1. La proposition
Arrivée au commissariat, je refile le jeune à un policier qui lui enlève les menottes et le met dans une des cellules.
Celles-ci sont remplies par des personnes de tous âges, de tous sexes et apparemment de tous styles vestimentaires, puisqu'ils vont d'un simple imperméable à une jupe courte fushia, en passant par un visage entièrement recouvert de piercings et de tatouages et qui a l'air shooté à quelque chose qu'il ne faut visiblement pas essayer. Tous ces yeux me fixent, ou plutôt me fusillent, mais je n'en tiens pas compte. Il faut s'y attendre après les avoir mis dans cette situation. Je tourne simplement la tête avant de me diriger vers l'accueil, où une femme d'une trentaine d'années, aux cheveux noirs bouclés et au visage désespéré me salue.
- Encore un autre qui n'a pas fait ce qu'il fallait. C'est le numéro combien cette semaine ?
- Salut Isa, c'est le quatrième en trois jours, réponds-je fièrement.
- On pourra dire ce qu'on veut, j'ai toujours su que tu étais bien meilleure que tous ceux qui sont présents ici. - Elle me sourit. - Ils restent toute la journée à ne rien faire à part remplir des papiers et jouer aux cartes en attendant la relève de nuit.
Elle me tend une enveloppe marron qui contient plusieurs liasses de billets.
- Oui, mais en attendant ils ne gagnent pas ma prime, lui dis-je en l'ouvrant pour la vérifier.
- C'est dingue ça, pourquoi tu ne viendrais pas travailler ici au lieu de courir partout. Chasseur de primes ce n'est pas un métier reposant et sans danger, tu vas finir par te faire avoir un jour. Tu sais que je t'adore, alors ça me ferait de la peine de savoir que tuas pris des risques inutiles. Je m'inquiète pour toi, tu sais ?
- C'est gentil Isa, je t'adore aussi mais je vais avoir dix-huit ans dans une semaine, je sais me prendre en main à présent. En plus, je suis trop jeune pour qu'ils m'acceptent, tu sais bien qu'il faut être majeure pour entrer dans l'équipe, et même si je pouvais, je tiens à mon indépendance.
- Comme tu veux, souffle-t-elle.
- Est-ce que tu as quelque chose d'autre pour moi ? Ou plutôt quelqu'un d'autre ?
Elle scrute plusieurs porte-documents, plusieurs dossiers en lisant à voix haute les titres et noms qui circulent. Il faut dire que son bureau en est rempli alors elle a de quoi chercher.
- Non, je crois que tu nous as épuisé...
Elle s'arrête net devant un post-it collé sur la base du téléphone.
- Ah, attend, j'ai un certain Monsieur Stevens qui a appelé hier pour te parler. Il a dit que c'était très important et qu'il fallait absolument qu'il te voie quand tu serais rentrée.
- Je ne connais aucun Stevens. Comment est-ce qu'il a pu avoir mon nom? lui demandé-je, inquiète.
- En tout cas, lui, il avait l'air de savoir qui tu étais. Il a dû entendre parler de tes services par quelqu'un du poste j'imagine. C'est vrai qu'il est arrivé il y a environ vingt minutes mais avec ce que j'ai à gérer en ce moment je l'avais complètement oublié ! C'est-à-dire qu'il n'est pas vraiment quelqu'un de qui on a envie de se rappeler, tu verras par toi-même. Je crois qu'il t'attend dans la pièce d'à côté.
- D'accord, merci Isa.
Je marche tout droit vers la salle qu'elle m'a indiquée, sans perdre une seconde. Cette petite entrevue ne me plaît pas du tout. Il faut absolument que je sache qui veut me voir et surtout pourquoi.
J'ouvre la porte violemment et entre en trombe. Je ne suis jamais rentrée dans une salle d'interrogatoire, mais c'est exactement comme je l'imaginais : des murs gris, une ambiance assez froide et une table en métal au beau milieu de la pièce entourée de trois chaises. Un homme m'y attend, assis, accompagné de deux molosses à lunettes de soleil. Comme s'il craignait quelque chose dans un commissariat...
Il a l'air d'un homme d'affaire, ou d'un politique, ou bien les deux. Plutôt fin, il porte un costume bleu-gris sur mesure ainsi qu'une cravate noire assortie, est coiffé comme s'il sortait de chez le coiffeur même si son front dégarni montre un début de calvitie, et a un air beaucoup trop assuré pour qu'on lui fasse confiance. Il me sourit et m'invite à m'asseoir en face de lui en me montrant la chaise d'un signe de la main. Je prends place sans le quitter des yeux de façon insolente afin de lui montrer qu'il ne m'impressionne pas. Je déteste qu'on se sente supérieur à moi, et ça a l'air de l'amuser.
- Alice Menson... nous vous attendions.
- Et vous êtes ?
- John Stevens.
- Je connais votre nom, je veux savoir qui vous êtes. Qui vous envoie?
- Je suis agent spécial... d'une police dont vous ne devez pas savoir le nom pour sa sécurité. Tout ce que je peux vous dire c'est que quelqu'un d'important m'envoie vous confier une mission. Nous avons entendu parler de vos services pour les petites polices locales et votre expérience peut nous être utile.
Je ne réponds rien, alors il continue.
- Il s'appelle Jonathan Hale, commence-t-il en me montrant la photo d'un jeune d'à peu près mon âge. Il est au lycée de Clinton Hill,en troisième année. C'est le fils de George Hale, un politicien dont vous n'avez sans doute jamais entendu parler puisqu'il a un rôle important pour l'état, il est donc très protégé et par conséquent très surveillé, ce par des espions qui ne sont pas toujours dans notre camp. Ce qu'on vous demande est très simple : vous devez arriver à entrer dans son cercle d'amis sans vous faire repérer pour pouvoir surveiller tous ses faits et gestes. Voici le contrat.
Il sort de sa mallette en cuir un bloc de plusieurs pages qu'il glisse vers moi sur la table. Il comprend des centaines de points et de règles à respecter. Je feuillette rapidement les papiers et regarde l'agent, qui paraît vouloir que je signe.
- Attendez une seconde... Vous me dites qu'une personne que je ne dois pas connaître, d'une agence totalement inconnue, vous envoie pour me demander de surveiller le fils d'un politicien qui, comme par hasard est étranger à tout le monde, et de le protéger contre un ennemi que vous-même vous ignorez. Et vous espérez que je marche dans cette combine ? De plus, vous prenez le risque de déballer toute l'histoire avant même que je ne vous ai donné mon accord, et le manque considérable de détails dans cette affaire la rend incohérente. Vous m'avez vraiment prise pour une débutante ! Vous voulez que je vous dise, votre contrat pue l'arnaque !
Je lui tends le contrat à mon tour et lui dis de le reprendre, lui faisant bien comprendre ma décision.
- Je savais que vous diriez quelque chose de ce genre, alors j'ai pris la peine d'examiner votre dossier.
Un dossier ? Je fais donc partie de ces personnes qu'ils rangent dans leurs petits tiroirs par ordre alphabétique ! Je ne dis rien et reste la plus naturelle possible, mais cela me dérange au plus haut point que l'Etat s'intéresse à moi et fouille dans ma vie.
- Alice Menson, reprend-il, née le 18 avril 1999. A étudié dans une école d'art avant de l'abandonner en 2014 suite à la disparition de son petit frère Mathias Menson et de ses parents Chris et Sarah Menson. A, depuis, habité dans de petits quartiers, vivant sur les primes de délinquants et criminels en tout genre.
Comment a-t-il pu dire ça ? Et comment a-t-il pu appeler cela une disparition ? Je bouillonne de l'intérieur, et son petit air assuré n'arrange rien.
- Mlle Menson, je suis venu vous voir parce que je sais que vous êtes très professionnelle, très douée, et sans doute la meilleure dans le domaine de la surveillance et du pistage...
- ... Et aussi la plus jeune, le coupé-je. Avouez-le, je fais ce qu'aucun de vos gars ne peut faire : me faufiler dans un lycée sans éveiller les soupçons.
- C'est vrai, vous avez raison. Mais ce qui m'a amené à vous est votre détermination. Comme je viens de vous le montrer, j'ai pris conscience de vos besoins. Je sais que vous avez immanquablement besoin d'argent et que vous êtes prête à tout pour en avoir. C'est pourquoi j'ai prévu de vous offrir, en échange de vos services, un paiement assez généreux.
Je réfléchis à tout ce qui vient de se passer. Je n'ai pas entièrement confiance en ce Stevens, mais le fait qu'il connaisse aussi bien ma vie, qui, je m'en suis assurée, n'est jamais parue sur le net, me convainc sur ses propos. Et malgré la dernière enveloppe que m'a donné Isa, il faut tout de même que je gagne plus d'argent pour pouvoir m'assurer. C'est à ce moment que je comprends une petite faille.
- Vous avez parlé de pistage ?
- Votre mission exige également que vous trouviez la personne, ou plutôt l'intrus, qui en voudrait à Jonathan et que vous la rameniez. Cela peut être n'importe qui, un professeur, un élève, en passant par le concierge ou même une dame de cantine. Tout le monde peut être suspecté.
- Et comment savez-vous qu'il y aurai un espion dans le lycée ?
- Nous savons de source sûre que quelqu'un lui en veut. Le seul moyen de parvenir à lui est par le biais du lycée, comme nous voulons le faire avec vous, m'explique-t-il.
Je réfléchis une nouvelle fois à la proposition, et demande un temps de réflexion avant de donner une réponse.
- Je veux que vous me la donniez demain matin au plus tard, m'ordonne-t-il.
Il me donne le contrat afin que je l'examine plus en profondeur, ainsi que sa carte de visite sur laquelle sont inscrits son nom et son numéro de téléphone, sans profession aucune. Mais je sais déjà ce que je vais faire : me renseigner sur sa personne, étudier le contrat, et lui donner directement rendez-vous au poste pour le mettre au courant de ce que je vais décider suite aux résultats de toutes ces recherches.
***
Arrivée à mon appartement, j'allume directement mon ordinateur. En attendant qu'il démarre, je vais me chercher de quoi manger et une grande tasse de café. Il est déjà tard, et je sens que ma soirée va être longue. Contrairement à ce qu'on peut penser, ce n'est pas si simple de rechercher quelqu'un sur Internet, et ce Stevens n'a pas vraiment l'air de traîner sur les réseaux sociaux.
Je m'installe donc sur ma chaise et commence à chercher tout ce qui peut correspondre à « John Stevens ». Au moment de voir les résultats, je tombe dénue et manque de m'étouffer avec mon café.
- 156 358 011 résultats !
C'est vrai que je suis habituée à retrouver des gens, mais le plus souvent je me contente de les suivre dans des lieux qu'ils ont l'habitude de fréquenter, où de retracer de faux « John Smith ». Mais entre les blogs sur un chanteur, les sites de fans d'un sportif et ceux d'un célèbre musicien, mon John va être long à retrouver.
Plusieurs heures sont passées depuis le début de mes recherches. Il est maintenant 03h47 et je dois avoir avalé huit ou neuf cafés pour rester éveillée, mais je tiens. Je ne dors naturellement pas beaucoup alors me coucher tard ne me dérange pas. Soudain, je tombe sur un site assez peu commun puisqu'il n'est inscrit aucun lien sous le résultat. Curieuse, je clique dessus et mon écran devient aussitôt noir, comme si un virus venait de bloquer mon ordinateur. Passant la plupart de mon temps sur celui-ci lorsque je ne travaille pas dehors, je suis devenue spécialiste des virus quels qu'ils soient.
Je fais quelques manipulations afin de récupérer ma page Internet, quand un message s'affiche : « Identifiant et mot de passe ». Je clique sur OK,et comme le cadre l'avait affiché, deux espaces blancs apparaissent pour y entrer les données. Assez sûre de moi, je continue mes manœuvres pour pirater le compte, ce qui, je l'avoue, me donne du fil à retordre, mais j'y parviens après seulement quelques minutes d'effort et d'attente. Là, une nouvelle page s'ouvre, et je vois apparaître la photo de mon fameux John Stevens.
- Je te tiens.
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Hey !
Voici le tout premier chapitre ! Alors, qu'a trouvé Alice à votre avis ?
A bientôt !
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