11. Révélation : partie 2
Thomas n'a aucun passé, aucun diplôme dans aucune école, il est aussi doué que moi en technologie alors que j'ai appris des schémas par cœur, je l'ai vu parler à la manche de sa veste, et quand il m'a remarqué, il a fuit. Puis je me rappelle les paroles de mise en garde de Stevens durant mon conditionnement : « L'espion peut être n'importe qui, un professeur, un élève, en passant par le concierge, la dame de cantine »... ou un ami. Thomas n'a jamais voulu protéger Jonathan de moi, il m'a reconnu à cette soirée et il a tout fait pour que je ne compromette pas ses plans. Depuis tout ce temps il avait un temps d'avance sur moi, et je me demande pourquoi il ne l'a pas utilisé pour me nuire. Il le savait. L'interrogatoire, le sport de tir, il voulait en être sûr et je ne me suis doutée de rien.
Cette révélation me donne encore plus de force pour continuer à le traquer, et quand je pensais qu'il allait entrer chez Jonathan, il continue sa route. Je le suis pour savoir où il va, espérant qu'il me conduise à son repère. Et c'est ce qu'il fait. Je me gare dans la rue plus loin pour ne pas me faire repérer et continue le bout de chemin à pieds. J'avance lentement, regardant à droite, à gauche pour éviter de me faire surprendre par d'autres personnes qui seraient de son côté. Sa voiture noire est la seule de garée sur le parking et le bâtiment qui me fait face ne me rassure pas. C'est un bâtiment abandonné, qui paraît insalubre mais qui est immense. Je rentre par une des petites portes de derrière, toujours aussi discrètement.
Arrivée à l'intérieur, l'obscurité prend place tout autour de moi. Quelques lumières de sorties de secours et d'alarmes incendie sont allumées, et je dois attendre quelques secondes pour que mes yeux s'adaptent à leur faible luminosité. Mes vêtements se fondent parfaitement dans l'obscurité des lieux. Les couloirs sont souvent occupés par d'énormes tuyaux qui crachent parfois de l'air. Un endroit pas très sécurisant par nature, même assez cliché quand j'y pense. Je m'enfonce dans le couloir froid et arrive dans une grande salle ou se trouve un bureau, une chaise et de nombreux papiers. C'est tellement grand et vide, que chacun de mes pas résonnent dans ce calme pesant. Bonne nouvelle, si quelqu'un arrive, je l'entends ; mauvaise nouvelle, si je ne fais pas attention, c'est moi qu'on entendra. Je regarde encore et toujours sur tous les côtés, devant et derrière moi, à l'affût de représailles.
Je m'approche de la table, allume la lumière du bureau voyant que personne n'est là, et contemple les dossiers de mon ennemi. Ceux-ci sont remplis d'informations qui me concernent mais qui n'ont pas vraiment d'importance comme le fait que je travaillais comme chasseuse de primes. Il y a aussi des photos de moi prises sans que je ne le sache, au lycée, en ville ou même sur la route. Je me rends compte que Thomas a toutes les cartes en jeu et cela me fait peur pour Jonathan, même si maintenant, je sais que je peux arrêter celui qui lui veut du mal. Un plan a été construit, un peu comme le mien, et mon nom y est entouré en rouge plusieurs fois. J'allume mon micro et préviens ma coéquipière.
- Zoé ? Je l'ai trouvé, ça y est. Zoé ?
Je ne sais pas si elle m'entend, mais je ne peux pas parler plus fort qu'en chuchotant.
- Oui, tu disais Alice ?
- Je te disais que j'ai trouvé l'espion et...
Je ne finis pas ma phrase. Thomas s'avance vers moi et mon premier réflexe est de sortir ma bombe lacrymogène.
- Alors comme ça tu penses m'arrêter avec du spray au poivre ? T'es pas sérieuse, là ? Je te croyais... avec plus de mordant.
Sur ces paroles, il vient me plaquer contre le mur derrière moi. Sous la surprise, je n'ai pas eu le temps de réfléchir et mon sac s'est détaché de mon bras pour venir s'étaler sur le sol, mon arme à l'intérieur. Je ne peux plus bouger, il bloque mon torse et mes bras en s'aidant de tout son poids et me fais comme une barrière. Je sens son souffle à quelques centimètres de mon visage. Il est chaud, humide, rien de glacial comparé à son attitude. Mes jambes sont libres, alors j'en profite pour lui mettre un violent coup de pied dans le tibia ce qui a pour effet de me libérer de son emprise. Malheureusement, Thomas en veut et ne lâche pas l'affaire. Alors que je m'apprête à récupérer mon sac au sol, ventre à terre, il m'y immobilise et m'attrape les mains pour les menotter aussitôt.
Je n'ai pas dit un mot depuis le début de notre altercation. Il me lève pour me poser sur la chaise, toujours les menottes aux poignets. Je souffle pour me débarrasser d'une mèche retombée sur mon visage. Par chance, ou par manque d'attention, Thomas ne va pas vérifier ce qu'il y a dans le sac derrière lui. Il s'appuie sur la table face à moi et commence son discours.
- Tu sais ce qui t'a trahit ?
Comme je ne réponds pas à sa question, il le fait lui-même.
- Le micro. Celui que tu as posé sur ma manche le jour où je suis allé chez Jonathan. Quand je l'ai vu...
- Tu as changé de veste. Parce que tu pensais que je ne l'avais pas remarqué ? Tu te penses réellement plus intelligent que moi ? Tu sais quoi ? Attends... j'ai déjà la réponse en fait, souris-je.
- Tu fais de l'humour maintenant ? Je te rappelle que c'est toi qui es menottée à une chaise.
- En fait, je suis menottée SUR une chaise, ce qui est différent, et je te prie de me croire que ce n'est pas si inconfortable qu'on pourrait le penser.
Je rigole intérieurement en le faisant rager. Je vois bien qu'il est à bout de patience et pour l'instant c'est la seule distraction que j'ai trouvé pour gagner du temps. Je réussis enfin à attraper l'une des pinces à chignon qui se trouvaient dans ma poche et essaie d'ouvrir ces cercles de fer.
- Dès le premier jour, j'ai su que c'était toi. On m'avait dit que l'espion serait là, et tu apparais comme par hasard.
- C'est dingue ça, les coïncidences ! ironisé-je.
Thomas sourit à mon assurance. Je vois bien qu'il ne va pas me garder avec lui très longtemps alors j'essaie de me dépêcher avec mon affaire qui n'est pas si facile. Il m'arrache mon micro du t-shirt, me prend mon oreillette et la connecte à son téléphone pour pouvoir entendre ce que mes coéquipiers me transmettront.
- Pour qui tu travailles ? me lance-t-il.
- Pour George Hale, le père de Jonathan. Il m'a embauché comme décoratrice d'intérieur. D'ailleurs, si je peux me permettre, ton repère aurait bien besoin d'une petite touche de couleur, ce n'est pas très lumineux. Non... si c'était plus lumineux... tu aurais vu ça, ajouté-je en lui montrant les menottes détachées de mes mains.
Je profite de son étonnement pour lui asséner un coup violent de ces dernières sur la joue. Il passe son doigt sur sa lèvre qui est coupée. Je l'attends dans son dos, essoufflée par les battements de mon cœur qui s'accélèrent à chaque fois que je bouge un cil. J'avoue que je stresse légèrement. Je n'ai rien pour prévenir Zoé et je suis plus faible que lui physiquement, mais ça ne m'arrête pas.
- Je ne vais pas me battre avec une fille...
Est-ce qu'il aurait peur de perdre toute dignité ? Je passe ma main dans les cheveux et me redresse pour lui faire comprendre que je ne me rendrai pas. Il en est hors de question.
J'évite son premier coup et lui en met un juste à l'endroit de sa plaie ce qui multiplie sa douleur. Je me recule, mon pied percute un objet au sol : mon sac. Je me baisse pour ramasser le pistolet, le charge et le pointe en direction de Thomas. Une once d'inquiétude, de peur, traverse ses yeux. Je le vois. Ça me surprend presque de la part de quelqu'un qui doit effectuer une mission qui se résume à détruire une personne. Il ne plaisante plus du tout, il sait que le coup peut partir vite et que ce sera fatal. Une fois que le doigt aura appuyé sur la gâchette, il n'y aura plus de retour possible.
J'entends des grésillements qui sortent du portable de Thomas. Un portable pré-payé sur lequel on ne peut rien voir. Ni le nom de la personne qui nous appelle, ni le numéro. Mais ce n'est pas un appel ordinaire, c'est le son du micro de Zoé qui tente de me joindre.
- ... Derek arrange moi c... c'est insup...
On n'entends que la moitié de ses paroles, jusqu'à ce que les grésillements ne s'arrêtent.
- Alice ? Alice réponds-moi.
J'aimerai beaucoup, mais mon micro est trop loin pour que je l'atteigne, et je dois surveiller Thomas qui est en ce moment même dans ma ligne de tir.
- Alice si tu l'a trouvé, c'est bien, dis-nous ta position pour qu'on vienne t'aider.
Thomas veut bouger mais je l'en empêche en m'avançant vers lui, l'arme toujours pointée sur sa poitrine. Une question me brûle les lèvres, et je crève d'envie de la lui poser. De toute façon, je pense qu'il n'a pas le choix de répondre ou non, alors je ne m'en prive pas.
- Je n'arrive pas à comprendre une chose. Ça fait un an que tu es au lycée, un an que tu épies chacun de ses mouvements, un an pendant lequel tu aurai pu lui faire n'importe quoi. Mais pourquoi ? Pourquoi attendre aussi longtemps ? Est-ce que tu as fait semblant d'être son ami pour mieux pouvoir le détruire après ?
Thomas me lance un regard interrogateur, comme s'il ne comprenait pas ce que je disais. C'était pourtant clair. Mais son regard est sincère, il n'a vraiment l'air de ne rien comprendre. Le cellulaire envoie de nouveau la voix de Zoé qui me coupe dans mes pensées, et dans celle de Thomas qui se concentre maintenant sur elle.
- Quoi qu'il se passe, Julien a pu te localiser grâce à la puce de l'oreillette. On vient te chercher, Stevens a envoyé une équipe qui devrait partir dans quelques minutes. Tiens bon !
- Stevens ? murmure Thomas. Comment ça Stevens ? s'écrie-t-il soudain.
- Va t'assoir sur la chaise et ne bouge plus, lui ordonné-je.
- Attends Alice, fais-moi confiance, okay ?
Comment ça il veut que je lui fasse confiance ? Je comprends mieux quand il se jette vers la table pour attraper le micro. Je n'ai même pas le temps de réfléchir, je suis totalement perdue. J'appuie sur la gâchette et une balle part volontairement à quelques centimètres de sa jambe. Thomas est surpris, tourne la tête vers moi, mais il n'arrête cependant pas ce qu'il a prévu. Il active le micro et prononce très distinctement :
- R.A.S. Fausse alerte. N'envoyez pas l'équipe de renfort.
- Bien compris, lance la voix de Derek.
Thomas place une main devant lui quand il remarque que mon doigt se contracte une nouvelle dois sur la gâchette, prêt à tirer sur lui. Il a fait la plus grosse erreur de sa vie. Par réflexe, il prend la lampe et me donne un violent coup avec celle-ci sur ma main qui laisse tomber le pistolet au sol. Il profite de mon mal pour s'emparer de l'arme à terre, mais à ma grande surprise, alors que je m'attendais à recevoir une balle en plein flanc, il ne la pointe pas dans ma direction. Au lieu de ça, il souffle, le cœur battant, avant de lâcher :
- Je travaille pour la PPAE.
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Hey !
Alors ? Qui avait deviné la vraie identité de Thomas, et qui était tombé dans le piège ? Je voulais un peu vous surprendre avec ces faux-semblants, est-ce que c'est réussi ? J'espère que ce chapitre vous a plu !
On se retrouve bientôt pour le prochain chapitre !
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