CHAPITRE XIII 1/2 - Tessa
Les palpitations de mon cœur sont virulentes.
Elles battent, cognent à tout rompre le long de ma trachée et dans toutes mes terminaisons nerveuses. Mes doigts se referment, se crispent sur la clé que je tente de dissimuler tandis que je mets tout en œuvre pour me soustraire du séisme qui est en train de me ravager.
Personne ne parle.
Tout le monde s'observe.
Les deux gardiens s'avancent vers le criminel qui lui, ne parait pas déstabilisé plus que ça.
Désinvolte voire détaché, il semble évaluer la situation. De profil devant moi, je peux même apercevoir un léger rictus incurver le coin de ses lèvres pendant qu'il passe une main sur sa nuque.
L'instant d'après... il ricane.
Son comportement face au directeur de cette prison est déconcertant. Néanmoins, je me surprends à penser que son attitude, aussi imprévisible soit-elle, me rassure. Mais le regard de Miller reste focalisé sur ma personne. Je le sens si fort que ça commence à me perturber .
Des sueurs froides se mettent à traverser toute la longueur de mon dos.
—Mademoiselle Hartwood, s'enquiert-il en esquissant un pas dans ma direction, vous m'expliquez ?
—Je...
Ma bouche s'assèche et s'entrouvre, mon rythme cardiaque augmente de plus belle car je n'ai aucune explication tangible à lui donner. Ou plutôt, rien qui puisse justifier ma présence derrière son bureau sans m'enfoncer plus que je ne le fais déjà.
C'est fichu.
Je vais tout perdre.
Mon travail, ma crédibilité, mon avenir.
—On s'détend, Miller, l'interpelle subitement Cannon. Je tenais juste à mettre à jour un petit détail concernant l'entrevue que nous avons eue de la dernière fois, elle et moi. Rien de plus.
—MONSIEUR Miller, le reprend-il d'un ton ferme toujours en comblant le vide qui nous sépare. Auriez-vous omis de me parler de quelque chose, mademoiselle ? Je pensais que vous aviez tout le contenu qu'il vous fallait pour votre article.
—Euh... je...
La distance entre nous est maintenant dérisoire.
Encore un pas et tout sera fini.
La main sur la bandoulière de mon sac s'affaiblit alors que l'autre se raidit sur l'objet. Si fort que je peux sentir mes ongles se planter dans ma paume.
—De quel détail il parle ? insiste-t-il sans me lâcher des yeux.
En cet instant, j'ignore encore que la situation peut être pire et déraper davantage. Ce n'est que lorsque le criminel se met à secouer la tête en ricanant une nouvelle fois que je comprends que ma vie vient définitivement de basculer.
Un rire mauvais.
Un rire abusif.
—D'une évasion en bonne et due forme, Mon-sieur, gronde Ezra.
Mes yeux s'écarquillent tandis qu'un cri d'épouvante reste coincé dans ma gorge.
Avec une agilité déconcertante, il attrape le taser d'un des surveillants accrochée à sa ceinture, seul moyen de défense autorisé dans l'enceinte d'une prison, puis le pointe en avant sous les regards paniqués des trois hommes. Sans dévier de ses cibles et dans une lenteur voulue, il se met à reculer vers moi.
—Fais pas le con, Cannon, crache le directeur, un bras tendu sur lui. Tu sais très bien que tu pourras aller nulle part alors pose ça !
—Règle numéro un, dit-il en contournant le bureau, l'observation.
Il se positionne derrière moi, se collant à mon dos, puis porte le pistolet à impulsion électrique à hauteur de ma poitrine.
Je me décompose.
Retiens ma respiration.
—Règle numéro deux, gagner la confiance.
Sa main gauche se pose sur ma taille en même temps que ses lèvres viennent effleurer la base de mon front.
—N'est-ce pas, chaton ? murmure-t-il avant de déposer un léger baiser sur ma tempe.
La colère m'anime.
Je ferme les yeux afin de faire barrage à mes larmes, me maudissant d'avoir été si stupide. Une grenade dégoupillée prête à tout détruire. Voilà son impact, dans ma vie.
—Tu ne t'en tireras pas, s'agace le directeur en faisant signe à l'autre garde d'avancer. C'en est terminé pour toi !
—Tut tut tut tut, le cabot. Sois brave et reste dans ta niche.
À quelques centimètres de mon corps, Ezra appuie brièvement sur le bouton du taser. Faisant naître des arcs lumineux aux claquements vifs et intempestifs entre ses deux électrodes. Le gardien s'immobilise aussitôt.
—Cannon !
Je me fige.
—Et pour finir, reprend-il comme si de rien était, la troisième. Toujours prévoir un coup d'avance sur son adversaire.
Il délaisse ma hanche pour atteindre le seul tiroir que comporte ce bureau. Mon regard se baisse, dévie sur ses doigts dans lesquels un objet fin argenté s'anime et pivote au centre de la serrure en laiton.
Ma pince...
Désormais, c'est la haine qui me soudoie.
Mais pas pour longtemps.
Elle s'efface sur-le-champ pour muter en terreur quand la protection dérisoire cède et s'ouvre enfin, dévoilant sur son écrin brodé de bleu... un calibre.
Bien réel, cette fois-ci.
—Faudrait penser à changer vos habitudes, s'amuse le criminel tout en ouvrant le barillet de l'arme après s'en être emparée. Ça en devient limite insultant, tellement c'est simple.
—Remets tout de suite ce flingue à sa place.
—Sinon quoi ? fait-il semblant de demander en le refermant d'un geste sec de la main.
—Mais qu'est-ce que vous faites ? sangloté-je à voix basse.
Son bras retrouve place autour de mon ventre pendant que sa bouche, elle, frôle mon oreille. Une courte seconde où je le devine prendre une grande inspiration dans mes cheveux. Une étreinte avenante mais aussi fourvoyée quand sa barbe naissante picote ma peau alors que son souffle chaud irradie mes sens.
Un danger masqué en requête. En sollicitations.
Un mélange de vérité et de mensonge où il change le bien en mal et le mal en bien. Une réalité partielle de laquelle il se joue à la perfection.
Je plonge.
Le sollicite à mon tour en lâchant un soupir que lui seul peut percevoir. Et ça fonctionne. Il gronde de manière presque inaudible pendant que ses doigts se resserre et me pincent la peau par-dessus mes vêtements.
Je lutte.
Le plus terrible est que je sais, que je fonce droit dans le mur. Mais j'accélère quand même.
Il me tente.
M'aveugle.
M'invite dans son péché.
Je tombe.
—Changement de plan, chaton, chuchote-t-il. Maintenant on va se promener. Dégagez le passage !
Il ponctue sa phrase en remontant l'arme sur ma nuque et appuie sur celle-ci, m'incitant à me déplacer. Tout en me faisant pivoter pour avoir une vue d'ensemble sur les trois hommes, il nous entraîne à reculons vers la porte encore ouverte.
—Cannon lâche-la, réitère le directeur entre les dents.
—On va jouer à un jeu, connard, persifle Ezra en reculant toujours en direction de la sortie. Je te laisse cinq minutes et après tu pourras lâcher tes clowns. En revanche, si je n'en vois ne serait-ce qu'un seul, même à quatre minutes cinquante-neuf, j'la descends.
Je déglutis.
Mes jambes me portent encore mais menacent de s'effondrer à tout moment.
Qu'est-ce qui m'a pris de vouloir l'aider ?
—Bordel de merde, Cannon !
Sans attendre la moindre réponse, il me tire hors du bureau avant de claquer la porte sous le regard médusé d'Harvey.
—Ez', grogne ce dernier, tu déconnes sév...
—Ta gueule. Avance, toi, m'ordonne-t-il derrière moi.
D'une pression sèche sur mes reins, il m'entraîne à l'opposé des escaliers.
—Mais où est-ce qu'on va ?
—Ferme-la et avance !
Son timbre laisse sous-entendre de la nervosité alors que j'entends sa respiration se prononcer un peu plus sous notre allure soutenue.
—À droite.
Malgré moi et la peur au ventre, j'obtempère.
Un nouveau couloir s'offre à nous. Moins éclairé, plus sombre. Seules quelques lumières jaune qui grésillent sur les murs en béton apportent une faible luminosité.
—File ton portable.
Tremblante, je m'exécute et plonge la main dans mon sac.
L'écran s'allume.
—Je... y a pas de réseau.
—Je m'en branle, du réseau. Quelle heure il est ?
—Bientôt deux heures moins le quart.
—L'heure exacte, merde ! hurle-t-il à mon oreille en pressant fermement l'arme entre mes omoplates.
Son ton me fait sursauter et j'en lâche le téléphone.
Je m'empresse de le ramasser.
—Putain mais c'est pas vrai, Tessa...
—13h42.
—Okay, il nous reste trois minutes pour atteindre la laverie. Accélère !
Mes pas me guident plus par automatisme qu'autre chose. J'avance mais sans savoir où je vais, sans savoir pourquoi je le fais.
Une nouvelle porte se dessine.
Une porte où un gardien se tient.
Contre toute attente, cette vision me paralyse plus qu'elle me soulage. Car je me doute du débouché que va avoir cette rencontre.
—N'avancez plus ! intime le maton tandis qu'il porte déjà son talkie-walkie à son visage pour appeler du renfort.
Le criminel, lui, ricane.
—Ne regarde pas, chaton.
À peine le temps de comprendre que son avant-bras apparaît sur la droite de mon visage. Une détonation qui me fracasse le tympan retentit et le garde s'effondre sur la chaise disposée à ses côtés, la faisant éclater en plusieurs morceaux.
Il l'a tué.
À bout portant et sans une once d'hésitation.
C'en est trop moi. Trop de ce que je peux endurer. Mes jambes m'abandonnent et mes genoux viennent frapper le sol, aussitôt suivit par le plat de mes mains.
—Lève-toi !
Les larmes refusent de couler pourtant, elles sont bien là. À l'intérieur en train de noyer mon cœur. Une nausée phénoménale, quant à elle, menace de franchir la barrière de mes lèvres.
—Lève-toi, putain !
La rancœur et la colère se mélangent.
Vacillante mais déterminée, j'attrape un des pieds de la chaise qui a roulé jusqu'à moi sous l'impact puis me remets debout, l'arme de fortune braquée sur lui.
—N'approchez pas ! le menacé-je le bras levé.
Tête penchée sur le côté, il se contente d'arquer un sourcil qui je crois, se veut moqueur.
—Tessa... commence-t-il d'une voix étrangement calme. J'ai déjà plusieurs chefs d'accusation au cul, dont deux pour meurtre avec préméditation. Donc ma question est la suivante : tu crois vraiment m'arrêter avec ton tabouret pour poupées, là ?
Il effectue un pas.
J'en recule d'un.
Dans la pénombre, sa silhouette devient encore plus menaçante.
—Justement, pas la peine d'en rajouter d'autres !
Il soupire et de sa main qui tient le calibre, vient gratter son arcade du pouce.
—Ma condamnation à perpét' a légèrement dérapé en peine capitale après avoir buté mon codétenu. Alors tes pseudos menaces de gonzesse en manque d'adrénaline, chaton, comment te dire qu'elles me font plus bander qu'autre chose.
La peine capitale ?
Ce n'est pourtant pas ça qui est inscrit dans son dossier...
Je ne sais pas pourquoi mais cet aveu me dérange.
—Et en admettant que vous arriviez à sortir d'ici, vous allez faire quoi ? Me tuer ?!
Un fin sourire incurve subitement la commissure de ses lèvres.
—J'te déboîte le bassin.
Ma bouche s'entrouvre.
Cannon profite de ce moment pour m'arracher le bout de bois des mains et le balancer à terre.
—On peut y aller maintenant ? me souffle-t-il en désignant la porte.
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