Chapitre 23 - Paul

« I'm bulletproof nothing to lose Fire away, fire away »

Je suis pare-balles, je n'ai rien à perdre Les tirs sont loin, très loin

Titanium — Madilyn Bailey

— Viens là, je t'ai dit !

Je cours m'enfermer dans ma chambre, j'en ai marre qu'il me frappe dès qu'il en a l'occasion, même tatie ne fait rien pour me défendre. Personne ne fait rien.

La porte fermée à clé, je me réfugie dans un coin de ma chambre. Une boule me bloque la gorge et je tente de contrôler mes tremblements en resserrant mes bras autour de mes jambes.

— Ouvre cette putain de porte, Paul ! hurle-t-il. Je te l'avais dit Jo qu'il nous apporterait que des problèmes.

— Arrête ça, ce n'est qu'un gamin !

Mes yeux ne quittent pas cette poignée de porte qui n'arrête pas de bouger. Je les ferme en priant pour qu'elle ne s'ouvre pas. S'il vous plaît, s'il vous plaît, s'il vous plaît. Ma respiration s'accélère et mon cœur menace d'exploser à tout moment.

— Un gamin ? Putain, Paul ! Je te jure que si tu n'ouvres pas cette porte, tu vas le regretter.

Je tremble de peur et la sueur dégouline le long de ma nuque. Je ne veux pas qu'il entre. Je veux juste qu'il arrête.

— Je suis désolé, pleuré-je.

— Ouvre cette porte ! hurle-t-il à nouveau.

Cette fois son cri me noue l'estomac et compresse mon cœur.

— J'ai pas fait exprès. C'est lui, il m'a dit des trucs sur maman, j'ai voulu la défendre, tenté-je de me justifier. C'est tout.

La porte vibre sous les coups que tonton y donne. Mes mains griffent mes poignets. Je voudrais tellement que tout s'arrête. Mes ongles s'enfoncent et laissent des traînées rougeâtres.

— La défendre ? Mais qui t'a donné ce droit ? Ouvre cette porte ou je te jure que je la fracasse et toi avec.

Je quitte le coin de la chambre où je m'étais réfugié parce que je sais que je n'ai pas le choix, mais j'ai peur. Tellement peur. Je voudrais juste qu'il s'en aille. Je voudrais juste partir. Je me dirige vers la porte et tourne la clé, lentement. Dès demain, je sais qu'il l'enlèvera. Sans attendre, la porte s'ouvre et je n'ai pas le temps de partir que mon bras est retenu violemment. Une gifle me couche au sol et me désarçonne. Je pleure mais n'arrive pas à me relever. J'essaye de cacher mes sanglots, il déteste ça.

— Paul, Paul. Je suis là.

Je sèche mes larmes mais ne vois pas qui me parle. Les coups pleuvent mais j'entends cette voix.

— Paul !!

Je me réveille en sursaut, avec l'impression d'enfin reprendre ma respiration. Mon corps est en nage et j'ai chaud. Beaucoup trop chaud. Les larmes coulent sur mes joues. Fall est à califourchon sur moi et me regarde, inquiète. Putain, j'aime pas ça. J'aime pas ce genre de regards, ceux qui ne trahissent que de la pitié. Tout le monde peut me regarder comme ça, mais pas elle.

— Tout va bien ? me demande-t-elle d'une toute petite voix.

— Ouais, ça va, réponds-je, la voix cassée.

Fallen n'a toujours pas bougé et semble vouloir me sonder.

— Pourquoi tu mens ? souffle-t-elle. Je vois bien que non.

Ses doigts viennent effleurer ma joue pour en essuyer les larmes. Dans un geste de quoi ? De réconfort ? De pitié ? Je ne la mérite tellement pas.

— Je t'ai dit que ça va, Fall. Alors lâche-moi, dis-je en repoussant sa main.

Je la sens se raidir et reculer comme si je l'avais giflée. Elle quitte mon corps et se lève du lit. Elle attrape un T-shirt et un pantalon et se rhabille de façon énergique. Tempête dans trois, deux, un...

— Tu sais quoi ? Laisse tomber.

Zéro.

— Ton problème c'est ça. Tu me demandes de tout partager avec toi, mais toi ? Tu fais quoi ? Rien. Tu ne me donnes rien, Paul.

Je me masse la tempe. Elle est où la putain de soirée qu'on a passée hier ? Il est où le feu d'artifice ?

— Fallen, je t'ai dit de me lâcher avec ça.

Ma voix est agacée, elle est en train de me foutre en rogne. J'en ai rien à foutre de ce qu'elle pense, j'en ai rien à foutre de ce qu'elle veut. Je ne suis pas comme elle. Parler ne m'aidera pas.

— Très bien. Barre-toi, lâche-t-elle.

— Quoi ?

Je pensais qu'elle accepterait, qu'elle ferait la tronche ouais, mais pas qu'elle me foutrait à la porte.

— Tu as très bien entendu. Je ne vais pas te supplier de me parler, mais tu ne peux pas me reprocher de m'inquiéter ni m'envoyer chier pour ça.

Elle me lâche ces paroles sans me regarder.

Je quitte le lit et ramasse mes affaires éparpillées au sol. Je les passe alors que Fallen quitte la chambre. Putain de merde ! Fais chier ! Pourquoi ce besoin de tout faire foirer ? Une autre partie de moi se réjouit de voir Fallen réagir ainsi. De voir qu'elle ne se laisse pas faire. Elle fait des progrès considérables ! Non mais mec, tu te réjouis qu'elle te foute à la porte ?

Je quitte la chambre et la trouve dans sa cuisine. Elle me tourne le dos et prépare du café. Ma main passe rageusement dans mes cheveux et je tourne en rond. Putain, je suis partagé entre l'envie de me barrer d'ici et celle de rester là, avec elle et ses questions.

Et puis merde, je me casse. Je traverse le petit séjour et ouvre la porte d'un geste vif. L'instant d'après, je la referme devant moi. Pourquoi j'ai fait ça ? Je me retourne et m'adosse en reprenant mon souffle.

Un bruit me parvient de la cuisine, comme un grognement. Pourquoi je n'ai pas pu partir ? Elle m'en demande trop, pourtant m'éloigner d'elle, l'abandonner me semble impossible.

— Merde, merde, merde, rugit-elle.

Mes pas me ramènent jusqu'à elle. Elle est agenouillée et semble nettoyer du café renversé. Je me précipite pour l'y aider. Ses doigts se crispent quand les miens récupèrent l'essuie-tout qu'elle tenait, et mes yeux se ferment en voyant sa réaction. Putain ça fait mal.

— Tu n'es pas parti ? Tu...

— Je suis désolé, la coupé-je. Je ne suis pas comme toi, Fall.

Je me redresse et récupère le reste du rouleau.

— Je n'aime pas parler, ça tu l'as deviné. Mais je n'aurais pas dû réagir comme ça.

Elle ne me regarde pas et se contente de hocher la tête.

— Fall, l'appelé-je.

Je me rapproche d'elle, le jean dans le reste du café, mais j'en ai rien à foutre. Là j'ai juste besoin qu'elle me regarde. Ma main se faufile dans ses cheveux et je redresse sa tête.

— Quoi ? me demande-t-elle, la gorge nouée, quand nos regards se croisent enfin.

Comme un con, je suis soulagé de voir les émotions qui composent le sien. Elle semble en colère, mais pas au point de me détester. Malgré ça, la peine que j'y décèle me fait mal, parce que j'en suis la cause.

— Je suis désolé.

Je prends un peu trop cette putain d'habitude de m'excuser tout le temps moi. Ses yeux se ferment et se rouvrent, cette fois plus sereins.

— D'accord, murmure-t-elle.

Je pose un baiser sur ses lèvres et la prends dans mes bras. J'inspire profondément son parfum, comme si demain, j'allais la perdre. Elle va partir c'est sûr, elle le doit.

— Tu me parleras un jour ?

Malgré son visage enfoui dans mes bras, j'ai très bien entendu sa question. Mais je n'y réponds pas. Je ne suis pas du genre à faire de fausses promesses. Je resserre juste mon étreinte. Pour l'instant, je suis là. Avec elle. Mais demain ? Je suis une bombe à retardement. Je suis tellement cinglé que je pourrais la blesser elle, ou me foutre en l'air moi. Rien de bon ne sortira de ça. Pourtant, je ne peux pas m'empêcher de profiter du temps qu'elle me donne.

La matinée se passe dans un silence légèrement tendu. Je l'entends cogiter mais elle ne me pose aucune question.

— Je t'ai trouvé un taf, lâché-je brusquement.

Ouais, j'avais un peu oublié cette info.

— Pardon ? s'étonne-t-elle en relevant la tête de la casserole.

Sa main a cessé de touiller le repas qu'elle est en train de concocter. Je lui raconte alors ma discussion avec Richard et lui explique les conditions dans lesquelles elle pourra travailler.

— Je ne vais pas y arriver.

— Pourquoi ?

— Je ne suis pas prête à ça, Paul. Je... J'ai pas encore...

Elle est en plein doute et je ne veux pas la brusquer, mais je sais qu'elle en sera capable.

— Je serai là, avec toi. Si tu te sens mal, je te ramènerai. Je serai là, répété-je comme si ça allait suffire à la convaincre.

Elle réfléchit encore.

— On est samedi, donc on a pas la séance aujourd'hui. On peut y aller avant si tu veux. Pour que tu t'imprègnes des lieux.

— Non.

Je pensais qu'elle y réfléchirait au moins.

— Fallen, tu as besoin de ce boulot.

— Non, je veux dire, je vois ma psy tout à l'heure.

J'attends patiemment qu'elle me dise ce qu'elle veut.

— Mais je devrais avoir fini avant cinq heures.

Je relève la tête, soulagé de l'entendre accepter ma proposition. Après ça, je mets le couvert et nous mangeons tranquillement. Je la devine angoissée, alors je tente de lui changer les idées, mais je sais que je suis un mec maladroit et pas très bavard. Mes tentatives sont vaines et c'est avec beaucoup d'appréhension que je la quitte devant chez elle.

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