57. Pris au piège
Je n'arrive pas à croire ce qui vient de nous arriver. Ça s'est passé tellement vite. Nous avons pourtant essayé de nous débattre quand ils s'en sont pris à nous, mais que peut-on faire quand on nous menace avec une arme sur la tempe ? Nous avons suivi ces hommes sans rien pouvoir faire, et on ignore même qui ils sont. Pris au piège par de parfaits inconnus qui ont simplement été plus nombreux et mieux armés que nous. Et maintenant nous sommes bloqués avec ces bracelets de fer à ce maudit tuyau d'évacuation. Notre situation ne pourrait pas être pire. Je remarque que les hommes ont laissé nos sacs par terre, avec nous. Seulement, ils sont totalement hors de notre portée, impossible de les atteindre dans la position dans laquelle nous sommes.
Mais vraiment, quelle bonne idée de nous attacher avec le bras au-dessus de la tête ! Je ne vais pas attendre longtemps avant d'avoir une crampe si nous restons comme ça, sans bouger. Cette dernière pensée me fait réfléchir à quelque chose. Les hommes vont sûrement avertir leur supérieur que nous sommes ici, ce qui veut dire que Jonathan est en danger. Il faut que nous sortions d'ici tout de suite avant qu'il n'ait des problèmes. Je regarde Thomas, qui essaye de trouver une position confortable pour ne pas se faire mal au bras j'imagine. Il a l'air furieux, vraiment très remonté même. Je ne m'attarde pas sur son état et tend ma main vers mon sac, à au moins un mètre de moi. Mais ce n'est vraiment pas la peine que j'essaye, je ne pourrai jamais l'atteindre comme ça. Il faut que je trouve un moyen pour nous détacher et nous sortir de là. Je tourne une nouvelle fois mon regard sur Thomas. Il n'arrête pas de bouger et ne fait que des gestes brusques.
—Tu veux bien arrêter ! m'écrié-je, n'en pouvant plus. Il faut qu'on trouve une solution pour se sortir de là où Jonathan aura de réels problèmes.
—Il en a déjà des problèmes ! éclate-t-il. C'est nous qui allons en avoir par contre. Tu aurais dû m'écouter et rester cachée pendant que je me serais fait embarqué par ces gars ! Mais, comme d'habitude, tu n'en a fait qu'à ta tête !
Je suis sur le point d'exploser. Alors comme ça, c'est de ma faute si je suis dans ce pétrin ! Je devrais m'excuser d'avoir voulu aider Monsieur et d'avoir décidé de ne pas rester les bras croisés.
—Va te faire voir, OK ! Je ne vais pas te demander pardon, ce n'est pas de ma faute si on est là !
—J'ai fait ça pour te protéger !
J'arrête la conversation ici. Je n'ai aucune envie de débattre là-dessus, surtout dans la situation dans laquelle nous sommes. Et je n'ai aucun besoin d'être protégée, il faut qu'il se mette ça en tête. Je jette un œil à la ceinture de Thomas. L'arme n'y est plus. Mon regard tourne de droite à gauche, essayant de trouver un quelconque moyen dans cette salle pour me délivrer. Il n'y a que deux solutions pour nous libérer de ces trucs. Soit nous arrivons à ouvrir ces menottes par n'importe quel moyen... soit il va falloir s'attaquer au tuyau pour pouvoir en sortir.
Évaluant mentalement ce que je porte sur moi, je me rends compte que rien ne pourra m'aider à crocheter la serrure de nos menottes. N'ayant pas d'autre plan en tête, je tire de toutes mes forces sur mon bras pour essayer de faire glisser ma main dans l'anneau. Mais rien n'y fait, les hommes ont beaucoup trop serré pour que je puisse faire quoi que ce soit. Je regarde mon autre main dans le bandage et repense à cette matinée ou le miroir avait pris un sacré coup. Mes yeux se promènent de ma main au tuyau sans vraiment réfléchir aux conséquences que cela peut avoir. Il faut absolument tout tenter. Ne rien laisser de côté. Même les choses les plus folles. Je ferme les yeux, ferme ma main en poing, et l'envoie de toutes mes forces sur le tuyau gris. Un bruit sourd se fait entendre, rapidement suivi par une vive douleur dans mes phalanges. Le tube en aluminium a à peine bougé et Thomas me regarde comme si j'étais devenue dingue.
—Qu'est-ce qui t'as pris ?
—J'essaye de nous arracher à ce maudit tuyau, répondis-je simplement en secouant ma main pour faire passer la douleur.
Thomas souffle doucement, puis il relève la tête et cherche quelque chose à son tour dans la salle. Il semble trouver quelque chose qui l'intéresse en quelques secondes. Le brun se penche comme il peut sur le côté et va dévisser un boulon qui maintient un tube de métal assez fin au mur. Je ne peux pas l'aider étant donné que je suis de l'autre côté, et il semble transpirer rien qu'au fait de forcer sur ses bras pour atteindre ce tube de métal. Mais il a l'air d'y parvenir, et après une ou deux minutes, le boulon tombe au sol. Il s'attaque à un deuxième, et, alors que celui-ci est presque dévissé, Thomas tire directement sur le tuyau pour l'arracher. L edeuxième petit outil finit sa trajectoire à côté du premier et Thomas se tourne vers moi, les sourcils froncés, apparemment épuisé, mais avec le tube gris en main. Il reprend une respiration normale avant de prendre de l'élan et frapper du plus fort qu'il peut le tube en métal contre le tuyau en aluminium. Ce dernier tremble sous le coup mais n'affiche aucune marque. Pas un creux, même pas une petite égratignure. Mais le brun ne se laisse pas abattre et continue avec second coup, puis un troisième, et ainsi de suite jusqu'à ce que son bras chauffe et ne puisse plus soulever l'objet qu'il a dans la mains.
Alors à mon tour, je prends l'outil des mains de Thomas et veut frapper sur le tuyau. J'y parviens, mais je suis trop petite pour que le coup qui a atteint le tuyau soit assez fort. Il faut que je prenne de la hauteur. Je m'aide alors de mon poignet attaché aux menottes pour garder l'équilibre et monte sur un tuyau au niveau de mes jambes. Il n'a pas l'air très solide, mais c'est le seul qui soit à ma portée. Je tape de toutes mes forces au même endroit frappé précédemment par Thomas, espérant qu'il cède une bonne fois pour toutes, mais seules des égratignures, pour la plupart causées par mon coéquipier, se font voir. Je renouvelle mes efforts alors que Thomas se repose, la tête contre son bras. Mais je suis vite arrêtée par sa voix.
—Alice...
—Qu'est-ce qu'il y a ? demandé-je en tournant la tête vers lui.
Il a le regard fixé au sol. Enfin, c'est ce que je crois au début, mais je ne comprends que trop tard ce pour quoi il voulait m'avertir. Je me sens tomber et un cri de surprise s'échappe de mes lèvres. Le tuyau a dû céder, et je suis rattrapée par les menottes qui ont empêché mes genoux de heurter le sol. J'entends un liquide couler et baisse les yeux. Mes pieds se refroidissent petit à petit. De l'eau est en train de couler du tuyau abondamment. Je suis son trajet du regard ; elle s'étend rapidement sur le sol jusqu'à atteindre la porte de la salle.
Elle ne coule pas. L'eau ne coule pas sous la porte. Cette dernière est totalement hermétique. Ça ne veut dire qu'une seule chose : l'eau va continuer de monter dans la pièce jusqu'à ce que ce flux s'arrête.
***
Je me suis battue pendant de longues minutes avec le tuyau, et Thomas aussi, mais nous avons fini par abandonner. Nous ne pouvons rien en faire, et nous ne voyons pas d'autres solutions à notre problème. Quand il n'y a rien à faire, on ne peut pas lutter contre le vide. Je me sens affreusement coupable de notre situation en ce moment. Si j'avais agi autrement, nous n'en serions pas là.
Je sais très bien comment ça va se finir. Nous le savons tous les deux. Tout est de ma faute, et Thomas va payer pour mes erreurs. Il n'y a pas de mot pour décrire mon ressenti en ce moment. J'aimerai m'effondrer, m'asseoir et plonger la tête entre mes bras pour oublier tout ce qui m'entoure, mais je ne peux même pas faire ça. Le bruit de l'eau qui continue de couler ne s'entend plus puisqu'elle recouvre le tuyau et étouffe tout son provenant de là. Elle m'arrive maintenant presque aux genoux. Elle est froide, très froide même, mais je n'arrive même pas à penser à une quelconque gêne de ce côté là. Il y a bien plus grave qu'un bain d'eau froide en ce moment. Je tourne mon visage vers Thomas. Ses deux mains sont appuyées contre le tuyau auquel nous sommes attachés et il a posé sa tête entre ses biceps.
—Je suis vraiment désolée, lâché-je, sachant que ça n'arrangera pas les choses.
Je n'ai jamais été très douée pour avouer mes fautes, alors je n'ai pas beaucoup d'expérience dans ce qui est des excuses. C'est la seule phrase qui m'est venue, et elle a au moins le mérite d'attirer l'attention de Thomas. Mais, au fond de moi, même si cette phrase est sortie de ma bouche, elle n'a aucun sens. Je ne sais pas comment il pourrait me pardonner alors que je ne me pardonne pas moi-même. Je ne lui demande pas de me pardonner d'ailleurs. Ce serait vraiment égoïste. Il me répond, alors que je ne m'attendais pas à ce qu'il le fasse :
—Ce n'est pas ta faute... On s'est trouvé au mauvais endroit au mauvais moment, c'est tout.
—Ne dis pas ça, répliqué-je à peine sa phrase terminé. Je sais très bien que je nous ai condamné.
Je ne dis rien pendant un instant, puis je reprends avec un rire nerveux :
—J'aurais dû m'en douter. Je ne réussi qu'à détruire les choses autour de moi, pas à les sauver.
—Arrête, tu sais très bien que c'est faux...
Je ne réponds rien une nouvelle fois et me contente de regarder ailleurs. Je n'ai pas envie de rentrer sur ce terrain là.
***
Quelques minutes sont passés, et le niveau de l'eau est maintenant arrivé à mes cuisses. Il monte incroyablement vite. Je n'arrive pas à croire que le temps s'écoule à une telle vitesse. Il y a encore tellement de choses à faire ici, je ne peux pas m'imaginer que nous n'allons pas pouvoir y contribuer. Je me rends compte que les gens qui m'entouraient au cours de ces derniers temps sont presque inconnus pour moi. Je ne sais pas grand chose d'eux. Je pense que du côté de Zoé, c'est peine perdue. Le micro a été éclaboussé quand le tuyau s'est ouvert et maintenant il est foutu. Je n'ai donc plus aucun moyen de communiquer avec elle. Mais mon regard se tourne vers le brun à côté de moi. Je ne compte pas partir avant qu'il m'ait raconté absolument tout de lui. Je suis bien trop curieuse pour rester dans l'ignorance. Je bouge un peu pour faire circuler le sang dans mon bras attaché et finis par demander à mon coéquipier :
—Pourquoi est-ce que tu ne vis plus avec tes parents ?
Thomas semble surpris par une telle question dans un moment pareil. Puis finalement, il paraît réfléchir à cette interrogation. Je suppose que maintenant, il n'a plus rien à cacher.
—Ils ne me laissaient pas assez de liberté... Avoir des parents toujours sur le dos, c'est fatigant à la longue. Alors je me suis tourné vers la PPAE. Enfin, c'est plutôt elle qui s'est tournée vers moi.
Je suis choquée par ce que je viens d'apprendre. Je ne sais pas comment je dois le prendre. Il ne sait pas la chance qu'il a d'avoir de tels parents. D'en avoir tout court, d'ailleurs. D'avoir des personnes sur qui il peut compter quoi qu'il fasse. Je n'ai qu'une envie, c'est de lui mettre la vérité devant les yeux.
—Tu n'es qu'un crétin, Thomas Peterson. Tu le sais, ça ?
Il n'a pas l'air très surpris par ma remarque. On a déjà dû la lui faire. Il se contente de sourire faiblement.
—Dixit la fille qui vit seule dans son appartement.
Je réagis immédiatement à cette remarque, l'ayant pris pour moi. S'il y a bien un sujet qu'il ne faut pas attaquer, c'est celui-ci.
—Ce n'est pas pareil. Je n'ai pas eu le choix.
—On a toujours le choix.
—Je ne l'ai pas eu quand toute ma famille est morte du jour au lendemain ! explosé-je.
C'est sorti malgré moi, et toute la colère que j'avais par rapport à cette image est sortie avec. Thomas reste sans voix. S'il y a bien une chose que je voulais garder pour moi, c'était celle-là. Je ne supporte pas ce regard de pitié qu'on porte sur moi quand j'en parle. Alors j'ai arrêté d'en parler. Mais le brun ne semble pas porter de pitié à l'instant, il a l'air surtout choqué par cette nouvelle. Il ne semble pas comprendre, et là où j'en suis, avec ce qui nous attend, je n'ai plus d'autre choix que de tout lui raconter. Après tout, ça ne sortira pas de cette pièce. Alors je souffle et me lance :
—Ça s'est passé il y a un peu plus de deux ans. C'était un soir de février, vers 23h30. Mes parents, mon frère et moi étions allés à une exposition d'un artiste que j'aimais particulièrement, et qui n'exposait dans notre ville que ce jour-là. J'ai dû réserver les places des mois à l'avance pour être certaine qu'on pourrait y aller. On était sur la route du retour, tout allait pour le mieux, ma mère et moi commentions les tableaux qui nous avaient le plus plu. Et puis un chauffard est arrivé en face. Il ne roulait pas particulièrement vite, mais son camion mangeait une très grande partie de notre route. Mon père a klaxonné mais il n'a pas bougé, alors il a essayé de l'éviter presque au dernier moment. Nous avons pu éviter le choc. Mais la route était glissante, et il a perdu le contrôle de la voiture...
Je reprends mon souffle. Mon cœur me fait un mal de chien dans ma poitrine. Toujours le regard dans le vide, je continue sans me soucier de la réaction de Thomas.
—J'ai été la seule à m'en sortir sans égratignure. Seulement quelques bosses et des points de suture. Mes parents et mon petit frère ne s'en sont pas tirés. Et j'ignore pourquoi je suis toujours là. Ça ne devrait même plus être le cas. Je m'en suis voulu pendant des mois, d'avoir survécu alors que cette sortie était de ma faute. C'est moi qui ait insisté pour y aller et ce sont eux qui ont payé. Quand je disais que je détruisais tout sur mon passage... J'ai été balancée de familles d'accueil en familles d'accueil. Aucune ne voulait me prendre sous sa responsabilité, je n'arrêtais pas de m'enfuir à chaque fois. Je ne supportais pas d'appartenir à une famille qui n'était pas la mienne. J'avais besoin de ma propre liberté.
Ma main tombe sur mon pendentif à ces mots. Si Jonathan savait à quel point il a raison...
—J'ai fini par réussir à m'enfuir et j'ai commencé à faire des choses pas très réglos. Il me fallait un moyen de gagner de l'argent, alors je me suis fait un réseau et j'ai commencé à revendre des faux bijoux. Je me suis fait prendre plusieurs fois. C'est là que j'ai connu Isa, la secrétaire du commissariat de police. Et c'est aussi comme ça que les services sociaux m'ont retrouvé. Après quelques temps, j'ai réussi à m'émanciper et Isa m'a proposé un travail en tant que chasseuse de primes.
Je me tourne pour la première fois depuis le début de mon discours vers Thomas qui me regarde dans les yeux. Il n'a pas bougé d'un cil. Il était subjugué par mon récit. Il n'y a pas de quoi, pourtant.
—Voilà, conclus-je. Maintenant tu sais absolument tout de ma vie. Tu dois être content, je n'ai plus aucun mystère pour toi.
Thomas ne dit rien. Il ne fait que souffler légèrement, comme s'il avait coupé sa respiration jusque là. Je le remercie déjà intérieurement de ne pas me regarder comme si j'étais un chien battu. Il doit certainement savoir que je ne suis pas le genre de personne à trouver du réconfort chez les autres.
Alors que je regarde le niveau de l'eau monter, maintenant au niveau de ma taille, le brun lâche :
—Mon père tient un cabinet de kinésithérapie. Il a toujours voulu que je le reprenne quand viendrait mon tour, mais je n'ai jamais été attiré par ce genre de boulot. Alors quand je lui ai dit sérieusement que je ne comptais pas le reprendre, il s'est énervé... J'ai lu tellement de déception dans ses yeux à ce moment-là que j'ai préféré fuir la situation. Je ne pouvais pas le supporter venant de mon propre père. Je ne l'ai plus revu depuis...
C'est à mon tour de ne rien dire. Bien que sa situation soit différente, lui aussi a fuit quelques chose. Il me comprend alors mieux que ce que je pensais.
***
Quelques temps sont passés, et je sens l'eau remonter, petit à petit que le temps s'écoule, à mon cou. Elle atteindra bientôt mon visage. Mais je ne peux pas rester sans rien faire. Thomas est plus grand que moi, il n'a eu aucun mal à s'accrocher au tuyau pour gagner du temps. L'instinct de survie. C'est ce qui nous oblige à nous battre jusqu'au bout. Je saute comme je peux alors que presque tout mon corps est englouti par l'eau et arrive à attraper le tuyau. Même si je m'étais un peu préparée, je commence légèrement à paniquer. Et cela doit se voir sur mon visage.
—Hey, Alice... Ça va aller, me rassure Thomas.
Une larme coule malgré moi en voyant le visage de Thomas. Il a un regard triste, je ne l'aurais jamais imaginé afficher une telle expression. Je lui souris faiblement. L'eau monte jusqu'à mon menton, le plafond n'est plus qu'à quelques centimètres de mon visage, et alors que le froid s'empare de moi, je lâche le tuyau, étant naturellement supportée par l'eau, et inspire un bon coup.
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Hey ! Vous connaissez maintenant le passé d'Alice et je suppose que certaines questions ont eu leurs réponses.
Juste un petit mot pour vous dire (pour ceux ou celles qui ne l'auraient pas vu) que j'ai ouvert un coverbook qui s'appelle Cover's Universe. Je suppose que tout le monde sait ce que c'est mais au cas où, c'est un livre où vous pouvez passer une commande pour faire faire la couverture de votre histoire sur Wattpad.
A bientôt !
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