64. Duo de choc
Et c'est reparti ! C'est simple, j'ai l'impression de jouer au Monopoly depuis un certain temps. Case prison, ne repassez pas par la case départ, et ne touchez pas les vingt mille dollars. Si seulement ! Les deux gardes se rapprochent de nous. L'un vient vers moi, et même si je tente de me défaire de son emprise, il est bien plus costaud que mes petits bras. Thomas me vient d'abord en aide en tentant d'attaquer le gardien, mais le deuxième, encore plus coriace, lui envoie son poing dans la figure pour le calmer, avant de le maîtriser en maintenant ses mains derrière son dos. Je n'ai plus que mon cerveau à disposition, alors s'il peut fonctionner et apporter une idée qui pourrait nous sauver, c'est le moment ou jamais.
L'homme fait un pas vers le couloir et me tire avec lui. Le mécanisme dans ma tête est bloqué. Il doit y avoir un rouage qui a rouillé avec le temps et la noyade de tout à l'heure. Il me manque juste un peu d'huile dans le moteur, c'est tout. Et même si la technique que j'ai en tête est légèrement masochiste, elle a pour habitude de marcher. Maintenant dans le couloir, je me stoppe et essaye d'arrêter l'avancée du garde à côté de moi. Mais étant donné qu'il est bien plus fort, ma tentative échoue. Cependant je ne m'arrête pas à la première phase. Je donne d'abord un coup de coude dans les côtes de l'homme, qui le remarque à peine et me secoue le bras pour ne plus que je recommence, puis finis par lui donner un puissant coup de pied dans le genou. L'homme le plie instantanément et alors que je commence à m'enfuir en marchant avec les mains attachées dans le dos, il se relève, me rattrape, et m'accroche le bras avant de me ramener à lui. Thomas et son Cerbère nous ont déjà rattrapé que mon garde m'assène une violente claque. Le brun réagit instantanément et tente de se libérer de l'emprise de l'homme qui le maintient fermement.
— Ne la touchez pas !
— Oups, je crois que c'est trop tard, répond simplement le coupable avec les dents serrés.
— Je vous jure que je vais vous...
— Garde tes menaces pour plus tard, le coupe-t-il.
L'homme se retourne simplement et continue sa marche. Mais ma technique a fonctionné. Le système est débloqué et une idée m'est venue instantanément. Et la phrase que lance le gardien tombe à pic :
— Nous sortons d'ici, et tu pourras t'expliquer autant que tu veux devant le patron.
— D'ailleurs, lancé-je, si on pouvait être sortis dans un peu moins de... disons cinq minutes, ce serait assez cool. Je n'ai pas prévu que mon corps finisse en petits morceaux de chair.
Le Cerbère de Thomas rapplique immédiatement, faisant comme si je n'étais pas là :
— Qu'est-ce qu'elle raconte ?
Mon gardien de prison ne lui répond même pas. Je crois que c'est le plus grand manque de respect que je n'ai jamais vu, j'ai envie de rire mais suis trop surprise. S'ils ne s'entraident même pas entre eux, qui va les aider ? Mais je commence surtout à stresser. Si ça ne fonctionne pas, je ne sais plus quoi faire. Alors quitte à ne rien faire, autant en rajouter une couche.
— Quatre minute trente... Je ne veux pas vous presser mais il va y avoir de gros dégâts. Et puis merde, après tout je n'ai plus rien à perdre alors que je crève ou pas, quelle différence ?
Cette fois, j'ai réussi à l'énerver, et je crois qu'il commence à douter de mon sérieux dans cette histoire. Il me fusille du regard et me serre le bras de sa grande main d'ogre.
— Qu'est-ce que tu as fait ? grogne-t-il toujours avec grâce.
Je le regarde avec des yeux d'un sérieux inébranlable, et serre les dents pour qu'il croit encore plus aux paroles que je vais lui énoncer. C'est notre dernière chance, mon jeu d'actrice doit être absolument parfait.
— Nous avons libéré quelqu'un et avons échangé sa place avec ses bourreaux. Et nous leur avons laissé un cadeau... explosif.
L'homme resserre sa poigne contre mon bras et me sonde de bas en haut. J'ai l'impression que l'attente de sa réponse dure des heures alors qu'elle ne doit être que de quelques secondes tout au plus. Allez, faites qu'il soit aussi stupide qu'il en a l'air !
— Prouves-le.
Waouh. OK. Je m'attendais à tout sauf à ça. Et quoi ? Je suis censée sortir un bouton rouge de ma manche pour le menacer d'appuyer dessus ? Je dois commencer à complètement paniquer quant au fait que nous allons tous êtres réduits en chair à pâté ? Ça ne collerait pas avec mon attitude je m'en foutiste de tout à l'heure. Alors quoi ? Il veut que je l'y accompagne peut-être ? Si c'est le cas, mon plan ne servirait plus à rien et je me serai fait mettre sur la gueule pour rien. Réfléchis, réfléchis...
— Cellule 213. Deux gardes : costauds, l'un a les yeux marrons et l'autre les yeux clairs. Et ce dernier a un tatouage de pin-up sur le bras. Ça a été difficile de le voir avant qu'on les assomme et qu'on leur retire leurs vestes pour fouiller leurs poches. On leur a pris leur petite rouquine en échange de... ah ben de rien en fait. Et on les a enfermé avec le petit cadeau avant de s'enfuir. Sauf qu'on avait pas prévu qu'on ne sortirai pas de là vivants.
L'homme commence à paniquer et demande à son collègue de le suivre immédiatement, nous laissant là comme si nous allions stagner. À ce niveau-là, je ne pensais pas que ce serait aussi facile. J'aurais pensé utiliser de nouveau la ruse pour leur échapper des mains pendant qu'on serait là-bas. Tant mieux, c'est bien plus simple ainsi. Nous les regardons donc courir en direction de la cellule dite, et quand ils ne sont plus dans notre champ de vision, nous courons comme nous pouvons dans le sens inverse, essayant de ne pas se perdre en chemin. De toute manière, nous avons fouillé tout ce côté-ci, alors il ne nous sert à rien d'y retourner.
Cela doit bien faire cinq minutes que nous courons dans tous les sens, Thomas et moi, les mains attachées derrière le dos. Mais ce sous-sol est un vrai labyrinthe, ce qui nous amène à deux choses, l'une négative, l'autre positive : nous galérons totalement dans ce qui est de la recherche de Jonathan, et les gardes doivent galérer encore plus pour nous retrouver nous. Ils ont maintenant dû se rendre compte que mon histoire n'était que du bluff, alors ils sont sans aucun doute à notre poursuite. Le brun et moi ne nous sommes pas arrêtés depuis que les hommes nous ont quitté, mais maintenant nous sommes assez loin pour ne plus être en danger.
Je fais donc une pause pour reprendre mon souffle. Cette course m'a épuisée. Courir cinq minutes sans arrêt est déjà pénible, alors avec les mains derrière le dos c'est encore plus périlleux. Il n'y a pas intérêt à tomber à la renverse si on ne veut pas avoir le nez fracassé. Le sac pend le long de mon bras, soutenu par la boucle qu'ils forment en ayant les mains liées l'une à l'autre. J'essaie d'attraper la fermeture mais dans la position dans laquelle je suis, il m'est physiquement impossible d'ouvrir quoi que ce soit. Par contre, je peux ouvrir celui de Thomas. Je lui demande de se retourner et tente d'abord de poser mes doigts sur la fermeture éclair. Ce premier travail est fastidieux, mais lorsque j'y suis arrivée, je peux aisément la faire glisser pour ouvrir le sac. Je cherche maintenant un couteau de poche, tache encore difficile quand on ne voit rien. Je ferme les yeux et me concentre sur mon toucher. Ça, c'est son arme, ça, une corde. Attends, quoi ? Pourquoi il transporte une corde avec lui ? Son oreillette qui a pris l'eau, et... le couteau ! Je l'ouvre et le tends à Thomas. Il aura beaucoup moins de mal à couper mes liens que j'en aurai à couper les siens avec les mains dans le dos.
Je sens d'abord la lame sur ma peau, et alors que je veux dire quelque chose pour éviter qu'il me tranche la main, il la relève vite pour la poser sur le cordon en plastique. Je le sens tirer dessus alors qu'il scie comme il peut. Au bout d'une ou deux minutes d'effort, je commence moi-même à tirer sur le cordon, et le plastique lâche. Je me sens libérée et passe instantanément mes mains sur mes poignets rougis. Ces choses sont les plus affreuses de toutes pour ce qui est d'attacher quelqu'un. Rapidement, je me retourne pour prendre le couteau des mains de Thomas et commence à couper frénétiquement ses liens. Étant donné ma position beaucoup plus confortable, je réussis bien plus vite et le brun peut être soulagé aussi. Une fois fait, je ferme le couteau et il se retourne vers moi, un peu inquiet. En voyant sa tête, je fronce les sourcils mais n'ai pas le temps de l'interroger.
— Est-ce que ça va ?
Il regarde le bleu que je dois avoir au niveau de la mâchoire, causé par la gifle du garde de tout à l'heure. Seulement, il n'est tellement pas rassuré qu'il appuie sur un mauvais endroit. Je grimace, ce qui a pour conséquence de le faire froncer les sourcils encore plus.
— Tout va bien, assuré-je en retirant ses mains de mon visage. C'est moi qui l'ai cherché, il fallait qu'il me frappe. C'était le seul moyen pour qu'une idée me traverse l'esprit, et ça a marché.
Le brun penche la tête sur le côté et son expression change du tout au tout. Je crois qu'il est blasé maintenant.
— T'es vraiment une grande malade.
— Il en faut bien au moins un de nous deux.
Je souris, fière de ma démarche. Seulement, maintenant je n'ai plus de plan. Il va falloir trouver Jonathan en peu de temps avant que notre présence ne se sache trop facilement et qu'il ne soit transporté hors d'ici. Encore une fois, réfléchis... Qu'avons-nous à notre disposition ? Les cerveaux de deux agents à sec de bonnes idées, autrement dit totalement inutiles, une corde dont on ne connaît toujours pas l'utilité, des gadgets qui sont complètement fichus et une paire de couteaux. Je pense que nous tenons le duo de choc. On aurait dû demandé à Zoé d'amener des armes, mais j'étais tellement focalisée sur le problème de Genny que je n'ai pensé à rien d'autre à ce moment-là. Cherche quelque chose, allez Alice, creuse-toi les méninges, tu peux le faire... Pose-toi la question, que ferait une chasseuse de prime ?
— Alice... Alice !
Thomas me sort de mes réflexions. Je cligne des yeux plusieurs fois et finis par le regarder alors qu'il me fixe, attendant très sûrement une réponse que je n'ai pas puisque je n'ai aucune idée de ce qu'il m'a dit.
— Tu ne m'as pas écouté, c'est ça ? devine-t-il.
Je tente un sourire innocent ce qui le fait lever les yeux au ciel et souffler légèrement. Ce n'est pas ma faute, j'essayais de nous sortir de là. J'ai l'impression qu'il devine mes pensées lorsqu'il dit :
— Je sais que tu essayes de trouver une solution, mais tu n'es pas la seule à réfléchir. Et j'ai une idée. Je ne sais même pas pourquoi on n'y a pas pensé plus tôt.
Il ne me dit rien de plus et cherche quelque chose dans la poche intérieur de son veston. Quoi, c'est tout ? Il ne pourrait pas aller jusqu'à la fin de son raisonnement ? Je le regarde, en attente, mais il ne me voit même pas et pianote déjà sur le téléphone privé chipé au garde. J'attends une ou deux minutes, et voyant que lui aussi patiente devant l'écran, je ne peux plus me contenir.
— Thomas, qu'est-ce que tu fais?
Il ne répond pas et reste immobile, les sourcils froncés, concentré sur ce qu'il trame sur son machin électronique. Je n'en peux plus, il ne peut pas me faire attendre aussi longtemps !
— Est-ce que M. Peterson veut bien répondre à l'appel ?
Cette fois il m'entend mais ne daigne toujours pas me regarder. Il se contente de répondre :
— M. Peterson est occupé, veuillez laisser un message.
D'accord. Donc là s'il ne se fiche pas de moi, c'est qu'il y a un sérieux souci. Je ne m'y attendais vraiment pas à celle-là. Je mords l'intérieur de ma joue et sonde le brun sans qu'il ne s'en rende compte. Cette fois, ça suffit. Je m'avance rapidement vers lui et tente de lui prendre le téléphone des mains pour voir ce qu'il fabrique, mais il est plus rapide que moi et le recule au niveau de son épaule.
— Hep hep hep !
Je lui lance un regard noir et d'un mouvement rapide essaye de nouveau de lui prendre le téléphone qu'il tient maintenant au-dessus de sa tête. Mais rien ne m'arrête. Je m'agrippe à lui, cependant ma main n'arrive même pas à son coude, alors j'abandonne, le fixant à quelques centimètres de son visage. Mais le brun n'a pas l'air affecté par mon manque de patience et semble plutôt amusé par mon comportement.
— Tu ne supporte pas de ne pas tout contrôler, pas vrai ?
— Oui, et tu le sais très bien.
Je ne bouge pas et continue de le regarder dans les yeux, attendant qu'il craque. Ou alors qu'il ait une crampe au bras droit. Mais rien ne vient, je n'ai pas envie d'attendre toute la journée, et je suppose que Thomas n'a pas que ça à faire non plus. En suivant donc mon bon sens, je pourrais le laisser faire et attendre encore cinq minutes qu'il termine. Mais mon bon sens a foutu le camp. Et une idée très ingénieuse vient de me traverser l'esprit. C'est tellement facile de faire craquer quelqu'un quand on connaît ses faiblesses. Comme quoi, je n'aime pas jouer à ce jeu-là habituellement, mais là je vais y consacrer un plaisir sadique.
Je lève doucement ma main droite et l'approche lentement du visage du brun. Puis je passe mon index sur sa joue et finis le dessin qui descend sur sa mâchoire, avec un sourire qui laisse apparaître ma grande satisfaction. Il semble surpris de ce geste mais reste totalement immobile. Son sourire a disparu au moment-même où j'ai posé ma main sur lui, tandis que le mien a fait surface. Je ne dis rien pour le moment et attends de voir comment il va réagir à la longue. Je dévie mon regard sur mon geste et lance enfin :
— Tu es sûr que je ne contrôle rien en ce moment ?
Je me mords la lèvre inférieur malgré moi, imaginant ce qu'il peut se passer dans sa tête en ce moment. Il finit par lever les yeux aux ciel. J'adore lui faire cet effet et je crois que c'est la première fois que ça me plaît, j'ignore pourquoi. Il redescend son regard vers moi avant de répondre :
— T'as pas le droit de faire ça, c'est du hors-jeu.
Je ne réponds rien. Tous les coups sont permis, aucune règle. Et il va finir par craquer, je le sens. Je passe maintenant à la vitesse supérieur et descends mon pouce sur son menton, près de ses lèvres. Il n'y a rien qui soit ambigu, je veux seulement jouer avec ses sens. Et pour le moment j'ai l'impression que je vais gagner la partie. Plus que quelques secondes... Thomas m'attrape doucement la main pour arrêter mon geste et me regarde droit dans les yeux, ne pouvant cacher un fin sourire secret.
— C'est bon, t'as gagné.
Je souris de toutes mes dents, victorieuse, et il baisse son bras pour m'expliquer son plan. Je me place à côté de lui et l'écoute attentivement en regardant l'écran.
— J'ai installé un logiciel espion sur ce téléphone pour retrouver Jonathan grâce à la carte SIM présente dans son téléphone. À condition de ne pas être trop loin, évidemment. Il suffit seulement qu'ils ne l'aient pas éteint ou qu'ils n'aient pas retiré la carte. Qui que ce soit qui a ce téléphone, il a été au moins une fois en contact avec Jonathan, et il pourra nous dire ce qui lui est arrivé. Avec un petit peu d'acharnement.
— Comment est-ce que tu as eu le numéro de Jonathan ?
— Je connais les numéros de tous mes contacts par cœur, question pratique.
Je hausse les sourcils dans sa direction. Impressionnée ! Le chargement se fait lentement mais nous avons le temps de prévoir ce que nous allons faire en arrivant devant l'homme qui aura le téléphone du blond, si jamais il est actif. Parce que ce qui est certain, c'est qu'ils ne lui ont pas laissé. Le mécanisme est assez lent, mais un page finit par s'ouvrir, comme un plan, et un point rouge apparaît. Je devine après que Thomas a soufflé que c'est bien le portable de Jonathan que nous voyons là. Il ne suffit plus que de savoir notre position actuelle. La barre continue de se remplir et nous en sommes maintenant à un peu plus de la moitié. Saleté de technologie. Même pas capable de faire ce qu'elles savent faire correctement.
Je peine légèrement à voir par-dessus l'épaule de Thomas qui se tourne face à moi, laissant le téléphone de côté un instant. Il me regarde, l'air d'attendre quelque chose, ouvre la bouche une seconde mais ne dit rien. Il jette un coup d'œil au téléphone entre ses mains rapidement, puis recentre son attention sur moi. Je le regarde de travers et fronce les sourcils. Je n'aime pas trop l'air qu'il affiche à ce moment-même. Il se rapproche doucement de moi et ne me quitte toujours pas des yeux, affichant toujours un sourire que je reconnais comme étant un peu fier. Son visage se rapproche du mien, et je peux sentir son souffle sur mes lèvres.
— Tu sais à quoi je pense en ce moment ?
Je ne réponds rien, sachant qu'il va me donner la réponse dans un instant. Il rapproche un peu plus ses lèvres des miennes avant de lâcher :
— Que je sais exactement où est Jonathan.
Il se recule d'un coup et sourit, alors que je m'attendais à tout autre chose. Je dois avoir une sale tête puisqu'il me regarde et se moque de moi, fier de m'avoir eu à ce jeu. OK, un point partout. Je le fusille du regard alors qu'il commence déjà à reculer pour s'en aller, ne me quittant pas des yeux et gardant cet éternel sourire arrogant sur les lèvres. Je me rue sur lui, lui donne une tape sur l'épaule, et ne peux m'empêcher de répliquer :
— Je te préviens, je vais me venger et tu ne le sentiras pas venir.
— J'attends de voir ça.
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