Chapitre 12 - Fallen
« Job well done Standing ovation Yeah you got what you wanted I guess you won »
Le travail a parfaitement été exécuté Une véritable ovation Ouais tu as obtenu ce que tu voulais J'imagine que tu as gagné
You Ruin Me —The Veronicas
Nous arrivons devant l'église, à l'heure. Je remercie Paul, il s'est montré patient et ne m'a pas bousculée. Bien que le voyage n'ait pas été facile, je suis arrivée au bout. Nous avons dû faire quelques pauses pour que je puisse souffler mais nous y sommes. Mais maintenant, devant ce monument, devant cette foule, je regrette d'être venue jusque là.
Nous sommes toujours dans la voiture et aucun de nous ne parle. J'observe les allées et venues, je reconnais certaines personnes et d'autres pas. Ma main se pose d'elle-même sur la poignée et je suis déjà dehors. Allez Fall ! Mes pieds restent ancrés au sol et mes ongles se plantent dans mes paumes. Avec Paul, on s'est mis d'accord, on restera debout, au fond. C'est lui qui m'a proposé cette solution pour me détendre et je dois dire que cette idée me rassure. J'ai moins peur d'échouer maintenant que je sais que je n'aurais pas de spectateurs.
Je fais un premier pas, mes jambes ont du mal à me soutenir mais ce n'est pas grave, je vais y aller. Je traverse ainsi la route et me retrouve rapidement devant les marches menant à l'intérieur. Je soupire et m'apprête à monter les marches quand je sens qu'on prend ma main. Je baisse le regard et les doigts de Paul s'entrelacent aux miens. Il y a quelques semaines, je me serais raidie, mais aujourd'hui, ce contact me réconforte. Je lui adresse un sourire reconnaissant et nous montons ensemble les marches.
La cérémonie était très belle, d'anciens élèves lui ont rendu hommage. Madame Carré était une enseignante appréciée et ça s'est ressenti aujourd'hui. Elle a toujours été douce avec moi, même après tout ça. Elle voulait que je continue, mais je n'ai pas pu.
Nous nous retrouvons devant la voiture et attendons que tout le monde soit sorti. Je scrute la foule à la recherche de ma mère, elle voudra sans doute me voir. Mais mon cœur cesse de battre quand une silhouette longtemps oubliée apparaît devant moi.
— Fallen, me dit-elle.
Mais je disparais.
***
Je suis sur le balcon d'une de nos salles de classe et prends un peu l'air avant de retourner en cours. C'est la fin de l'année, j'ai sorti une jupe et un débardeur. Je profite des rayons de soleil pour hâler ma peau. Malgré mon poignet immobilisé depuis quelques semaines, je continue la formation.
— Tu es là, je te cherchais.
Je me retourne et lui souris. Roxane est mon amie depuis notre entrée au conservatoire.
— Je prenais un peu l'air, l'informé-je d'un sourire.
— Alors, le piano ne te suffit plus ?
Je ne comprends pas sa question et fronce les sourcils. Je ne l'ai jamais vue comme ça. Elle semble en colère, même furieuse.
— Tu voulais quoi ? La première place et mon mec ? me lance-t-elle rageuse.
— Quoi ?
— Je t'ai vue avec lui, tout à l'heure.
— T'es malade, Roxane, soufflé-je, exaspérée.
Roxane a toujours été comme ça, à croire que le monde complote toujours contre elle.
— Je te préviens, je n'hésiterai pas à t'évincer à nouveau.
— À nouveau ? demandé-je perplexe.
Dernièrement, Roxane est devenue obsédée à l'idée d'être la première en tout, tout le temps. Je savais qu'elle était du genre prête à tout, mais je ne pensais pas que ça s'appliquait aussi à moi.
— Tu as fait exprès ? Quand tu m'es tombée dessus, c'était voulu ?
Clap, clap, clap. Elle applaudit. Je ne comprends pas ce qui se passe.
— Tu en as mis du temps. Je te jure, approche-toi de lui encore une fois et...
Je la pousse et me dirige vers la porte en verre. Il faut que je prévienne la directrice. Mais alors que la porte s'ouvre, elle me retient par le bras, et me pousse contre la vitre.
— Qu'est-ce que tu vas faire ?
— Tu le sais très bien, vociféré-je.
Je la pousse contre la barrière du balcon. Je ne sais pas ce que je ressens pour elle. De la haine ? Du dégoût ? Je déteste cette fille, autant que je l'aimais il y a quelques minutes. Malgré ses côtés pervers, je l'ai toujours appréciée. Son air angélique fait que tout le monde lui pardonne toujours tout, même moi.
Je vais me retourner quand mon corps est propulsé en arrière. Un bang sonore me vrille les oreilles et, bientôt, je suis allongée à l'intérieur. Mon dos me fait mal et je comprends que la vitre s'est brisée sous mon poids. Je me redresse doucement sur mes coudes et sens les bouts de verres s'enfoncer dans mes bras. La douleur me pique les yeux. Je vais me relever quand mon ancienne amie se met à califourchon sur moi et me gifle. Je ne l'ai pas vue venir, et je me retrouve à nouveau au sol.
— Putain, mais t'es une malade, hurlé-je choquée.
Je me défends, mais chaque geste est un supplice. Je comprends que les bouts de verres sont en train de me scier le dos. Chaque mouvement pour me protéger est une douleur supplémentaire. Je ne sais pas ce qui me fait le plus mal, c'est bouts de verres qui entrent dans ma peau ou ceux qui me transpercent le cœur.
— Qu'est-ce qui se passe ?
Je tourne la tête et suis soulagée de voir apparaître Basile.
— Elle a pété un plomb, j'ai rien compris. Elle s'est jetée sur moi et a commencé à me frapper. J'ai dû me défendre, déblatère-t-elle sans reprendre son souffle.
Je tourne mon regard vers Roxane. Des larmes ont commencé à ruisseler sur ses joues.
***
Je reviens dans le présent et peux sentir que la pression de la main de Paul se resserre. Roxane est toujours devant moi.
— Tu ne peux pas m'en vouloir pour toujours Fallen, s'agace-t-elle.
Non mais, cette fille a-t-elle une once de bon sens ? Je ne dis rien, je me retiens de faire une scène.
— Tu..., souffle-t-elle en levant les yeux au ciel. Tu ne peux pas m'accuser de tout.
— Non ? ris-je amère.
— Non, Fall.
Sa condescendance, sa manière de me parler comme si je n'étais qu'une capricieuse fait monter la rage. Je me mords la joue pour ne pas exploser. Paul exerce une légère pression sur ma main et je comprends qu'il m'encourage. Oui, j'ai peut-être besoin d'exploser après tout, peut-être que j'ai besoin de tout lui cracher, de tout lui balancer.
— Tu as ruiné ma vie, Roxane.
— Rien que ça ? s'amuse-t-elle.
Je me retiens de la frapper.
— Tu as manipulé tout le monde, avec tes mensonges. Tu sais ce que c'est ? D'entendre les gens colporter des rumeurs à ton sujet ? De les entendre dire que tu es folle et que tu as une tendance à la mythomanie ?
— Tu n'avais qu'à passer au-dessus de ça !
— Tu t'es déjà fait huer par le public pendant une représentation ? lui demandé-je, les larmes aux yeux. Non, tu ne sais pas. Tu passes ton temps à te jouer des autres, tu manipules sans remords les gens, même tes amies.
Elle ne se doute pas de ce que son mensonge a engendré. Elle ne se doute pas que ça a mené à une chasse aux sorcières.
— Tu exagères, comme toujours, Fall.
— Ne m'appelle pas comme ça.
— Fallen ?
Je regarde par-dessus l'épaule de Roxane, ma plus grande déception apparaît devant moi.
— Tu es venue ? se réjouit ma mère. Je vois que tu es avec Roxane. Je suis contente que vous vous reparliez enfin toutes...
Je n'écoute plus la suite et tente de garder mon calme. Je me remémore l'un des pires jours de ma vie. Celui où j'ai perdu toute confiance en moi et en mon entourage.
***
Je suis à l'hôpital, plusieurs points de suture ont dû être faits dans mon dos. Je suis allongée sur le ventre.
— J'ai contacté l'école, ils vont faire changer les fenêtres, m'indique ma mère en entrant dans ma chambre d'hôpital. Ce genre de vieux modèle est beaucoup trop dangereux.
Elle ne me regarde pas et semble occupée avec son téléphone.
— Maman, tenté-je de l'interpeller.
— Ne te fatigue pas Fallen, je suis au courant de tout, soupire-t-elle.
— Je suis soulagée, elle va être renvoyée ?
Ma mère tourne sa tête vers moi.
— Pourquoi le serait-elle ? Elle est déjà bien gentille de ne pas porter plainte.
— Maman, ce n'est pas moi. C'est elle, je t'assure, dis-je tout en me rasseyant. Roxane m'a poussée. Elle m'a même avoué qu'elle m'avait fait tomber exprès la première fois.
Me mère pose ses coudes sur ses cuisses et se masse les tempes. Elle inspire profondément et son regard se pose enfin sur moi.
— Fallen, me gronde-t-elle. Elle avait raison et moi je n'ai rien vu. J'étais tellement centrée sur mon travail que je n'ai pas vu à quel point ça n'allait pas.
Qu'insinue-t-elle ?
— Crois-moi, maman. S'il te plaît. Je...
— Non, me coupe-t-elle. Toi, tu vas m'écouter. Tu vas arrêter de mentir et te faire toute petite. Est-ce que c'est bien clair ?
Mentir ? Comment peut-elle penser ça de moi ?
***
— Fall ? me chuchote Paul. Ça va ?
Non, ça ne va pas.
— Ne recommence pas, Fallen, me gronde ma mère.
La voir m'angoisse, sa voix me hérisse. Tout chez elle est une source de stress constante. Je voudrais lui dire que je la hais, qu'elle aurait dû être là pour moi. Mais les mots ne viennent pas, aucun son ne veut sortir.
— Taisez-vous, tonne Paul. Ferme les yeux. Tu veux faire quoi ?
Je n'ai pas besoin de les fermer pour savoir que là maintenant, je voudrais juste me sentir libre.
— Voir l'océan, réponds-je du tac au tac.
Il acquiesce et m'ouvre la portière. Sans un regard vers ma mère, je m'y engouffre. Elle tambourine contre la vitre, mais je ne lui réponds pas. Paul lui dit quelque chose et le ton monte. Leur conversation ne me parvient pas, mais elle se fige et recule avant de me regarder. Je détourne la tête et ferme les yeux.
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