chapitre 11

La confrontation avec son père avait laissé Barty dans un état de confusion et de rage pure. Après des années de silence, après des années à nourrir des questions sans réponse, il venait de recevoir la vérité qu'il n'était pas prêt à affronter. La douleur était physique, cruelle, presque insupportable. Mais il ne voulait pas de réconfort. Pas ce soir-là.

"Je veux être seul," avait-il insisté, sa voix cassée, son regard fuyant.

Evan, bien que profondément inquiet, n'avait pas su quoi répondre. Il avait voulu l'arrêter, lui dire qu'il n'était pas seul, mais il avait vu la détermination dans les yeux de Barty. Il avait compris que son ami avait besoin de se confronter à sa douleur à sa manière, même si ça signifiait être seul avec elle. C'était une décision qu'Evan respectait, bien qu'il en ait profondément souffert.

"Je vais chez moi," avait répété Barty, avec une assurance tremblante.

Evan n'avait pas insisté, bien qu'il eût le cœur lourd. Il avait vu Barty disparaître dans la nuit, ses pas pressés, sa silhouette fragile, presque invisible sous la lueur des réverbères. Il avait fermé la porte derrière lui, mais l'angoisse était restée avec lui, un poids qui s'était installé dans son estomac.

La nuit avançait, lourde et silencieuse. Evan se retrouvait sur le canapé, ses pensées tourbillonnant sans fin. Il n'arrivait pas à se détendre, son esprit ne cessait de revenir à Barty, seul dans son appartement. Evan savait que son ami avait trop de choses à digérer, qu'il ne serait pas capable de gérer tout ça tout seul. Mais, une fois de plus, il s'était retrouvé impuissant.

Puis, à 4h du matin, le téléphone d'Evan vibra sur la table basse. Un message vocal. Son cœur fit un bond dans sa poitrine. Il n'eut même pas besoin de voir qui l'avait envoyé. C'était Barty.

Evan appuya sur le bouton et tendit l'oreille. La voix de Barty était déformée par l'alcool, son ton vacillant et brisé.

"Evannnn... je... je suis... je suis tout seul ici... viens... viens me chercher, s'il te plaît..."

Evan se redressa en sursaut, une bouffée d'inquiétude l'envahissant immédiatement. Ce n'était pas normal. Ce n'était pas Barty.

Il appuya sur son écran pour voir la localisation partagée. Barty était à quelques kilomètres de chez lui, un peu plus loin dans un quartier qu'il ne connaissait pas bien. L'angoisse se transforma en panique. Evan n'hésita pas une seconde. Il enfila rapidement son manteau, attrapa ses clés, et monta dans sa voiture. Chaque seconde comptait.

En roulant à toute vitesse, les images de Barty, fragile et brisé, l'assaillirent. Evan n'arrivait pas à imaginer son ami dans cet état, seul, perdu, dans un endroit aussi sombre et reculé. Il roula pendant ce qui lui sembla être une éternité avant de trouver l'immeuble de Barty. Là, au coin de la rue, il stationna et descendit rapidement de la voiture.

Le bar où Barty semblait être s'élevait devant lui, une lumière tamisée filtrant à travers les fenêtres sales. Il entra sans réfléchir, la porte grinçant sur ses gonds, et repéra immédiatement Barty, assis seul au comptoir. Il avait l'air encore plus vulnérable que d'habitude, son regard flou, sa tête légèrement baissée.

"Barty," appela doucement Evan en s'approchant. Il s'arrêta juste derrière lui, le coeur battant la chamade. "Qu'est-ce que tu fais ici, tu es ivre."

Barty leva lentement la tête, le regard égaré, les lèvres tremblantes. Il l'observa un instant, puis un faible sourire se dessina sur ses lèvres, mais il ne dit rien. C'était comme s'il l'avait attendu, mais ne savait plus quoi dire.

"Je suis désolé... je... je voulais juste... je voulais juste te voir. T'es là maintenant."

Evan se pencha en avant, posant une main ferme sur son épaule pour le stabiliser. Il pouvait sentir la chaleur de l'alcool qui suintait de sa peau, sa respiration trop rapide.

"Allez, on rentre," dit Evan d'une voix douce mais ferme, son cœur serré. "Tu es trop ivre pour être ici, et je vais te ramener."

Mais avant qu'il ne puisse faire un pas, Barty tourna légèrement la tête vers lui, un regard mêlant confusion et désir.

"Evannnn... je veux t'embrasser." La voix de Barty était faible, presque un chuchotement, comme s'il cherchait la réassurance dans ses paroles. "Je veux que tu m'embrasses, maintenant."

Evan sentit un frisson traverser son corps. La situation était tellement chargée d'émotions contradictoires. Il avait envie de le prendre dans ses bras, de le rassurer, de lui offrir tout ce dont il avait besoin. Mais il savait que ce n'était pas le bon moment. Pas comme ça.

"Non, Barty," répondit-il doucement, mais fermement, en détournant légèrement son regard. "Pas comme ça. Tu es trop ivre. Je te promets qu'on en parlera quand tu seras sobre, et si tu en as toujours envie, on le fera alors. Mais pas maintenant, pas dans cet état."

Barty sembla hésiter, ses yeux cherchant à percer l'obscurité. Il lâcha un petit soupir, comme s'il était déçu, mais il ne protesta pas. Il se laissa guider par Evan, qui l'aida à se lever, son bras autour de ses épaules pour le soutenir. Ensemble, ils quittèrent le bar, et Evan l'aida à marcher jusqu'à sa voiture.

De retour chez Evan, Barty était épuisé, son esprit brisé par les événements de la nuit. Il se laissa tomber sur le canapé, sans un mot, comme un poids mort. Evan s'occupa de lui : il lui donna une cuvette à proximité et un verre d'eau pour le déshydrater. Il savait que le matin allait être difficile, mais pour l'instant, tout ce qu'il pouvait faire, c'était être là.

La nuit se déroula dans un silence lourd. Evan s'endormit sur un fauteuil , gardant un œil attentif sur Barty. La culpabilité le rongeait encore, mais il savait qu'il avait pris la bonne décision, même si cela lui brisait le cœur.

Le lendemain matin, les rayons du soleil perçaient timidement à travers les rideaux, et Evan se leva en premier. Il se dirigea vers la cuisine, se préparant un café pour se réveiller. Il avait du mal à effacer l'image de Barty, fatigué et perdu, dans sa tête.

Quelques minutes plus tard, Barty émergea de la chambre, les cheveux en bataille, ses yeux encore lourds de sommeil et d'alcool. Il s'approcha de la cuisine, se traînant comme un zombie.

"Alors..." commença Barty, la voix encore rauque, mais pleine d'espoir. "Je peux t'embrasser maintenant que j'ai décuvé ?"

Evan, surpris par cette question directe, laissa échapper un petit rire. Il se tourna lentement, un sourire amusé aux lèvres.

"Tu es pressé, hein ?" dit-il en s'approchant. Il prit doucement le menton de Barty, le guidant vers lui. "D'accord, maintenant que tu es sobre..."

Leurs lèvres se rencontrèrent alors dans un baiser long et empli d'une douceur inattendue, comme si tout ce qui était non-dit entre eux venait d'être exprimé dans ce simple geste. Barty, emporté par l'instant, enroula ses bras autour du cou d'Evan, se pressant un peu plus contre lui, ses yeux fermés, sa main frôlant la joue d'Evan.

C'était le début d'autre chose. Un moment qu'ils n'oublieraient jamais.

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