des affaires.

Ses mains massent ses tempes et je comprends que quelque chose le dérange.

— Tu ne veux pas y aller ? osé-je.

— Je n'y ai pas mis les pieds depuis plusieurs années. Mon oncle et moi... c'était un peu compliqué.

À la façon dont il me dit ça, je devine que compliqué est un mot bien faible pour qualifier leur relation.

— Tu pars quand ?

— Demain soir je pense... je dois juste acheter mes billets et prévenir Richard.

J'acquiesce mais ne trouve rien à dire pour le rassurer.

— Tu pourrais m'accompagner ?

Son visage s'est tourné vers moi et j'ai l'impression de faire face à un enfant blessé. Je voudrais l'accompagner mais j'ai peur de ne pas savoir gérer un voyage en train.

— Paul...

— Oublie.

Paul s'est refermé et ne me regarde plus.

— Je suis désolée, je voudrais mais...

— Laisse tomber. Oublie j'ai dit.

Paul se relève du canapé et récupère ses affaires avant de se diriger vers la porte. Je me lève à mon tour mais n'arrive pas à le rejoindre.

Qui aurait cru que la journée que nous avons passée se terminerait ainsi ?

— Paul...

— Non, Fall. Je comprends, t'en fais pas, me coupe-t-il sans se retourner.

— Je ne m'en sens pas capable. Pas encore, me justifié-je.

— Bien.

Il se dirige vers la porte et sa main se pose dessus quand la peur me prend aux tripes.

— Reste...

— Là, je peux pas. J'ai besoin de prendre l'air.

— Tu reviens ? tenté-je.

Je suis désespérée, terrifiée à l'idée qu'il ne revienne pas.

— Non, Fall. Je comprends mais...

— Mais tu m'en veux, terminé-je pour lui.

Il ne répond rien, se retourne et s'approche de moi pour déposer un baiser sur mon front.

— Je t'appelle.

Je ne le crois pas. Je sais qu'il ne le fera pas, qu'il ne veut juste pas que je le supplie de rester. Il a besoin de partir et comme une lâche je le laisse faire. Parce que pour une fois, c'est moi qui suis en danger.

Il ouvre la porte et se retourne vers moi. J'attends qu'il me dise quelque chose, n'importe quoi mais il n'en fait rien et la porte se referme sur lui. Je suis toujours là, debout dans mon séjour.

Mon cœur se fissure et je me déteste d'être faible. Cours, va le rattraper. Je me précipite vers la porte, pose ma main sur la poignée mais rien ne se passe. Je reste là, figée.

Je fais taire ma peur, mes angoisses et ouvre la porte. Je me trouve au bas de l'immeuble et ma tête quadrille la rue à la recherche de Paul.

Mes pieds s'animent et remontent la rue. Il faut que je le retrouve, que je lui dise que je suis là pour lui. Après tout, je le lui ai promis.

— Paul ! l'appelé-je quand je l'aperçois enfin.

Le soulagement m'envahit au fur et à mesure que je m'approche de lui. Ses bras s'ouvrent et je m'y jette désespérément.

— Je viens, lui dis-je essoufflée.

Ses bras m'entourent et se resserrent autour de moi. Je devine à la façon dont ils le font qu'il a besoin de mon aide, de mon soutien. Je m'en veux d'avoir hésité, de lui avoir laissé croire qu'il était seul.

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