23. Disparition
Thomas se précipite vers le groupe comme pour leur annoncer qu'une bombe avait été trouvée dans le lycée. Je le suis de près et les autres nous voient arriver tels deux furies. Nous remarquons en voyant la tête de nos amis que nous avons eu une attitude bizarre, alors Thomas et moi nous calmons, faisant comme si de rien n'était. Puis, après avoir repris un battement de cœur normal, Thomas demande :
- Est-ce que l'un de vous aurait vu Jonathan ce matin ?
Je hausse les sourcils en espérant une réponse positive de la part d'au moins une personne. Mais tout le monde hoche la tête de gauche à droite pour confirmer le contraire.
Je regarde Thomas qui a tout de suite eu le réflexe auquel j'ai pensé. Il attrape son téléphone dans la poche de son jean et appelle Jonathan. Je vois qu'il attend, impatient, que quelqu'un réponde à l'autre bout du fil.
- Il y a un problème ? nous questionne Hugo.
- Non, pas du tout, répondis-je, peut-être un peu trop vite.
Enfin, j'espère qu'il n'y a pas de problème. Si Jonathan était malade, il le dirait je pense. Il nous préviendrait pour ne pas qu'on s'inquiète, ou au moins pour qu'on lui prenne les cours. Je reporte mon regard sur celui de Thomas, qui m'indique qu'il entend toujours la sonnerie d'appel. Quelques secondes après, il repose son bras le long de son corps et raccroche. Il ne veut pas montrer son inquiétude devant les autres, puisqu'ils ne sont pas au courant de ce que Jonathan court en ce moment, mais moi je reconnais le regard qu'il m'envoie. Jonathan ne répond pas au téléphone et n'a pas donné de signe de vie depuis plus de douze heures. Comme si tout ça ne suffisait pas, la cloche sonne, annonçant le début des cours.
Nous prévenons les garçons que nous les rejoignons plus tard, mais en vérité, nous ne savons pas quoi faire. Nous ne savons pas où se trouve Jonathan, et deux choix s'offrent à nous. Soit nous décidons d'aller en cours et attendons que Jonathan arrive, au risque qu'il soit bel et bien en danger, soit nous décidons d'aller le chercher, mais dans ce cas nous séchons les cours, ce qui n'est pas forcément un bon point, pour chercher Jonathan qui n'est peut-être que chez lui, malade, ou en retard. Dans les deux cas, il faut absolument que nous nous dépêchions pour ne pas perdre de temps.
- Il faut qu'on vérifie qu'il aille bien, lâché-jeune fois seule avec Thomas.
- On ne peut pas être absents tous les trois au même moment. Je te rappelle que l'espion fait parti des professeurs ou des élèves, il se doutera de quelque chose. Tout ce qui peut être relié à Jonathan fait lever le doute, alors là on sera complètement à découvert.
- Dans ce cas, je vais le chercher, et toi tu restes ici.
- Quoi ? s'exclame-t-il. Ça, c'est hors de question.
Je pose mes mains sur mes hanches d'un air autoritaire et le regarde dans les yeux sans ciller.
- Tu ne me fais pas confiance, c'est ça ?
- Et si il lui ai vraiment arrivé quelque chose ? Tu vas faire quoi ?
- Ce pour quoi je suis payée. Le retrouver et arrêter ceux qui s'en sont pris à lui.
Thomas souffle d'exaspération. Nous n'avons pas beaucoup de temps, et de toute façon il n'a pas vraiment d'autre choix que de me laisser partir.
- Et tu comptes t'y rendre comment ?
Je tends ma main vers lui, la paume vers le ciel.
- Tu vas me passer tes clefs de voiture.
- Ouais, OK, alors non. Je ne te passe pas ma voiture.
- Parce que tu vois un autre moyen, toi ? Je n'ai pas ma moto et ça va me prendre beaucoup trop de temps pour me rendre chez lui à pieds, surtout que s'il n'y est pas, je serai mal barrée.
- Sinon j'ai une meilleure idée : tu restes ici, et c'est moi qui pars en voiture à sa recherche, propose-t-il d'un ton de sarcasme.
Ce n'est pas une idée, c'est ce qu'il envisage de faire. Mais je ne vais pas rester au lycée, pendant que lui est dehors, sans que je puisse avoir le moindre contact avec eux ou la moindre nouvelle.
- Non.
- Comment ça, non ? L'heure tourne, Alice, tu devrais me laisser faire.
- Tu es là comme infiltré, je suis ici comme chasseuse de primes. Pour traduire, ta place est au lycée, tandis que la mienne est dehors à traquer notre ennemi. Alors si tu ne veux pas que je te suives dans la voiture, tu ferais mieux de me laisser partir.
Thomas souffle une dernière fois avant de fouiller dans ses poches pour trouver les clefs de sa voiture. Il me les tend mais arrête son geste avant que je ne puisse les attraper.
- Tu es sûre que tu te sens bien ? Tu es en état de conduire, pas de mal de tête ?
Je sais qu'il fait référence à mon accident de moto. C'est sûr qu'il n'a pas envie que je détruise sa jolie voiture neuve, mais je suis en pleine forme. Je lui lance un regard qui veut tout dire et il ferme les yeux en posant les clefs dans ma main. Les hommes et leurs voitures ! Je ne dirai rien de plus, parce que je souffre en ce moment même du manque de ma moto.
Je me dépêche de rejoindre le parking et me place au volant de la voiture. Ça me fait presque bizarre, d'ailleurs. La dernière fois que j'en ai conduit une c'était avec mes parents. J'ai l'impression que cela remonte à une autre vie. Je démarre accompagnée par le bruit du moteur, puis je rejoins la route en direction du quartier de Jonathan. Je prie, façon de parler bien sûr, pour qu'il aille bien et qu'il ne lui soit rien arrivé. Je fonce en essayant de ne pas non plus me faire remarquer sur la route, pour arriver le plus vite possible chez lui. Mais je n'ai plus l'habitude de conduire une voiture. Alors qu'avec ma moto, je pouvais doubler et accélérer facilement, les options de la voiture sont plus limitées.
Arrivée devant l'imposante maison de Jonathan, je m'empresse de courir vers la porte d'entrée sans même verrouiller la voiture. Redoutant tout de même sa présence à l'intérieur de la maison, je m'efforce de toquer, plusieurs fois et avec acharnement, avant qu'une femme brune, les cheveux attachés d'un chignon, un peu ronde, et vêtue d'un tablier à fleurs, ne vienne m'ouvrir. L'inquiétude marque son visage, sûrement à cause de ma présence et par le fait que mon propre faciès souligne de l'anxiété. Ne faisant pas attention au fait qu'il y ait une femme chez Jonathan, je me dépêche de lui demander :
- Bonjour, est-ce que Jonathan est là, s'il vous plaît?
- Je crois qu'il est dans sa chambre. Vous voulez entrer ? me propose-t-elle, un peu décontenancée par la situation.
- Merci, dis-je en m'engouffrant dans la maison, qui n'a rien à voir avec celle que j'avais vu le jour de la fête de Genny.
En effet, tout est ouvert sur tout, on peut voir de l'entrée la cuisine, le salon, et en face le couloir menant au jardin arrière, qui fait bien évidemment plus grand que lorsque les couples s'y étaient installés. L'intérieur est très lumineux et les murs couleur crème ajoutent encore plus de lumière qui en fait un endroit chaleureux. Mais je ne m'attarde pas sur la décoration de la maison et monte presque en courant les escaliers pour rejoindre l'étage, entendant la femme m'appeler du rez-de-chaussée.
Arrivée en haut, je m'arrête un seconde. Je ne suis jamais venue ici. C'est un couloir légèrement plus sombre avec plusieurs portes de chaque côté, et l'une d'entre elles est celle de Jonathan. Je reste concentrée sur ce pour quoi je suis venue et ouvre la première porte qui s'offre à moi. Je tombe sur la salle de bain, vide. Je la referme immédiatement et continue mes recherches, j'ouvre une autre porte avec une chambre vide, puis une autre. J'ouvre la quatrième et avant-dernière porte, désespérée par ces échecs, et je perds presque l'équilibre en l'ouvrant précipitamment. Je me retiens à la poignée et mes yeux tombent sur un lit deux places, dans lequel quelqu'un est encore en train de dormir. Mon boucan ne l'a pas réveillé, alors je m'approche légèrement pour savoir qui c'est, sans pour autant le sortir de son sommeil. Je suis soulagée quand je vois la tête endormie de Jonathan. Je pousse un soupire silencieux avant de poser mes mains sur mes cuisses, épuisée pas le stress et par ma course.
Mais qu'est-ce qu'il fait encore ici ? Ça ne lui ait jamais arrivé de venir en retard en cours. Il ne s'est toujours pas réveillé, et bizarrement je n'ai pas envie de le faire. Je n'ai pas envie de le déranger dans son sommeil qui a l'air tellement paisible. Il dort sur le ventre, sur le côté gauche du lit et la tête tournée vers l'extérieur, les mains sous l'oreiller. Sa bouche est très légèrement ouverte mais ses paupières ne bougent pas. Regardant autour de moi, je décide de faire le tour de la chambre, pour voir si je peux trouver un indice certes, mais aussi et surtout par simple curiosité. Quelques livres et feuilles traînent sur le bureau, éparpillés, une télévision de format moyen est déposée sur un meuble gris anthracite, dans lequel sont rangées une console de jeu et des manettes. Sur les murs sont accrochées quelques photos de différents paysages, de voyages sûrement, ainsi que de vieilles photos de famille.
Il y a sur une étagère des livres bien rangés, ainsi qu'un cadre qui m'interpelle. La photo qui y est protégée est une photo prise par Jonathan, qui nous représente tous les quatre, avec Thomas et Genny, un ou deux jours avant le départ de cette dernière. Cette photo est assez étrange. Elle n'est pas hypocrite, car d'un côté elle ne montre aucun mensonge, aucun signe que tout ceci n'est que mises en scène et vérités cachées, mais seulement quatre adolescents qui vivent une vie des plus normales ; mais d'un autre côté, la photo en elle-même est un mensonge puisqu'elle ne montre en rien la réalité de ce que nous sommes. Je fixe cette image pendant un long moment, avant qu'une voix ne me coupe dans ma contemplation.
- J'aime beaucoup cette photo.
Je me retourne d'un bond, prise sur le fait. Jonathan ales yeux ouverts, la tête à semi relevée, toujours allongé dans son lit. Je regarde le cadre, fait un geste pour le reposer sur l'étagère mais je m'abstiens au dernier au moment et le garde entre mes mains. Je jette un regard en direction de Jonathan et lui adresse un sourire pour répondre à sa remarque.
- C'est une de mes préférées, ajoute-t-il en s'asseyant au bord du lit.
Il porte un t-shirt blanc et un jogging gris clair pour pyjama, et me fait signe de m'asseoir à ses côtés. Je ne cherche pas à justifier ce que j'étais en train de faire, je sais que ça ne servira à rien avec quelqu'un d'aussi simple que Jonathan, il ne se prend vraiment pas la tête.
- Elle est super, me décidé-je enfin à sortir en m'avançant vers lui.
Je passe le cadre à Jonathan et décide de rester debout malgré son invitation. Il regarde à son tour le contenu du cadre avec attention, et puis je reviens sur ce que j'étais vraiment censée faire ici. Mais le bon sens de Jonathan me devance, et il lève la tête pour me demander :
- En fait, qu'est-ce que tu fais dans ma chambre ?
En vérité, cela m'étonne qu'il ne m'ait pas posé la question plus tôt. Cette question ne résonne pas comme un reproche, mais plutôt comme une interrogation. Ce qui est plutôt naturel d'ailleurs, si j'avais eu une personne, inconnue ou pas, dans ma chambre, à mon réveil, j'aurais sûrement pris peur.
- C'est ta... enfin une femme, qui m'a fait entrer.
- C'est Gloria, notre femme de ménage. Comme Papa n'est pas souvent à la maison, il l'a embauchée pour s'occuper de tout nettoyer, préparer à manger, et toutes ces autres choses qu'il ne veut pas non plus me laisser faire. Mais elle est devenue un membre à part entière de la famille au fil du temps.
Je hoche la tête pour lui montrer mon attention, et continue mon explication :
- On ne t'a pas vu ce matin, alors on s'est dit que tu avais un problème. Comme tu ne nous a pas non plus appelé, on s'est inquiété. Par conséquent, j'ai décidé de venir voir comment tu allais. Pourquoi tu n'es pas venu, du coup ?
Il sourit quand il prend compte de l'attention qu'on lui porte, sans vraiment savoir notre réelle pensée, et à quel point nous pouvions nous inquiéter avec Thomas, ce qui me met un peu mal à l'aise. Mais qu'il le sache ou pas, cela ne change rien. Nous nous sommes inquiété et ça, pas seulement parce que c'était notre boulot.
- Je n'ai pas dû digérer le repas d'hier, puisqu'on a dû appeler le médecin de famille cette nuit. Je n'arrivais pas à dormir. Il m'a dit que je faisais une simple indigestion et que je devais rester toute la journée enterré sous ma couette.
Maintenant qu'il me le fait remarquer, c'est vrai qu'il a un teint assez pâle, et ses yeux sont marqués par des cernes récentes. En bref, il n'a pas l'air très bien en point. Me rappelant d'une chose, je lève la main face à Jonathan en signe d'excuse et j'attrape vite mon téléphone portable dans ma poche. Je tapote frénétiquement les touches de mon clavier tactile sous l'œil interrogateur du jeune homme en face de moi.
- Qu'est-ce que tu fais ? finit-il par demander.
- J'envoie un message à Thomas pour lui dire que tu vas bien... enfin, façon de parler, ajouté-je en voyant son visage.
Jonathan ouvre des yeux énormes de surprise .L'explication est venue tellement naturellement que je n'ai pas fait attention à ce que je disais.
- Toi, tu envoies un message à Thomas ? demande-t-il pour s'assurer de mes propos, en insistant bien sur nos deux personnes. Notre Thomas ? Celui qu'on connaît tous les deux ?
Je pince mes lèvres et jette un regard furtif vers lui.
- Thomas ? J'ai dit Thomas ? Je voulais dire Hugo...
- Je t'assure que tu as dit Thomas ! rigole-t-il, amusé par la situation.
Personnellement, ça ne me fait pas rire. Qu'est-ce que je peux lui dire pour justifier ça ?
- Depuis quand est-ce que tu as son numéro ? se renseigne-t-il, curieux.
Je balance ma tête en arrière et pousse un long soupir. Il n'est pas stupide, il sait très bien à qui je parle par textos, et je ne pourrai pas le raisonner autrement. Alors autant gagner du temps. Cependant, je ne peux pas lui dire les vrais raisons de notre échange de numéros, alors j'improvise :
- Il me l'a donné juste avant que je ne parte du lycée ce matin, pour que je le prévienne s'il y avait un souci avec toi.
Je finis de taper le message et l'envoie à son destinataire avant de verrouiller mon portable. Je le pose ensuite sur la table de chevet pour m'asseoir, finalement, à côté de Jonathan. Le téléphone vibre, mais je décide de ne pas regarder ce que c'est. Ce doit être la réponse de Thomas, rien d'important en somme. Un autre vibrement résonne, et Jonathan me fait un signe de tête en direction du cellulaire. À mon tour, je lui fait signe que je répondrai plus tard. J'ai pris la décision de m'occuper de Jonathan toute la journée, histoire qu'il ait une surveillance tout le temps avec lui, surtout maintenant que nous avons de gros doutes sur le fait que les espions s'en prennent à lui dans peu de temps. Le message de Thomas peut attendre, il est au lycée, rien ne peut arriver tant que Jonathan est avec moi, j'en suis certaine.
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