Chapitre 25
- Si tu veux bien me suivre.
Je me lève et m'approche.
-Je vous suis .
Il incline légèrement la tête, une posture de courtoisie parfaitement maîtrisée, avant de se tourner vers la porte.
Le couloir me semble soudainement plus long, presque infiniment silencieux. Seuls nos pas résonnent sur le marbre poli. Iaso avance sans hâte, son manteau glissant derrière lui comme une traînée d'ombre, ses pas discrets mais mesurés. Il ne parle pas, ce qui renforce l'atmosphère étrange qui l'entoure. Je n'ose rompre le silence. Il a cependant quelque chose de doux dans sa manière d'être. J'espère qu'il sera vraiment en mesure de m'aider à retourner d'où je viens...
Nous montons un escalier, avant d'atteindre enfin une porte. Nous pénétrons dans une salle circulaire bordée de colonnades élégantes et un plafond en coupole à caissons. Un petit puit de lumière offre à la pièce une douceur. Je m'arrête un instant, laissant mes yeux s'habituer à cette luminosité tamisée qui baigne la salle. Chacun des détails de cet espace semblent avoir été minutieusement réfléchi et agencé, comme une scène d'un rêve que l'on souhaiterait préserver. Les murs sont décorés de portraits qui semblent anciens. Il y a même une tapiserie représentant je ne sais quelle scènes de mythologies ou peut-être bien historiques. Mais quoi qu'il en soit, tout semble lointain comme si le temps lui-même hésitait à passer ici.
Iaso s'avance sans parole. Son attitude est calme et assurée, son regard scrutant les moindres recoins de la salle pendant quelques secondes. Il semble en parfaite osmose avec cet environnement presque intemporel. Il s'approche du bureau et prend place derrière ce dernier dans un grand fauteuil rouge. Il claque des doigts. Apparaît alors un fauteuil
-Je t'en prie Elisabeth, prend place.
Je m'exécute.
-Explique moi tout, j'ai déjà eu échos de beaucoup de choses . Mais je veux entendre l'histoire de ta bouche.
-Je vous préviens ... C'est un peu paraître étrange.
-Il n'y a rien d'étrange. Parles. Je t'écoute et ne mets aucun détail de côté.
Je lui raconte tout. Dans les moindre détails . Son expression ne change pas . Il n'a pas l'air d'être surpris par tout ce que je lui dis . Je conclus enfin mon récit.
-Et me voilà... Bloquée dans ce monde que je ne connais pas... Pouvez vous m'aider à rentrer chez moi ?
Il se frotte le menton tout en me fixant.
-Je ne peux pas.
-Quoi ? Mais pourquoi ? on m'a dit que vous pouviez m'aider...
Il lève sa main pour me couper.
-Puissant oui, mais pas un dieu. De toute façon, si tu t'es retrouvée à Afetis... C'est qu'il y a une bonne raison. Tu dois être liée à nos terres.
Il se lève et tourne autour de moi.
-Seul ce collier pourrait éclaircir la raison de ta venue.
-Mais on me l'a volé !
-Qui ?
-Zaiden ... Il nous a trahi. Il est du côté d'Aeschylus.
Il laisse passer un soupir.
-Le seul moyen de tout comprendre est de récupérer ce collier. Comprendre pourquoi Aeschylus est tant obsédé par ce dernier
Iaso se redresse. Ses yeux fixent intensément le vide comme si les réponses se dessinaient dans l'air autour de nous. Il se détourne un instant, comme absorbé par ses pensées. Il fait quelques pas en silence puis il se penche vers le bureau. Il ouvre un tiroir en bois sombre et en sort un petit objet. Une sorte de médaillon. Il enroule la chaîne d'or autour de sa main et s'avance vers la fenêtre.
- Cela ne va pas être simple, déclare t-il, tout en observant le médaillon.
Il fait disparaître le médaillon. Il s'approche à nouveau de moi.
-Puis-je te demander ton âge exact ?
- J'ai 19 ans.
Il se frotte à nouveau le menton tout en prenant place dans son fauteuil.
-19 ans. Bien, bien. . .
-Qu'avez vous en tête ?
-Voilà, dix neuf longues années que mon cher frère benjamin a pris le pouvoir et qu'il fait régner la terreur.
-Aeschylus est votre frère ?
-Pour mon plus grand malheur, oui.
-Mais qu'ai je donc à voir avec tout cela ? Qu'est ce que vous insinuez ? Qu'est-ce que vous ne me dîtes pas ?
-Ce collier, à quoi ressemblait-il ?
-Une pierre bleue. Ou plus particulièrement une sorte de pendentif en forme de cœur. Une pierre turquoise avec des reflets blancs.
-Je vois.
-Vous ne m'avez toujours pas répondu. Je vais donc réitérer ma question autrement. Pourquoi suis-je arrivée ici ? Pourquoi Aeschylus voulait mon collier ?
- Parce que, Elisabeth, tu n'es pas simplement une visiteuse ici. Je n'arrive pas à déterminer de quel peuple tu proviens.
Il se rapproche de moi, ses yeux perçant me fixe. Il semble presque lire mon âme. Mal à l'aise, je m'enfonce dans le fauteuil.
Il recule et marche vers la fenêtre. Son regard est perdu dans le vide.
- Ta présence dans ce monde n'est pas un hasard.
Le silence qui s'installe est lourd, presque palpable. C'est comme si une vérité qu'il n'ose formuler flotte dans l'air. Je peux sentir l'inconfort croissant dans la pièce. Les questions affluent dans mon esprit et brûlent sur mes lèvres, mais je n'ose les poser
Il finit par se tourner lentement. Son comportement est semblable à un individu qui revient d'un lointain voyage intérieur. Il s'assoit.
- Afetis... commence-t-il, sa voix basse et pleine de gravité. Afetis est un royaume unique. Ce n'est pas un simple territoire à gouverner. Elle est loin d'être une nation comme les autres. Afetis est une sorte de carrefour, un lieu où les chemins des peuples convergent. Ces peuples... tous viennent d'endroits différents. Tous ont été divisés par des guerres sanglantes, des différends. Ils ont tous connu la paix et les âges d'or. Nous avons tous un passé commun. Les afetisiens sont nés de l'ère du feu. Ils ont créé Afetis et ils se sont divisés en clans. Il y a eu de nombreux combats, de nombreux traités. La paix était enfin de retour sous le règne de mon aîné, le roi Celeborn et de son épouse la reine Velia. Mais voilà qu'Aeschylus a tout brisé.
Je l'écoute attentivement. Cependant une grande partie de ce qu'il raconte reste flou.
- Les frontières d'Afetis ne sont pas comme celles des autres mondes, continue t-il. Les routes se croisent et se séparent selon le temps. C'est un lieu de rencontre. Ou du moins cela l'était. A présent c'est une terre où les peuples doivent s'affronter et se défendre fae à une menace bien plus grande qui est le règne d'Aeschylus. Chaque individu, chaque groupe, chaque famille, est un lien, un nœud qui permet une unicité. Et toi, Elisabeth...
Il marque une pause, et je vois une lueur de doute passer dans ses yeux, comme si ses pensées étaient en train de se reformuler. Je frémis à cette idée
- Et toi, Elisabeth, il semble que tu fais partie, toi aussi, de ce lien. Cependant, toi... Tu n'es pas comme les autres, je... Il s'arrête, se frottant le menton, comme s'il voulait éviter de me dire ce qu'il pensait vraiment. Je t'ai dit que ta présence ici n'est pas un hasard. Mais je commence à avoir des doutes sur l'origine exacte de ta venue.
Il détourne les yeux, à l'évidence gêné par ce qu'il a laissé échapper. J'ai l'impression qu'il cache quelque chose. Iaso reprend.
- La division des peuples, leur histoire, les alliances et les conflits qui en découlent, tout ça crée des déséquilibres. Et Aeschylus joue sur cela en partie ... il cherche à faire à diviser pour mieux régner. La disparition de nos souverain est le plus grand des mystères dans tout cela. Je pense sincèrement que tu es intimement lié à cela. Ton collier était sûrement une relique.
-Mais, pourquoi moi ? Pourquoi ce collier, pourquoi ma présence ici ? Je ne suis qu'une simple humaine, d'un monde que vous ne connaissez même pas.
Je porte ma main à mon cou, dans un geste réflexe pour tenter de saisir mon collier comme j'avais l'habitude de faire. Bien sur ce geste est infructueux, pour occuper mes mains je joue avec l'ourlet de mes manches
-Tu n'es pas simplement une visiteuse, Elisabeth. Je peux t'en assurer. Ce collier...tu dois absolument le récupérer. Il ne s'agit, là, plus qu'un simple bijou. C'est sûrement un lien. Il est la clé qui te relie à Afetis. Mais quelle genre de clé, nous devons le découvrir. Si tu veux revenir chez toi. Tu dois d'abord comprendre d'où il provient. Retrouver ce collier est la première étape.
Il se lève pour une énième fois.
-Aeschylus a dû comprendre que c'est une relique. Qui soi disant passant possède forcément une puissance. Sinon pourquoi serait-il obsédé par ce collier. Il sait que, s'il parvient à le réunir avec ce qui lui manque, il pourrait obtenir probablement la soumission de tous et détenir le pouvoir. Plus rien ne pourrait l'empêcher.
Je n'arrive pas à comprendre. Tout me semble tellement confus, comme un rêve dont les bribes s'échappent dès que je tente de les saisir.
Iaso se lève lentement, ses yeux s'intensifiant à mesure qu'il réfléchit. Il semble peser ses mots avec soin avant de se tourner vers moi.
-Il y a un événement qui se profile, Elisabeth. Un bal, un rassemblement des familles les pus importantes, se tiendra dans quelques semaines à Temarlys notre capitale royale.C'est un bal somptueux où il est possible d'approcher de plus près Aeschylus. C'est l'occasion idéale pour toi de récupérer ton collier.
Je le fixe, répétant les mots qu'il venait de prononcer.
-Mais comment vais-je pouvoir l'approcher ? Je n'ai aucune place ici, aucun nom important, aucune influence pour entrer dans ce bal. Comment pourrais-je retrouver mon collier dans un bal aussi fastueux ? Surtout que ses sbires seront aux quatre coins du palais. Il me reconnaîtront sans aucun problème. Surtout Zaiden.
Iaso demeure silencieux comme s'il pèse soigneusement la situation dans laquelle nous sommes. Il reprend la parole avec une lueur de détermination dans son regard.
-Il y a toujours un moyen, Elisabeth, dit-il d'une voix ferme. Il y a toujours une autre route. Ce bal ne sera pas seulement une occasion pour Aeschylus de se montrer et de démontrer son pouvoir. Ce sera aussi un lieu où les alliances vont se forger. Des accords secrets vont être conclus. Les traîtres sortiront de l'ombre. Si tu veux récupérer ton collier, tu vas devoir t'infiltrer, et pour cela, tu auras besoin d'une couverture.
Je le regarde, perplexe.
-Une couverture ? Et comment ? Je n'ai aucune expérience dans ce genre de... manipulation.
-Il n'y a pas besoin d'avoir une quelconque expérience de manipulation. Ce que tu vas avoir besoin de faire est de jouer un rôle . Avoir une capacité à t'adapter, à t'intégrer sans éveiller les soupçons. Et tu ne seras pas toute seule. Tu seras sous ma protection et celle de Rainn . Tu n'as pas besoin de nom, ni de titre, Elisabeth. La réputation peut se créer en un seul instant, surtout si l'on connaît les bonnes personnes. dit-il avec un sourire malicieux.
Il marque une pause, son regard se durcit, et il s'approche un peu plus.
-Tu deviendras la fille d'un seigneur influent d'une région voisine. Je peux arranger cela. Mais il faudra être prudente. Tu ne dois pas dévoiler tes intentions trop tôt. Chaque geste, chaque parole sera importante. Si tu veux récupérer ce collier, tu dois être à la fois discrète et audacieuse mais surtout courageuse. Aeschylus n'est pas un simple tyran, c'est un stratège. Ceci dit, tu ne peux pas te permettre la moindre erreur.
Je baisse les yeux sur mes mains. Mes battements de cœur s'accélére, et tape dans ma poitrine comme un tambour à mesure. L'idée de m'aventurer dans un monde aussi complexe, aussi hostile, m'effraie. Je n'aurais jamais pensé que cela arriverait. Malgré tout, l'idée de retrouver mon collier, de comprendre ma place dans tout cela et de prendre connaissance de pourquoi je suis ici, me pousse à avoir un peu de courage.
-Et Zaiden... Que faire de lui ? Il sait qui je suis, il sait ce que je représente pour Aeschylus. Comment échapper à ses yeux ?
-Zaiden n'est pas invincible. Il a des faiblesses. Il a trahi sa propre famille, Elisabeth. Les trahisons, tôt ou tard, laissent des traces. Nous les utiliserons contre lui. Pour le moment, il faut que tu te concentres sur une chose à la fois : obtenir ton collier. Après, nous trouverons un moyen de gérer Zaiden, et peut-être même d'affaiblir Aeschylus.
-Je comprends, murmurai-je. Je vais essayer de le faire.
-Tu ne vas pas essayer. Tu vas le faire et réussir.
-Mais... je ne sais pas si je suis prête pour cela.
Iaso incline légèrement la tête, un léger sourire aux lèvres, presque imperceptible.
-La préparation est parfois inutile, Elisabeth. L'important, c'est d'agir. Et je sens que tu es capable de le faire. Nous n'avons pas de temps à perdre.
Il me tend la main, une offre silencieuse. J'hésite un instant, puis l'accepte. Ses yeux plongent dans les miens. Une minute silencieuse s'établit. Il me cache quelque chose. Quoi? C'est une grande question à laquelle il ne répondra pas
-Prépare-toi. Tout commence maintenant.
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