39. Comment ça, disparu ?
Quoi ? Comment ça Jonathan a disparu ? C'est impossible, ils doivent se tromper, ça fait à peine deux jours que nous avons arrêté la mission. Et puis, l'espion est sous les barreaux maintenant comment est-ce qu'une chose pareille aurait pu arriver ? Je garde mon calme, souffle un bon coup, puis j'envoie un message directement à Thomas. S'il y a bien une personne qui doit être au courant de ce qui se trame à la PPAE, et surtout en ce qui concerne Jonathan, c'est bien lui. Mon message est directe, et j'espère qu'une chose, c'est qu'il me réponde vite.
— Thomas, c'est quoi cette histoire à propos de Jonathan ? Je ne comprends rien. Depuis quand est-ce qu'il a disparu ?
Je ne tarde pas à recevoir une réponse. Mon portable vibre, et je me jette instantanément dessus, trop curieuse pour attendre une seconde de plus.
— Comment ça, disparu ? Ce ne doivent être que des rumeurs que les agents de Fickelman ont monté pour faire un dernier scandale. Ne crois pas tout ce que tu lis dans les magazines.
Son message m'agace. Mais il me prend pour qui ? Une fille qui passe sa vie à lire des magazines de stars ? Je tape frénétiquement sur mon clavier, ne voulant pas croire à ce qui est marqué sur l'écran de mon ordinateur. Si Thomas n'est pas au courant, c'est que ce doit être une fausse info qui doit dater du début de l'enquête.
— Je suis sur le site de la PPAE, figure-toi. Alors maintenant explique-moi : qu'est-ce qui se passe avec Jonathan ?
L'absence de vibreur n'arrange pas mon état. Je déteste être comme ça, mise à l'écart, sans ne rien comprendre à ce qui se passe autour de moi. J'attends une minute, près de deux minutes alors que jusque là les messages fusaient, puis je reçois enfin ma réponse. Une réponse inattendue :
— Ne bouge pas, j'arrive dans dix minutes.
Je fronce les sourcils et ouvre de grands yeux à la vue de ce texte. Les réactions fusent et s'inscrivent directement sur l'écran de mon cellulaire.
— Quoi ? Non ! Dis-moi ce qui se passe !
Et une fois de plus, l'appareil ne vibre plus. Une minute, puis deux, puis trois, et je comprends qu'il est déjà parti sans même prendre en compte mon dernier message. Ce qu'il peut m'énerver ! Moi qui pensait ne plus jamais avoir affaire à lui, mais pourquoi est-ce que c'est à lui que je me suis adressée ? Ce pouvait être Stevens, ou Zoé ! Mais non, mon cerveau a pensé en premier à ce garçon insupportable ! Je me déteste, ça y est, c'est certain.
***
Ça fait exactement huit minutes que j'attends comme une imbécile, assise sur le canapé. Mes jambes n'arrêtent pas de bouger, et sans que je le veuille, cette histoire de disparition m'atteint directement. Sans le vouloir, j'ai dû trop me rapprocher de Jonathan. Je n'aurais jamais dû accepter cette mission, j'aurais dû l'oublier après m'être rendue compte de la supercherie qu'avait tramé la PPAE avec Thomas et moi. J'aurai dû tout quitter et tout oublier pendant qu'il en était encore temps. Parce que maintenant j'ai l'impression d'être encore liée à cette affaire, alors que je ne devrais pas. Mais je n'aurais pas pu. Je n'aurais jamais pu prendre la décision de tout abandonner. Parce que ce n'est pas dans ma nature. S'il y a bien une chose que je déteste en plus des mensonges, c'est la lâcheté. Et ça aurait été faire preuve de lâcheté si j'avais abandonné Jonathan alors qu'il était en danger. Le vrai problème, c'est que je n'aurai jamais dû faire semblant d'être son amie. Parce que je le suis devenue. En tout cas, il m'a toujours traité comme telle.
Je me lève du canapé, ne pouvant plus rester en place, tout en vérifiant l'heure sur mon téléphone toutes les vingt secondes. Lorsque j'entends la sonnerie de la porte d'entrée, je me hâte à pas rapides vers celle-ci, l'ouvre, et sors sur le pallier avant de refermer la porte derrière moi.
— Qu'est-ce que tu fais là ? Je t'avais dit de ne pas venir !
— Montre-moi la page de la PPAE. Il faut que je la vois, dit-il d'une voix qui est loin d'être posée.
— Dis-moi d'abord ce qui se passe !
— Je ne peux pas te répondre du moment que je n'ai pas vu cette page.
Je souffle d'impatience et passe une main sur mon front chaud, avant de finalement rouvrir la porte et la franchir. Thomas n'attend pas ma permission pour rentrer et vient directement me rejoindre devant l'ordinateur. Je lui laisse à peine quelques secondes pour inspecter l'écran avant de le questionner de nouveau :
— Maintenant, explique-moi.
— Ce message date de ce matin, lâche-t-il d'un ton beaucoup plus calme que le mien. Il n'y a rien à expliquer. Jonathan a bien disparu.
— C'est complètement stupide. Ils n'auraient jamais posé cette info sur ce dossier sans te mettre au courant. Tu es le mieux placé dans cette enquête pour les aider, tu en sais plus qu'eux tous.
— Pas s'ils ne veulent pas de moi sur leur dos.
— Qu'est-ce que tu veux dire ? demandé-je sans vraiment comprendre le sens de ses mots.
Thomas branche une clé USB à l'ordinateur sans me répondre, télécharge des fichiers de la PPAE avant de retirer la clé.
— Stevens m'a envoyé en mission ce matin, explique-t-il en refermant son sac. Je devais partir pour l'aéroport...
Il consulte sa montre d'un geste machinal.
— Il y a deux minutes. En direction du Michigan, pour une affaire de drogues qui viendraient du Canada. Il a voulu m'éloigner d'ici.
Il met son sac à l'épaule et s'apprête à partir mais je le retiens en attrapant la lanière qui pend de son sac à dos.
— Attends deux minutes, tu vas où avec ça ?
Je parle de la clé, évidemment. Je ne sais pas ce qu'il a prévu de faire, mais je n'ai pas envie qu'il me mêle à des affaires douteuses. Je m'en étais bien sortie jusque là alors je n'ai pas envie que ça recommence.
— Je vais à la PPAE, répond-il, déterminé et furieux, sûrement contre Stevens.
— Et moi je t'aurais servi à avoir l'information du siècle et les documents qui l'accompagnent ? Hors de question.
Thomas hausse les sourcils et lève les bras à hauteur de ses épaules comme pour me demander quelque chose de stupide.
— Quoi ? Qu'est-ce que tu veux faire ? Tu fais ton boulot de chasseuse de primes, non ? Alors laisse-moi faire le mien. Ce n'est pas n'importe quelle mission, c'est celle qui concerne Jonathan, et je ne le considère pas comme n'importe qui. J'ai passé un an à le suivre partout dans ce qu'il faisait, alors il n'est pas question que je le laisse tomber maintenant.
Son discours me fait réfléchir quelques secondes. Puis je me tourne pour prendre ma veste et les clefs de ma moto.
— D'accord. Je viens avec toi.
— Ça, n'y penses même pas. Tu vas me ralentir.
Je serre les poings et la mâchoire, prête à exploser. Puis je relâche tout en gardant la rage bien ancrée dans mon estomac. Je fais un pas vers Thomas et lui lance un regard noir. Je n'en peux plus, alors je ne me retiens plus.
— Tu sais quoi, Thomas ? Je t'emmerde. J'emmerde toutes tes façons de faire, ta façon de tout décider comme si tu contrôlais tout, y compris moi, celle que tu as de garder pour toi les choses intéressantes et de libérer les choses inutiles pour faire croire que tu te dévoiles alors que ce n'est pas le cas.
Je marque une pause histoire de reprendre ma respiration et refais un pas vers lui. Mes yeux continuent à se lever pour ne pas quitter son regard et être sûre de bien me faire comprendre.
— Je viens avec toi, et ce n'est pas une proposition.
Après une longue conversation mouvementée, j'ai finalement cédée pour monter à la place passagère de sa voiture. Pour lui, c'est une façon de s'assurer qu'il m'aura toujours à l'œil pour ne pas que j'agisse sans lui. Toujours cette tendance à tout contrôler dans son travail. Et j'ai finalement accepté en me rendant compte que ça serait plus pratique si je veux être sûre que je ne le perde pas en route. Il aurait été capable de tout faire pour sortir de mon champ de vision, et comme je doute que l'adresse de la PPAE se trouve dans mon GPS, ça ne m'aurait pas forcément aidé.
***
Nous roulons maintenant depuis plus d'une heure, et contrairement à l'habitude que nous avons quand nous sommes tous les deux, le voyage n'a pas été complètement silencieux. Nous n'avons pas arrêté de nous poser des questions sur la disparition de Jonathan. Comment est-ce que s'est arrivé ? Qui a pu orchestrer ça alors que nous avions arrêté les deux responsables de l'affaire ? Ce qui nous amène à notre dernière question : qui a enlevé Jonathan ? Mais il n'y a pas que ça. Je m'inquiète de ce qu'ils vont lui faire. On ne sait pas ce qu'ils veulent, et on ne sait pas non plus jusqu'où ils sont prêts à aller pour l'obtenir. Avant de partir, j'ai fouillé pendant plusieurs minutes dans le débarras pour retrouver le carton qui concernait l'affaire Hale. J'y ai récupéré le fichier où j'avais noté toutes les informations importantes pour avancer dans l'enquête. Je n'ai pas pour habitude de revenir sur des affaires qui ont déjà été réglées, même s'il s'ensuit des problèmes, et surtout si j'ai déjà été payée. Mais ce serait contre mes principes que de renoncer à aider Jonathan. Ce serait comme laisser une personne dans un maison en feu alors qu'on a déjà réussi à en sortir soi-même.
Je tourne les pages une à une et revérifie chaque personne étant sur la liste des suspects, mais elles ont toutes été écartées lorsque nous avons découvert que Wood Van Del alias le Professeur Field trempait dans le complot. Et avec toutes ces questions qui trottent dans ma tête, impossible de réfléchir convenablement. Je ferme le dossier et le pose sur mes genoux, excédée. Si ça se trouve, ce n'est même pas un espion qui a fait ça, et il se peut même qu'il n'ait pas été enlevé au lycée. Après tout, rien ne nous le prouve. Georges Hale n'est pas très souvent chez lui, et Gloria n'est pas vraiment de taille à affronter des kidnappeurs. Mais comment est-ce que ça a pu nous échapper ? Les sourcils froncés, je ne peux m'empêcher de soutenir un air inquiet à travers ma colère et mon incompréhension.
— Hey ! m'interpelle doucement Thomas.
Je tourne ma tête vers lui pour l'écouter. Il a l'air plus détendu que tout à l'heure.
— On va le retrouver, finit-il par lâcher.
Vraiment ? On ? Ces mots ne franchissent pas mes lèvres. Pour une fois que l'atmosphère n'est pas tendue, je vais la laisser telle qu'elle. Pourquoi ne pas y croire ? Peut-être qu'un jour, et j'ai bien dit peut-être, pourrons-nous nous entendre un tant soit peu. Et puis, il a l'air d'être sincère, alors ce serait particulièrement mal placé de ma part si je le questionnais sur la véridicité de ses propos. Je me contente de hocher la tête et de plonger mon regard face à la route.
Plus d'une demi-heure s'est passée et nous avons dû tourner dans plusieurs petites routes avant de reprendre la nationale. Et encore une fois, Thomas décide de tourner dans une allée qui a l'air de mener à une impasse. Je lui fais confiance, mais je me demande tout de même s'il n'est pas en train de faire un détour. Finalement, après environ trois cents mètres de chemins caillouteux, la route semble devenir plus lisse et je vois une piste d'atterrissage du côté de Thomas, alors que du mien, une rangée d'arbres de plusieurs mètres de haut nous cachent du reste de la ville. Je ne suis jamais venue ici, et j'ignore si beaucoup de gens connaissent ce coin mais j'en doute. Des entrepôts s'imposent au paysage du côté conducteur également. Je suppose que c'est là que sont entreposés les avions. Pour l'instant je ne vois aucun mouvement. Personne ne circule sur les pistes, ni devant ces entrepôts, quelques camions de type militaire sont stationnés mais aucun n'est en mouvement non plus. Et il n'y a pas un avion qui décolle ou atterrit.
Nous roulons encore une centaine de mètres avant d'arriver face à un portail métallique. Thomas abaisse sa vitre et appuie sur le bouton d'un interphone. Une voix féminine nous accueille et demande un nom.
— Agent Thomas Peterson, répond-il sans perdre une seconde.
J'entends indistinctement les touches d'un clavier tapées, et la voix féminine nous demande cette fois de présenter un badge d'identité. C'est une voix douce mais ferme, et j'imagine facilement la femme à travers cet appareil électronique. Grande et fine, les cheveux tirés en un chignon impeccable et un visage parfait, mais sans un sourire, pour rester professionnelle. Élégamment vêtue, sûrement d'une jupe et d'un blaser foncés, avec un haut plus clair. Thomas sort le badge de la poche intérieure de sa veste et le montre à ce qui ressemble de près à une caméra. Les touches du clavier se font entendre de nouveau, et la voix professionnelle de la femme reprend :
— Qui vous accompagne ?
Je vois que son boulot fait en grande partie la sécurité de l'agence. Elle contrôle absolument tout pour s'assurer qu'aucun intrus n'entre, et je dois avouer qu'elle le fait malheureusement très bien. Ce qui devient lassant à la longue. Nous perdons du temps à répondre à toutes ces questions. Mais, au moins, nous pouvons être sûrs que la PPAE prend son travail et ses affaires très au sérieux.
— Alice Menson. Vous pouvez vérifier son identité dans le dossier qui concerne l'affaire Hale, annonce Thomas d'une façon mécanique.
— Il me faudrait une carte d'identité ou un passeport afin de vous identifier Mademoiselle Menson.
Je cherche dans mon sac et sors ma carte d'identité que je passe à Thomas afin qu'il la montre à la caméra. Une fois fait, il me la rend et j'attends que le portail s'ouvre. Ce qui ne vient pas, puisque l'interrogatoire n'est pas terminé.
— Agent Peterson, vous n'êtes pas censé être en mission au Michigan aujourd'hui ? Votre profil stipule que vous deviez partir il y a plus de deux heures.
— Mon départ a été retardé.
— Je dois savoir pourquoi Mademoiselle Menson vous accompagne.
Cette fois j'en ai ras le bol. Je veux m'imposer, mais Thomas, qui me voit arriver, m'arrête d'un geste de la main.
— Elle m'accompagnera dans ma prochaine mission. C'est pour cela que je viens à l'agence. Je dois en parler avec Monsieur Stevens, ment-il.
— Très bien, finit la secrétaire avant d'actionner le portail, enfin.
Nous entrons sur l'immense parking de l'agence et ne tardons pas à trouver une place. Je vois au nombre de voitures qu'il y a beaucoup plus de personnes qui travaillent ici que je ne le pensais. Nous descendons sans plus attendre de la voiture et nous dirigeons vers l'entrée de la PPAE. Comme si l'entrée protégée par la réincarnation de Cerbère en la jeune femme de l'accueil ne suffisait pas, les portes ne s'ouvrent que grâce à la carte électronique intégrée dans le badge de Thomas. Une lumière verte s'allume sur le boîtier et les portes s'ouvrent. Il ne nous reste plus qu'à trouver Stevens.
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