Chapitre 6
Dois-je effectivement me méfier de Miss Green Apple ? Puis-je seulement faire confiance à un chat qui parle ? Je m'assois à la table de la cuisine. J'observe en silence la grenouille découper des fleurs et des herbes qu'elle mélange dans une sorte de petit chaudron. Elle ajoute un liquide d'une couleur rougeâtre, qui au contact des plantes émit une petite flamme verte émeraude et une odeur nauséabonde qui me força à poser une main devant mon nez et grimacer. Quelle odeur putride.
-Qu'est ce que c'est ? Cela sent si mauvais.
-De la bave de Flammeaile Étincelante. Avant que tu ne me poses la question, c'est une créature qui vit dans les forêts. On la trouve surtout dans la forêt de Henki. Elle a la fabuleuse capacité de voler à la vitesse de la lumière tout en laissant une traînée d'étincelles derrière elle. Elle est connue pour sa beauté éblouissante et son esprit bienveillant. Mais aussi la puanteur de son haleine. Une sorte de lapin ailé au allure de dragon. Dans mes souvenirs, elle a un pelage plutôt doux et duveteux. Assez soyeux, sans aucun doute. Ses ailes sont majestueuses et changent de couleur selon les époques. Ses oreilles sont très longues et permettent de percevoir le moindre bruit sur quelques mètres. La Flammeaile Étincelante à la capacité de briller dans le noir et de se défendre par le feu. Ce qui arrive rarement, c'est un animal pacifique. Sa bave à la capacité de révéler.
-Quel genre de révélation ?
-Les sortilèges. Les maladies, vous avez l'embarras du choix. Elle se tourne alors vers moi, sans que je m'y attende, elle me jette au visage une espèce de poudre qui devient visqueuse au contact de ma peau. Cette dernière semble me ronger la peau, me piquer. Des larmes me viennent aux yeux. Je me frotte le visage pour tenter, en vain, de me défaire de la substance. Soudain, l'impression s'est comme retirée, tout est redevenu normal. J'ouvris les yeux que j'avais fermé dans la panique et la douleur. Miss Green Apple écarquille les yeux et semble se gonfler comme un ballon. Je mets un temps à réaliser que je suis entourée d'une fine lueur bleue turquoise aux accents argentés. Mon petit collier lévite au niveau de mon cou. Je le prends alors dans ma main et le serre. Est-il ensorcelé ? Est-ce lui qui m'a donc conduit ici ? Une nouvelle panoplie de questions s'empare de moi.
Je me sens comme remplie d'une nouvelle énergie. L'impression est je dois dire tout à fait nouvelle et étrange. Je ressens des picotements dans le bout de mes doigts.
-Nous connaissons l'origine du maléfice. Dit-elle avec un sourire dans le coin. Voulez vous bien retirer votre collier ?
-Je ne suis pas sûre que. . .
-Vous voulez bien rentrer chez vous, il me semble. Le seul moyen que vous retrouviez la mémoire est de briser les sortilèges. Donnez-moi votre bijou, je vais en faire mon affaire. Je n'en ai que pour quelques minutes.
Je passe une main dans mon cou et décroche le bijou qui m'avait été offert par ma grand-mère. Je regarde le bijou scintiller entre mes mains. Les paroles du chat me reviennent en mémoire. Ne pas faire confiance à cette sorcière. Et si il avait raison ?
Je ne pense pas que mon bijou soit ensorcelé. Loin de là.
La grenouille fond sur moi et m'arrache le bijou de mes mains avant de le lâcher, en poussant un croassement de douleur. Je rattrape le bijou, une fois ce derrière par terre. Je le fourre dans ma poche.
-Merci, pour tout mais je crois que je vais y aller !
Je me précipite vers ma sacoche.
-Sale petite ingrate ! s'exclame-t-elle. Elle pointe ses mains vers moi, une sorte de fluide s'élance à toute allure vers moi mais je l'esquive. J'attrape ma cape et mon sac et fuis. Alors que la grenouille recommence ses attaques.
-Reviens ici ! hurle-t-elle.
Je ne perds pas une minute et m'enfonce dans le village, je slalome entre les habitants. J'en bouscule certains au passage qui proteste. Mais je ne prends pas le temps de m'arrêter pour les aider. Je ne préfère pas me retourner de peur de lui faire face encore une fois. Je m'arrête seulement de courir quand j'eus atteint la lisière de la forêt. Sans réfléchir je m'enfonce de dans. Et cours de nouveau, l'adrénaline me donne la force de courir toujours plus loin. Je m'arrête seulement lorsque la cité n'est plus dans mon champ de vision.
La respiration sifflante, le cœur qui s'emballe, je m'écroule au pied d'un arbre. Quelle course. Je suis à bout de force. Les larmes me piquent les yeux pourtant, aucune ne daigne couler sur mes joues sûrement rouges d'effort.
Je serre mon sac contre ma poitrine. Je suis certaine que mon professeur de sport aurait été ravi de ma performance. J'en ai pas au ventre, sur le point même de vomir.
Il me faut quelques minutes pour reprendre un souffle normal. Je sors de ma poche mon collier et l'observe minutieusement. Elle semblait absolument vouloir l'obtenir. Est-ce donc là une certaine forme de magie ? Est-ce une pierre créée par la magie ? Façonnée, sculptée par les plus grands magiciens de ce monde ? Ou est-ce tout simplement quelque chose d'inattendu ? Une clé par exemple. Je l'attache, tout en prenant bien soin de le cacher sous ma tunique. J'enfile ma cape car l'air est frais.
Qu'est ce que je fais maintenant ?
Je remarque que la nuit tombe. . . Et me rappelle tout aussitôt, ce que cette grenouille m'avait indiqué. Sur quelle genre de créatures monstrueuses vais-je tomber ? Je dois me trouver un abri pour la nuit. Mon niveau de survie est bien bas je le crains. Je dégote mon couteau de mon sac. Je ne suis pas certaine qu'il me serve à quelque chose si je me fais attaquer. Mais au moins j'ai quelque chose pour me défendre. Je ne sais même pas où aller, dans quelle direction me rendre.
Je me relève, le cœur qui bat encore assez vite dans ma poitrine, et mes jambes flageolantes. Je me mets à marcher toujours tout droit afin de m'éloigner de la cité et de cette sorcière. A l'avenir, je dois rester sur mes gardes et éviter de donner trop facilement ma confiance à des inconnus. Je dois trouver ce magicien, Iaso, si mes souvenirs sont bons. Il reste à savoir si cette personne pourra réellement m'aider.
Je marche sans savoir où je vais. Mais la tombée de la nuit et l'obscurité qui s'est installée m'empêchent d'aller plus loin. Par le plus grand des hasards, je découvre un creux dans un arbre. J'ai juste la place pour m'y engouffrer et me mettre à l'abri. Je serre ma cape contre moi. tout en gardant mon couteau à portée de main.
Je commence à avoir les paupières lourdes. Cependant je suis trop terrifiée pour pouvoir dormir sereinement. Je pense que la nuit va être très longue, surtout en compagnie des joyeuses petites bestioles qui hantent cette forêt. Je viens de serrer le couteau contre ma poitrine. Moi qui rêvais d'aventure, je crois bien que l'envie m'est bien passée. Comme j'ai hâte de retrouver le confort de l'internat, pensais-je avec ironie.
Il fait si sombre et si froid. Cela me donne un vague souvenir d'une soirée de biwak en pleine montagne, lorsque j'étais petite. Je me souviens de cela comme si c'était hier, je devais avoir treize ans, c'était en colonie de vacances en Juillet. Nous avions monté le camp près d'un petit lac pour pouvoir admirer le levé du soleil sur les massifs. Nous avions fait un feu de camp après avoir monté les tentes afin de pouvoir faire griller des chamallows. Le problème est qu' à la nuit tombée, le changement de température avait été radical. Même à trois sous la tente nous avions eu très froid, au point de ne pas bien fermer l'œil de la nuit.
Un véritable ballet d'ombres dans l'obscurité de la nuit. La forêt s'éveille d'une symphonie presque mystique. Les arbres centenaires, aux troncs noueux et aux feuilles scintillantes, se dressent comme des sentinelles silencieuses sous le ciel étoilé. Les arbres se balancent au gré du vent. Ils font grincer leurs branches et leurs cimes semblent caresser la voie lactée, créant un tableau d'apparence surnaturel de lumière et d'ombre. La lueur argentée de la lune traverse les feuillages denses, et projette des motifs dansants sur le sol moussu. Des lucioles commencent à apparaître et scintillent comme des diamants suspendus dans l'air, ajoutant une touche de magie à la scène. Je n'en ai jamais vu autant. Le vent semble murmurer des louanges à travers les feuilles. Et participe, ainsi, à la création d'un concert mélodieux, qui semble calmer et bercer la forêt dans une tranquillité rêveuse. Des silhouettes furtives se déplacent dans l'ombre, leurs yeux brillent dans l'obscurité. Ces éclats lumineux percent le voile de la nuit, ils luisent comme des étoiles perdues dans l'immensité de l'univers. Des êtres lumineux flottent doucement entre les arbres, et laissent derrière eux de curieuses traînées de lumière éthérée de couleur blanchâtre. Le hululement lointain d'un hibou ajoute une note mystérieuse à la symphonie nocturne de la forêt.
La chair de poule me parcourt, je reste muette devant ce spectacle. Je sais pas si c'est à cause de l'admiration ou de la peur, mais je reste estomaquée. En fai un véritable sentiment de sublime m'envahit lentement. Un mélange d'émerveillement et de terreur sont plutôt les termes. Ces derniers me coupent le souffle.
Cette forêt est un lieu de mystère et de merveille, chaque arbre semble comme abriter un esprit ancien, un sylvain ou je ne sais quelles autres créatures qui auraient pu sortir tout droit d'un film d'animation japonais. Chaque brise pourrait porter un sortilège. C'est un monde où la magie est aussi réelle que l'air que l'on respire, palpable dans chaque bruissement de feuilles et chaque éclat de lumière que je peux percevoir de mes yeux fatigués, qui ne tarde pas à se fermer.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top