Chapitre 24 - Fallen
« Bask in the glory Of all our problems
'Cause we got the kind of love It takes to solve 'em »
Profitons de la gloire De tous nos problèmes
Parce que nous avons le genre d'amour Qui les résoudra
Issues (Accoustic Version) —Julia Michaels
La tête en vrac, je m'éloigne de lui. Des milliers de pensées affluent. Je sais qu'il est comme ça et parfois, c'est ce qui me plaît chez lui. Mais, s'il y a des moments où j'ai l'impression d'être plus proche de lui, il y en a d'autres où il me semble être inatteignable.
L'esprit embrouillé par mes interrogations, je traverse le quartier pour me rendre chez ma psychologue. Depuis la dernière fois, de nombreuses choses sont arrivées. Cette séance ne peut pas mieux tomber.
Je pousse la porte du cabinet et m'installe sur les chaises disposées le long du mur. Une musique d'ambiance sort doucement des haut-parleurs. Je ferme les yeux quand la porte s'ouvre enfin.
— Bonjour, Fallen, me salue Alexandra chaleureusement.
Comme à son habitude, sa tenue est un kaléidoscope de couleurs. Je me relève et lui souris, elle m'invite à entrer et je prends place sur un des fauteuils.
— Comment allez-vous ?
— Bien, me contenté-je de répondre.
— Mais encore ? se moque-t-elle gentiment.
— Ma mère est venue chez moi, annoncé-je.
Elle semble surprise et m'invite à lui raconter notre entrevue. Ce que je fais, sans réelles émotions. Quand j'ai terminé, elle griffonne sur ses feuilles blanches. Combien en a-t-elle rempli à mon sujet ?
— Comment vous sentez vous ? me demande-t-elle en relevant le nez de ses documents.
— Bien, avoué-je. Mieux. Est-ce que c'est mal ?
— Pourquoi le serait-ce ?
Je ne réponds pas, je n'en sais rien à vrai dire. C'est ma mère. Voilà tout.
— Vous faites ce qu'il faut pour vous en sortir, Fallen. Peu importe les gens que vous décidez d'exclure pour cela. Rien ne dit qu'une personne doit être obligatoirement dans votre vie juste parce que vous partagez des gènes communs.
J'acquiesce parce que ce qu'elle dit est vrai. Le silence prend possession de la pièce, parce que maintenant que le sujet « Maman » est tombé, je ne sais pas comment aborder l'autre.
— Si tout va bien, pourquoi cet air abattu ?
— Je... Ça n'a rien à voir, réponds-je hésitante.
— Je vous écoute.
Après tout, je suis là pour ça non ?
— Il y a ce garçon. Paul. Il est particulier. Différent. Parfois, j'ai l'impression qu'il peut me sauver et d'autres...
Je n'arrive pas à terminer cette phrase, je n'arrive pas à verbaliser ce que je ressens parce qu'à vrai dire, je ne le sais même pas. Mes yeux se baissent sur mes ongles qui grattent le tissu de mon jean.
— Je vois, dit-elle avant de réfléchir. Avez-vous besoin de prendre une décision maintenant ?
Je relève la tête de mes genoux et non, elle a raison.
— Laissez-vous le temps de voir ce que vous pouvez vous apporter mutuellement et vous parviendrez à une conclusion toute seule, me conseille-t-elle.
Je lui souris, reconnaissante de voir qu'elle me comprend aussi bien, qu'elle ne me presse pas, qu'elle me laisse faire.
— Et au niveau de vos progrès ? Avez-vous vu des changements ?
Si j'en ai vu ? Oui, et beaucoup. Je suis partagée entre l'euphorie et une profonde crainte.
— Je dois dire que je suis étonnée de voir à quel point cela va vite. J'ai l'impression que c'est impossible. Que ce n'est qu'une passade !
— Pourtant, c'est ce qui arrive. Je vous avais dit que les progrès étaient visibles rapidement. Maintenant, le tout est de conforter votre esprit là-dedans. On doit consolider ces nouvelles bases, d'accord ? Sinon, en effet, ce ne sera qu'une passade.
La séance se poursuit à l'aide de son bâtonnet magique. Comme la dernière fois, la séance est intense et j'en sors lessivée. Je voudrais rentrer chez moi, mais je sais que je ne dois pas reculer. Je dois passer ce test, cette épreuve. C'est une chance pour moi et je dois la saisir.
Je me dirige jusqu'à l'adresse donnée par Paul d'un pas rapide et arrive enfin sur place, essoufflée. Mauvaise idée. Ainsi, je ne peux différencier les symptômes liés à une crise de panique et ceux liés à un simple effort physique. Voilà pourquoi je ne sors jamais lorsque je suis malade, par exemple. Un simple mal de ventre et c'est l'enfer. Je me figure immédiatement que la crise guette. Qu'elle arrivera si je sors.
Mais cette fois, je ne rentre pas m'enfermer. Je patiente, jusqu'à ce que mon rythme cardiaque revienne à la normale. Enfin, à ma normale.
Après quelques minutes, tout est plus calme. Mais, alors que je suis sur le trottoir d'en face, je n'arrive pas à traverser la rue. Je reste immobile, le regard hypnotisé par l'auvent délavé. Respire, Fall. J'ignore les démangeaisons qui sont apparues dans mon cuir chevelu.
Je déteste ça, je déteste être ainsi. Passer d'un instant de sérénité relative à l'apparition de symptômes.
Quand j'arrive à être détendue, mon cerveau s'entête à se dire que je suis juste dans l'œil du cyclone, que tout va exploser tôt ou tard.
Le tintement d'une clochette m'indique que la porte s'est ouverte. Mon regard se baisse et tombe sur Paul. Un sourire irrépressible s'affiche sur mon visage quand la sérénité m'envahit. Peut-être est-il mon œil. Paul traverse à petites foulées la rue et se retrouve devant moi.
— Tu es venue, me dit-il en souriant, visiblement soulagé.
— Je suis venue, confirmé-je.
Nous restons là, à nous regarder. Lui ne me brusque pas. Et moi, je m'imprègne de son image, comme s'il avait le pouvoir de tout effacer. Comme s'il avait le pouvoir de me rassurer par sa simple présence.
— On y va ?
Mon assurance me surprend et semble avoir le même effet sur lui puisqu'il hausse ses sourcils avant d'attraper mon visage pour m'embrasser.
— On y va, répète-t-il en caressant ma joue.
Il se détache et me tend sa main. Je la saisis avec grand plaisir. Il y a quelques mois, j'étais hostile à tout contact. Je détestais les gens. Mais lui, il est différent. Je suis encore incapable de lui demander de me soutenir, mais j'accepte l'aide qu'il me propose.
Nous traversons la rue d'une démarche rapide. Il fait ça de peur que je ne recule, je le sais et je lui en suis reconnaissante. Paul entre le premier dans le bar. Mes yeux restent fixés sur nos mains jointes. Oui, j'ai dit que je pouvais le faire. Pas que ça serait facile. Je soupire pour relâcher la pression et relève ma tête.
— Tu dois être l'amie de Paul, m'accueille une petite dame.
Son sourire me rassure tout de suite. Étant donné que ma dernière expérience professionnelle n'a pas été concluante, j'angoissais un peu à l'idée de rencontrer les gérants.
— Je suis Patricia, je vais te montrer un peu ce que tu auras à faire puis je te laisserais te débrouiller seule. Ça te va ?
Le fait qu'elle ne me traite pas comme si j'étais en sucre me donne encore plus confiance en moi, alors c'est avec un grand sourire que j'acquiesce.
— Ça va aller, Fall ? s'inquiète Paul.
— Gamin ! Le bar ! gronde un homme en sortant des locaux privatifs.
J'aurais presque envie de rire en voyant la réactivité de Paul, même s'il le fait en râlant.
Le grand homme s'approche de nous et place son bras sur Patricia.
— Moi, c'est Richard, me dit-il en me tendant sa main.
— Fallen, me présenté-je en la saisissant nerveusement.
J'ai décidé de ne plus fuir ces contacts. Sa poigne est légère, ce qui me surprend vu la carrure de l'homme. Il me sourit et libère ma main avant de me laisser seule avec Patricia.
— Tu viens ? Je vais te montrer.
Je la suis et nous passons une heure à préparer les tables pour l'heure du repas. Les clients sont encore rares à cette heure-ci et je dois dire que c'est appréciable. Finalement, pour l'instant, tout me semble réalisable.
Les clients commencent à affluer, l'heure suivante, pour boire un verre et manger, mais grâce à Patricia, cela ne me perturbe pas. Elle me conduit derrière le bar et je m'occupe de l'entretien et du réapprovisionnement, si bien qu'à l'heure de fermeture, je suis toujours là. Mon esprit était tellement occupé, que je n'ai même pas réalisé ce que je venais de faire.
Paul s'approche de moi quand Patricia ferme la porte à clé.
— Tu l'as fait, me dit-il heureux.
— Oui, cette fois. Mais si la prochaine... ne puis-je m'empêcher de penser à voix haute.
Mon pessimisme m'agace. Si quoi ? Rien, Fall.
— Arrête, me sermonne-t-il gentiment. Tu as réussi, Fall. Je suis fier de toi, alors sois-le toi aussi.
Je m'approche de lui et me fonds dans ses bras. Je ferme les yeux et inspire sereinement son parfum. Toutefois, une odeur me fait froncer les sourcils et me repousse. Il resserre son étreinte pour m'empêcher de partir.
— On m'a renversé une bière, s'amuse-t-il.
— Tu n'as frappé personne ? m'étonné-je, moqueuse.
— Il fait ça, je le jette par la peau du...
— Richard ! gronde Patricia.
Paul me libère enfin et dépose un baiser sur mon front.
Paul est mon œil, la tempête va peut-être éclater, mais pour l'instant : je suis avec lui. Je ne sais pas encore s'il est là pour me sauver ou pour me faire chuter, mais je prends le risque. Je prends le risque de lui confier mon âme.
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