Aerys était fébrile. Toute sa vie avait changé du jour au lendemain. Rien ne lui semblait réel. Il y avait tout d'abord eu cette annonce. "Votre père est mort. Mon prince, vous êtes désormais le nouveau roi." Jaehaerys avait toujours été de santé fragile, mais le jeune homme n'avait pas pu croire tout de suite à la mort de son père. Il avait fallu qu'il le voie de ses propres yeux pour le croire. Il croyait que, une fois de plus, le roi s'en sortirait. Mais, cette fois, la maladie avait eu le dessus sur lui. Jaehaerys n'avait régné que trois ans. Cet homme qu'Aerys respectait et aimait profondément venait de mourir. Rhaella et Shaera s'étaient effondrées dans la chambre mortuaire, mais pas Aerys. Il n'en avait pas le droit. Il était désormais le nouveau roi. Il ne pouvait pas se montrer faible. Il avait fallu qu'il attende de rentrer dans ses appartements pour laisser éclater son chagrin. 

Il n'était pas sûr de vouloir de ce statut de roi. Il n'était pas sûr de pouvoir en assumer ses conséquences. Il n'était pas prêt. Il n'avait que dix-neuf ans. Il pensait que son père avait encore de nombreuses années de règne devant lui. Tout s'était enchaîne tellement vite, la mort,  l'enterrement, et puis maintenant le couronnement. Il répétait ses serments sans vraiment comprendre ce qu'il disait. Il était comme pris dans une transe dont il ne parvenait pas à sortir. Les personnes dans cette salle comptaient sur lui, il devait désormais les diriger et protéger le royaume. Il n'était pas sûr d'en être capable.

Rhaella était à ses côtés, grave, magnifique dans sa robe sombre. Sa reine-dragon. Elle avait toujours été là à ses côtés. Depuis le début. Il savait qu'elle ferait une bonne reine, même si elle n'avait que seize ans. Elle avait un aspect d'elle qui était si doux et si impitoyable en même temps. Rhaegar était à côté. On l'avait habillé spécialement pour l'occasion. Il avait du mal à tenir en place. En même temps, il n'avait que trois ans. Sa mère n'arrêtait pas de le rappeler à l'ordre. 

Aerys ne prit vraiment conscience de la situation qu'au moment où la couronne fut posée sur sa tête et où il entendit un :

"Longue vie au roi !"

Cette acclamation fut reprise dans toute la salle. Il se sentait bizarre. Il avait envie de vomir. Pourtant, il devait se contenir. Tous ces gens comptaient sur lui. Il prit alors une grande décision. Il serait un bon roi, et même le meilleur qu'il n'y avait jamais eu. Il s'en fit une promesse. 

***

Tywin fronça les sourcils.

"Aerys, tu es sûr de ta décision ?

-Oui. Je te veux à mes côtés pour gouverner. J'ai confiance en ton jugement."

Aerys connaissait Tywin depuis des années. Ils se connaissaient depuis des années, ils n'avaient qu'une année d'écart et ils avaient été écuyers ensemble. Tywin était l'une des seules personnes qu'Aerys considérait comme son amie. Il avait beaucoup de respect pour lui. A seulement dix-huit ans, celui-ci avait sauvé Castral Roc de la déchéance provoquée par son père, Tytos Lannister. Il avait maté les révoltes des Tarbeck et des Reyne, en écrasant les Tarbeck et en assiégeant la forteresse de Castamere. Les rhapsodes en tirèrent la chanson aussi triste que célèbre, "Les pluies de Castamere", qui symbolise ce qui arrive aux opposants de Tywin. Le jeune homme avait restauré l'ancienne puissance de la maison Lannister. 

C'est pour cela qu'Aerys le voulait comme Main du Roi. Si il voulait se démarquer des autres rois, il devait faire preuve d'initiatives et avoir des gens autour de lui en qui il pouvait avoir confiance. Aussi, il allait remplacer la plupart des membres du Conseil par des jeunes gens en qu'il connaissait et qui lui étaient fidèles. 

Tywin s'inclina profondément :

"C'est un honneur, mon roi.

-Ce n'est pas la peine de te montrer aussi formel. Je suis peut-être devenu roi, mais je n'ai pas tellement changé.

-Vous ne vous en rendez pas compte, mais c'est un fait. Vous ne serez plus jamais le même. Plus jamais. 

-Ce n'est pas vraiment ce que je souhaite. 

-C'est compréhensible mais...

-Père !"

Aerys n'eut que le temps de voir un bref éclat argenté avant de sentir quelque chose agripper sa jambe gauche. Il eut un petit sourire. Rhaegar le fixait de ses yeux indigos :

"Père, il faut que vous m'aidiez ! Mère veut m'attraper pour me gronder !"

Son père éclata de rire. Son fils parlait étonnement bien pour un enfant de son âge. En même temps il avait reçu la meilleure éducation possible depuis son enfance.  Il aimait énormément Rhaegar. Ce serait lui, le roi à sa mort. C'était son premier-né, son prince-dragon. 

Il devait devenir un homme dont Rhaegar pourrait être fier. Il serait un homme fantastique, sage et bon. Ce serait l'image qu'il laisserait dans l'histoire. Il le devait.