Chapitre 14

L'aube se lève tranquillement sur le village de Teintan. Soudainement tout s'anime. Je regarde depuis la fenêtre les elfes s'agiter. Ils portent des caisses dans une charrette. Certains préparent les chevaux. Je vois Camus seller Achille, Arasel non loin.

J'ai enfilé ma tunique que Nonna avait pris soin de nettoyer. Je prends ma sacoche et passe la lanière par-dessus mon épaule de façon à ne pas la perdre. J'attache mes cheveux dans une queue-de -cheval basse. Je descends. Nonna est aux abonnés absents. Je m'approche d'Arasel.

-Prête ? me demande-t-il.

-Oui. Je crois.

-Tu vas t'y faire, ne t'inquiète pas.

-Que faites vous avec cette cargaison ?

-Nous devons passer par une zone sensible... Nous allons devoir faire un petit jeu de rôle, tu verras.

-Une zone sensible ? Comme dans une zone de guerre.

Il lâche un petit rire.

-On peut dire cela comme ça. Disons que AEschylus a quelques sbires dotés de bien peu d'intelligence. Ils sont très facile à tromper. Mais ne te fais pas de soucis pour cela.

Mélione et Sitara arrivent.

-Nous sommes prêts. Indique Mélione.

-Parfait.

Nonna arrive avec un grand panier.

-Vous allez avoir besoin de ces vivres.

-Oh Nonna, il ne fallait pas, nous aurions pu nous débrouiller. déclare Sitara.

-Moi, ça me va très bien. répond Calion qui venait d'apparaître derrière nous.

-Vous passerez le bonjour à Amara.

-Bien sûr Nonna. assure Mélione.

Amara doit être la fille de Nonna. Enfin, je suppose. Je me rappelle avoir vu un portrait de cette dernière dans la chambre où Nonna m'avait permis de rester.

Rainn arrive et le silence se fait, tout le monde s'arrête et semble attendre ses ordres.

-Des nouvelles d'Aramis ? questionne-t-elle.

-Non. lui répond Arasel, je suppose qu'il est allé de lui-même vers Combaist.

Elle ne répond pas et s'éloigne en compagnie de Mélione.

-Qui est Aramis ? demandais-je à l'intention de Calion.

-Il est le petit frère de Rainn. Un garçon un peu bizarre. Enfin, je ne le connais pas bien.

-Nous allons bientôt partir. annonce Arasel.

-Faites attention, vous n'êtes jamais à l'abri, AEschylus est partout. Il voit tout et entend tout.

-Nous le savons trop bien, Nonna. Mais je t'assure que nous serons. Je t'enverrai une flamme, dit Calion.

Il se tourne vers moi.

-Tu peux t'asseoir à l'arrière de la charrette, m'indique t-il.

Camus conduit quatre chevaux auprès de Calion, Mélione, Sitara et Naseria. Arasel monte Achille que Calion m'avait présenté la veille, tandis que Rainn monte Escalibur.

Rainn ouvre la route. Camus conduit la charrette tirée par deux grands buffles à la peau bleu nuit parsemée de taches noires. Je n'ai jamais vu de pareils bovins. Nonna et le professeur Hadeon nous saluent d'un geste de la main. J'ai un petit pincement au cœur. Je ne les connais pas depuis longtemps, mais je me suis déjà attachée à eux. Et me dire que je ne les reverrai peut être pas, rend mon coeur fragile

A la sortie du village de Teintan, nous avons rejoint un chemin déjà tout tracé qui longe un fleuve. L'eau semble avoir été colorée de nuances de vert et de bleu auxquelles s'ajoute de manière très gracieuse la lumière. Le paysage est parfait pour un peintre. Je déplie ma carte. Si j'en crois cette dernière, nous sommes en train de longer le fleuve Zelena.

-N'est ce pas dangereux d'être à découvert ? demandais je à Sitara.

-Nous sommes pas dans une zone à haut risque ici. Alors pour le moment tout va bien. Les endroits dangereux sont les passages de montagnes, la route vers Cuan-Geal lorsqu'on emprunte la route du fleuve Modra. C'est pour cela que nous allons devoir faire un long détour de trois à quatre jours les petites routes de Vanhae et la forêt Henki. Enfin, de toute façon, nous ne sommes en sécurité nulle part.

-Je vois.

Je serre mon petit collier dans ma main. Je demeure silencieuse. Le convoi avance lentement, les roues de la charrette crissant sur le chemin de terre. Une petite forêt se profile à l'horizon. Des arbres , qui par leur taille me font dire qu'ils sont centenaires, s'élèvent comme des gardiens silencieux. Comme une sorte de grand mur. Le soleil est maintenant haut dans le ciel. Nous entrons dans la forêt. Les rayons du soleil filtrent à travers le feuillage. Tout comme j'ai pu déjà le voir auparavant, un kaléidoscope de lumière et d'ombre se forme sur le sol. C'est beau. Très beau. Cela donne un certain charme à cette entreprise dans laquelle nous sommes..

Soudain, contre toute attente, un cri perçant déchire le calme. Rainn arrête Escalibur et lève la main, signe d'alerte. Tout le monde se fige, scrutant les environs, le moindre mouvement. Calion m'intime de me cacher sous un tas de tissus. De là où je suis je peux voir ce qu'il se passe grâce à un petit trou. Un groupe d'elfes armés surgit des buissons, leurs arcs tendus en direction du convoi. Ils sont tous vêtus de noir, je ne distinque pas leur visage à cause de capuche.

- Qui va là ? demande l'un d'eux, la voix méfiante.

- Des voyageurs en quête de passage sûr, répond Arasel d'une voix posée.

- AEschylus n'accorde pas de passage sûr, rétorque l'elfe.

- Nous ne sommes que des marchands, insiste Mélione, montrant le panier de Nonna qui à l'instant était tout près de moi.

Les elfes baissent leurs armes, mais restent sur leurs gardes. L'un d'eux s'approche, examinant la cargaison.Par chance, il ne pense pas à regarder sous les tissus lourds. Il hoche la tête, donnant le signal de laisser passer le convoi.

Le cœur battant, je me demande si cette ruse tiendra jusqu'à Cuan-Geal. Les mots de Nonna résonnent dans ma tête : "AEschylus est partout". Après un petit moment, je me retire de ma cachette. Mais je ne peux m'empêcher de regarder par-dessus mon épaule, craignant de voir des yeux malveillants nous suivre. Est-ce que ces elfes sont alliés à AEschylus ?

Après peut-être une dizaine de minutes, nous avons émergé de la forêt. Une chaîne montagneuse se dévoile à mes yeux. Je sens une présence à côté de moi. C'est Calion, qui me tend une petite fiole.

- Pour te donner du courage, dit-il avec un sourire.

Je prends la fiole, et remercie Calion d'un hochement de tête. La potion à l'intérieur scintille d'une lueur dorée. Je la range soigneusement dans ma sacoche, sachant qu'elle pourrait être précieuse dans les jours à venir. Pour le moment, je n'ai pas encore besoin de trop de courage. La chaîne montagneuse devant nous se dresse telle une barrière infranchissable, ses sommets enneigés touchant le ciel. Elle découpe le paysage comme de la dentelle. Nous empruntons alors un chemin qui devient plus escarpé, et les buffles peinent sous l'effort. Les roues de la charrette s'enfoncent dans la neige fraîche qui petit à petit commence à apparaître, laissant derrière nous une trace de notre passage éphémère. Pauvres bêtes, comme l'effort doit être dur pour elles.

- Si nous nous dépêchons, nous serons à Combaist avant la tombée de la nuit. Déclare Rainn.

- Nous devons être prudents, les avalanches sont fréquentes dans cette région, murmure Sitara.

Rainn hoche la tête consciente du danger. La montagne me semble vivante, chaque craquement de glace résonne comme un avertissement. Nous avançons en silence, le seul bruit étant celui de nos pas et le souffle des buffles formant de petits nuages dans l'air froid. Je serre ma cape contre moi.

Soudain, je distingue une silhouette qui se détache sur une crête au loin. Un jeune homme, vêtue d'une épaisse cape noire qui nous fait signe de nous arrêter. Il descend rapidement la pente pour nous rejoindre, son visage grave. Je peux mieux distinguer ses traits, fins, plutôt gentils mais qui restent très sérieux. Et... Et ses yeux, des yeux verts comme l'émeraude. Je les ai déjà vu.

-Aramis ? questionne Rainn.

- AEschylus a envoyé des éclaireurs, ils sont sur nos traces, annonce-t-il essoufflé.

- Combien sont-ils ? demande Rainn, la main sur la garde de son épée.

- Une demi-douzaine, mais ils sont bien armés, répond Aramis.

Rainn descend d'Escalibur.

- On doit se tenir près.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Ils forment rapidement un cercle avec leur chevaux autours de la charrette, préparant les armes et se tenant près à déclencher leurs sorts en tout genre. Les éclaireurs d'AEschylus apparaissent bientôt, je peux les voir leurs armures luisant faiblement sous le soleil hivernal de la montagne. Un combat semble inévitable. Je frissonne de terre. J'ai bien assez vu de combat depuis que je suis ici.

- Nous n'avons pas besoin de verser du sang aujourd'hui, intervient Calion. Utilisons la brume pour nous dissimuler et passer inaperçus.

Mélione acquiesce et commence à murmurer une incantation. Une brume épaisse commence à s'élever du sol, enveloppant le convoi. Sous la couverture de la brume, nous reprenons notre marche, espérant que les éclaireurs perdront notre trace. Je suppose bien évidemment que Mélione est une elfe dont le talent est la maîtrise de l'eau. Sitara par un geste léger de la main crée de petites tornades qui effacent toutes traces de notre passage.

Le dénommé Aramis s'assoit près de moi à l'arrière de la charrette.

Après une heure tendue, la brume se dissipe, et nous constatons avec soulagement que nous avons semé nos poursuivants. La tension retombe, et nous nous permettons un moment de répit pour reprendre notre souffle.

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